Comme ça fait longtemps que je n'ai pas pris de commande, je viens prendre celle de Cam.
Rendu max dans un mois
Merci ♡
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- Minahla (jusqu'au 14/10)Anciennes interdites
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1er OS
Un rayon de soleil tomba sur mon visage et me fit froncer les sourcils. Un bâillement m’échappa et je levai les bras pour m’étirer dans un froissement de draps. J’avais la bouche pâteuse et mon esprit encore cotonneux. C’était une sensation agréable que de se réveiller pleinement reposée après une nuit d’un sommeil réparateur. Puis j’ouvris les yeux et comme à chaque fois à mon réveil, les même pensées m’envahirent et une douce nostalgie résonna en moi. Voilà trois semaines que je m’étais réveillée du cristal dans lequel j’avais dormi sept longues années. Tellement de chose avait changé dans la garde et bien que tous les gardiens semblaient s’y être habitués, je ne me remettais que doucement de ces événements qui paraissaient s'être déroulés le mois dernier. Je ne pus empêcher mon esprit de rejouer les dernières scènes de cette bataille, le bruit du corps de Valkyon qui tombait, mon sacrifice, celui de Leiftan et toutes ces nouvelles que je n’arrivais pas encore à assimiler : le départ de Miiko, d’Ezarel… La porte de ma chambre résonna de vifs coups toquées avec entrain.
— Dia ! Allez réveille-toi !
— Mais je suis réveillée ! me défendis-je.
La porte s’ouvrit sur Koori qui prit largement ses aises en oubliant qu’elle n’était pas la propriétaire des lieux. Je me redressai avec mes cheveux ébouriffés comme les plumes de mes ailes blanches.
— Est-ce que je me trompe en devinant que tu étais en train de ruminer ? déclara Koori perspicace en s’asseyant sur le rebord du lot.
J’eus une moue ébahie, comment pouvait-elle deviner mes pensées ? La kitsune blanche éclata d’un rire malicieux et je la suivis, amusée par la spontanéité et la fraîcheur de ma nouvelle amie.
— Bon, fini la déprime, Mathieu nous attend pour le petit déjeuner.
Koori patienta dans la chambre pendant que je fis un brin de toilette dans la petite salle de bain privative avant de m’équiper d’une tenue pratique. Depuis une semaine environ, j’avais commencé un entrainement auprès d'Adalric. Les sessions de travail étaient difficiles mais je voyais mes efforts porter leurs fruits. Ensemble, nous rejoignions le réfectoire où, à une table, Mathieu ne nous avait pas attendu pour entamer les plats étalés devant lui.
— Bon alors, tu ne nous attends même pas ! se moqua la kitsune en rejoignant la table.
— Tout ça m’avait l’air beaucoup trop bon pour patienter.
— C’est pour Dia que j’ai préparé tout ça, expliqua Karuto en allant à notre rencontre. Tu as besoin de force pour ton entrainement.
— C’est vraiment trop adorable, souris-je, reconnaissante.
Sur la table, une dizaine de plateaux et bols avec différents produits et préparations : fromage blanc, bananes, chocolat, muesli de fruits, œufs brouillés et bacon fumant. L’appétit me vint tout de suite à la bouche et nous nous régalâmes. Je régulai toutefois ma gourmandise contrairement à Mathieu qui alla jusqu’à lécher les assiettes. Mieux valait ne pas trop se goinfrer avant un entrainement. Nous discutâmes un peu, le temps que Mathieu digère tout ce qu’il avait mangé puis chacun quitta la table pour vaquer à ses occupations quotidiennes. De mon côté, je me dirigeai vers les Jardins de la Musique, lieu de prédilection pour mes entraînements. Sans surprise, je n’y trouvai pas Adalric. Le sylphe n’était jamais à l’heure alors sans me départir de mon calme et de ma bonne humeur, je me mis en quête de mon collègue. Je fis le tour de la cité et tombai sur la silhouette volatile d’Adalric qui s'arrêta pour me saluer.
— Bien le bonjour chère Arcadia !
— Adalric, auriez vous oublié notre rendez vous ce matin… pour notre entrainement, complétai-je alors qu’il restait muet.
— Ah… ah bien sûr ! L’entraînement ! Où avais-je la tête ! s’exclama le sylphe en se grattant l'arrière de la nuque.
— Comme tous les jours… ajouta-je légèrement moqueuse.
— Oui, je sais … Maintenant ça me revient. Bon, allons- y !
Nous retrouvâmes le Jardin de la Musique et commençâmes l’entraînement. Dans un premier temps, je pris la position du lotus et avec les conseils d’Adalric, j’entrai en méditation pour pleinement puiser dans mes ressources magiques. Puis Adalric me fit faire quelques exercices de concentration magique et de matérialisation de mon pouvoir. Le sylphe était toutefois très prudent quand à l’exploitation de mes capacités. Il n’en connaissait ni les limites, ni les déclencheurs et préférait avancer en étape, bien que j’aurais voulu progresser plus rapidement. S’en suivit une mise en pratique en alliant combat au corps à corps à des sort magiques de faible amplitude.
— On arrête là pour aujourd’hui, tu as bien travaillé, me félicita Adalric.
— Je me sens de mons en moins fatiguée après chaque entrainement.
— Tu peux faire quelques exercices par toi-même dans la journée, si tu t’en sens capable.
— Je vous remercie Adalric.
— Que comptez-vous faire du reste de votre journée ?
— Oh, et bien pourquoi ne pas me promener dans la cité, réfléchis-je.
— Vous avez raison, il fait un temps magnifique.
Adalric repartit et je débutai ma balade au sein de la cité, longeant les marches, nourrissant les poissons dans un bassin puis je me posai au pied de l’arbre centenaire. Je trouvai dans ce lieu une sérénité à nulle autre égal. Je comprenais pourquoi Valkyon aimait tant cette partie du jardin. Repenser à mon meilleur ami provoqua une nouvelle vague de nostalgie. Il méritait bien plus que moi de vivre…
Puis je repensai à Koori, la kitsune n'aurait sûrement pas aimé me voir se morfondre alors je se forçai à se remettre en route. Dans le marché, de délicieuses odeurs guidaient mes pas dans les étals s’épices et de fleurs. Puis un sentiment de malaise m’envahit. Bien que je ne pouvais pas clairement voir les individus qui m’entouraient, une voix attira son oreille. Cela ne pouvait pas être lui et pourtant, l’homme discutait tranquillement avec un négociateur de métaux.
Je m’approchai encore et, à l’aide de mes pouvoirs, je pus mettre une image sur cette voix et mon sang se glaça d’effroi. Lance était là, devant moi, le plus naturellement du monde, en tenue de combat, une longue épée au côté et l’insigne des Obsidiens épinglé sur sa poitrine. Mon pouvoir vacilla, mon esprit vrilla et les images de notre dernière bataille menée contre Lance me revinrent violemment en tête. La chute de la falaise, Valkyon qui se battait contre son frère puis le choc lorsque le corps du dragon fut transpercé de part en part avant de heurter le sol... Je pouvais encore ressentir l’effroi de cette scène, comme si je la revivais.. Puis je perdis pied, mes ailes se déployèrent et en un battement, je se retrouvai sur Lance. Celui-ci avait esquivé à la dernière seconde mon attaque et, bien que surpris, il s’était mis en garde et me faisait face, les mains levées en signe s’apaisement.
— Qu’est-ce que tu fais là ! ASSASSIN ! MEURTRIER ! s’écriai-je, faisait fi de tous les regards apeurés que les passants me lançaient.
— Attends, Dia… je vais t’expliquer.
— Je ne vais pas t’en laisser l’occasion !
Je sentais mes ailes s’ouvrir et mes cheveux flotter au dessus de ma tête comme une auréole menaçante. Les iris, habituellement blanches se tintèrent de mauve, à l’instar des pointes qui coloraient mes mèches. Mes pieds quittèrent le sol et une aura de puissance émana de moi. Lance, lui, me faisait toujours face sans broncher et me regardait droit dans les yeux, sa main sur la garde de son épée. Autour de nous, la foule s’écarta apeurée par la démonstration de puissance que je leur offrais. Puis comme si un simple geste pouvait apaiser toutes les tensions de mon corps, la lourde main de Jamon se posa sur mon épaule. Ma colère me quitta soudainement, mes pieds touchèrent à nouveau le sol et je retrouvai ses esprits. Déboussolée un temps, je fus désolée de lire la crainte dans le regard des passants. Face à moi, Lance me renvoyait une expression indéchiffrable, entre compréhension et compassion.
— Je n’ai pas besoin de ta pitié… lui crachai-je prête à sombrer une fois encore dans la haine.
— Toi t’expliquer avec Huang Hua, déclara Jamon dans mon dos.
— J’y compte bien.
Aigrie, je tournai les talons, et traversai le marché dans une allure forcée. Jamais je n’avais ressenti autant de colère avec une furieuse envie de tuer quelqu'un. Je pénétrai dans le Q.G.et rejoignis en quelques secondes la salle du conseil. J’y pénétrai et trouvai des yeux la phénix. La chef de l’Étincelante était en pleine réunion avec Nevra mais je m’en fichais. J’avançai vers la Ren-Fenghuang qui, en un instant, comprit la raison de ma présence et surtout de mon comportement impulsif et colérique.
— Pourquoi ! tonai-je. Pourquoi est-il là ? Comment as-tu pu l’accepter au sein de la garde ?! Comment tu as pu faire ça !
— Arcadia… tenta le vampire.
— Non Nevra, l'arrêta Huang Hua. Je m’en charge. Laisse nous.
L’Étincelant fit une moue agacée, à la fois par mon intrusion et aussi par la façon font la phénix l’avait rabroué. Il quitta la salle du conseil et je repris ma furieuse accusation.
— Tu te souviens de se ce qu’il a fait ? De ce qu’il a provoqué ! Valkyon, Mery, Ykhar, énumérai-je.
— Arcadia, s’il te plait, écoute moi.
Je dus me faire violence pour laisser la chef de l’Étincelante puisse parler.
— Je sais que tu as beaucoup de mal à comprendre nos choix mais Lance a prouvé sa valeur.
— Mais vous êtes totalement fou !
— Non !
Je serrai la mâchoire et les poings jusqu'à ce que mes dents ne me fassent mal et que mes ongles n’entrent dans la chair de mes paumes de mains.
— Après la bataille, après avoir constaté tout le mal que ses actions avaient entrainé, Lance s’est rendu et a accepté de payer ses erreurs. Il a été enfermé et quand nous avions eu besoin de ses compétences, il nous a aidés alors qu’il aurait pu refuser. Nous nous sommes rendus compte que la garde d’Eel avait besoin de lui, de ses capacités de guerrier. Valkon n’était plus là, Ezarel, toi, Leiftan, Miiko et tellement d’autres… Nous avons décidé de lui donner une chance et, en sept ans, il nous a largement prouvé sa valeur. Et l’aura qui émane de lui me conforte dans ce choix. Je ne regrette absolument pas.
Je secouai la tête, le regard noir, outrée que l’Étincelante ait accepté dans ses rangs un meurtrier…
— Tu devrais l’accepter ou partir si tu ne le fais pas.
Huang Hua conclut son sermon de façon violente et durant un instant, je considérai sa proposition : quitter la garde et Eel plutôt que de tolérer la présence de Lance. Je fis volte face et quittai la salle du conseil pour rejoindre sa chambre d’un pas furieux. Lance au sein de la garde ! C’était une aberration ! Si Hua avait été dupée par le dragon, ça ne sera pas mon cas.
Devant la porte de ma chambre, la silhouette Mathieu faisait les cent pas, agité. Lorsqu’il me vit, il s’avança vers moi.
— Dia ! Tu vas bien ? J’ai entendu dire que tu avais failli te battre contre Lance ?
— Tu t’inquiètes pour lui ou pour moi ? lui rétorquai-je abruptement.
— Pour vous deux… j’avais peur de ta réaction.
— Pourquoi personne ne me l’a dit avant que je ne découvre !
— Ça aurait changé quelque chose ?
— Non, ça n'aurait rien changé au fait que je suis furieuse de l’aveuglement et du naïf pardon d’Huang Hua !
J’ouvris la porte de sa chambre puis la commode de vêtements pour retirer les quelques affaires que je possédais.
— C’est la première fois que je te vois aussi furax mais je te promets, le Lance que tu connaissais n’existe plus. Il était lui-même aveuglé par la colère et il a pris conscience de ses erreurs. Maintenant, il a fait amande honorable.
— Ma parole ! Toi aussi tu es tombé sous son charme ou bien ?
— Attends Dia, écoute moi s’il te pali.
Mathieu me saisit par les épaules et me força à lui faire face. Il me dominait de plus de trente centimètres et pourtant, je n’avais pas peur de lui lancer un regard assassin.
— Je n’ai pas connu le Lance que tu connaissais mais celui que je connais est quelqu’un de bien. Il part en mission dès qu’il le peut, il aide ce monde. Il est juste, fort et courageux.
— Tu n’as pas besoin de lui lécher les bottes pour intégrer l’Obsidienne. Il n’est pas là.
L’humain leva les mains au ciel en soupirant agacé de mes réactions. Je me détournai de lui pour reprendre ma tâche.
— Qu’est ce que tu fais ?
— Huang Hua m’a laissé le choix de rester ou non et puisque Eel habite un meurtrier, j’ai pris ma décision.
— Quoi ? Tu vas vraiment partir ? paniqua Mathieu.
— Laisse moi, s’il te plait...
Mathieu rendit les armes presque trop vite et je fus triste de le voir abandonner aussi vite. Se fichait-il que je parte ? Préférait-il Lance à moi ? Je m’allongeai en étoile sur le lit et mon esprit reprit ses sombres ruminations.
Je restai de longues heures ainsi à ressasser le passé, à imaginer comment Lance avait fini, non seulement gardien mais surtout chef de l’Obsidienne ! Valkyon se serait retourner dans sa tombe… Non, non, Valkyon avait toujours voulu croire que son frère restait quelqu’un de bien. Quelqu'un de bien qui l’avait assassiné.
Heureusement en fin de soirée, quelqu’un toqua à ma porte pour mettre fin à mes tergiversations. Je sus que c’était Koori et j’allai lui offrir. Beaucoup moins enjouée qu’à son habitude, la kitsune était calme et chose rare, inquiète.
— J’ai appris que tu avais l’intention de nous quitter et je venais pour voir si je pouvais y changer quelque chose.
— Je ne suis pas sur le départ.
Depuis que Mathieu était parti, je n’avais plus touché aux vêtements que j’avais précipitamment sortis de ma commande.
— Je vois que ton choix n’est pas fait, je suis soulagée.
— Et qui se passerait-il si je partais de toute façon. Vous avez vécu sept ans sans moi.
— Ne dis pas de bétise...
— Mathieu est parti sans un regard. Il s’en fiche...
— Tu dis n'importe quoi, m’arrêta Koori. Lance est son mentor, il ne souffre d'aucun défaut pour lui. Et toi, tu es sa meilleure amie, tu aurais du voir dans quel état il était lorsqu'il est venu me trouver pour m’expliquer que tu voulais partir.
— Il t’a raconté ?
— Oui, confirme Koori en s’asseyant sur le rebord du lit à mes cotés. Reste encore et constate par toi même le bien qu’a fait Lance autour de lui. Oublie ta colère pour juger l'homme aujourd’hui.
— Jamais je ne pourrais lui pardonner…
— Tu n’as pas à lui pardonner, juste à l’accepter. On n’a pas envie de te perdre toi non plus.
Je hochai la tête et la fis tomber sur l’épaule de Koori. Elle avait raison, je ne voulais pas partir alors que je venais de retrouver une vie normale, mes repères, mes amis… alors si je devais enquêter sur Lance, ses actions, ce n’était qu’un faible prix à payer. S’il était resté l’homme mauvais et cruel que je connaissais, je réunirais les preuves et je le dénoncerais. Et s’il avait réellement changé, alors j’aviserai…
Alors je fouinais pendant plusieurs jours, à interroger les gardiens, les habitants de la cités, les commerçants, les vieux, les jeunes… Tous s’accordaient à dire que Lance était un homme bien qui avait fait des erreurs de jugement. Il regrettait son passé sombre mais il faisait tout pour racheter des fautes. Je ne doutais pas de leur bonne foie mais je n’arrivais toujours pas à lui pardonner. Ma colère avait certes disparu mais je ne pouvais rien faire contre la défiance que j’éprouvais toujours envers Lance. Il avait tué Valkyon…
Lassée des discours élogieux que j’entendais sur le chef des Obsidiens, je décidai de prendre un peu de recul avec la cité. Le printemps embellissait l’extérieur d’Eel et je voulais apprécié les odeurs que la nature offrait en cette période. Les plaines étaient calmes, je sentais le vent balayer mon visage et je pouvais entendre les familiers qui jouaient avec les gardiens chargés de leur dressage. Je marchai jusqu’à la falaise et le recoin d’une roche où je prenais place habituellement. C’était le lieu privilégier de Valkyon, là où il venait pour réfléchir et c’était de cela dont j'avais besoin. Mais, arrivée sur place, je constatai que la roche était déjà occupée… par Lance. Il avait beau être silencieuse, je pouvais reconnaître son aura puissante. Celle-ci était toujours aussi impressionnante mais aussi bien violente que dans mes souvenirs.
J’aurais pu partir mais, et peut-être aussi à la mémoire de son frère, je ne le fis pas. De toute façon, il avait aussi remarqué ma présence et se redressa pour me céder la place. Il était inutile de fuir plus longtemps la conversation qu’on devait avoir, alors autant interroger le principal intéressé.
— Est-ce que tu as réellement changé ou bien tu cherches à manipuler Huang Hua dans un but secret ?
Lance resta silencieux à me regarder, cherchant les bons mots pour me convaincre.
— Je cherche simplement à racheter mes erreurs Dia et je ne peux rien dire de plus pour te convaincre. Je pense que tu as pu te faire ton idée en parlant de moi à tout le monde…
— Tu as tué ton frère, répliquai-je plus violemment que je ne le voulais.
— J’aurais préféré mourir à sa place, crois-moi. Je sais que je ne pourrais jamais le remplacer et je ne cherche pas à le faire mais je veux honorer sa mémoire en essayant de remplir au mieux mon rôle de chef de garde.
C’était à moi d’être muette face à sa réplique qui était d’une touchante sincérité.
— J’aurais aussi préféré que tu meures à sa place, murmurai-je entre mes dents.
Lance déglutit mais il accepta la violence de mes propos sans broncher.
— Mais, repris-je, il aurait aussi voulu que je te laisse une chance, alors pour lui, je vais essayer de dépasser mes ressentiments envers toi et je te donne une chance comme gardien et chef.
