Salut les p'tit copains !

Le temps passe et s'écoule et bien que le temps ne soit pas propice pour Aes d'écrire et nous offrir la suite d'Apotheosis, je me disais que c'était pas une raison pour ne laisser aucune trace de vie et de nos passages sur ce topic !
Personnellement, même si les semaines s'écoulent à une vitesse folle, je n'oublie pas notre petit poisson et les aventures qui l'attendent. J'espère que le quotidien de notre auteur préférée saura lui offrir quelques bulles hors du temps pour qu'elle ait le plaisir de plonger à nouveau avec nous dans Apotheosis et pourquoi pas, nous en faire découvrir les abysses les plus sombres.

En attendant ce moment, je viens vous offrir, cette bulle de lumière et de tendresse. Profitons-en avant que les ténèbres nous retombent dessus ! D'ailleurs, si vous avez aussi l'inspiration pour écrire un petit moment d'Apotheosis, je suis persuadé qu'Aes sera ravie de le lire

Quand l'océan se pare d'or de diamants

Des pas légers comme le vent sur le pavé usé qui menait jusqu’au vieux port. Non, pas comme le vent. Un souffle, un simple murmure, à peine audible, invisible. Un garçon à la frêle carrure dont les atours flottaient et dissimulaient bon nombre de ses écailles argentées. Le ciel était dégagé, le vent caressait sa peau tiède et le soleil l’enlaçait de sa douce lumière. Bien accrochés à des pilotis, les petits bateaux tanguaient, endormis. Le vieux port n’était plus un lieu de pêche, mais quelques plaisanciers aimaient y amarrer leurs chaloupes.

L'après-midi touchait à sa fin et déjà, le soleil avait entamé son retour las vers l’horizon. Assis sur un ponton, les jambes croisées, un livre posé dans le creux de ses cuisses, Helouri Ael Diskaret étudiait. Le lendemain, un examen blanc pour tester sa gestion du stress en situation de crise aurait lieu. Le sang froid était une qualité indispensable pour espérer entrer dans la garde Absynthe. Ezarel Sequoia était un chef impitoyable et Helouri était déjà terrifié pour la journée à venir. Aussi s’était-il persuadé qu’en étudiant chaque formule, chaque recette et chaque nom scientifique au point qu’ils soient ancrés en lui de façon indélébile, serait la clef du succès, pour faire fi de sa tétanie lorsque l’atroce regard glacial d’Ezarel se posait sur lui.

Les doigts bleus glacés repassaient sur les mêmes lignes de texte, sur les schémas. Il les connaissait, ces lignes et ces schémas, mais il voulait les revoir. Encore et encore. Jusqu’à les connaître encore plus que son propre prénom.

Un soupir. Il sentait que ça ne suffirait pas. Finalement, ici non plus, il ne trouvait pas l’énergie d’aller au bout des choses. Il avait songé qu’au QG, enfermé entre ces murs, l’air s’était raréfié et perturbait sa concentration, mais il n’en était rien. C’était l’effervescence depuis quelques jours. Un congrès avait lieu et réunissait de hautes figures d’Eel et Odrialc’h. Helouri avait entendu quelques noms prononcés par son père, mais ne s’y était pas attardé. Lui, il avait à faire et c’était autrement plus important que des histoires de diplomatie. Plus important, oh ça oui. Et il n’écouterait pas, le lendemain, lorsque le chef Sequoia lui répéterait encore, il le savait, qu’il ferait mieux d’abandonner l’idée d’entrer dans la Garde et de lui faire perdre son temps. Helouri ne savait pas dire non. Il aimait contenter autrui, il ne voulait pas déranger. Mais pour ça, il ne pouvait se résoudre. Alors tant pis s’il faisait perdre son temps au chef Sequoia, mais il persévèrerait !

Un nouveau soupir effleura les lèvres bleues du garçon de l’eau. Ses yeux lâchèrent les lignes de mots pour se relever vers l’océan, face à lui, immense et calme. Il caressait l’horizon de sa parure de diamant alors que le soleil s’approchait de sa surface, comme s’il voulait y plonger. Mais Helouri ne regardait pas le ciel, il regardait les flots. Cet immense miroir perturbé et agité par le vent et dont la brillance roulait de vague en vague.

