Des sentiments bien réels

Ce soir-là, le vent glacial soufflait de sa douce mélodie dans le feuillage des arbres, accompagné de celle des sowiges qui passaient par là. Assise au sommet des murailles du Quartier Général, les jambes dans le vide, Florianne ne pouvait détacher son regard de l’horizon.

Il était parti. Il l’avait laissée seule, sans un regard en arrière.

La jeune femme était peut-être majoritairement constituée de bronze, mais contrairement à ce que tout le monde pouvait penser, la tristesse enserrait son coeur. Cette pompe, qui n’était désormais plus faite de chair et de sang mais qui lui jouait parfois des tours. Ce qu’elle ressentait était bien réel. Elle ne reverrait plus Ezarel, elle le savait, son coeur le savait. Toutes les émotions qui la submergeaient en cet instant étaient bien authentiques, les larmes qui s’échappèrent de ses yeux en étaient la preuve.
D’un geste, elle essuya rageusement les gouttes salines de son visage. Elle hurla sa détresse à l’astre lunaire. Ses cris qui perçaient la brise du soir lui faisaient du bien. Mais ils se stoppèrent au bout de plusieurs minutes, la raison revenant peu à peu auprès de l’obsidienne.
Pour son propre bien, elle essaya de se persuader que l’ancien chef des absynthes avait raison. Ses sentiments sont de simples reproductions, ils ne sont pas véritables. Elle se répéta alors que le départ de l’Elfe n’était qu’un fait, qu’elle ne s’en souciait pas tant que ça.
Cependant, c’était faux. Elle avait l’impression de sombrer face à son absence. Seuls de vrais sentiments pouvaient faire autant mal.

Ed Sheeran - Photograph

Une dernière image de toi

De légers effleurements sur sa joue sortirent progressivement Edmia de son sommeil. Elle gémit doucement, remuant langoureusement au milieu des draps tandis que son corps s’étirait pour chasser ses derniers songes.
Les caresses se poursuivirent néanmoins, frôlant ses paupières, dessinant l’arc de ses sourcils et l’arrête de son nez avec une tendresse infinie. D'une petite moue, Edmia souleva ses cils et découvrit ses prunelles violines à la suave lueur du jour. Son regard s’ancra aussitôt dans celui de son amant, lequel la dévisageait avec un petit sourire au coin. Son œil de la couleur d’un ciel d’orage la fixait avec un mélange de désir et de regret, l’autre dissimulé par une mèche de cheveux noir corbeau.
Le couple se faisait face, lui baignant dans les ombres et elle nimbée par les rayons du soleil automnal qui filtraient par dessous le rideau opaque. Ni elle ni lui ne rompirent le silence. Nul besoin de le faire quand leurs yeux suffisaient à ce qu’ils se comprennent.
La main virile chatouillait maintenant l’épaule ronde et velouté de la Druidesse, capturant au passage une mèche de cheveux cannelle.

« Ne pars pas. »

A peine un chuchotement. Une prière. Une supplique. Nevra ferma les yeux.

« Je serai de retour au début de l’hiver. »

Edmia laissa échapper un souffle tremblant en refoulant ses larmes. Ils s’étaient déjà disputés la veille. Puis réconciliés. Pour autant, savoir qu’elle ne le reverrait plus pendant plusieurs semaines lui était toujours intolérable.
Le Vampire l’attira alors à lui, serrant son corps nu contre le sien.

« Il nous reste quelques heures ensemble. Je t'en prie, ne pleure pas. Laisse moi te regarder et t’aimer, que je puisse emporter durant mon voyage une image de toi aussi tangible que possible. »

La jeune femme fit rouler sa lèvre entre ses dents avant de darder sur le Capitaine de l’Ombre ses iris éperdus. Elle accueillit avec soulagement sa bouche contre la sienne, approfondissant le baiser jusqu’à ce que la fièvre s’empare d’eux.

Bad Girl- Avril Lavigne

Madame Svart

On disait que les nouvelles recrues ne restaient jamais, quand elles se retrouvaient en binôme avec elle. Elles passaient la nuit à patrouiller, puis s'en allaient le lendemain matin pour ne jamais revenir. On ne pouvait pas vraiment les blâmer.
Sous l'uniforme de la Garde Obsidienne, un corps famélique avec des membres trop longs semait le doute. N'importe qui, même la recrue la plus mauvaise, pourrait la casser en deux. Pourtant, son regard polaire savait tenir les imbéciles à distance, ses cheveux blonds, désordonnés sur ses vêtements rouge et noir, ressemblaient à une rivière hivernale et le maquillage sombre avec lequel elle fardait ses yeux, pourrait passer pour des peintures de guerre.
Leksy Svart était une sorcière redoutable. Elle pouvait invoquer les cauchemars, les provoquer avec une simplicité enfantine et plutôt qu'une guide acceptable pour les nouvelles recrues, elle devenait le visage de la fatalité. Véritable chead sur sa toile, elle dévorait quiconque osait l'approcher. Les patrouilles en sa compagnie s'étaient transformées en légende urbaine et à chaque fois qu'une nouvelle tête tentait l'aventure, on pariait sa disparition ou bien son retour.
Ce matin, Sasha était revenue.

A Glass Fortress - Neva OST

Prisonnière d'une tour d'ivoire

Le silence régnait autour d’elle, comme pour se moquer de l’agitation qui habitait ses pensées. Gaianee était couverte de sueur, assise au milieu des draps de son lit. La respiration saccadée, les mains tremblantes, elle peinait à reprendre son souffle. Depuis plusieurs nuits, elle faisait ce même songe. Celui qui la tourmentait.

Elle se revoyait petite fille, jouant avec ses parents. Ces êtres si chers à son coeur. Sa mère lui racontait souvent des histoires qui la faisaient rêver, lui donnant envie de vivre toutes ces belles aventures entourée d’anges et autres créatures magiques.
A ce souvenir, les larmes coulèrent le long de ses joues, brouillant sa vision. Les gémissements de tristesse qui s’échappèrent de sa bouche étaient des cris silencieux qui déchiraient un peu plus son coeur.
Il y a quelques mois, les histoires étaient devenues réalité. La jeune femme avait atterri dans ce monde magnifique et incroyable qu’était Eldarya. Mais cela ne devait pas durer pour toujours. Gaianee nourrissait l’espoir de rentrer chez elle, auprès de sa famille, de ses amis. Mais cet espoir fut réduit à néant.

La Garde d’Eel avait commis l’irréparable en lui faisant boire la potion de l’oubli. Dorénavant, l’Humaine n’était qu’un fantôme inconnu sur Terre. Elle avait été totalement effacée de sa surface, ainsi que de l’esprit des personnes qu’elle connaissait. Elle n’avait plus de chez elle, d’endroit où rentrer, de personne qui l’aimait.
Là, au beau milieu de cette tour d’ivoire, elle se sentait désormais captive de ces démons qui lui étaient dépeints dans les histoires que lui racontait sa mère.

Bird set free - Sia

Ego- Willy William