L’Obsidien hocha la tête, comme un signe de reconnaissance.
— Je te remercie. Valkyon t’appréciait beaucoup, il a toujours chercher à te protéger. Sache que, au nom de votre amitié, je poursuivrais sa tâche…
Il esquissa un pas pour partir et quitta la falaise, me laissant seule avec le fantôme de Valkyon. Il aurait été heureuse que nous arrivions à dépasser notre relation conflictuelle. Une bise agréable balaya mes cheveux comme si l’âme du guerrier décédé m’étreignit.
Mine de rien, le fait que je sois réconcilié avec Lance m’allégea d’un fardeau qui grignotait mon optimisme et mon énergie. Le conflit n’était pas constructif ni mon deuil, ni pour mon travail au sein de la garde.
Après une heure de réflexion, je me sentais apaisée et plus souriante, je pris la direction de la cité. A traverser le marché avec les effluves de viande rôtie ouvrirent mon appétit. Mes pas me guidèrent jusqu’au réfectoire encore vide. Karuto s’approcha de moi en essuyant ses mains dans un torchon.
— Un p’tit creux ?
— Qu’est-ce que tu as à me proposer ?
— Allez viens, tu pourras choisir ce que tu veux.
Je choisis une soupe froide de légumes et une tourte de seigle. Karuto s’attabla avec moi pendant mon repas et s’amusa de mon appétit.
— On dirait que ça va mieux toi, remarqua-t-il.
— Oui… oui ça va mieux. Je me suis faite à l’idée que Ance est toujours là, qu’il ait intégré la garde.
— Vraiment ? s’étonna le cuisiner.
— Oui, ça ne veut pas dire que je lui pardonné ses actes mais j’accepte de lui donner une seconde chance.
Karuto se rembrunit et durant un instant, je m’amusais de revoir son côté râleur qui resurgissait de temps en temps. Une fois le repas achevé, il me raccompagna à la sortie du réfectoire.
— Fais quand même attention à toi.
— T’inquiète papa-faune, je sais me défendre.
Le cuisinier grommela puis un groupe de gardiens arriva pour se restaurer et parmi eux, le visage de Lance émergea. Son regard trouva le mieux et ses iris bleus de glace dégageaient une lueur douce qui résonna en moi.
— Bon allez, tu dois sûrement être occupée, me bouscula Karuto pour rompre le contact visuel. On se voit plus tard.
Il repartir et je me retrouvais seule dans la grande salle des portes, un étrange sentiment venait de me traverser fugacement.
2nd OS
Je me réveillai reposée après une bonne nuit de sommeil. Mes yeux s'ouvrirent sur le monde mais seule l'obscurité m'accueillit. Mes autres sens s'éveillèrent, mon ouïe perçut le chant heureux des oiseaux, les bruits de la foule au pied du château. Le soleil éclairait la cité et chauffait les chambres ouverts de baies vitrées.
Je me levai et fis une toilette jusqu'u bout de mes ailes et quittai ma chambre de bonne humeur. Ma journée débutait par un petit déjeuner copieux que Karuto composait spécialement pour moi. Je me sentais veinarde ! Je m'orientai à travers les couloirs jusqu'aux cuisines, guidée par les bonnes odeurs et par les intuitions de mon pouvoir. À l’une des tables, Koori et Mathieu étaient déjà installés
— Bonjour à toi jeune dame ! Comment te portes-tu par cette belle journée ?
— Monsieur est d'humeur lyrique ce matin ! se moqua la kitsune.
— Et toi de mauvais poil, c'est ça ? rétorqua l'humain.
Avec un sourire amusé, je pris place à leurs côtés et m'amusai de leurs chamailleries. Karuto approcha dans mon dos et, sentant sa présence, je le saluai d'un sourire avenant. Il posa devant moi un plateau spécialement concocté pour ma personne. Les fruits dégageaient une odeur alléchante, mélangée aux aromes suaves d'un pain fraichement sorti du four.
— Un petit déjeuner de champion pour un entrainement efficace !
— Merci, j'en aurais bien besoin.
Le faune resta à la table, appuyé contre le dossier d’une chaise pour nous faire la causette. On profitait tous du calme avant de tous nous mettre en route pour notre journée.
Nous finîmes par nous séparer, Mathieu avait des rapports à écrire et Koori des préparation à surveiller.
De mon côté, je poursuivais mon entrainement en compagnie de Jamon, une à deux fois par semaine en fonction de nos disponibilités à chacun. Je voyais enfin les progrès poindre. Armée d’une épée, je me trouvais moins godiche, un peu plus à l’aise. Je sentais mon corps se muscler après avoir ressenti des courbatures pendant plusieurs jours.
Je me dirigeai vers les jardins de la musique, là où l’ogre s’échauffait déjà. Son sourire m’accueillit alors que je le saluai joyeusement.
— Bonjour Dia, toi prête ?
— Oui ! Toujours !
Après un échauffement rapide, les choses sérieuses débutèrent. Je constatai aussi que les entrainements s'intensifiaient parce que Jamon me ménageait un peu moins. Ses attaques étaient plus rapides et ses coups plus puissants. Je savais toutefois que cela restait très loin de ses capacités maximales.
Au moment où l’ogre allait s’élancer, je réussis à anticiper son geste, je tendis mes ailes, fis un bond et survolai le gardien pour atterrir dans son angle mort. D’un geste assuré, j’optai pour un coup de taille, visant précisément la zone fragile de son aisselle. En une fraction de seconde, la hallebarde imposante de Jamon vint s’interposer au prix d’une esquive in extremis.
L’ogre para mais, déséquilibré, il tomba sur les fesses et sa surprise se lut sur son visage. Je me retrouvai désolée et l’aidai à se relever.
— Bien joué Dia. Jamon sur le derrière.
— C’est le cas de le dire !
Au même moment, Lance apparut. Je ressentis son humeur moqueuse et une vague de chaleur irradia de mon visage. Je baissai la tête pour que mes cheveux dissimule mon embarras. Le dragon était accompagné de Leiftan qui restait discrètement en retrait.
— Tu t’es bien débrouillée Dia, me complimenta Lance.
— Elle être très rapide, Jamon être content et surpris !
— On dirait que tu progresses. Je n’en doutais pas, ajouta Leiftan.
L’aengel s'approcha et immédiatement, je ressentis des sentiments contradictoires, teintés de ses émotions et des miennes. Ce tumulte provoquait une vague d'irritation en retour. Je n’aimais pas éprouver en miroir cette intrusion intime et cette colère se reportait sur l’aengel qui ne cherchait même pas à se camoufler, au contraire, il était très présent, gravitant autour de moi, empiétant mon espace et cela aussi commençait fortement à m’agacer.
— Merci, répondis-je simplement.
— Jamon soif !
L’ogre posa son hallebarde sur la pierre qui entourait le bassin de la fontaine. Il s’accroupit et plongea sa tête massive dans l’eau dans un gros splash. Lance émit un ricanement en observant la scène de l’ogre parmi les poissons.
— Je suis fier de constater que tes pouvoirs se développent. Je savais que tu arriverais à dépasser tes doutes, reprit Leiftan.
Je grimaçai un sourire, en subissant une conversation avec l’aengel alors que j’avais préféré être seule avec Lance, avoir son avis sur ma performance et pourquoi pas des conseils.
— L’entrainement physique, c’est bien mais il faudrait aussi te concentrer sur un entrainement à base de maana, de visualisation mentale et énergétique...
Je n’écoutai que d’une oreille, Jamon venait de sortir la tête de l’eau et sa chevelure rouge dégoulinait le long de son crâne. Il s’ébroua et nous arossa tous. Je m’exclamais vivement en sentant les gouttes froides sur ma peau et le rire de Lance chanta à mes oreilles. C’eut au moins le mérite de faire taire Leiftan.
— Qu’en dis tu ? Voudrais-tu que l’on travaille ensemble ? reprit-il néanmoins
« Non ! » eus-je envie de répondre avec insolence. Je voulais simplement que quelqu’un me débarrasse de cette sangsue. Heureusement, Lance sembla comprendre mon agacement.
— Laisse-la tu veux ! Qu’elle profite de cette petite victoire. Je ne pense pas avoir déjà vu Jamon dans une cette situation !
— Lance se moquer ! Toi vouloir te battre avec Dia ?
Mon visage s’enflamma contre contre gré à l’idée d’un combat en corps à corps contre le chef de l’Obsidienne.
— Un entrainement physique me semble moins indispensable qu’un entrainement psychique, contra Leiftan en désaccord.
— Ça suffit ! m’exclamai-je comme si cette remarque venait de faire déborder mon vase de patience.
Il eut un silence surpris et tous les visage se tournèrent vers moi.
— Ne vous emballez pas ! Je ne suis pas un mannequin d’entrainement pour lequel vous devez vous battre pour le plaisir de me maltraiter. Je sais très bien que j’ai eu de la chance de déstabiliser Jamon et je n’aurais aucune chance de vaincre Lance… Maintenant, laissez moi tranquille !
Je tournai les talons et quittai rapidement les jardins. Mes pas me conduisirent jusqu’à l’extérieur de la cité. Là, le calme m’accueillit enfin et apaisa mes émotions contradictoires. Ma fierté d’avoir réussi à faire plier Jamon s’était vite envolée… Leiftan semblait obsedé par mes pouvoirs et prétextait vouloir m’aider à les développer mais je savais que ce n’était qu’une fausse intention pour se rapprocher de moi… Cela m’agaçait et il fallait que je trouve le courage de lui toucher un mot sur ce problème.
Quant à Lance… Eh bien, j’étais de plus en plus perturbée par sa présence au quotidien. Même quand je ne le croisais pas dans les couloirs du château, je sentais son aura partout où il passait. Sa trace m’était familière et progressivement, elle devint rassurante, par sa présence et sa coloration froide mais douce. A début, cela avait pertubé mes sens, je croyais percevoir Valkyon à chaque détour de couloirs, ce qui renforçait ma peine. Mais les jours passaient et ma douleur s’était transformée en douce mélancolie.
Valkyon me manquait, il aurait eu le bon mot pour me faire retrouver le sourire. Mais à cet instant, ce ne fut pas le visage de mon meilleur ami qui m’apparut, mais celui de Lance. Le dragon de glace avait remplacé son frère à son poste mais aussi dans mon esprit.
**
Lance quitta le Bastion d’Ivoire pour se rendre au château. Le soir avait recouvert la cité et le dragon ressentait la faim qui creusait son ventre. Après avoir rempli des rapports de mission pendant presque une heure, il avait besoin de se changer les idées et de manger.
Dans la salle des portes, il croisa quelques collègues et Leiftan. Il ressentait un rejet violent envers l'aengel. Il lui renvoyait en pleine figure ses échecs et tout ce que sa croisade envers Eel lui avait apporté : la mort de Valkyon, le sacrifice d’Arcadia, sa profonde dépression suite à son emprisonnement et sa longue période pour retrouver la confiance de la garde. Il pensait que ce temps était derrière lui…
Son avis était toutefois bien différent pour la divinité de Tir Na Og. Il s’était surpris d’éprouver une affection troublante envers Arcadia, ce qui rendait le comportement de Leiftan encore plus pénible à supporter. Il cherchait toujours à attirer, son attention. C’était désespérant alors qu’il était évident que ses sentiments n’étaient pas réciproques.
Dans ses pensées, Lance tourna dans un couloir et tomba nez à nez avec Arcadia. Elle semblait moins surprise que lui de la croiser. Surement avait-elle senti sa présence avait même de le voir. Lance resta muet devant sa pâle beauté qui l’avait déjà saisi lorsqu’il l’avait revue pour la première fois au marché. Il était impressionné par sa fougue, son énergie rayonnante et son sourire. Ce dernier sublimait son visage et lui se sentit idiot.
— Bonsoir. Comment s’est passé ta journée ? demanda-t-elle.
— Bien.
Sa réponse était bourrue et maladroite mais il était désarçonné. Son regard se perdit dans le cou de l’Absynthe et glissa jusqu’à la naissance de ses seins. Embarrassé, il releva rapidement les yeux mais se souvint qu’Arcadia était aveugle… Enfin selon le point de vue.
— Je m’en vais au réfectoire. Est-ce que tu as déjà manger ? l’invita-t-il juste ensuite.
— Eh bien, non. Je t'accompagne avec plaisir.
Lance eut une étrange sensation de contentement et d’un geste poli, il pria Arcadia de le suivre jusqu’aux cuisines. Sur place, il était tard et les tables étaient rarement occupées. Karuto les accueillit un peu froidement et quand Aradia et lui s’installèrent seuls à une table à l’écart, le faune eut un air encore plus renfrogné.
— Je tenais à m'excuser, débuta le dragon. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise ce matin suite à ton entrainement avec Jamon.
— Non, tu ne m’as pas mise mal à l’aise. C’est plutôt Leiftan qui s’est montré… insistant.
— Je comprends. En tout cas, si tu le souhaites, je pourrais aussi te donner quelques conseils et même si nos méthodes de combat sont bien différentes.
Karuto déposa devant un plat généreux, garni de viande de poisson aux délicieux fumé et une sorte de semoule aromatisée d'épices. Lance fit le service, étrangement il se sentait bien.
— Je ne pensais pas qu’un jour nous mangerions ensemble à la garde.
Le ton de Arcadia était légèrement amusé et Lance gloussa en retour de sa réplique.
— Valkyon serait sûrement satisfait de voir que nous avons pu dépasser nos différends.
Le dragon vit l’expression d’Arcadia s’attrister et son coeur se serra, autant pour sa peine que celle de la jeune femme.
— Je suis désolé d’avoir abordé le sujet. C’est encore frais pour toi.
— Non, non. J’y pense tous les jours c’est vrai. Je ressens encore de la tristesse mais ma peine s’efface de semaine en semaine et je garde de lui les meilleurs souvenirs. Et quand je me sens seule ou perdue, je pense à lui, à ce qu’il pourrait me dire pour que je me sente mieux.
Lance eut un regard touché pour la jeune femme qui le bouleversait par sa sincérité mais aussi pour l’affection qu’elle portait pour son frère. Une question piqua violemment et soudainement son coeur.
— Vous étiez proche… conclut-il.
— Nous n’étions que des amis, je le considérais comme mon meilleur ami mais je ne me voyais pas envisager quelque chose avec lui et je pense que nous étions sur la même longueur d’onde.
Lance en fut rassuré sans vraiment comprendre tous ces sentiments qui l’assaillaient en la présence de la jeune femme.
Ils mangèrent en parlant de la garde, des cheffes, de quelques potins et Lance se surprit même une fois à rire aussi, chose rare.
Au moment de quitter la table, Leiftan fit son apparition et Lance eut le plaisir de constater sa mine déconfite de l’Absynthe et il retint un sourire narquois.
— Dia, je suis désolé de te déranger. Est-ce que je peux te parler un instant ?
— Nous sommes en train de manger, rétorqua Lance.
— Vos assiettes sont vides…
— J’arrive.
A contre cœur, Arcadia se leva de table et quitta les cuisines, laissant le dragon amer. Pourquoi se sentait-il aussi irrité ?
Agacé, le dragon quitta à son tour le réfectoire, sans adresser un mot à qui que ce soit et rejoignit sa chambre. Pourtant, il serait bien incapable de dormir car il sentait une certaine tension émanant de lui. Que lui faisait ressentir Arcadia pour être dans cet état ? Pourquoi l’Aengel le mettait dans cette sourde colère ? On aurait presque dit… de la jalousie.
Lance s’arrêta net au milieu du couloir, frappé par cette révélation. Oui, il était jaloux de l’attention que la divinité portait à Leiftan. Est-ce qu’il avait des sentiments pour elle ? Cela lui semblait tellement étrange de ressentir ça…
Et pourtant, lorsqu’il ferma les yeux et imagina Arcadia devant lui, allongée sous lui, il se sentit étourdi par une brusque vague d’excitation. Oui, il semblait qu’il était en train de tomber amoureux.
Puis un profond sentiment de honte sourda en lui, comme un retour de bâton. Comment pourrait-il prétendre la rendre heureuse alors qu’elle avait aimé Valkyon comme un frère et que Lance l’avait privée de lui… Il lui avait fait trop de mal pour avoir le droit de l’aimer. Son cœur était comme un oiseau chantant enfermé dans une cage trop étroite.
**
J'étais fâchée. Leiftan m’avait encore bassinée pour cette histoire d'entrainement et cette fois je lui avais fait comprendre sans détour qu’il était temps qu’il me laisse décider seule de ce qu’elle voulait faire.
En revenant aux cuisines, je remarquai que Lance était parti et la frustration m’envahit.
J’avais été tellement surprise et flattée qu’il me propose de manger avec lui ! Alors, ce n’était pas à visée romantique puisque le réfectoire ne s’y prêtait pas mais j’avais passé un très bon moment que j’aurais voulu prolonger.
Donc j’avais rejoint ma chambre, dépitée et je m’étais couchée bien seule.
Au milieu de la nuit, mes rêves s'emballèrent et mes fantasmes prirent vie. Une vague de chaleur traversa mon cœur et le visage de Lance se matérialisa au dessus de moi, le gout de ses lèvres sur les miennes, l’ardeur de son corps qui me caressait agréablement. J’entendis son souffle près de mon oreille qui me fit frissonner de plaisir et soudainement, je me réveillai dans mon lit, seule mais moite de ce rêve érotique qui révélait mes fantasmes naissants avec Lance. Un homme que j’avais pourtant détestait... Un homme dont je commençai à ressentir des sentiments fort…
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Darkness Dreams
En trois ans de paix, la Garde d’El avait bien changé. La nature fleurissait, l’agriculture poussait, les animaux grandissaient et de nouveaux arrivants débarquaient presque chaque jour que ce soit sous un soleil éblouissant ou une pluie battante.
Pour Linoa, ce fut lors d’une nuit sombre et froide, sous une pluie battante qu’elle arriva, deux ans auparavant. Mage noire et ancienne mercenaire, elle avait suscité la peur et la méfiance malgré les temps heureux qui s’annonçaient. Même Lance, ancien ennemi de la Garde et tout juste sorti de prison n’avait pas attiré autant de haine, surement parce qu’il est un dragon, un être considéré comme lumineux et sage.
C’est d’ailleurs pour cela que malgré ses efforts, sa bonne foi et ses capacités, elle ne devint pas la Chef de la garde Obsidienne, position ayant été attribuée à Lance dès sa sortie de prison. Elle en fut quelque peu blessée et vexée mais par fierté, elle grogna imperceptiblement, lançant une pique de félicitation à son concurrent avant de s’éloigner, suivit par son fidèle familier, un Black Gallytrot de 7 ans se nommant Shadow.