Pris d’une envie soudaine, Helouri retira ses chaussures et délia ses jambes fines pour les faire pendre du ponton. Il pinça les lèvres en sentant le clapotis lui chatouiller la plante sensible. Oh ce qu’il avait envie de “plus”. Les yeux fermés, il inspira. L’ai marin était permanent à Eel, mais ce n’était pas pareil juste au bord de l’eau. Helouri pouvait sentir le sel entrer en lui, imprégner ses poumons et gagner ses veines.

Pendant un court instant, il tenta d’imaginer ce que ça ferait de se laisser glisser dans l’eau, tout entier, d’aller au fond, de sentir l’eau filtrée par sa gorge. Ses doigts délicats trouvèrent son cou et il effleura de la pulpe les boursouflures, semblables à des griffures. Ses branchies dont la peau avait soudé les parois. S’il se laissait aller, au fond de l’eau, il ne saurait pas nager, il coulerait et il suffoquerait. Helouri le savait bien. Pourtant, au fond de son cœur, bien enfoui, il refusait d’abandonner l’idée d’un jour plonger dans cette déesse qui l’appelait. La mer était sa divinité, alors pourquoi l’eau le détestait tant ? Alors que lui l’aimait à en crever.

Il resta là un moment, les yeux fermés, les pieds agréablement chatouillés à imaginer quelle serait sa vie quand il serait alors comme tous les autres morgans. Finalement, il déposa son manuel de “Biologie Fondamentale des Espèces Faeliennes” à côté de lui et sortit son carnet ainsi qu’un crayon de fusain pour croquer l’océan. Ses carnets étaient noircis de mots, de schémas et d’estampes. Et dans ces dessins, on en retrouvait beaucoup qui représentaient la déesse. Son impétuosité quand elle s’écrasait sur les rochers, son calme et sa surface plane sous laquelle Helouri imaginait mille et une merveilles. Il pouvait sentir son appel jusque dans ses croquis, mais jamais, jamais elle n’était aussi belle qu’en vrai, quand il la voyait avec ses propres yeux. Quand il sentait son appel lui picoter la peau et son attraction, comme un terrible aimant qui le voulait en son sein. Son sein létal.

"Puis-je vous emprunter un peu de ce paysage ?"

Helouri sursauta. Seul avec l’océan, il n’avait pas prêté attention aux pas dans son dos, pourtant cliquetant de métal sur le pavé blanc du port. Il en échappa son crayon qui tomba à l’eau mais le jeune morgan n’y prit même pas garde. Il avait relevé les yeux vers la haute stature qui se tenait à son côté. Là, juste à un pas de distance se tenait celle que tout le monde connaissait. Même Helouri qui n’était pas friand de batailles et d’aventures savait à qui appartenaient ces traits. Sa bouche s’ouvrit sans qu’aucun son n’en sorte.

L’or du soleil pétillait sur la peau cuivrée et la maquillait davantage que toutes les parures du monde. Le jeune homme pouvait deviner le regard sombre de la Légende braqué droit devant elle, à la façon dont ses longs cils immobiles étaient inclinés. Elle était si grande, une montagne du point de vue du garçon qui atteignait juste sa cuisse, tout tassé qu’il était sur son ponton. Si loin et si proche, si inatteignable et pourtant presque à portée de main. Quand elle tourna la tête vers lui, le cœur d’Helouri cessa de battre. Les cheveux de feu ondulèrent et leurs pointes caressèrent la chute de reins de la Capitaine, tandis que son visage dur trouvait grâce aux yeux du garçon.

Jamais il ne lui avait été donné d'admirer pareille beauté. Là où d’autres auraient pu voir un manque de féminité, un physique brute et anguleux, Helouri, lui, y vit la plus belle femme, la grace entre toutes les graces.

"Je ne dérangerai pas votre quiétude", lui assura-t-elle de sa voix épaisse.

Hein, sa quiétude ? Quel était donc ce mot ? Les neurones d’Helouri venaient de se prendre un tir de chamboule-tout et les connexions avaient du mal à se faire sous sa tête de petit poisson. Une seule pensée tournait en boucle : ce qu’elle est belle… Pertinemment conscient que s’il ouvrait la bouche, il bafouillerait une dafalerie plus grosse que lui, le jeune aspirant à la Garde Absynthe se contenta de hocher la tête. Un peu trop frénétique, sans doute.

