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Florianne entra dans sa chambre et s’appuya dos à la porte dès que celle-ci fut refermée. La jeune femme était épuisée. Épuisée de faire semblant, épuisée d’être en colère, épuisée d’être triste, mais surtout, épuisée d’être seule.
Elle se laissa lentement glisser jusqu’au sol. Elle resta là à observer le vide jusqu’à ce qu’un éclat doré capte son œil. Elle releva sa main et l’observa : c’était le reflet du soleil couchant qui avait rebondi sur ses phalanges bioniques. Ces petits morceaux de métal n’étaient qu’un tout petit aperçu des modifications grotesques que son corps avait subies. « Une prouesse technologique révolutionnaire » selon Ezarel et « Un incroyable gaspillage de ressources » aux dires de Miiko.
Quelle ironie! Devenir la première cyborg d’Eldarya lui avait sauvé la vie, mais l’avait également condamnée à abandonner celle qu’elle possédait sur Terre : son corps ne pouvait désormais plus vivre sans maanas. Alors Florianne avait accepté de boire la potion d’oubli. Égoïstement, elle était parfois amère de ne pas être celle qui avait oublié. D’autres fois, c’est l’idée qu’elle ne manquait à personne qui lui broyait l’estomac. Elle s’en voulait d’avoir flanché, d’avoir abandonné l’espoir d’un jour revoir sa famille.
Elle essuya rageusement les larmes qui avaient commencé à inonder son visage : il était trop tard de toute façon. Elle se releva donc péniblement et se changea pour la nuit. Étant donné que son métabolisme était maintenant à moitié robotisé, elle n’avait plus besoin d’autant de sommeil. Elle s’était toutefois bien gardée d’en parler pour conserver ces petits moments de paix et de tranquillité. Elle s’apprêtait à fermer les rideaux lorsqu’elle se surprit à observer la Lune. Elle la dévisagea pendant plusieurs secondes et finit par s’asseoir sur le rebord de la fenêtre pour la contempler plus longuement. Elle se demanda si c’était la même Lune que l’on pouvait apercevoir sur terre. Après tout, si les cercles de champignon pouvaient être des points de communication, pourquoi un astre aussi important ne pourrait pas l’être tout autant? La Lune était en l’occurrence ce qui se rapprochait le plus de son ancienne vie et de tout ce qu’elle avait perdue. Florianne sentit alors monter en elle un sentiment qu’elle tenta tant bien que mal de réprimer. Pourtant, c’était peine perdue. Elle se mit alors à espérer que les gens qu’elle aimait étaient eux aussi en train de contempler la lune, inconscient de la fille, la sœur, l’amie qu’ils avaient perdue. C’était peut-être ridicule, mais si la Lune était bel et bien un point de communication, elle pourrait peut-être transmettre un message…
« Veille bien sur eux… » murmura-t-elle.