Mais voilà, malgré qu’elle soit une mage noire, elle avait son utilité étant la seule personne à comprendre et contrôler les ténèbres.
Pdv Linoa :
Commençant ma journée comme à mon habitude, avec un entrainement rigoureux en dehors de murs de la Garde pour ne pas effrayer les habitants avec ma magie noire, je ne m’attendais pas à être convoquée d’urgence par Huang Hua dès mon retour au QG.
Me dépêchant rapidement de prendre une douche, je rejoins la salle de réunion avec lenteur pour découvrir l’ensemble de la Garde Etincelante présente et semblant n’attendre que moi. Leurs corps semblaient tendus et leurs mâchoires, crispés.
Je ne savais pas quel était le problème, surtout obligeant ma présence en ses lieux, moi, une « simple recrue » de la Garde. Depuis mon arrivée au QG, je n’étais pas montée en grade, après tout, il aurait été mal vue qu’une mage noire, enfant des ténèbres, aussi détesté que les sorcières ne soit haut gradé.
Sous leurs regards foudroyants, je roule des yeux avant de prendre place avec mauvaise foi à côté de mon chef de garde. Un homme que je n’avais jamais pu blairer, ayant fait plus de dégât et de mal que moi mais étant pardonné si facilement pour obtenir une bonne position ensuite. Que la vie était merdique, parfois …
Attendant qu’une personne ne se décide à parler, je pris une attitude décontractée, m’affalant dans mon siège sous les regards désapprobateurs de certains. Ce que j’aimais les faire chier ses hypocrites !
Tournant enfin le regard vers Huang Hua, j’attendis en tapant mon index sur la table.
« Je vous remercie à tous d’être présents. »
Commença-t-elle alors que je lui fis remarquer ne pas avoir eu trop le choix.
Me lançant un regard lourd de sens, elle continua sans faire plus attention à ma remarque.
« Ce matin, les kappas nous ont contactés … Elle fit un moment de silence avant de continuer. Apparemment, une source de magie noire, extrêmement dangereuse et agressive est apparue sur leur terre depuis un petit moment. Après un bref soupir, elle reprit. D’après leur rapport, la source de cette magie est inconnue et impossible pour eux de l’approcher, c’est pour cela qu’ils nous demandent de l’aide. Acheva-t-elle calmement malgré son stress apparent. »
Donc voilà pourquoi je suis là … Il ne faut pas être un génie pour savoir la raison de ma présence, après tout, tout est dans l’énoncé. MAGIE NOIRE !
« N’ayant que très peu d’effectif, deux personnes seront envoyés dont Linoa … Son regard se porta sur moi, me défiant de refuser.
_ Ce n’ai pas comme si quelqu’un d’autre pouvait s’en charger. Fis-je avec un certain dédain.
_ Tu seras accompagnée de Lance et vous partirez demain matin, dès l’aube. Je vous attendrez sur la place. Finalisa-t-elle. Bien, sur ce, la réunion est terminée, vous pouvez tous vous en aller. »
En entendant le prénom de mon chef de garde, mes dents grincèrent légèrement avant que je ne me lève sans sommation et quitte cette fichue salle avant tout le monde.
Regagnant rapidement ma chambre, je ne perdis pas de temps pour emballer mes affaires. Mes vêtements, des vivres et puis des armes puisqu’on ne sait pas encore ce qu’on aillait affronter. Mon regard se perdit un moment sur mon épée, la première que j’ai eu et nommé, Undomiel. Je la range dans son fourreau, la déposant à côté de mon sac avant d’y placer mon sceptre de mysterious enchanteress.
Mon regard se plaça cette fois sur tout mon attirail, que vais-je emporter avec moi ? Après mûre réflexions, je pris un couteau de survie que je mis dans mon sac, un kinjal qui est une dague à double tranchant que je mettrais le long de ma cuisse droite, un jian, une longue épée chinoise que je porterais à la taille puis pour finir, un stylet, un poignard à lame triangulaire et fine que je pourrais cacher dans ma botte gauche.
La fin de soirée passa rapidement, je pris mon repas assez tôt bavardant très peu et cette fois, ne commençant aucun affrontement avec les autres gardiens. Puis, je suis retournée dans ma chambre profitant d’un peu de repos, je ne pus m’empêcher de jouer quelques instants avec mes flammes sombres, les regardants et les écoutants attentivement avant de m’endormir.
Le lendemain fut tout aussi calme, une douche, un encas et me voilà déjà sur la plage avec mon sac et accompagné de Shadow qui ne semble pas vouloir me laisser seule avec le dragon de glace.
Sans plus de cérémonie, nous avons embarqués après des encouragements de la part de Huang Hua.
Le voyage me parût affreusement long, entrecoupé de remarque acerbe de ma part et de soupir de la sienne. En même temps, il fallait comprendre, j’aurais pu être plus qu’une seule recrue, j’en ai le potentiel ! J’aurais pu être chef de la garde obsidienne, j’aurais pu être seconde de la garde obsidienne mais non, je suis une mage noire. Une personne qui n’a pas sa place dans la garde obsidienne, voire dans la Garde d’El tout court, d’après certains.
Alors oui, je suis devenue encore plus tranchante, agaçante et froide mais techniquement, j’en ai le droit et Lance est le parfait cobaye pour déverser toute ma colère. J’ai fait beaucoup trop d’effort pour n’être même pas reconnue à ma juste valeur !
Sentant ma colère augmenter, Shadow vint se coller à moi, grognant uniquement lorsqu’il pensait Lance être trop proche de nous. Pendant ce temps, je lui caressais la tête, retrouvant un peu de calme. En général, je ne perds jamais mon sang froid mais il est si difficile de se retenir en face du dragon ! Au final, à chacune des paroles de Lance, je lui lançais un bref regard et un hochement de tête lui signalant que j’avais compris ses indications et ses précautions.
Dans un silence tendu, voilà comment nous sommes arrivés sur les terres de Jade. Dès notre arrivé, le maître kappa nous pris en charge, nous expliquant la situation. Je ne pris pas la peine de participer à la conversation, laissant ce plaisir à mon chef de garde. Ensuite, nous nous sommes dirigés vers le lieu indiqué, l’observant minutieusement, faisant des tours des environs pour observer les effets de cette magie sombre.
Puis, nous sommes revenus sur les lieux, observant le passage vers un lieu inconnu, entouré d’une aura noire qui d’après ses mouvements, semblait vouloir nous repousser et nous éloigner loin d’elle.
« Cette magie semble agitée … »
Commenta mon coéquipier.
« Reste ici, je vais vérifier … Lui ordonnais-je simplement.
_ Tu n’y penses pas ! C’est dangereux d’y aller seule … Dit-il en grinçant des dents suite à mon ordre.
_ Seuls les êtres nés dans les Ténèbres peuvent en franchir le seuil pour y retourner. Fis-je mystérieusement. Et tu n’es définitivement pas l’un des nôtres. »
Ce fut les derniers mots que je lui dis avant d’entrer dans ce passage. Je parcourus un long chemin avant d’arriver vers une orbe sombre, volant au-dessus du sol. Elle semblait paniquer de voir une inconnu et malgré son immobilité, je savais que la tension avait monté en elle, comme un poison.
« Un équilibre dérangé, et un ! »
Ce n’était pas la première fois que je me retrouvais face à ce phénomène, les gens pensaient que les ténèbres étaient mauvaises donc ils essayaient de les faire disparaître sauf qu’elles font parties d’un tout, d’un équilibre. Celui de la lumière et des ténèbres, celui du bien et du mal. Sans lumière, il n’y a pas de ténèbres et sans ténèbres, il n’y a pas de lumière, c’est aussi simple que cela. C’est ce qui forme notre monde, les mondes en général, en soi.
Pour ce qui est de cet équilibre, il semblait particulièrement troublé et même s’il m’avait laissé passer, je savais qu’il ne me laisserait pas le toucher. Je concentre une bonne partie de ma magie à essayer de l’amadouer puis à l’apaiser, petit à petit. Je fis ma magie commencer à voler autour de moi, m’entourant d’une aura sombre nuancé de noir, de rouge et de violet, puis elle se dirigea vers l’orbe, dansant autour d’elle puis essayant de l’étreindre avec délicatesse et tendresse.
A la fin de la journée, épuisée, je ne suis retournée au village kappa, sachant que mon travail n’était pas fini et que la journée du lendemain, je devrais encore calmer l’orbe avant de la déplacer dans un endroit sure de son choix.
Expliquant la situation à Lance, je lui laisse le loisir d’envoyer son rapport à Huang Hua ainsi que d’expliquer la situation aux kappas, en profiter pour me reposer.
Le lendemain, l’atmosphère était lourde, en même temps, il est assez difficile de faire comprendre aux autres que les ténèbres sont toutes aussi importantes que la lumière. Certains l’acceptent plus facilement que d’autres mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
Un autre tour vers l’entrée, beaucoup plus calme, apaisée et surtout moins hostile. Je suis rentrée, observant déjà les bienfaits de mes actions puis je me suis dirigée lentement vers la sphère, semblant se réjouir de me revoir. Elle savait que j’allais l’aider donc elle m’acceptait pleinement et puis, dans un sens, j’étais une de ses enfants.
Cette fois, j’ai pu m’approcher pour la toucher, me facilitant la tâche pour la calmer totalement puis je l’ai enroulé dans un morceau de tissue, la cachant de la lumière. C’est ainsi que commença mon petit périple vers un endroit confortable, sombre et sure pour cette petite orbe. D’ailleurs, cette dernière, malgré ses bavardages incessants, m’indiquée à chaque fois les chemins les moins à risque mais aussi et surtout, les plus longs.
Une fois mon paquetage déposé dans son nouveau domicile que seule moi connaissais, je repartis dans l’ombre des arbres, la nuit étant déjà tombée. Bien entendu, je pris tout mon temps, sachant que Shadow serait me retrouver. Et sans me soucier des personnes qui pouvaient potentiellement s’inquiéter pour moi, je pris un moment de pause dans le calme de la nuit, n’étant éclairé que par la lune.
J’eus l’impression que ce moment fut trop brève avant que je n’atteigne le village, rejoignant notre campement. Nous n’avons pas échangé un mot, malgré qu’il ait essayé, inutilement. Il attendit le lendemain, pour m’annoncer qu’on allait effectuer une petite vérification de l’île avant de repartir, le jour suivant.
Nous sommes passés par le nouveau domicile de l’orbe sans qu’il ne s’en doute, avons fait une vérification des alentours, inspecter les moindres détails même si je savais cela inutile puisque le problème était réglé. Toutefois, sans un mot, je le suivis puisqu’il voulait si bien faire, autant continuer, c’est mieux que de bâcler son travail.
En entendant du bruit à quelques mètres de nous, nous nous tendîmes, essayant de savoir si cela était un potentiel danger.
En me concentrant, je compris qu’il s’agissait des couinements d’un familier en détresse et vu la tête de mon partenaire, il était surement arrivé à la même conclusion que moi. Nous rapprochant doucement pour ne pas brusquer le l’animal, nous arrivons peu à peu près de sa position et de là où nous étions, nous pouvions apercevoir qu’il semblait coincé entre deux arbres.
En nous voyant, il commença à remuer dans tous les sens, semblant être effrayé par notre simple présence. Ce qui ne m’étonne pas en fin de compte, après tout, je suis une mage noire qui dégage une magie sombre qui effraie la plupart des familiers et Lance … Certes il est un dragon mais il hait les familier, tellement qu’à une époque, il n’hésitait pas à les tuer. Le sang de ses pauvres bêtes restera à jamais sur ses mains, peu importe ce qu’il fera.
Alors que le dragon hésita à s’approcher, je ne pris pas cette peine, me rapprochant assez lentement pour lui faire comprendre que je ne lui voulais pas de mal. Avec délicatesse et quelques caresses pour le rassurer, je réussis à extirper ce beau O’oluray de son guêpier. Toutefois, il réagit assez brusquement lorsqu’il vit Lance s’approcher de nous et d’un coup de queue, il s’extirpa de mon étreinte emportant avec lui un de mes biens les plus précieux.
Mon sang ne fit qu’un tour et je partis à sa poursuite sans réfléchir, me fichant de savoir si mon chef de garde me suivait car je n’avais qu’un objectif, récupérer mon bien.
« Shadow ! »
Mon familier déparqua en à peine quelques minutes attendant mes instructions.
« J’ai besoin de ton aide pour le rattraper … Surtout, ne lui fait pas de mal ! »
Ai-je à peine le temps de lui dire avant qu’il n’accélère, dépassant le O’oluray et s’arrêtant en face de lui, obligeant se dernier à s’arrêter à son tour. Il couina doucement, effrayé devant Shadow qui est assez imposant, je dois l’avouer.
En arrivant à leur hauteur, je m’arrête à mon tour pour éviter de le brusquer. Repérant mon collier, accroché à sa queue, je me permets quelques pas dans sa direction alors que Lance, derrière nous s’arrête à une longue distance pour ne pas faire fuir le familier, encore une fois.
Je me rapproche doucement, pas à pas alors que son regard passe de Shadow à moi. Puis, il décide de verrouiller son regard dans le mien alors que je m’abaisse à sa hauteur.
« Tu n’as rien à craindre, je viens juste récupérer ce qui est à moi. Murmurais-je en tendant la main alors qu’il baisse la tête et se remet à couiner. »
Attrapant les deux bagues entremêlées, je fais glisser le collier le long de sa queue sans que la chaine ne touche sa peau. Une fois cela fait, je me relève et m’éloigne de quelque pas avant de demander à Shadow d’en faire de même. Voyant cela, l’O’oluray reprend sa course sans un regard en arrière alors que je lâche un soupir de soulagement.
Alors que Shadow se place à mes côtés, m’observant, mon regard se porte sur les deux alliances que je regarde et effleure des doigts, me rappelant des souvenirs quelque peu douloureux d’une période heureuse mais révolue.
« Des alliances … ? »
Surgit une voix brusquement derrière mon dos, me faisant sursauter et faire grogner Shadow, pour ne pas changer. Je remis le collier tenant les deux anneaux à mon cou, ignorant l’interrogation silencieuse dans sa voix.
« L’inspection est finie, non ? Donc on peut retourner au village, maintenant. Fis-je me mettant en route sans lui demander son avis.
_ Linoa, est-ce que …
_ Je ne veux pas en parler. Le coupais-je en me retournant brusquement vers lui. »
Il ne pausa pas plus de question, décidant de me suivre en silence jusqu’au village où on commença à faire nos sacs, préparer le bateau et acheter quelques vivres frais.
Dès les premiers rayons du soleil, Lance et moi étions déjà prêts à jeter l’encre, ayant terminés notre mission et envoyés notre dernier rapport à Huang Hua. Une fois assez éloigné des terres de Jade, je ne pus m’empêcher de me reconcentrer sur ces deux alliances, me rappelant sa mort.
Alors que Shadow recommence à grogner sur Lance, ce dernier ne semble pas l’écouter, se rapprochant de moi.
« Tu ne veux toujours pas en parler … ? Me demande-t-il doucement. »
Sans aucun regard et aucune réponse de ma part, il se penche tranquillement sur le rebord, le regard tourné vers l’étendue bleue.
« Tu sais, moi aussi j’ai perdu des proches … Notamment mon petit-frère. Commença-t-il doucement. Je sais ce que tu ressens. Finit-il par dire.
_ Je ne savais pas que tuer son propre frère te permettait de comprendre les autres. Fis-je avec sarcasme alors qu’un léger blanc s’installe.
_ Je le regrette énormément … Chaque jour j’y repense, si tu savais comme ça me hante. De savoir que c’est moi et … De ne pouvoir en vouloir qu’à moi-même. Je … J’aurais voulu réaliser mes erreurs, bien avant que tout cela n’arrive. En soupirant doucement, je m’approche à mon tour de la rambarde.
_ Mais tu sais très bien que tout aurait été différent si ce n’était pas arrivé. Il me regarda attentivement du coin de l’œil avant de se détourner.
_ C’est vrai. Admet-il. Rien n’aurait été pareil, j’aurais surement continué sur ma voie, me fichant du mal que je pouvais faire autour de moi.
_ Parfois, il vaut mieux ne pas se soucier de ce qu’il se passe autour de nous car après, il est difficile de l’ignorer, encore une fois.
_ Tu parles par expérience, j’imagine …
_ J’étais une ancienne mercenaire mais, tu le sais surement déjà. J’ai fait des choses horribles pour l’argent et regarder en arrière m’aurais fait regretter à vie mes actes.
_ Tu l’as fait pour survivre … ?
_ Pour quoi d’autre sinon ? Je ne prends pas plaisir à tuer, oui, je joue avec les ténèbres mais non, je n’aime pas faire souffrir les autres gratuitement. Et à cette époque, j’avais besoin d’argent et rapidement.
_ Pour ton compagnon ? Me demande-t-il doucement.
_ Non … Je ne l’ai rencontré que bien plus tard. »
Un silence apaisant s’installa, un apaisement que je n’avais pas ressentis depuis longtemps en présence d’une autre personne depuis lui.
« Il est … ? Commença Lance avec une brève hésitation.
_ Oui, il est mort.
_ Je suis désolé.
_ Ne le sois pas, c’est les risques du métier. En étant mercenaire, on ne s’attire que très peu d’amis en général.
_ C’était lors d’une mission ? J’attendis un moment avant de répondre, me rappelant ce moment.
_ Oui, c’était un piège. Et il est mort dans mes bras, en se vidant de son sang, je n’ai rien pu faire …
_ Ce n’était pas ta faute.
_ Je sais … Mais j’aurais toujours le regret de ne pas avoir pu le sauver, comme toi tu auras celui de l’avoir tué. Son regard se voile un moment de tristesse avant qu’il ne reporte son regard sur l’horizon. »
Le reste du voyage se passa dans une ambiance calme et détendue, entre révélations et parfois, quelques rires. Shadow avait même baissé un peu sa garde, ne grognant plus lorsque Lance s’approchait de nous. On a beaucoup parlé contrairement à l’aller, se racontant beaucoup notre vie, notre vision du monde, nos espoirs et nos rêves.
Je fus d’ailleurs très étonné de constater qu’il n’en avait pas, comme s’il vivait pour se racheter de la mort de son frère. Alors j’ai commencé à le plaindre, moi au moins, je vivais pour moi mais lui, ce n’était pas le cas et ceux, depuis un moment.
J’ai commencé à l’apprécier, chose que je ne pensais pas imaginable ! Mais voilà, la vie et ainsi faites, profitant de ses derniers instants seul à seul, je savais que cela se finirait car ça n’avait pas lieu d’être. Les conversations, les sourires et les silences réconfortants ne seraient plus qu’un souvenir à El, je m’en assurerais.