Et alors que la légende en armure se pliait pour poser son mirifique postérieur sur les lattes de bois du ponton, Helouri la fixait. Il avait conscience que c’était impoli mais il ne pouvait en décrocher son regard. Une admiration, sans doute un brin d’intimidation aussi, lui avait hérissé toutes ses petites écailles.

La grande Légende, Shakalogat Gra Ysul, était assise là, à côté de lui. June n’en reviendrait pas quand Helouri lui raconterait qu’il avait partagé son ponton avec la grande Capitaine !

Et il eut beau la fixer, subjugué, pendant de longues minutes, l’orc ne s’en offusqua pas. Elle ne sembla même pas l’avoir remarqué. Bien entendu, Helouri savait qu’il n’en était rien, mais elle avait la délicatesse de ne pas lui faire remarquer qu’il était en train de baver. Il bavait ? D’un geste, le morgan porta ses doigts à sa bouche. Sèche. Que le grand cristal soit loué. Finalement, il trouva la force, bien qu’à regret, de détourner le regard. Il se rendit compte alors que son crayon avait disparu et il se sentit vraiment tout bête de perdre ses affaires, d’autant qu’il avait beau regarder partout, il ne le trouvait pas. Et si la Capitaine voyait comme il était négligent avec son matériel, sans doute ne lui accorderait-elle aucun crédit. Avait-il seulement une chance d’attirer son attention, de toute manière ?

He ! Elle était assise là, à côté de LUI et pas ailleurs. Rien que ça, Helouri n’en revenait toujours pas. Alors oubliant son crayon, il se contenta de baisser le nez sur son carnet pour y retrouver son croquis inachevé. Mais du coin de l'œil, il lorgnait sur le profil de l’orc. Oh ce qu’elle était belle.

"J’envie son calme."

Helouri papillonna des cils. Il tourna la tête, balaya le vieux port du regard. Il n’y avait personne d’autre et à moins que la grande Capitaine s’adresse aux petites chaloupes esseulées, c’était bien à lui qu’elle parlait. D’un certain côté, il lui en fut reconnaissant. Malgré l’envie de discuter avec elle, le morgan ne savait pas quoi dire d’intéressant ou d’intelligent pour entamer la discussion. Il aurait bafouillé une bêtise qui l’aurait fait passer pour un garçon un peu lent. Il n’était pas lent, bien au contraire, mais sa timidité et son manque cruel d’assurance ternissait son image. Après ce doute à propos de l’interlocuteur, le cerveau du petit poisson dut remettre les mots dans le bon sens et quand il comprit qu’il… n’avait pas compris, justement, cela faisait probablement de longues minutes que le silence s’était installé. L’orc n’attendait sans doute plus aucune réponse.

La lèvre mordue, le regard fuyant et les pommettes parmes, le garçon bredouilla :

"Co-comment ?"

A nouveau et pour la seconde fois, Shakalogat Gra Ysul tourna la tête et déposa son regard d’onyx sur le petit poisson. Un regard qui l’embrasa de la tête aux pieds et les écailles au creux de ses reins en frémirent. Une côte lui fit mal et quelque part dans l’esprit du jeune homme, il se fit la remarque que cette femme-là lui faisait un effet dangereux.

"L’océan. J’envie son calme," répéta-t-elle.

Oh c’était donc ça. L’argent des yeux d’Helouri s’illuminèrent. La Capitaine aimait l’océan, elle aussi ? Même si Helouri en perdait les facultés du langage, ses lèvres s’étirèrent légèrement. Il se sentait tout bête de prendre cette remarque pour lui, comme si l’océan, c’était lui. Par nature, l’un était l’autre. Il était à l’océan, et l’océan était lui. Mais cette même nature avait décidé qu’il en serait autrement, pour son cas, à lui. Les paupières frangées de cils blancs s’affaissèrent et le sourire s’éteignit.

"J’imagine que la sérénité règne sous la surface, non ?
- J-je… j’en sais trop r-rien… bégaya Helouri, la voix éteinte. Peut-être."

Et il sentit le regard brûlant de questionnement de l’orc sur sa tempe. Ah voilà. Le sujet qui fâchait était abordé d’emblée et la plus belle créature qui avait foulé le continent de Beryx allait voir comme Helouri était rejeté par son propre élément. Comment pourrait-elle vouloir rester quelques instants de plus avec lui sur ce ponton ? Peut-être la tare du garçon serait contagieuse. Elle ne devrait pas être vue en sa compagnie, cela ternirait sa réputation. Helouri était une calamité et il ne méritait même pas l’attention de la Légende. Que faisait-elle là, avec lui, pour commencer ?!