Le bateau s’approchait du quai et au loin, je pouvais déjà apercevoir plusieurs silhouettes qui semblaient attendre avec impatience notre retour, enfin, plutôt notre rapport complet, surtout le mien.
Nous avons accostés en silence et alors que Lance jetait à peine l’encre, je me permis de quitter sans un mot mon ex-coéquipier ainsi que le bateau. Sur la plage, peu de personne m’adressèrent la parole, juste un signe de tête cordiale pour la plupart. Je partis sans un regard en arrière, seulement suivit des paroles de Huang Hua pour une prochaine réunion mais pour l’instant, j’étais au repos. J’imagine que c’est grâce au rapport que Lance envoyé quotidiennement qu’elle ne m’a pas convoqué immédiatement, au moins une bonne chose de faite.
Après ça, les jours se succédèrent, j’avais fait mon rapport allant directement à l’essentiel et expliquant les notions importantes, peu de blablabla ainsi que de détails inutile qui n’aurait servi à rien. Tout était comme avant, enfin, cela aurait dû se passer ainsi … Lance ne me lâchait pas, voulant surement retrouver cette complicité entre nous mais je le fuyais, constamment. Un mur par-ci, une ombre par-là, un poteau par-ci, une personne par-là et Linoa n’est plus là. Vraiment, parfois, je me dis que j’aurais facilement ma place dans la Garde de l’Ombre vu mes capacités exceptionnelles à le fuir.
Et puis un jour, je surpris une conversation qu’il eut avec Huang Hua. Elle lui demandait ce qui lui arrivait, pourquoi il m’approchait ou s’il s’était passé quelque chose entre nous. Heureusement, il évita les sujets douloureux que je lui avais presque confiais, restant évasif.
« Elle est sombre Lance, je ne vois que des ténèbres en elle … Avoua la cheffe avec inquiétude.
_ C’est une enfant des ténèbres, il est donc normal qu’elle les dégage.
_ Mais c’est dans sa nature de faire du mal, je le vois, je le sais, je le sens, Lance ! S’efforça-t-elle de rajouter.
_ A-t-elle déjà fait volontairement du mal, autre que ses bagarres et embrouilles avec les autres gardiens ? Elle resta silencieuse. Ne pense pas que ton don permet de tout savoir, Huang Hua. Tu peux lire dans les cœurs mais celui des ténèbres sera toujours se cacher de ton regard. Conclu-t-il avec sagesse. »
Depuis ce jour, et bien, je dois avouer avoir été indécise à propos de Lance. J’avais été heureuse d’entendre ses propos, je l’appréciais beaucoup mais sa présence me faisait cet effet, un effet qui ne devait pas avoir lieu. Pas entre une mage et un dragon, pas entre les ténèbres et la lumière, pas entre le bien et le mal, car c’est ce que nous étions, deux opposés cohabitant ensemble pour la paix.
Un direct, un coup de boule, un fouetté haut, un cross, un uppercut, une glissade latérale, un fouetté médian, une esquive vers le bas. Et on recommence jusqu’à épuisement.
« On s’entraine dur, à ce que je remarque, même les jours de congés. »
Je ne réponds rien, ayant remarqué sa présence depuis un moment. Je m’adosse contre un arbre en soufflant un bref bonjour, un signe de politesse que je lui avais accordé il y a peu.
« J’espère que ton entrainement est terminé pour la journée sinon je risque de te donner des vacances plus souvent, vu comment tu travailles. Fit Lance, un sourire carnassier plaqué sur son visage.
_ Comme tu peux le voir, je n’ai même plus la force de me lever. Fis-je ironiquement alors qu’il prend un air un peu plus sérieux, s’adossant lui-même à un arbre, son regard tourné vers moi.
_ Es-tu enfin libre cette après-midi ?
_ Moi qui pensais que t’allait m’annoncer la fin du monde avec une tête pareille.
_ Si cela avait été le cas, je l’aurais dit d’une autre manière. Donc tu es libre ? Sourit-il.
_ M’ouais, ça dépend pourquoi.
_ Passer une journée avec ton chef pour essayer de gagner des points, ça devrait être important, non ?
_ On profite de son grade pour draguer, maintenant ? Vous baissez beaucoup dans mon estime, chef. Dis-je en appuyant sur le mot chef.
_ On peut dire ça. Je voulais passer une après-midi en charmante compagnie mais si tu ne veux pas, je peux toujours trouver quelqu’un autre qui sera plus enclin et enthousiaste que toi comme … Mathieu, par exemple. Je grimace en entendant se prénom. »
J’apprécie Mathieu, sérieusement, mais il est trop exubérant, il aime l’attention et surtout, il parle énormément ne lâchant presque pas notre chef de garde d’une semelle alors qu’il fait partit de la Garde Absinthe. J’aimerais le plaindre à cause de ses tests souvent merdiques mais je ne suis pas spécialement triste de me retrouver dans l’Obsidienne.
« Donc ? Reprit-il doucement après un léger silence.
_ Je viens … Fis-je finalement.
_ J’espère que tu comptes prendre une douche avant sinon ça ne va pas le faire, je ne m’attends pas à ce que tu sentes la rose mais pas la transpiration non plus. Dit-il moqueusement.
_ Tout de suite, chef ! Fis-je en me levant rapidement, riant légèrement. »
Voilà comment une heure après, nous étions sur la plage, profitant de l’air frais nous fouettant le visage, du doux son des vagues, du calme apaisant et surtout, du panier bien garni que Lance avait apporté avec lui. Tout était parfait, romantique sauf cette soudaine tension qui s’était installée entre nous pour une quelconque raison.
« Alors … Pourquoi sommes-nous là ? Demandais-je bêtement, ne sachant que dire.
_ Je voulais juste passer un moment avec toi comme … comme sur le bateau.
_ Bon et bien, c’est réussi, nous sommes tous les deux, sur la plage et hop, petit plus avec le panier abondant ! Fis-je moqueusement. »
Il posa sa tête sur sa jambe gauche qui est repliée contre elle-même alors que la droite est allongée.
« Je voulais sérieusement passer un moment avec toi, Linoa. »
Son air quelque peu doux me gêna et un silence, plus calme s’installa. Il m’observa un moment avant de commencer la conversation, me parlant de tout et de rien, surtout de rien, enfaite. Je le suivis et notre discussion convergea sur nos entrainements, nos habitudes, nos points forts, nos défauts et parfois, certaines anecdotes nous faisant pas mal rire.
Les mains fermement posées dans le sable, la tête en arrière, je pouvais difficilement contrôler mon rire.
« Tu es magnifique. »
Entendis-je soudainement de but en blanc alors que les rires se turent dans ma gorge, n’osant plus sortir.
« Je ne voulais pas t’interrompre, j’apprécie te voir rire et tu le fais peu souvent.
_ Dit celui qui garde la majeure partie du temps une attitude indifférente. Le raillais-je alors qu’il me sourit avant de redevenir sérieux.
_ Tu sais, ton attitude après notre retour … Elle m’a beaucoup affecté et fait réfléchir, aussi. Commença-t-il alors que je me figeais, encore une fois.
_ Nous ne pouvons pas, Lance.
_ Pourquoi ? Je fis une grimace à ses mots.
_ Nous sommes … comme l’ombre et la lumière, nous coexistons ensemble, nous avons besoin de l’autre pour vivre mais …
_ On ne peut pas être ensemble …
_ C’est ça. Un autre silence s’installa.
_ Je ne suis pas d’accord … Je veux être avec toi. Il me prit doucement la main, la caressant avec délicatesse.
_ Lance.
_ Grâce à toi, je sais que je peux être heureux et lorsque je regarde vers l’avant, je rêve qu’on soit toujours ensemble, tous les deux. Je suis sérieux, Linoa, je veux faire ma vie avec toi.
_ Mais les autres …
_ Qui s’en soucie ?! Il y aura toujours une personne pour nous juger, mal nous regarder mais et alors ? Tant que je suis avec toi, rien de plus ne pourra me combler. »
Rougissant légèrement, je sers en retour sa main.
Il est peut-être temps pour moi d’être complétement heureuse, de me laisser une chance, de nous laisser une chance.
Je hoche doucement la tête et avec lenteur, il se rapprocha de moi, attendant un moment mon accord qui vint avec un brin d’hésitation. Ses lèvres se posèrent sur les miennes, lisse mais froide alors que les miennes sont rugueuses et chaudes. Sa barbe vint de caresser, m’effleurement durement sans me blesser. Et puis, nous nous sommes séparés, nous souriant franchement, l’un à l’autre.
Soudain, un grognement. J’us à peine le temps de voir qu’une ombre s’était propulser vers Lance, grognant encore plus férocement. Et enfin, je compris.
« Shadow, non ! »
Fin Pdv Linoa :
Ainsi commença la romance entre nos deux protagonistes, sous les grognements de Shadow, les débattements de Lance et l’oscillement entre les rires et les inquiétudes de la part de la jeune femme.
Un avenir radieux les attendait comme le prouvait la paix actuelle ! Beaucoup furent contre cette relation, une mage noire et un dragon, quelle idée ! Mais Lance les rabroua rapidement, leur rappelant qu’il s’était déjà trop enfoncé dans les ténèbres pour les fuir, dorénavant.
FIN
Dernière modification par Kaoru (Le 13-10-2021 à 00h53)
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Quelques autres informations en vrac pouvant être utiles
- Dimitri et Aline se sont rencontrés à l’école, en étant dans la même classe. Dimitri en était le délégué.
- Dimitri a essuyé trois râteaux après s’être déclaré. La quatrième fois, c’est Aline qui lui a avoué ses sentiments.
- Le décès de ses parents le hante encore énormément. C’est cela qui lui a valu de se perdre lui-même dans les ténèbres. Quand il est épuisé psychologiquement, il lui arrive encore de faire des cauchemars de ce jour funeste.
- Ce qu’il préfère chez Aline est son sourire.
- Ce qu’Aline préfère chez lui est son calme et sa douceur.
- Aline a toujours semblé en communion avec le froid, peut-être en raison de son caractère et de l’un de ses pouvoirs. C’est également une très bonne patineuse.
- Dimitri est assez maladroit sur la glace.
- Aline le surnomme « Dim », « Dimi » et plus rarement « Dimdim » (ce dernier surtout pour l’embêter).
- Dimitri la surnomme « Al’ » ou « Ma bien-aimée ».
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Mission séduction
Le château était en pleine agitation suite au retour de la dernière mission dans les terres de Genkaku. Les hypothèses émises par Feng Zifu avaient provoqué une augmentation des tensions au sein des gardes et tous les effectifs étaient mis à disposition pour répondre aux missions qui affluaient. Cam avait été appelée par Huang Hua dans la salle du conseil, sûrement pour partir à son tour en mission, quelques jours seulement après être revenue des montagnes du Nord.
La jeune femme patienta sur le pas de la porte tandis que la cheffe des Étincelants achevait la discussion avec Nevra. Une fois terminé, le vampire quitta la pièce en la saluant d’un signe de tête.
— Ah Cam, je te remercie d’avoir été si prompte à te présenter.
— J’imagine que c'est pour une mission, supposa cette dernière.
— Oui, tu as raison, sourit la Phénix. Plusieurs villageois ont repéré des éléments non Faeries tout autour de leurs habitations. Ce sont des objets inanimés a priori et de moindre envergure que l’immeuble de Genkaku mais nous craignons toutefois qu’il puisse s’agir d’armes.
— Je comprends.
Huang Hua la pria de s’approcher de la table où était étalée une carte d’Eel et des alentours. Elle lui indiqua la zone concernée et un parchemin recensant la description des objets terriens.
— Tu pars dès que tu seras prête et une dernière chose…
Au même instant, un gardien frappa à la porte et le visage de Lance apparut. Cam ne put s’empêcher de lui lancer un regard amusé qu’il lui renvoya.
— Ah Lance, tu voilà. J’allais justement parler de toi. Cam, tu seras accompagnée de Lance durant cette mission.
— Vraiment ? s’étonna l’Ombre désarçonnée mais non moins enthousiaste. Je veux dire, ce n’est pas si loin d’ici et les objets découverts ne semblent pas offensifs.
— Je sais, répliqua Hua. Mais nous ne savons pas si d’autres phénomènes sont à l’œuvre sur ces terres.
— Et puis nous ne pouvons pas nous permettre de prendre de risque, renchérit Lance sur un ton sérieux. Tu es l’une des deux seuls terriens dont nous disposons. Tu es un atout non négligeable.
Lorsque le chef de l’Obsidienne évoqua le mot « d’atout », Cam haussa un sourcil, perplexe et vexée d’être ainsi considérée.
— Je vois. Soit, consentit-elle.
Huang Hua fit un dernier point et les deux gardiens s’éclipsèrent. Boudeuse, Cam s'apprêtait à partir quand Lance la rattrapa par le bras.
— Dis-le tout de suite si tu n’as pas envie de faire cette mission avec moi, lui reprocha-t-il, un sourire taquin aux lèvres.
— Peut-être simplement parce que je ne suis qu’un atout, lui rétorqua Cam avec défi.
— Ah, tu l’es … mais pas seulement.
La jeune femme essaya de lire entre les lignes, d’y lire ce qu’elle souhaitait entrevoir mais le léger sourire de Lance resta mystérieux.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ? tenta-t-elle, moins subtilement.
— Tu es aussi une bonne collègue.
A nouveau vexée, l’Ombre haussa les épaules et se détourna.
— Très bien collègue, retrouvons nous au Grand Portail dans une heure.
Cam était excédée, Lance se faisait une joie de la provoquer et elle marchait dans son jeu comme un poisson accrochée au bout d’un hameçon. Pourtant, ils étaient tout sauf de simples collègues. Ils avaient dépassé ce stade depuis bien longtemps. De même qu’ils n’étaient plus simplement amis. C’est en tout cas ainsi que Cam le considérait. Quelque chose au delà de l'amitié, dans ce continuum infini entre l’affection et l’amour inconditionnel. Mais elle était loin de pouvoir préciser davantage leur relation. Peut-être que le dragon avait peur de s’engager, raison pour laquelle il faisait semblant de la repousser. A moins que c’était elle et elle seule qui fantasmait librement sur le chef de la garde. Et si cette mission leur permettait de mettre les choses au clair ? Ils ne seraient que deux dans un environnement familier et normalement non hostile pour une mission simple. Cam pourrait alors tester ses hypothèses. Elle avait opté pour des vêtements noirs mais assez près du corps et des vêtements sur lesquels on ne pouvait que s’attarder. Elle savait que cela la mettait en valeur. Elle attacha ses cheveux noirs pour laisser exposer sa nuque qu’elle parfuma subtilement. Enfin, et bien que peu habituée, elle décida de mettre une légère pointe de maquillage pour souligner l’intensité de son regard bleu aux reflets violines.
Satisfaite de la stratégie qu’elle avait élaborée, Cam se rendit au Grand Portail de la cité où Lance l’attendait, son air supérieur au visage.
— Allons-y collègue, lança la jeune femme d’un air volontairement dédaigneux.
Le dragon ne lui répondit pas mais sa mine se rembrunit.
Il n’y avait qu’une demi-journée de marche pour rejoindre le village où les objets terriens étaient apparus. Les gardiens prévoyaient de dormir sur place pour avoir la possibilité d’étudier le phénomène. Lance et Cam n’échangèrent pas un mot durant le trajet. La jeune femme avançait devant, le menton haut, l’allure fière. Elle ignorait volontairement Lance un peu plus loin. On verra bien s’il ne la considérait que comme une collègue.
— A cette allure, on sera rentrés à Eel avant la tombée de la nuit… remarqua Lance. Il ne faut pas bâcler cette mission.
— Parce que tu crois que je ne suis pas assez assidue ?
— Non mais, je te sens… distante. Nos taquineries ne doivent pas avoir de répercussions sur nos objectifs.
Je suis en alerte sur mon environnement, lui répondit Cam en se tournant brièvement vers lui.
Lance eut un sourire amusé et lui lança :
— Alors, regarde devant toi.
Cam se retourna à temps pour éviter une épaisse branche de ronces aux épines acérées.
— Arrête de me distraire, se plaignit-elle faussement un sourire aux lèvres.
— C’est moi qui devrait dire ça…
Les mots de Lance furent simplement soufflés mais l’Ombre les avait perçus. Lorsqu’elle jeta un furtif coup d’œil à l’Obsidien, elle surprit son regard sur la naissance de ses fesses et elle en sourit, flattée. L’ambiance s’était allégée et les gardiens trouvèrent le village en milieu d’après-midi, étrangement calme et silencieux. Tout de suite intrigués, Cam sortit une lame, dissimulée dans la doublure de son pantalon et Lance posa sa main sur la garde de son épée.
— Qu’est-ce que cela signifie… Ils ont été attaqués ? questionna le dragon.
— Je ne sais pas. Les objets terriens sont peut-être plus dangereux que ce qu’on pensait.
Sur leurs gardes, Cam et Lance pénétrèrent dans le village fantôme et se retournèrent vivement lorsqu’un buisson remua derrière eux. Une silhouette trapue en émerge. Il s'agissait d’un homme petit et large, d’un certain âge. Son visage ridé était toutefois avenant.
— Ah vous devez être les gardiens qu’Eel nous a envoyés. Soyez le bienvenu, je suis Raméro, chef du village de Sintorin.
— Votre village n’a plus aucun habitant, fit remarquer Lance perplexe.
— Ah ça oui ! C’est très déstabilisant de voir la vie disparaître de Sintorin. Mais les villageois ont pris peur suite à l’apparition de ces bizarreries. Ils craignaient qu’ils ne soient maudits ou dangereux. En une nuit, une centaine est apparue à travers le village et par crainte, nous avons décidé de partir. Tout le monde est en sécurité au village voisin. Nous attendions votre venue pour nous rassurer sur la situation.
— Nous sommes rassurés dans ce cas, se détendit Lance, nous allons enquêter rigoureusement.
— Merci. Voici les clefs de ma maison. Vous pouvez faire comme chez vous. Vous y trouverez du bois pour faire un feu, des lits et des provisions en quantité.
Raméro leur tendit un jeu de clefs et leva le nez.
— Le soleil se couche, je vais rentrer. Je serai là demain matin. Bon courage
— Merci.
Le doyen quitta le village et les gardiens restèrent seuls.
— Bon, allons voir à quoi ressemble ces étrangetés, décida le chef de garde.
Ensemble, ils débutèrent la traversée du village et rapidement, trouvèrent les objets qui avaient crée tant de crainte et de panique.
— Des… panneaux de circulation ? s’étonna Cam.
Autour d’eux, comme des champignons, avaient poussé des panneaux de circulation. Des triangles et des ronds de toutes les couleurs, dressés sur leur piquet de galvanisé gris. La seule étrangeté de la situation au-delà de trouver ces panneaux par dizaine, était qu’ils semblaient provenir de différents pays sur Terre.
Cam reconnut certains qui semblaient venir des États-Unis, mais aussi des noms de villes qui portaient une consonnance européenne ou asiatique. La jeune femme trouva ça assez drôle, en plus d’être très cocasse.
— Je peux comprendre que ça fasse peur mais tout cela est absolument inoffensif, sourit-elle, amusée.
Lance, un peu plus sceptique s’approcha du premier panneau à sa portée et toqua dessus de l’index, comme pour l’évaluer sommairement.
— C’est constitué d’un métal solide qui ne rouille pas… Impressionnant.
— On pourrait en déterrer un pour le ramener à Jamon, c’est un métal assez léger et facile à travailler.
— Une chose à la fois. Nous allons en recenser le nombre et leur localisation. Il y a peut-être une signification à leur disposition.
Les deux gardiens se séparèrent pour noter l’emplacement de chaque objet et repérer si d’autres anomalies ne seraient pas apparues. Enfin, ils étaient preneurs de toutes informations qui pourraient les aiguiller quant à l’hypothèse de fusion des mondes.
Après une heure à faire le tour du village, les deux gardiens se retrouvèrent devant la maison du doyen. Ils avaient compté cinquante et un panneaux répartis aléatoirement entre les maisons, les jardins ou les rues commerçantes. Ils n’avaient rien trouvé d’autre et Lance s’était même permis de déraciner un pied pour le ramener à la cité.
— Donc, il n’y a rien à craindre ? questionna-t-il.
— Affirmatif, rien du tout. On peut récupérer les matériaux et voir ce qu’on peut en faire au Q.G. Ça peut être utile.
— Bien. A mon avis, les villageois vont s’empresser de les arracher pour nous les donner.
— Ou les vendre au marché noir, renchérit Cam.
— Hm, tu as raison. On va exiger qu’ils nous les remettre. Il ne faudrait pas que les faeries ne s’amusent de ces simples panneaux ou ne leur vouent un culte..
L’Ombre hocha la tête et ils décidèrent qu’il était temps d’aller inspecter leur logement pour la nuit. C’était la plus grande habitation du village, privilégie du doyen. Le rez-de-chaussée était vaste mais frais car aucun feu n’avait réchauffé l’air depuis plusieurs jours. Le tas de bois n’attendait que de flamber et le foyer abritait une crémaillère qui attendait à faire chauffer une marmite pleine. Enfin, plusieurs chambres aux lits faits attendaient qu’on y trouve son sommeil en son sein.
— Je m’occupe du feu, décréta Lance.
— Je prends quelques notes et je me mets à préparer le repas, répondit Cam.
Une fois le feu crépitant et le repas en train de chauffer doucement, Lance tournait en rond dans le logement. La nuit était tombée et une brume sinistre avait envahi le village.
— Je vais aller refaire un tour par sécurité.
— Tu veux que je t’accompagne ?
— Non, ça ira. J’ai juste besoin de me dégourdir les jambes. L’inactivité me fait rouiller. Je serai rapide parce que ça sent délicieusement bon.
Il adressa à Cam un sourire teinté de sincérité pour ce compliment non dissimulé. Cam le lui rendit, les joues légèrement empourprées mais elle ne renchérit pas. Le dragon quitta la maison et Cam resta pelotonnée au chaud, gardant en tête le visage souriant de Lance. Après une minute à rêvasser, elle se pencha sur ses notes. Si elle avançait sur ses écrits, le rapport de mission ne lui prendrait qu’une minute à son retour à Eel. Avec précision, elle replaça chaque panneau sur la carte de village et reporta chaque signalisation en supposant leurs origines différentes. Elle se questionnait vraiment de savoir comment des panneaux de la Terre entière avaient pu atterrir dans un si petit périmètre. Sintorin restera dans sa mémoire comme le village des panneaux.
Un hurlement animal lointain lui fit lever le nez de son travail, puis le sifflement de la marmite. Le bouillon était prêt à déborder et Lance n’était toujours pas revenu de sa balade nocturne. Cam ne voulut pas céder à la panique et tâcha de raisonner ses craintes. Il n’y avait aucun risque dehors, ils s’en étaient assurés. Lance n’était pas parti depuis si longtemps que ça et ce n’était que la solitude et des petites peurs enfantines qui exacerbaient ses craintes. La gardienne poursuivit son travail mais ne réussit pas à se concentrer plus d’une minute. Finalement, Cam décida de sortir de son trou. La brume s’était épaissie mais elle n’aurait pas pu empêcher Lance de retrouver la maison. Son toit se voyait au-delà des nappes cotonneuses et la fumée de la cheminée s’élevait était visible à plusieurs centaines de mètres à la ronde.
— Lance ! cria-t-elle assez fort.
Elle n’eut aucune réponse et décida, sur ses gardes, de s’enfoncer dans la brume. À la sortie du village vers la forêt, elle perçut des grognements et des bruits d’une bagarre. La jeune femme se précipita sur les lieux et vit avec effroi une vingtaine de Warrifangs, les pupilles rouges comme les braises de l’enfer et les babines écumantes qui dévoilaient deux rangées de dents menaçantes et acérées. Il y avait déjà une dizaine de cadavres de familiers qui entouraient Lance qui se débattait avec ces créatures qui n’en finissaient plus de surgir de partout. Un warrifang attaqua à gauche, Lance lui taillada la patte mais un autre en profita pour se jeter sur son dos et y planter ses crocs. Le dragon cria et d’un revers, il se débarrassa de l’animal mais il resta un genou à terre, vulnérable. Cam vit des écorchures et des traces de morsure au niveau des mollets et du sang qui coulait de son gant.
Paniquée, Cam s’approcha d’eux et fit appel à ses pouvoirs. La lumière apparut à ses mains et les warrifangs, surpris, dardèrent leur regard sanguin sur elle. Leurs grognements s’intensifièrent et ils s’éloignèrent de Lance pour entourer l’Ombre. Ils étaient presque deux dizaines à l’encercler. Instinctivement, ils avaient fait déjà élaboré une stratégie : vouloir la distraire pour l'attaquer par derrière comme ils avaient fait avec Lance. Cam se concentra à la fois sur son pouvoir et sur les familiers menaçants. Dans son champ de vision périphérique, elle vit deux warri fangs s’approcher de Lance qui s’était écroulé au sol. Cam le fit disparaître, invisible à tous leurs sens, le dragon était au moins en sécurité, le temps qu’elle se débarrasse des autres.
Les canidés s’approchèrent d’elle, lentement, insidieusement… Cam devait s’en débarrasser rapidement sinon ils l'épuiseraient sur le long terme. Les yeux fermés, elle concentra son maana dans ses mains et d’un éclair puissant, elle envoya une dizaines de warrifangs dans les airs. Certains se heurtèrent aux arbres, d’autres aux maisons. Avantagée par l’effet de surprise, Cam envoya trois de ses lames vers trois autres animaux qui furent blessés. Ainsi sur leurs gardes, les warrifangs restant reculèrent. Il en restait à peine quatre que Cam arriverait facilement à vaincre mais l’état de Lance la préoccupait et elle voulait plus que tout le mettre à l’abri.
Retirant son voile d’invisibilité, elle redressa le dragon à la frontière de l'inconscience qui pouvait au moins mettre un pied devant l’autre. Cam les enveloppa à nouveau de son pouvoir d’invisibilité tout en rejoignant la maison du doyen. La jeune femme sentait sa réserve de maana s’amenuir. Les warrifangs rodaient dans le village à la recherche de deux gardiens dont ils avaient perdu la trace, même olfactive. Or, si Cam ne se concentrait pas suffisamment, elle risquait de laisser des failles dans son enveloppe protectrice.
Lance pesait un poids fou mais la maison était en vue, il ne leur restait une dizaine de mètres. Une fois la porte fermée et les fenêtres calfeutrées, les gardiens étaient enfin en sécurité. Cam pouvait voir les familiers faire le tour de la maison à la recherche d’un moyen d’entrer. L’Ombre rejoignit la couche où Lance gémissait de douleur. Elle retira avec soin les différentes couches de son armure pour voir une dizaine de morsures sur ses bras, ses jambes, son flanc et son cou. Quatre saignaient abondamment, celle de son cou heureusement était superficielle.
— Ça va aller, le rassura Cam d’une voix blanche. Je m’occupe de toi.
En premier lieu, elle nettoya ses plaies et banda les lésions les plus graves. Puis sans trop savoir, elle appliqua ses mains des deux cotés de son crâne et ferma les yeux. Elle se concentra et imagina son pouvoir courir dans le corps du dragon pour le ressourcer, faire refluer la douleur et prévenir les infections. Elle sentit la magie picoter à des doigts et progressivement, les traits de Lance s’apaisèrent et quelques plaies semblèrent cicatriser plus facilement.
Après plusieurs minutes, Cam se sentait fatiguée par son pouvoir puis le contrecoup de l’attaque tomba sur ses épaules et des larmes de peur s’échappèrent de ses paupières qu’elle essuya. Voir Lance ainsi allongé, vulnérable et blessé. Elle l’imagina mort un instant et ses larmes menacèrent de la submerger à nouveau. Cam tenait trop à lui, leurs chamailleries, leurs regards échangés, les émotions qui la traversaient quand il l’approchait.
Elle l’aimait simplement.
Consciente de ses sentiments, Cam s’accroupit près de sa couche et posa sa tête près de la main de l’Obsidien, priant silencieusement qu’il lui revienne.
Cam se réveilla après quelques heures, elle avait senti quelque chose effleurer sa joue. En ouvrant les yeux, elle croisa le regard bleu de glace de Lance. C’était sa main qui avait caressé sa joue. Le soleil s’était levé, et avec lui, la brume et les warrifangs avaient disparu. L’attaque de cette nuit aurait pu être un cauchemar si Lance ne s’était pas retrouvé blessé.
— Tu es réveillé ! Comment tu te sens ? s’exclama Cam en se redressant vivement.
— Ça peut aller, grimaça-t-il. Je n’ai plus beaucoup de souvenirs mais j’imagine que, si je suis encore en vie, c’est grâce à toi. Je te remercie.
— Tu aurais fait la même chose pour moi.
Cam se sentait émue et détestait la fragilité dont elle faisait preuve.
— Eh, ça va aller, ne t’inquiète pas…
Le dragon se redressa avec un peu de mal, comme pour prouver qu’il allait mieux. Son visage exprimait sa tristesse de voir Cam aussi chamboulée.
— J-j’ai eu peur pour toi, souffla-t-elle presque hésitante. Je ne veux pas te perdre.
Elle avait baissé la tête, honteuse d’avouer ses sentiments et sans attendre de retour de la part du chef des Obsidiens. Celui-ci posa sa main sous son menton pour l’enjoindre à le regarder. Ses yeux bleu de glace renvoyèrent une douce lueur que Cam ne sut interpréter.
— Cam… je suis désolé de t’avoir fait peur. J’ai cru pouvoir tous les vaincre, je ne voulais pas te mettre en danger. Moi aussi, je tiens à toi, au moins autant que tu ne tiens à moi, voire bien plus.
L’Ombre resta interdite, ne pouvant quitter son visage des yeux. Cam s’approcha du dragon, tendit ses lèvres vers lui qui finit par poser sa bouche contre la sienne dans un baiser chargé d’un amour tendre et naissant. Lance laissa échapper un ricanement, repris par Cam, encore fébrile. La jeune femme vint poser sa tête contre l’épaule du dragon qui grimaça.
— Oh, pardon !
La douleur à sa clavicule était encore lancinante.
— C’est rien. Viens là, doucement.
Le dragon s'allongea et attira Cam à lui qui posa simplement sa main contre la poitrine de l’Obsidien.
— Je ne pensais pas que cette mission se finirait ainsi.
— M’en parle pas…
— Mais ça ne me déplait pas, sourit-il.
— Tu parles des morsures ? le taquina Cam.
— Non, non, ça, je m’en passerai bien. Mais d’être ici, comme ça, avec toi…
— Moi aussi. C’est très agréable.
— Je suis simplement désolé d'être dans un lit si confortable en présence d’une jeune femme exceptionnelle sans pouvoir en profiter davantage.
Cam sentit une chaleur se répandre sur son visage, tout aussi bien que dans son bas ventre. Dés idées se multipliaient dans son esprit lorsque la porte de la maison s’ouvrit sur Raméro et toute excitation s’envola. Cam se redressa pour l’accueillir tandis que le doyen se surprit de voir une table devant la fenêtre, puis le dragon blessé et alité.
— Que s’est-il passé ici ? questionna-t-il.
— Nous avons été attaqués par une meute de warrifangs féroces, lui expliqua Cam. Vous en aviez déjà eu dans le coin ?
— Non, non jamais. Vous pensez que c’est en lien avec les étrangetés terriennes ?
— Nous l’ignorons, répondit Lance qui s’était assis. Mais nous avons déjà eu affaire à des comportements inhabituels de familiers en présence d'événement similaires.
Cam hocha la tête et repensa aux drafayels géants, présents sur le toit de l’immeuble dans les montagnes de Genkaku.
— Les objets sont toutefois inoffensifs et d’autres gardiens viendront les récupérer en espérant qu’aucun warrifang ne vienne vous embêter à nouveau.
Le visage de Roméro resta marqué par l'inquiétude que Lance tenta de minimiser.
— Les warrifangs risquent de ne plus apparaître si nous vous débarrassons des artefacts terriens et puis nous pouvons aussi vous fournir quelques gardiens pour quelques semaines en prévention.
— Très bien dans ce cas, je ferais part de vos propositions aux villageois. Nous vous remercions pour votre aide. Nous disposons d’une soigneuses si vous souhaitez.
— Non, ça ira. J’ai la personne qu’il me faut, sourit Lance en avisant Cam.
La jeune femme lui rendit son sourire.
— Nous allons rentrer à Eel, aire notre rapport et vous aurez très vite de nos nouvelles.
— D’accord, merci.
Après les formalités d’usage, Cam aida Lance à changer ses pansements et à se rhabiller. Ils prirent le temps de manger un plat chaud et consistant avant de reprendre la route.
Le trajet pris plus de temps sur le retour, le dragon souffrait mais n’en laissa rien paraître et ils atteignirent Eel dans la soirée.
Immédiatement, Lance alla faire un retour des événements à Huang Hua tandis que Cam finissait la rédaction de son rapport. La nuit était tombée sur la cité quand le dragon alla à l'infirmerie pour faire vérifier ses plaies. Eweleïn avait simplement fait des cataplasmes d’argile pour accélérer la guérison et félicita Cam pour son travail malgré les conditions périlleuses et minimalistes de la mission. Quand enfin, elle eut fini, l’elfe les laissa quitter les lieux. Après cette journée éprouvante et la nuit précédente simplement catastrophique, les deux gardiens n’avaient qu’une envie, retrouver leur lit respectif. Seuls, main dans la main, Lance et Cam rejoignirent le couloir des chambre mais le dragon refusa de lâcher la main de l’Ombre qui s'interrogea.
— Cette fois, j’ai envie de profiter davantage de ta présence, si tu le souhaites, se justifia-t-il.
Cam ne sut quoi répondre. Elle se contenta d’ouvrir la porte de la chambre et de l’attirer contre ses lèvres.
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Formulaire de Conteur(se)
Pseudo: Ghisarma
Genres préférés: Fantasy, Science Fiction, Medieval et Victorien. Pour les univers empruntés je saurais écrire sur des univers de types Harry Potter, Star Wars, Fire Emblem (Three Houses), et des mangas.
Genres sur lesquels vous êtes le moins à l'aise: Mecha.
Sujets de prédilection: Fantasy
Combien de temps environ mettez-vous pour réaliser une commande?: Tout dépend de la motivation et de l'inspiration mais je me donne un délai de 3 semaines, un mois.
Expérience dans le domaine: Un roman en cours d'écriture, quelques OS disponibles sur Wattpad et de nombreuses années de RP qui m'ont fait concocter de nombreuses fiches et histoires.
Un de vos écris: Wattpad
Autre: En espérant que mes écrits plairont !
Dernière modification par Ghisarma (Le 18-10-2021 à 19h53)
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Le chant du rossignole
La vie était toujours aussi paisible au monastère de Garreg Mach. Mais en revanche, celle de Celsiuss s’apparentait davantage à une véritable tempête. En effet, cela faisait déjà une lune que sa corvée dans l’Abysse avait pris fin, et tout autant de temps qu’elle avait accueilli, contrainte et forcée, le chef de cette cité clandestine dans sa classe. Et autant dire que tout n’était pas forcément au beau fixe depuis lors.
La jeune femme soupira fortement, emmêlant davantage ses courts cheveux noirs, éternellement en bataille. D’ailleurs, ceux-ci contrastaient grandement avec sa peau extrêmement pâle. Elle reporta finalement son regard hétérochrome, l’œil droit rubis et le gauche couleur cendre, sur la note, écrite de la main de Seteth, et qu’elle avait reçu dans la matinée. Son cher nouvel élève, Yuri Leclerc, ne semblait pas se présenter à tous les cours. Ou plutôt, il n’était en classe que lorsqu’il s’agissait de ceux donnés par la jeune femme. Selon l’homme d’Église, un tel comportement était irrespectueux vis-à-vis des enseignants, et risquait de ternir la réputation de l’académie des Officiers. Aussi, il avait été ordonné à Celsiuss de faire quelque chose, et rapidement !
C’est pourquoi, malgré le fait que les cours étaient terminés depuis plus d’une heure maintenant, elle se trouvait toujours dans la salle de classe, à son bureau, pour attendre celui qu’elle avait convoqué et qui, le plus naturellement du monde, lui avait dit qu’il viendrait une fois les quelques tâches qu’il avait à faire terminées. Et la jeune femme n’était pas parvenue à exercer suffisamment d’autorité pour le faire venir plus tôt. Cette pensée lui força d’ailleurs un nouveau soupir. Pourquoi sa vie n’était-elle jamais simple ?