"Comment pouvez-vous ne pas savoir ?" interrogea-t-elle.

Et bien que dans sa voix, il n’y eut aucun jugement, Helouri sentit le poids de la honte accabler ses frêles épaules. Lui, qui était né sans branchie. Lui, morgan, qui ne pouvait ni plonger, ni nager. Lui dont la propre déesse lui avait fermé les portes de son monde. Il était un garçon des eaux que l’eau haïssait. Mais comment dire cela ? Comment avouer qu’il n’aurait pas dû exister et que sa simple présence était un fardeau pour tout le monde ? Comment formuler cela en réponse à la grande et belle Shakalogat Gra Ysul ?

Le petit cœur d’Helouri battait si fort sous ses côtes. C’était douloureux. La gorge serrée, les yeux humides, il leva les doigts à son cou et de la pulpe de l’index, il barra ses branchies en les frottant. Et il put y mettre autant de zèle qu’il le désirait, elles ne s’ouvraient pas. La Capitaine suivit le geste du regard et remarqua combien la peau restait soudée. Ses sourcils fins se froncèrent imperceptiblement sur son visage inébranlable.

"Je suis défectueux, trembla Helouri. Depuis… depuis toujours."

Le visage de l’orc se tordit légèrement. Entre ses yeux, la peau se plissa. Elle comprenait ce qu’il en était. Elle ne pouvait pas se mettre à sa place ni réellement appréhender ce qu’il ressentait, mais elle ne doutait pas un instant que cette singularité avait régi sa vie jusque là. Tout de même, “défectueux”. Quel mot atroce dans une bouche si délicate. Elle trouvait triste qu’un si jeune homme soit déjà tant accablé par sa propre condition, mais elle trouva d’autant plus regrettable qu’il s’y complaise. Qu’il s’y résigne.

"Ah oui, vraiment ? Et alors ?" tonna-t-elle comme une sentence.

De l'amertume dans la voix de la Capitaine, il n’y en eut aucune trace. Pas parce qu’elle savait la dissimuler, mais parce que les histoires du jeune morgan n’étaient pas les siennes. Si Shakalogat se laissait attendrir par toutes les histoires qu’elle entendait, tous les malheurs qu’on lui contait, elle n’en dormirait plus, ni la nuit, ni le jour. Alors l’orc s’était forgé une carapace, indispensable à sa survie, à la droiture de son esprit. Elle n’était pas insensible, loin de là, mais elle devait être forte pour ceux qui ne l’étaient pas. Être un roc pour les naufragés, un pilier pour les âmes en perdition, un phare pour les aveugles, une corne de brume pour les sourds. Et ce garçon, il était tout cela à la foi. Elle ne le plaindrait pas, ce ne serait que le conforter dans son écrin de victime. Était-ce une victime ? Shakalogat décréta que non, à moins qu’il le décide lui-même.

Les deux flaques d’ébène accrochèrent les pages du carnet que le vent tournait, y perçurent quelques mots, des croquis. Là, à même le bois brut du ponton, un manuel de Biologie. Ce petit avait la tête bien remplie, assurément, mais il manifestait quelques difficultés à acheminer le cours de sa pensée pour la rendre concrète.

Consciente qu’il percevait son visage au bord de son champ périphérique, elle donna un coup de menton vers le manuel.

"Vous êtes intelligent, trouvez donc une solution."

Un soupir à peine camouflé. Si seulement c’était aussi simple. C’était le vœu le plus cher au cœur du jeune morgan, mais il ne parvenait même pas à entrer dans la Garde Absynthe, alors comment pourrait-il seulement caresser l’idée de trouver un remède à son propre mal ? Pourtant, il le nourrissait si fort. Eweleïn avait proposé son aide à ce propos et si le bon sens lui avait murmuré d’accepter, Helouri n’en avait rien fait. Il tenait à être auteur de sa renaissance. Il ne se sentirait alors entier et complet qu’à cette simple et seule condition. Mais c’était si dur, si compliqué, en vérité, que le jeune morgan baissait régulièrement les bras. Et si Alajéa ne lui ronchonnait pas dessus quand il était morose, sans doute aurait-il déjà abandonné pour prendre un dernier bain dans le jardin de la musique…

"J’essaie, mais…
- Essayez plus fort", le coupa Shakalogat.