Elle cessa néanmoins de se morfondre quand elle entendit des bruits de pas se rapprocher du lieu où elle se trouvait, et qu’elle espérait grandement être l’élève qu’elle attendait. D’ailleurs, elle put sentir une vague de soulagement quand elle vit qui se trouvait dans l’encadrement de la porte. De taille moyenne, c’était un garçon au teint pâle et aux traits fins. Il avait de courts cheveux lavande qui venaient encadrer son visage raffiné. Ses lèvres étaient finement rehaussées de brillant et ses yeux, lilas, soigneusement maquillés de violet. Son uniforme, à l’inverse des autres étudiants qui en portaient des noirs, était gris anthracite. Une cape blanche reposait sur son épaule gauche, à l’image des délégués des classes de la surface. Mais malgré cette apparence douce et légèrement efféminée, Celsiuss avait rapidement appris à se méfier de ce jeune homme qui pouvait se révéler cruel, sournois, manipulateur et calculateur. D’ailleurs, leur première rencontre avait valu à la jeune femme de frôler l’égorgement, et elle n’était pas près de l’oublier.
— Bonsoir Professeur, déclara-t-il d’une voix grave, en contraste avec son apparence douce. De quoi souhaitiez-vous me parler ?
Sans même que l’autorisation ne lui soit donnée, il vint prendre une chaise se trouvant devant l’un des pupitres et la posa face au bureau, s’asseyant de travers, bras croisés. Celsiuss ne fit toutefois aucun commentaire sur sa tenue. Elle savait que ce genre de réprimande était aussi efficace qu’un coup d’épée dans l’eau.
— J’ai appris que vous ne vous présentiez jamais au cours que donnaient mes collègues, commença-t-elle.
Elle se préparait intérieurement à devoir mener un combat de haute lutte pour faire entendre raison au jeune homme et lui faire admettre ses torts.
— Effectivement, je n’y vais pas. J’ai des choses autrement plus importantes à faire que de suivre ces leçons inintéressantes.
Celsiuss fut surprise de la franchise avec laquelle l’étudiant lui avait répondu. Au moins, il avait approuvé les faits, c’était déjà du temps de gagné. L’enseignante balaya son étonnement pour froncer légèrement les sourcils. Ce n’était pas le moment de se laisser distraire si elle voulait que cette entrevue se termine enfin.
— Et c’est précisément ce qui vous est reproché ! s’exclama-t-elle d’un ton autoritaire. C’est vous qui êtes venus demander de pouvoir assister aux cours comme n’importe quel élève, droit que l’Église vous a octroyé ! Il est donc tout à fait irrespectueux de ne pas vous présenter en classe comme vous le devriez, et cela durant la totalité de la semaine.
— Je vous arrête tout de suite Professeur. Je respecte mon engagement vis-à-vis de l’archevêque et de messire Seteth. Lors de ma demande de transfert, j’ai émis la requête d’intégrer votre classe uniquement pour VOS cours. Et depuis un mois, je n’en ai pas manqué un seul. Ainsi, dire que je ne tiens pas parole est assez insultant de leur part.
Celsiuss se tut un instant. Décidément, avec ce jeune homme, elle n’était jamais au bout de ses surprises. Et dire que malgré sa mauvaise réputation au sein du monastère, il se payait le luxe de poser des conditions à dame Rhea. Son culot ne semblait connaître aucune limite. Toutefois, elle se voyait mal répéter ce qu’il venait de lui dire à messire Seteth. Elle n’était pas sûre que cet homme, facilement irritable, accepte cette réponse calmement et sans sourciller.
— Mais pourquoi souhaitez-vous venir seulement à mes cours. Certes, je suis au-dessus du professeur Hanneman, et j’en suis fière, mais je ne suis toutefois pas la meilleure enseignante de l’académie.
— C’est uniquement parce que vous êtes modeste. Vos leçons sont des plus intéressantes, mon amie, et votre voix est fort agréable à écouter durant ses conférences. De plus, vous avez ce petit grain de folie qui vous rend si attachante, c’est pourquoi j’aime beaucoup être en classe avec vous.
Il lui adressa un sourire qu’elle ne sut vraiment comment prendre. Il semblait lui faire des compliments, mais la jeune femme était certaine que se devait être une combine pour mieux se moquer d’elle. Quoiqu’il en soit, il était hors de question de se laisser faire plus longtemps.
— Eh bien il est temps que les choses changent ! s’exclama-t-elle d’une voix autoritaire. J’en ai assez de me faire sans cesse taper sur les doigts parce que vous vous laissez vivre sans prendre en compte ce qui vous entoure ! Il vous est demandé de faire montre d’un peu plus de respect envers mes collègues à l’avenir. Et demain matin, indépendamment des cours, il y a une manifestation importante auquel je dois emmener TOUS mes élèves. Alors vous avez intérêt à être présent, à huit heures et quart, devant la cathédrale. Ne me forcez pas à venir vous chercher directement dans l’Abysse !
— Si c’est vous qui supervisez la classe demain matin, bien évidemment que je serais là, et à l’heure comme un parfait élève studieux, assura Yuri en se levant. Sur ce, je vous souhaite une très bonne soirée Professeur.
Il lui sourit une dernière fois avant de quitter la salle de classe tranquillement, laissant l’enseignante, incrédule. Visiblement, il n’avait absolument rien écouté de son sermon. Comment allait-elle bien pouvoir expliquer cela à Seteth ? Elle préférait ne pas y penser. Pour le moment, elle allait juste malencontreusement omettre de lui faire son rapport et attendre que la situation s’améliore. Soupirant, elle rangea finalement ses affaires avant de quitter la pièce, considérant enfin sa journée comme terminée.
— Hey Prof !
Elle se retourna pour voir l’un des élèves de sa classe arriver dans sa direction. De taille moyenne, il était reconnaissable pour son teint hâlé. Il avait de courts cheveux bruns, coiffés en bataille, dont une petite tresse descendait le long de sa joue droite. Une boucle en forme d’anneau décorait son oreille gauche. Il avait de grands yeux vert émeraude, aux aspects sournois, et un sourire toujours difficilement interprétable. Petit fils du duc de Riegan, dirigeant de l’Alliance de Leicester, il avait une cape jaune sur son épaule gauche, tombant sur son uniforme noir et attestant qu’il était le délégué de la classe des Cerfs d’Or.
— Oh, c’est vous Claude, le salua Celsiuss, en se tournant vers lui. De quoi avez-vous besoin ?
Après tout, ce n’était pas rare que le jeune homme vienne souvent parler avec elle en fin de journée, quand les cours étaient terminés. C’était un gentil garçon d’agréable compagnie, bien qu’il fût à surveiller comme le lait sur le feu également. Son passe-temps était d’élaborer des potions, et l’enseignante devait veiller à ce qu’il ne trouve pas de malheureuses victimes sur qui les tester.
— Rien, seulement discuter un peu avec vous sur cette fin de journée. Vous semblez grandement fatiguée.
— Peut-être parce que je dois faire face à des élèves qui ne me laissent aucun répit ? suggéra la jeune femme dans un sourire.
Un éclat de rire lui répondit. Après tout, même si tout n’était pas de tout repos, elle aimait beaucoup sa classe et tous les étudiants qui la composaient.
— C’est parce qu’on vous apprécie Prof, reprit le délégué. Que l’on soit noble ou non, vous ne faites pas la moindre différence et vous accompagnez chacun d’entre nous du mieux que vous pouvez pour essayer de nous faire atteindre nos objectifs. Ce qui est tout à votre honneur.
— Et je vous remercie.
Le calme revint entre eux. Cependant, Celsiuss se doutait que ce n’était pas tout. Après tout, maintenant qu’elle connaissait bien le jeune homme, elle savait qu’il était sournois et calculateur. Elle se doutait que cette conversation n’était pas anodine, loin de là, et qu’il y avait une vraie raison derrière.
— Je doute cependant que vous m’ayez trouvé simplement pour me faire des compliments sur ma manière d’enseigner, Claude, reprit-elle. Aussi, puis-je savoir ce que vous avez en tête ?
— Vous commencez vraiment à bien me connaître Prof, je ne peux rien vous cacher, ria légèrement le concerné avant que son sourire ne disparaisse : Je ne vais pas vous mentir, c’est à propos de ce nouvel élève, Yuri Leclerc.
— Eh bien quoi ? Ne me dites pas que, malgré le peu d’heures de cours où il est là, il a déjà réussi à se faire des ennemis ?
— Non, rassurez-vous. Toutefois, je n’aime pas son comportement. Il est calculateur et manipulateur.
— Et c’est vous qui me dites ça ? sourit Celsiuss. Au moins, vous parlez en connaissance de cause.
— Vous savez que je me contente de vous taquiner. Mais lui… Compte tenu de ses antécédents, on ne peut exclure le fait qu’il est quelque chose derrière la tête, et pas forcément de sympathique. Le fait qu’il ne vienne qu’à vos cours est également étrange. Si j’ai un conseil à vous donner, ne soyez pas trop gentille avec lui et restez sur vos gardes ! Je crains qu’il n’abuse de votre amabilité envers lui.
— Je crois que vous vous inquiétez pour rien, Claude, mais je vous remercie de votre sollicitude, déclara l’enseignante. De toute manière, je me suis également fait la remarque que son comportement ne semblait pas désintéresser. Je vais le tenir à l’œil.
Après tout, il était sans aucun doute le premier élève à saisir toutes les occasions pour lui faire des compliments. Naturellement, il faisait cela de manière plus ou moins implicite, mais de façon tout de même appuyée pour être certain que Celsiuss comprendrait ses allusions. Et elle ne s’expliquait pas la raison. D’autant plus quand elle repensait à leur rencontre, une lune en arrière, où il avait quand même essayé de la tuer et ne faisait aucun effort pour cacher son aversion vis-à-vis d’elle. Alors forcément, une telle différence de comportement ne pouvait que provoquer des interrogations.
Elle cessa néanmoins d’y penser et prit congé de son délégué pour passer le reste de la soirée au calme avant de partir se coucher.*
* *
Le lendemain matin, à huit heures précises, Celsiuss se trouvait déjà devant les lourdes portes de la cathédrale, à attendre l’arrivée de ses élèves. Bien sûr, il leur restait encore un quart d’heure pour arriver, mais elle voulait être certaine d’être là la première. Le contraire ferait un peu désordre et elle n’avait pas envie de recevoir une énième remontrance de la part de Seteth.
Deux minutes à peine s’écoulèrent avant qu’elle ne voie arrivé le premier étudiant, et fut étonnée de voir qu’il s’agissait de Yuri. Celui-ci lui adressa un charmant sourire, qu’elle accueillit avec méfiance.
— Bonjour, Professeur, la salua-t-il.
— Bonjour. Vous êtes en avance, dites-moi.
— Naturellement. Je vous ai dit que pour vous, je serais à l’heure comme un élève studieux. Je ne voulais pas vous faire attendre.
— Eh bien… merci ? Si seulement vous pouviez faire cela avec le reste des enseignants également.
Le jeune homme ne répondit pas, se contentant de hausser les épaules. Il regarda un instant autour de lui avant que son regard ne se pose sur la cathédrale.
— Pourquoi venons-nous ici ? questionna-t-il finalement. Les cours de ce matin ont été remplacés ?
— Vous l’auriez su si vous aviez assisté au cours d’emblémancie du professeur Hanneman hier, répondit Celsiuss avec reproches. Aujourd’hui, il y a un récital spécial donné en l’honneur de Sainte Seiros. Aussi, toutes les classes doivent participer à la chorale.
Contre toute attente, elle vit le visage de son interlocuteur se décomposer à cette nouvelle.
— Je… vois… Veuillez m’excuser mon amie, mais je viens de me souvenir d’une tâche urgente qui m’attend dans l’Abysse. Amusez-vous bien et à plus tard.
Cependant, la jeune femme le rattrapa bien vite par le bras. Il était là, hors de question de le laisser s’en aller.
— Pas si vite mon coco ! s’exclama-t-elle. Vous êtes présents, je ne vous laisserais pas partir ! Ce n’est qu’une simple chorale, ça n’a jamais tué personne ! N’avez-vous pas dit que vous participiez toujours à mes cours ?
— Je suis navré Professeur, mais même pour vous, c’est au-delà de mes forces. Je déteste chanter en public.
— Pourquoi ? Je vous ai déjà entendu chanter pour des enfants, et vous avez vraiment une très belle voix.
Cette réponse valut immédiatement le froncement de sourcils de son interlocuteur.
— Vous m’avez déjà entendu ?!? répéta-t-il, visiblement furieux à cette nouvelle.
— Et qu’est-ce que ça fait ? Honnêtement, cessez de faire l’enfant !
— Mais je déteste vraiment chanter devant d’autres gens. Avec des gamins, ça va, mais pas face à des adultes. Je vous en supplie Professeur, ne me forcez pas à faire ça, pitié.
Honnêtement, c’était bien la première fois de sa vie qu’elle entendait son élève supplier pour quelque chose. Et elle ne s’expliquait vraiment pas pourquoi.
— Je vous demande uniquement de chanter Yuri ! Ce n’est pas comme si je vous demandais de partir à la guerre alors cessez d’en faire tout un plat !
— Croyez-moi, je préférerais encore partir à la guerre plutôt que de subir ça !
L’enseignante ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Vraiment, de mieux en mieux. Pourquoi diable Yuri avait-il voulu rejoindre sa classe déjà ?
— Sérieusement…
— Eh bien, c’est qu’il y a de l’animation. Vous avez l’air de beaucoup vous amuser Professeur.
L’enseignante se tourna vers la personne qui venait de lui parler pour se retrouver face à Hilda Valentine Goneril. Il s’agissait d’une jeune fille aux grands et beaux yeux rosés, de la même couleur que ses longs cheveux retenus en deux couettes. Il s’agissait d’une demoiselle talentueuse, maniant la hache comme personne, mais qui aimait se faire passer pour faible afin de fuir les trop lourdes responsabilités. Elle arborait en ce moment un doux sourire.
— Pas du tout, je suis en train de désespérer en raison de certains de mes élèves qui aiment me faire tourner en bourrique.
Elle lança un regard appuyé à Yuri qui l’ignora royalement, faisant rire davantage l’étudiante.
— Il y a de l’amour dans l’air à ce que je vois, assura-t-elle.
— N’importe quoi ! nia l’enseignante.
Honnêtement, qui pourrait s’éprendre d’un homme aussi insupportable que Yuri ? Sûrement pas elle ! Et dire qu’en terminant sa corvée dans l’Abysse, elle s’était dit que c’était un jeune homme respectable, quand on apprenait à le connaître. Elle avait rapidement changé d’avis.
— Faire autant de vacarme devant un bâtiment religieux. Vos manières sont grandement lacunaires.
Celsiuss se tourna vers la personne qui venait de lui parler pour se retrouver face à Lorenz Hellman Gloucester, forcément. Fils d’un comte de l’Alliance, ce jeune homme était fier de son noble sang et se trouvait être particulièrement à cheval sur l’étiquette. Il était de grande taille et arborait de courts cheveux violets coiffés de manière ridiculement compliquée, et de la même couleur que ses pupilles. Il se distinguait par ailleurs facilement des autres élèves en raison de la rose artificielle qui décorait éternellement la boutonnière de son uniforme.
— Ne commencez pas Lorenz, soupira la jeune enseignante. Je resterais sûrement plus calme si je n’avais pas les étudiants que j’ai actuellement.
Le jeune homme ignora royalement ses justifications, se tournant vers le reste de ses camarades qui arrivaient.
— La piété fait également partie du devoir d’un noble, et cela, quelle que soit la manière de se recueillir. Ainsi, pour pouvoir chanter avec justesse, il est important de s’échauffer.
Il commença à faire des vocalises sous le regard railleur de Claude. Celsiuss s’abstint de tout commentaire, vérifiant la présence de chacun de ses élèves. Et fort heureusement, ils étaient tous présents, ce qui faisait un souci de moins.
— Bien ! Puisque tout le monde est là, allons-y ! ordonna-t-elle. Le récital va bientôt commencer.
Ainsi, la petite classe des Cerfs d’Or entra dans le bâtiment religieux pour se diriger vers le cœur. Constatant que de nombreux autres membres du monastère et des fidèles s’y trouvaient déjà, ils s’installèrent silencieusement. Il fallut attendre encore quelques minutes avant que les premières notes de l’orgue ne résonnent dans toute la cathédrale. Aussitôt, la responsable de la chorale commença à chanter, bientôt suivie par le reste de la foule.« À la guerrière intrépide qui vainquit le malin
Celle qui, la lame à la main, fit toujours le bien
Tes exploits servent d’exemple aux nouvelles générations
Et jamais nous ne cesserons de clamer ton nom »
Celsiuss devait reconnaître avoir beaucoup de mal avec ce genre de texte qui ne servait qu’à chanter les louanges de quelqu’un qui n’avait laissé pour seules traces de ses exploits passés que des textes plus ou moins précis. Mais ces paroles avaient été écrites par l’archevêque, dame Rhea en personne, et elle avait personnellement tenu à ce que tout le monde vienne les chanter.
Aussi, l’enseignante continuait de prononcer les paroles qu’elle avait apprises par cœur sans y penser, son regard balayant la foule de ses élèves. Comme d’habitude, Marianne semblait absorbée par ce qu’elle faisait, bien qu’elle donnât plus l’impression de prier que de chanter, mais il était absolument impossible d’entendre sa voix, noyée dans la cacophonie environnante. À l’inverse, Raphael semblait heureux d’être ici et avait une voix qui portait, mais qui n’était pas du tout dans le ton, perdant ses voisins. Claude était trop occupé à chercher dans le fond de la foule qui avait bien pu chanter subitement aussi faux, mais le rappeler à l’ordre risquait de s’entendre. Aussi, l’enseignante se contenta de lui lancer un regard réprobateur quand leurs yeux se rencontrèrent, ce qui lui valut un léger sourire en retour. Lorenz, lui, prenait très à cœur cette activité, considérant cela comme une démonstration de noblesse, devant les regards consternés de Leonie et Lysithea. Hilda, elle, semblait heureuse de chanter, bien qu’elle eut réclamé juste avant le début une danse de la part de son enseignante et ne cessait donc de la regarder. Comme si Celsiuss allait se mettre subitement à danser dans ce lieu sacré. C’était bien mal la connaître ! À ses côtés, Ignatz chantait distraitement, semblant beaucoup plus intéressé par l’architecture, les vitraux et les tableaux de la cathédrale que par la chorale en elle-même.
Le regard hétérochrome de l’enseignante finit par se poser sur Yuri. Celui-ci avait les mains jointes devant lui, mais les lèvres parfaitement scellées, n’émettant pas le moindre son. Ses pupilles lilas étaient posées sur la jeune femme, une manière silencieuse de faire passer son message « Je vous avais bien dit que je ne chanterais pas ». Celsiuss fronça légèrement les sourcils, forçant un léger rire de la part du jeune homme, mais rien n’y fit. Au moins, elle avait réussi à faire en sorte qu’il fasse acte de présence, et elle devrait se contenter de cette maigre consolation, compte tenu de la situation. Au moins, Seteth pourrait voir qu’elle avait essayé.
La cérémonie dura encore un bon quart d’heure avant que tout le monde ne soit finalement libéré. Celsiuss ne perdit guère plus de temps pour rassembler ses troupes.
— Comme vous le savez tous et toutes, nous avons une manœuvre cet après-midi pour étudier la stratégie sur le terrain. Aussi, je vous attends tous devant les portes du monastère à quatorze heures précises. Je compte sur vous pour être prêt et à l’heure !
— Bien Professeur !
— Dans ce cas, je vous libère pour que vous puissiez vous rendre au cours de combat du professeur Jeritza. Bon courage !
Ses élèves approuvèrent avant de s’éloigner tout en lui adressant des signes de la main. Elle vit alors l’étudiant de l’Abysse commencer à s’éloigner dans la direction opposée.
— Une minute Yuri ! Le terrain d’entraînement est de l’autre côté !
— Je sais bien mon amie, mais comme je vous l’ai dit ce matin, j’ai des choses à faire dans l’Abysse. D’ailleurs, si j’avais su que cette heure se résumait à devoir chanter, je ne serais pas venu non plus. De même, inutile de compter sur ma présence cet après-midi. J’aurais beaucoup aimé assister à cette manœuvre, car vous voir à l’œuvre est toujours une grande source d’apprentissage, mais je n’ai malheureusement pas le choix.
— Et j’imagine que, peu importe ce que je peux dire, je ne parviendrais pas à vous faire changer d’avis ?
— Non, pas cette fois, j’en ai bien peur. Mais une prochaine fois peut-être. D’ici là, bon courage mon amie !
Il s’en alla sans un regard en arrière tandis que Celsiuss soupirait. D’un autre côté, s’il n’était pas là, elle n’aurait pas à le surveiller, n’auraient pas à endurer les plaintes de Claude à son propos et ils pourraient probablement tous se concentrer pour travailler dans les meilleures dispositions possible. Tout du moins, elle l’espérait.*
* *
Cela faisait désormais un petit moment que le groupe d’élèves marchait en direction de la voie de Magdred. Autrefois théâtre de quelques malfrats qui se livraient à des actes de vandalisme, il s’agissait d’un endroit relativement calme désormais, chargés en relief, idéal pour voir de manière concrète l’importance du terrain dans l’élaboration d’une stratégie.
Celsiuss ouvrait la marche depuis le dos de Nocturna, son pégase noir. Depuis les airs, elle commençait à faire un premier repérage, vérifiant que les lieux étaient bien déserts, ce qui s’avérait être le cas. Elle jeta par la suite un regard à ses élèves qui la suivaient. Ils avaient tous été au point de rendez-vous, parfaitement à l’heure, ce qui leur avait fait gagner un temps considérable.
— Bien nous y sommes ! déclara-t-elle en ordonnant à sa monture de se poser devant eux. Un peu à l’image des batailles de simulations, nous allons faire deux équipes pour symboliser deux armées. La première sera composée de Claude, Leonie, Marianne et Hilda. La seconde de Lorenz, Ignatz, Lysithea et Raphael. Je rappelle qu’il est interdit de porter des coups à votre adversaire, vous devez vous contenter de mimer une attaque puisqu’il s’agit avant tout d’un cours stratégique. Le but de la manœuvre sera de permettre à votre armée de prendre le contrôle du camp adverse. Pour ma part, je serais là pour regarder et contrôler vos choix tactiques, et nous ferons un point par la suite. Des questions ?
Les étudiants répondirent unanimement d’un signe de tête négatif. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’ils s’adonnaient à ce genre de leçon, davantage intéressante que les cours stratégiques uniquement données à partir d’une carte. Sur le terrain, il y avait au moins du concret.
La classe se divisa rapidement en groupe précédemment énoncé avant de finalement se rendre dans les camps qui avaient été désignés. Celsiuss avait repris son envol pour avoir une meilleure vue d’ensemble sur le terrain et pour pouvoir contrôler l’action de chacun de ses élèves. Pour le moment, ils commençaient à se déplacer prudemment, essayant de surprendre les troupes adverses sans que cela ne se retourne contre eux. Claude avait pris la tête de l’unité, puisqu’il avait toujours semblé avoir des prédispositions à l’élaboration de tactiques, plus ou moins fourbes, et avait un certain sens du commandement. Mais elle fut surprise de constater que Lorenz n’était pas en reste dans la seconde escouade. Depuis le dos de son cheval, il donnait des ordres à ses camarades qui n’étaient pas dénués de sens. Peut-être que le fait de passer son temps à espionner le petit-fils Riegan lui avait beaucoup appris, finalement.
La jeune femme interrompit néanmoins la contemplation de ses élèves pour regarder autour d’elle. Elle était certaine d’avoir entendu un bruit étrange. Pourtant, pour le moment, elle ne voyait rien. Prudente, elle fit déplacer Nocturna afin de survoler davantage la zone. Néanmoins, elle bifurqua rapidement quand elle entendit le sifflement reconnaissable d’une flèche qui venait de la frôler. Et en regardant avec plus d’attention, elle remarqua deux archers, semblant des brigands, tapis un peu plus loin, et la visant manifestement. Et ce genre d’unités ne se déplaçaient jamais seules. Claquant des rennes, elle fit plonger son pégase là où se trouvaient ses élèves.
— Annulation de la manœuvre, ordonna-t-elle. Nous ne sommes pas tous seuls ici ! Rassemblez-vous, nous allons devoir nous battre !
Bien que n’ayant rien vu d’anormal, ses élèves ne se firent pas prier et se rassemblèrent, chacun regardant dans une direction différente afin de ne pas se laisser surprendre. Ce qui était une chance d’avoir des étudiants tous formés soigneusement au combat. Il ne leur fallut pas longtemps pour voir des brigands commençaient à affluer d’un peu partout, entre les arbres et derrière les rochers.
— C’est notre jour de vaine les gars ! s’exclama celui qui avait l’air d’être le chef. Y a des rejetons de nobles au milieu ! On va se faire un joli pactole en pillant leur dépouille !
Des ricanements lui répondirent alors que Celsiuss serrait les poings. Comme si elle allait les laisser faire du mal à ne serait-ce qu’un cheveu de l’un de ses élèves. Des battements d’ailes lui firent cependant lever la tête.
— Ils ont des chevaliers pégases et wyvernes dans leur rang, constata-t-elle avant de se tourner vers ses élèves. Claude et Ignatz, occupez-vous des unités aériennes !
— Bien reçu !
— Hilda, vous allez vous occuper des épéistes.
— Je vais essayer, mais c’est bien parce que c’est vous.
— Leonie et Raphael, vous vous occupez des archers. Lysithea et Lorenz, utilisez votre magie pour défaire les combattants à la hache. Marianne, vous vous occupez du soutien et des premiers soins ! Je vais me charger de leur chef.
— Très bien.
— Allons-y !
Sans attendre, la jeune femme fondit sur son ennemi, Nocturna évitant habilement le coup de hache que l’homme tenta d’asséner. Elle chargea sa magie dans sa main gauche, l’entourant d’un halo glacial.
— Grêle tranchante !
Une lame de glace jaillit de sa paume avant de heurter de plein fouet son adversaire, l’envoyant au sol un peu plus loin. Et d’un rapide coup d’œil, elle put voir que ses élèves avaient neutralisé la plupart des brigands qui se trouvaient sur les lieux. Finalement, ce n’était que des petites frappes, et cela avait permis à ses élèves de s’entraîner en conditions réelles. Autrement dit, ce n’était que des points positifs.
Tout du moins, c’est ce qu’elle aurait dit si elle n’avait pas entendu trop tard le sifflement d’un sort. Elle se retourna pour voir arriver une météorite, qui en s’écrasant, provoqua une détonation qui la souffla. Elle se heurta violemment contre un rocher, sentant son bras gauche se briser sous l’impact. Retenant un cri de douleur, elle se releva pour voir une salve de flèches arriver dans leur direction.
— Reculez ! ordonna-t-elle.
Serrant les dents pour endurer la souffrance qui se propageait dans son corps, elle tendit la main droite devant elle pour ériger un bouclier de glace et ainsi les neutraliser.
— Il restait des mages et des archers. J’ai été trop négligente, pensa-t-elle avant de se tourner. Tout le monde va bien ?
— Globalement, ça va, assura Claude. J’ai été touché par une flèche, mais les dégâts sont minimes, rassurez-vous.
Effectivement, la jambe de son pantalon était légèrement déchirée, mais la blessure en dessous ne semblait pas grave. Cependant, ils n’eurent guère le temps de se pencher davantage sur cette situation qu’un nuage de poison arrivait dans leur direction.
— Dispersez-vous ! ordonna l’enseignante. Et ne respirez surtout pas ces effluves ! Marianne, concentrez vos sorts de soins en priorité sur vos camarades !
— Mais… et vous ?
— Je passerais après !
La jeune femme remonta maladroitement sur sa monture qui s’envola.
— Je ne peux pas me battre et tenir les rênes, grommela-t-elle. Alors je compte sur toi pour l’esquive Nocturna.
Le pégase hennit en signe de compréhension alors qu’il se mettait à virevolter pour éviter les salves de flèches. Elle put voir deux des mages tombés, toucher par Ignatz et Claude, tandis qu’Hilda venait balayer les archers à grands coups de hache. Quelques blessures furent enregistrées dans leur rang, mais ils parvinrent finalement à triompher.
— Et dire que les lieux étaient supposés être redevenus calmes, soupira Celsiuss.
Elle se tourna rapidement vers ses élèves avant de faire un premier contrôle.
— Marianne, occupez-vous de l’épaule de Raphael, ordonna-t-elle. Leonie, vous avez une entaille au bras ! Venez, je vais vous soigner !
— Merci professeur.
La jeune femme aux yeux hétérochrome soupira intérieurement. Les blessures de ses élèves n’étaient pas très graves. Les premiers soins seraient donnés sur place, avant de les conduire à l’infirmerie pour un dernier diagnostic et tout irait bien. Cependant, un bruit sourd dans son dos lui fit vite changeait d’avis.
En se retournant, elle put voir Lorenz s’effondrer de son cheval, toussant du sang. Elle sentit son cœur rater un battement alors qu’elle se précipitait vers lui.
— Lorenz, que se passe-t-il ? Tenez bon !
Le jeune homme semblait éprouver des difficultés pour respirer, la main serrant le tissu de son habit, au niveau de ses poumons. Visiblement, il avait dû respirer un peu de poison et, étant de constitution assez fragile, les conséquences semblaient dramatiques.
— Tenez bon, nous avons des antidotes, quelque part.
C’était mauvais. Celsiuss commençait à sentir la panique l’envahir, ne sachant pas trop quoi faire. Elle regarda autour d’elle, désespérée.
— Ici, Professeur ! s’exclama Lysithea en venant vers elle, une fiole en main. Il me restait des doses.
— Je vous remercie.
Elle le fit boire à son élève avant de se tourner vers sa soigneuse.
— Marianne ! Vous reste-t-il suffisamment d’énergie pour faire des sorts de soin ?
— Oui.
— Alors, concentrez toute votre magie sur lui. Je vais vous y aider. Leonie !
La rousse sursauta en entendant son nom avant de s’approcher.
— Oui ?
— Vous qui êtes une cavalière, vous allez monter Nocturna et retourner le plus vite possible au monastère ! Expliquez ce qui vient de se produire et demandez à ce que l’on envoie une équipe immédiatement, le temps presse !
— Bien !
L’enseignante se tourna vers son pégase qui sembla comprendre le message qu’elle voulait lui faire passer. Aussi, elle se laissa monter par l’étudiante sans rechigner avant de s’envoler aussi vite que possible vers le monastère. Celsiuss reporta alors son attention sur les soins. La magie blanche se basait sur l’énergie de son utilisateur. C’est pourquoi il était impossible de se soigner soi-même. Et dans l’état douloureux dans lequel elle se trouvait, elle savait qu’elle n’était pas au maximum de ses capacités. Mais si cela pouvait aider Marianne à maintenir Lorenz en vie, alors c’est tout ce qui comptait.
— Que… que pouvons-nous faire, Professeur ?
La concernée sursauta avant de se tourner vers l’étudiante aux cheveux roses. Celle-ci semblait désemparée, et l’enseignante devait reconnaître ne pas savoir quoi faire pour la rassurer.
— Continuer de surveiller les alentours. Essuyer une attaque dans ces conditions serait la pire chose qui pourrait nous arriver, répondit-elle. Quant à ce qui s’est passé, je ne sais pas comment l’expliquer. Tout est de ma faute…
Elle avait la vie de ses élèves entre ses mains, et pourtant l’un d’entre eux était en train de mourir, par sa faute. Une larme amère roula sur sa joue et elle secoua la tête pour la chasser. Ce n’était pas le moment de se morfondre !
Elle sentit une main se poser sur son épaule. Elle releva la tête pour croiser le regard émeraude et bienveillant de son délégué.
— Vous n’avez rien à vous reprocher, Prof, vous avez fait ce que vous avez pu. Et je pense que nous sommes tous d’accord ici pour dire que rien de ce qui est arrivé n’est de votre faute.
Ses camarades approuvèrent d’un signe de tête. Et ce simple geste avait suffi à réchauffer un peu le cœur de la brune. Aussi, quand elle aperçut l’escouade, guidée par Leonie, arriver, elle se dit que tout n’était peut-être pas perdu.*
* *
C’était l’effervescence au monastère. La classe des Cerfs d’Or avait été immédiatement emmenée à l’infirmerie. Le plus gros des soigneurs s’affairaient à s’occuper de la survie de Lorenz, tandis que les autres étudiants étaient auscultés un à un pour vérifier qu’ils ne souffraient pas de blessures graves.
Celsiuss, elle, avait le bras en écharpe alors qu’elle se dirigeait vers le bureau de Seteth. Elle savait d’ores et déjà qu’elle allait passer un mauvais moment, mais se douter que c’était mérité. Aussi, elle s’arrêta un instant devant la porte en bois pour prendre une profonde inspiration avant de frapper. Elle attendit de recevoir l’autorisation pour pousser le vantail et entrer.
Seteth avait l’air plus sévère que jamais. Ses sourcils verts, de la même couleur que ses courts cheveux, semblaient froncer au-delà du possible. Ses bras étaient croisés sur ses vêtements bleu marine et blancs, montrant qu’il ne semblait pas de bonne humeur. Sa barbe de trois jours et la forme angulaire de sa mâchoire ne faisaient que renforcer cette impression sévère.
— Je présume que vous savez pourquoi je vous ai convoqué ? demanda-t-il sans plus de cérémonie.
— Oui… répondit la jeune femme dans un souffle.
— J’exige des explications concernant ce qui s’est passé ! Comment avons-nous pu en arriver là ?
— Durant la manœuvre stratégique, nous avons été attaqués, répondit Celsiuss, baissant la tête pour contempler le sol. Et alors que nous nous battions contre ses brigands, il semblerait que j’ai sous-estimé leur nombre, et nous avons été pris par surprise.
— J’ose espérer que vous avez conscience que cette erreur de jugement est impardonnable, et lourde de conséquences ?
— Oui…
— Si le jeune Lorenz venait à succomber, nous aurions de graves problèmes avec son père, le comte Gloucester. Les retombées seraient excessivement désastreuses, que ce soit aussi bien pour le monastère que pour l’Alliance de Leicester !
— … J’en ai conscience, oui…
— C’est pourquoi, après en avoir discuté avec Son Excellence, Dame Rhea, il a été décidé que vous seriez démise de vos fonctions tant que la situation ne se sera pas éclairci. Aussi, c’est le professeur Hanneman qui va s’occuper de votre classe à compter de demain, et cela jusqu’à nouvel ordre. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Oui.
— Dans ce cas, vous pouvez disposer.
C’était ainsi. Seteth venait de lui annoncer sa sanction, comme un coup de massue, avant de la congédier sans un regard de plus. Mais Celsiuss ne se fit pas prier et quitta rapidement le bureau. Elle ferma doucement la porte avant de s’appuyer contre. Cette fois, de grosses larmes dévalaient ses joues sans qu’elle ne parvienne à les contenir. Elle s’en voulait tellement ! Tout était de sa faute ! Elle tentait bien de se raccrocher aux paroles que son délégué avait eues pour elle, mais il lui fallait regarder la réalité en face. Elle avait été en dessous de tout.
Elle essuya ses yeux avant de marcher dans les couloirs, dans le seul but de regagner sa chambre. Elle n’avait même pas le courage d’aller à l’infirmerie pour son bras, par peur de ce qu’elle verrait là-bas. Aussi, elle regagna ses appartements pour s’y enfermer, et passer le reste de la journée, seule.*
* *
Cela faisait deux jours maintenant qu’Hanneman était devenu officiellement le professeur référent de la classe des Cerfs d’Or. Et tout autant de temps que Celsiuss avait l’âme en peine, sans réellement savoir quoi faire de ses journées. De plus, beaucoup de gens commençaient à murmurer sur son passage dans les couloirs. Ils affirmaient qu’elle portait malheur, ne cessant de causer des soucis au monastère depuis qu’elle y travaillait, et la jeune femme commençait à se dire qu’ils avaient raison.
Comme elle l’avait déjà expliqué à Yuri durant sa corvée dans l’Abysse, elle venait d’une contrée où la magie était mal vue. Perçus comme un mauvais présage, les mages étaient chassés dans le meilleur des cas, et enfermés pour subir des expériences dans le pire. Celsiuss avait donc fui sa patrie pour arriver en Fódlan. Ce pays disposait de magie comme d’une ressource naturelle, et ceux qui la manipulaient été nombreux. Elle pensait ainsi être acceptée et réussir à se faire une place. Hélas, les choses avaient été tout autres et rien n’avait changé pour elle. Elle n’était visiblement plus la bienvenue en ces lieux.
— Peut-être qu’il est temps pour moi de reprendre la route, après tout ?
Elle regarda un instant sa chambre. Bien qu’elle soit meublée modestement, elle été son lieu de vie depuis plusieurs lunes et devoir le quitter lui faisait bizarre. De même, elle n’avait aucune envie d’abandonner ses élèves. Même si, n’étant plus leur professeur, elle ne savait pas si elle pouvait encore les appeler comme tel. Mais de toute manière, restait si elle ne percevait plus le moindre revenu ne lui servait à rien. De même, il n’était pas sûr que le monastère veuille continuer de la loger et la nourrir gratuitement après ce qui s’était passé. Elle soupira finalement. Pourquoi tout était toujours si compliqué ?
— Je ferais mieux de prendre l’air, conclut-elle. Marcher me fera du bien.
Elle n’attendit guère plus de temps pour quitter sa chambre. Elle savait qu’à cette heure-ci, les étudiants étaient en cours. Elle ne croiserait donc personne. D’ailleurs, elle n’avait toujours pas été voir qui que ce soit pour faire soigner son bras cassé, ayant été reclus dans ses appartements depuis ce jour tragique. Mais elle ne voulait toujours pas se rendre à l’infirmerie. La peur d’y entrer et d’apprendre que son élève n’avait pas survécu la terrorisait beaucoup trop.
Elle secoua la tête pour chasser ses pensées pessimistes avant de marcher tranquillement dans les jardins, sans un regard pour le décor. Elle se contenta d’aller où ses pas la menaient, profitant simplement de la légère brise qui lui ébouriffait les cheveux et venait caresser son visage. Elle se retrouva ainsi à franchir les portes du monastère, pour finalement s’arrêter sur le pont, admirant la vue qui s’offrait à elle. Le bâtiment religieux ayant été construit en hauteur, elle pouvait voir un décor, chargeait de reliefs, juste devant ses yeux. Et dire que depuis le temps qu’elle travaillait ici, elle n’avait jamais pris la peine de venir l’admirer. Dommage que tout ceci se soit fait dans ses conditions.
Elle reprit sa marche lentement, terminant de traverser la structure de pierre, avant de se retourner. Beaucoup plus bas, au pied de celui-ci, se trouvait l’une des nombreuses entrées menant à l’Abysse. Elle avait pu le découvrir en venant désengorger les canaux. Un léger sourire, un peu amer, se forma sur ses lèvres. Même si elle avait beaucoup râlé face à cette tâche ingrate, la vie y était beaucoup plus simple à l’époque, loin des remords qui étreignaient actuellement douloureusement son cœur et son âme.
— Hey ! Regardez par là les gars ! Une donzelle ! Et seule en plus !
En entendant cela, la jeune femme se retourna pour faire face à cinq brigands, sortant de derrière les arbres qui les avaient dissimulés jusqu’à présent.
— On va lui piquer tout ce qui peut être bon à la revente !
— Ne pensez pas que je vais me laisser faire bien sagement.
Celsiuss n’attendit pas plus de temps pour former de la magie de glace dans sa main valide, lançant un sort sur ses adversaires, cependant, ils n’eurent pas de mal à l’éviter, avant de s’élancer vers elle, l’encerclant. L’ancienne enseignante créa une épée de glace pour tenter de repousser les armes adverses. Mais avec un bras en moins, ses gestes étaient maladroits et désordonnés. Dans ses conditions, elle savait qu’elle ne tiendrait pas longtemps. De plus, personne ne savait qu’elle se trouvait ici et, dans les conditions actuelles, elle n’était de toute façon pas certaine que quelqu’un viendrait lui prêter main-forte. Tout semblait perdu !
Elle planta sa lame de fortune dans le flanc de l’homme lui faisant face, avant de se retourner pour ne voir que trop tard une hache levée vers elle. Cependant, avant que le brigand ne porte son attaque, il s’effondra inerte sur le sol.
— Quoi ? s’étonna-t-elle.
— On s’est fait avoir les gars ! Elle était pas seule !
La jeune femme releva les yeux pour voir ses ennemis tombaient un à un face à un épéiste talentueux. Celui-ci eut tôt fait de se débarrasser des malfrats, avant de se tourner vers elle.
— Eh bien, eh bien mon amie. Vous semblez vous être mise dans une situation délicate.
— Yuri… Qu’est-ce que vous faites ici ?
— Allons, n’en avez-vous pas une petite idée ? Je suis venue voir comment vous allez après tout ! Je ne pouvais tolérer que les seuls cours qui me plaisaient soient désormais donnés par le professeur Hanneman.
— Parce que vous continuez à suivre les leçons comme ça vous chante ? soupira Celsiuss.
Remarque, cela faisait au moins une chose qui n’avait pas changé. Le jeune homme l’ignora avant de finalement la regarder longuement.
— Sortir seule en dehors de l’enceinte du monastère, là où vous pouvez être attaqué à tout moment, tout en étant blessée… Pardonnez-moi Professeur, mais laissez-moi vous dire que vous avez agis de manière parfaitement stupide. Je pense pourtant que, à voyager sur les routes comme vous l’avez fait avant de venir ici, vous êtes bien placé pour connaître tous les dangers qui sévissent dans les environs.
Celsiuss détourna les yeux. Oui, elle le savait, mais à dire vrai, en cet instant précis, ce n’était pas ce qui avait le plus accaparé son attention. Elle voulait seulement fuir le lieu qui lui devenait oppressant. Elle finit d’ailleurs par diriger ses orbes hétérochromes sur le sol.
— Cessez de m’appeler « Professeur », déclara-t-elle d’une voix basse et tremblante. Je n’ai plus ce titre.
Elle se concentra pour tenter d’ignorer le bruit de son cœur qui se brisait toujours plus. Cependant, elle sortit de ses sombres pensées en sentant une tendre pression sur son épaule.
— Asseyez-vous mon amie, reprit le jeune homme d’une voix douce.
La jeune femme regarda ses pupilles lilas avant de finalement s’exécuter. Yuri s’agenouilla aussitôt devant elle avant qu’un halo blanc n’entoure sa main pour qu’il la pose sur le bras endolori de la demoiselle. Celle-ci sentit aussitôt la douleur s’atténuer. On disait que la magie blanche était à l’image de celui qui l’utilisait. Et en ce moment même, elle pouvait sentir une douce chaleur se propager, agréable comme une journée d’été.
— Vous auriez dû vous occuper de votre blessure plus tôt, déclara le jeune homme, rompant le silence.
— Je ne savais pas vers qui me tourner. Je ne voulais pas accabler davantage les infirmiers qui ont déjà beaucoup à faire.
— Alors je suis heureux d’être celui qui peut vous apporter ses soins.
— Et pourquoi ? Je suis sûre que vous savez ce qui s’est passé durant la dernière manœuvre ? Tout le monde ne parle plus que de ça ! J’ai été en dessous de tout ! Je me retrouve blessé, et l’un de mes élèves se trouve entre la vie et la mort ! Je ne suis pas faite pour enseigner ! Je n’aurais jamais dû venir en ces lieux ! Je ne fais rien de bien !
Les larmes commencèrent à couler sur ses joues sans qu’elle ne puisse l’arrêter. Elle ne savait même pas pourquoi elle racontait tout ça à Yuri. Peut-être qu’elle avait besoin d’extérioriser ce qu’elle ressentait ? Dans tous les cas, lui aussi devait voir combien elle était minable, et lui tournerait le dos. Qui voudrait perdre son temps avec une perdante ? Sûrement pas lui, surtout avec toutes les responsabilités qui l’incombait.
— Ils ont tous raison, reprit-elle d’une voix à peine plus haute qu’un murmure. Les mages comme moi portent malheur.
Yuri se contentant de la regarder en souriant, la main, toujours sur le bras de la jeune femme, se faisant plus douce.« Les gens la considéraient comme folle et décalée,
Maladroite, elle ne cessait d’être jugée et réprimandée.
Pourtant, il suffit de la contemplait,
Pour savoir que seule la bonté peu la qualifier. »
La jeune femme s’immobilisa en entendant cela. Yuri la regardait droit dans les yeux, un léger sourire sur les lèvres, alors qu’il chantait. Sa voix était belle, digne d’un ténor de grand opéra. Et ses paroles… On aurait dit qu’il parlait de Celsiuss elle-même. La jeune femme se serait giflée pour cette pensée absurde. C’était impossible qu’il puisse chanter uniquement pour elle. Cependant, elle ne fit rien, complètement paralysée par ce regard qui la happait.« Son regard de diamant et de feu a toujours été rassurant,
Sa magie, bien que de glace, semblait chaleureuse,
Mage talentueuse au cœur vaillant,
Il n’y avait que par le bonheur de ses élèves qu’elle semblait heureuse
On l’a dit maudite, on l’a dit porteuse de mauvais présages
Mais ce sont là les dires des ignorants
Car quelqu’un d’aussi malfaisant
N’aurait pas à l’heure actuelle autant de regrets sur le visage. »
Doucement, le jeune homme vint essuyer une larme récalcitrante sur la joue de Celsiuss.
— N’écoutez pas ce qui se dit sur vous mon amie. Vous ne portez pas malheur, et vous vous en êtes très bien sortie. Je suis certain que le fils Gloucester va s’en sortir. Il est le seul à être gravement blessé. Sans vous, il est possible qu’aucun de vos élèves ne soit rentré.
L’ancienne enseignante le regarda longuement, ne sachant pas quoi dire. Étonnamment, son cœur semblait lui paraître moins lourd. Un million de pensées se bousculaient désormais dans son cerveau, mais elle ne put en prononcer qu’une seule.
— Yuri… murmura-t-elle. Je croyais que vous détestiez chanter en public ?
Un léger rire lui répondit.
— Effectivement, c’est le cas.
— Alors… Pourquoi venez-vous de le faire ? Vous m’avez dit détester le faire devant un adulte.
— Oui. Mais avec vous, c’est différent. Vous n’êtes pas n’importe qui. Alors je peux chanter, juste pour vous.
Le cœur de Celsiuss sembla rater un battement, alors que les paroles qu’Hilda avait eues pour eux deux revenaient se jouer dans sa tête. Ce n’était pas possible.
— Pourquoi ?
— Vous n’en avez pas une vague idée ? Je vous pensais plus perspicace.
— Expliquez-moi !
— Je ne vous apprends rien, Professeur, en vous affirmant que certaines réponses doivent être trouvées par soi-même, ria-t-il. En tout cas, votre bras et guérit. Veillez tout de même à ne pas trop forcer dans les jours à venir.
— Je vous remercie.
La demoiselle tenta quelques mouvements pour constater que son bras pouvait à nouveau bouger.
— Allez, rentrons mon amie. Vous devez aller à l’infirmerie.
— Je ne peux pas… C’est au-dessus de mes forces.
— Bien sûr que si, vous le pouvez !
— Dans ce cas, venez avec moi ! Je ne veux pas y aller seule. Mais si vous êtes avec moi, je peux le faire.
Un doux sourire vint éclairer les traits raffinés du jeune homme.
— Vous n’aviez même pas à le demander.
— Merci.
Il y a encore quelque temps, Celsiuss n’aurait jamais pensé pouvoir avoir une conversation aussi calme et rassurante avec Yuri. Et pourtant, en ce moment même, il était celui qui parvenait à trouver les mots justes pour panser son cœur blessé. Et elle lui était extrêmement reconnaissante.
— Comment avez-vous fait pour me trouver aussi vite ? questionna-t-elle finalement, rompant le silence.
— À dire vrai, j’ai tenté de vous trouver dès que j’ai appris ce qui s’était passé lors de la manœuvre. Malheureusement, il semblait impossible de réussir à vous mettre la main dessus, comme si vous aviez disparu. Et un peu plus tôt, à l’Abysse, l’un de mes gars m’a dit vous avoir aperçu vous promener près du pont. Je me suis dit qu’en passant par les souterrains, j’aurais peut-être une chance de vous voir avant que vous ne regagniez votre chambre. Et je suis content, aux vues de la situation, d’avoir pris une telle initiative.
— Moi aussi. Je vous suis extrêmement reconnaissante. Je vous dois la vie.
— Allons, n’en faites pas toute une histoire. Je n’ai fait que rembourser la dette que j’avais envers vous. C’est vous qui avez soigné ma blessure la dernière fois.
Celsiuss le regarda avant qu’un fin sourire ne se dessine sur ses lèvres.
— C’est vrai, vous avez raison.
Ils entrèrent de nouveau dans le monastère, bien que l’atmosphère paraisse moins oppressante à la jeune femme. C’est dans un silence confortable, qu’ils se rendirent à l’infirmerie, bien que le rythme cardiaque de la demoiselle s’accéléra légèrement d’angoisse. Cependant, des bruits de pas interrompirent rapidement le train de ses pensées.
— Professeur !
Elle se retourna pour faire face à Hilda et Claude. D’ailleurs, ce dernier ne put s’empêcher de lancer un regard méfiant à Yuri, qui lui répondit d’un sourire difficilement interprétable.
— Qu’est-ce que vous faites ici ? s’étonna Celsiuss. Vous devriez être en cours de magie !
— Oui, mais nous vous cherchions Professeur ! assura joyeusement l’étudiante. Lorenz est tiré d’affaire !
— Et il a affirmé que vous n’étiez en rien responsable de ce qui s’était passé, poursuivit le délégué. Je suis certain que vous allez pouvoir rapidement reprendre vos fonctions, Prof !
— Eh bien vous voyez mon amie, tout s’arrange, sourit légèrement le jeune homme aux cheveux lavande.
— Oui.
— Ah, je vous cherchais.
La brune aux yeux vairons se retourna pour faire face à Seteth. Celui-ci semblait avoir la mine légèrement plus adoucie qu’il y a deux jours.
— Veuillez me suivre dans mon bureau, Celsiuss.
— Bien.
La jeune femme adressa un sourire aux trois étudiants avant de finalement emboîter le pas à l’homme d’Église. Ils se retrouvèrent rapidement dans la salle convoitée, avant que l’homme ne s’asseye derrière son bureau.
— Vous avez peut-être déjà eu vent de la nouvelle, mais le jeune Lorenz est tiré d’affaire. Il est encore alité pour le moment afin qu’il se repose, mais ses jours ne sont plus menacés. Il nous a également parlé de ce qui s’était produit, et a lourdement insisté sur le fait que vous n’étiez en rien responsable de ce qui s’était passé. Il nous a rapporté que vous aviez fait de votre mieux pour guider vos troupes, malgré les circonstances difficiles, et Hilda et Claude sont venus approuver ses dires.
La demoiselle l’écouta calmement. Au plus profond d’elle-même, elle était heureuse de voir ce que les étudiants avaient fait pour elle. Ce n’était pas pour rien qu’elle aimait autant son poste d’enseignante, et cela malgré tous les points négatifs que cela lui apportait également.
— Aussi, après m’être entretenu avec dame Rhea, nous avons jugé que notre sanction avait probablement était rude et un peu trop prompt. Aussi, si vous le voulez, vous pourrez réassurer les cours des Cerfs d’Or à partir de demain.
— Bien sûr que je le veux !
Elle se tut, se raclant la gorge pour faire passer son excès de zèle.
— Je vous remercie pour cette décision.
— Je compte sur vous pour continuer de guider vos élèves de la manière la plus juste possible.
— Oui.
— Vous pouvez disposer.
Celsiuss ne se fit pas prier et quitta rapidement le bureau. Elle était à deux doigts de pleurer de joie. Finalement, tout était rentré dans l’ordre, tous ses élèves étaient revenus sains et saufs et elle allait pouvoir reprendre ses fonctions. Et dire qu’il y a encore quelques heures, elle était prête à tout abandonner. Heureusement que Yuri était venu la chercher.
Yuri… À sa simple pensée, la brune sentit son cœur rater un battement. Ce jeune homme, à qui elle avait tant à reprocher, et qu’elle avait pensé haïr en premier lieu, avait prit une place importante dans sa vie, sans même qu’elle ne s’en rende compte.
— Je crois que j’ai trouvé la réponse à la question que je vous ai posée, Yuri, déclara-t-elle pour elle-même. Et je crains que cela ne m’attire d’autres problèmes dans le futur si je ne trouve pas comment faire face.
Elle soupira légèrement avant de hausser les épaules. Il était inutile de le nier, elle était amoureuse de son élève. Et si cela venait à se savoir, elle devrait faire face à des ennuis, comme à son habitude. Mais elle verrait comment y faire face sur le moment. Pour l’instant, elle avait sauvé son poste, et prit conscience de l’importance qu’elle avait pour sa classe. Et c’était bien ça le plus important !
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Dernière modification par Moody (Le 23-10-2021 à 12h45)
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Bonsoir
je m'en viens remercier @Lulyah pour son travail. je suis heureuse d'apprendre que tu es pris du plaisir à me l'écrire. J'aime beaucoup comment tu as décris la relation entre ma petite Celsiuss et ses élèves. Je dois avouer avoir beaucoup ris en voyant que réellement dans tout les one shot, ma gardienne semble faire une fixation maladive sur Haneman et sur le fait qu'elle met un point d'honneur à être plus compétente que lui ce passage m'a bien fais rire. Après je trouve l'idée de l'accident bien trouvé et le fait que tu fasses écho à la santé fragile de Lorenz rend le tout plus crédible. Claude et Hilda son vraiment adorable dans ton écriss. Elle a vraiment de la chance d'avoir de tels écrits. Et Yuri a tout simplement été parfais de par son envie de fuir dès que l'on mentionne le fait qu'il n'a pas DU TOUT envie de chanter lors du récital à l'église et le fait que finalement il fais un éffort à la fin pour Celsiuss pour lui remonter le moral est suyper. J'avoue avoir été presque déçu d'arriver à la fin. Mais bon je suppose que cela doit vouloir dire que je devrais repasser une nouvelkle commande si je veux voir la suite de leurs aventures.
En tout cas merci encore je vais garder ce texte précieusement avec le précédent et vous souhaite une bonne soirée à toutes et à tous
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Code
[b]Pseudo:[/b] Elarinya/Nox
[b]Genres préférés:[/b] Romance, fantaisie, drame, historique
[b]Genres sur lesquels vous êtes le moins à l'aise:[/b] Policier, action, réaliste.
[b]Sujets de prédilection:[/b] Des choses fantastiques, sans hésiter.
[b]Combien de temps environ mettez-vous pour réaliser une commande?:[/b] Entre une et trois semaines, en fonction de la longueur du One Shot et de ma connaissance des thèmes.
[b]Expérience dans le domaine:[/b] J'écris depuis presque dix ans, je fais du RP et j'ai un roman en cours de préparation hihi
[b]Un de vos écris:[/b] On peut trouver de petites choses qui se trimballent sur J'imagine Ta Gardienne, mais plus concrètement : [url=https://docs.google.com/document/d/1Dfl4onfYlsb3x9m0Ouam2zYzhN4JxzIYATaZUj1dbKI/edit]Un extrait de RP avec mon OC Gethyl[/url]
[b]Autre:[/b] J'aime en savoir plus sur vos personnages donc si je vous envoie un DA pas de panique, je veux juste vous poser un tas de questions et simp pour vos OC c: ♥
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Hello ! Je viens remercier chaleureusement Moody pour son OS qui a été ma foi fort agréable à lire *^* Je veux te noyer sous les compliments ! Je valide ma commande avec un grand V, je me suis régalée de A à Z, point bonus pour la chute à la fin x)
Merci infiniment ma belle Lunienne <3
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