Sa voix n’était pourtant pas sèche, ni autoritaire. Elle sonnait même plus comme une suggestion qu’un ordre. L’imposante présence à côté de lui se redressa. Une jambe dans le vide au-dessus de l’eau, l’autre repliée contre elle, elle s’était accoudée sur son genou. L’orc contemplait l’horizon.

"C’est beau, souffla-t-elle, comme si c’était la première fois qu’elle admirait un pareil coucher de soleil."

Et c’était peut-être vrai. Après tout, qu’en savait Helouri ? Il releva donc les yeux vers elle et l’or sur son visage scintillait. Elle était si forte, il pouvait le voir rien qu’aux traits de son visage et il enviait un peu ça. Sur les cuisses du garçon, ses doigts fins remuèrent. L’envie de toucher ce visage, d’en palper la douceur et de retracer ses angles se faisait ressentir. Mais jamais Helouri n’aurait l’audace de lever la main vers Shakalogat Gra Ysul, quand bien même il n’avait aucune intention néfaste à son égard. Il aurait voulu qu’elle le regarde encore. Son attention le rendrait plus fort, peut-être. Ca valait la peine d’essayer, mais encore, il s’accrochait à quelqu’un d’autre, dépendant d'autrui. Qu’importe, Helouri était ainsi fait et la seule chose qu’il désirait changer était ses branchies.

Il détourna le regard vers l’océan pour y voir plonger le soleil. Une atroce jalousie lui étreignit les tripes mais il se rendit compte que ce n’était nullement la faute du soleil. Lui, il naissait des forêts, le matin, et mourrait dans l’océan, tous les soirs. Il était immuable et ineffable.

Comme l’océan.
Comme Shakalogat Gra Ysul.

Et en fondant sur l’horizon, le soleil dégoulinait sur l’eau jusqu’à teindre les vaguelettes qui atteignaient les pieds mouillés du morgan. Pour le narguer.
L’astre du jour, il prenait l’océan.
Il s’offrait à sa déesse à la place du morgan.

"On jurerait que l’océan se pare d’or et de diamants", apprécia l’orc.

Helouri n’avait pas vu les choses ainsi. Les cils blancs battirent plusieurs fois pour nettoyer sa vue obscurcie par la jalousie et alors il vit. Il vit vraiment comme l’océan et le soleil étaient simplement un tout qui l’appelait plus encore. Sa gorge se serra de nouveau. Lui aussi, il voulait aller nager et plonger dans l’or de sa déesse. Il voulait percevoir la quiétude sous la surface et pouvoir la raconter à la guerrière assise à côté de lui.

Le jeune homme sans branchies se mordit la lèvre. Il voulait dire ça à la Capitaine. Il voulait lui dire qu’un jour, il pourrait plonger et nager, comme le morgan qu’il était. Mais il ne trouva pas de formulation. Il avait l’impression d’être un enfant qui racontait ses rêves irréalisables. Et avant qu’il ne trouve le courage de parler, l’orc inspira profondément pour garder un peu d'air salin dans son nez, conserver un peu d’iode dans son odorat.

"La solution est à portée de main pour qui la cherche", conclut-elle en appuyant un dernier et troisième regard sur le jeune homme à son côté.

Les grands yeux argentés du morgan brillaient, son visage retrouva de sa lumière. Il ne savait pas comment, mais aussi dure et sévère avait été Shakalogat Gra Ysul, elle venait de raviver l’étincelle du courage et de la détermination dans le cœur du jeune homme. Helouri nagerait un jour. Il plongerait dans cet océan d’or et nagerait. Il ne cesserait jamais de chercher sa solution, qu’importe le nombre de fois qu’Ezarel Sequoia lui dirait d’abandonner. Il pourrait bien aller se peler les oreilles, cet elfe. Mais ça, Helouri ne le lui dirait pas.

L’orc contracta les muscles que Helouri devinait massifs sous l’armure d’orichalque et se déplia pour se relever. Elle étira longuement son corps, faisant grincer les jointures de sa carapace rutilante, et soupira d’aise. Cette pause lui avait fait du bien, dans la tempête qu’avait été sa journée. Mais elle devait quitter l'œil du cyclone à présent et retourner affronter ses responsabilités. Elle se détourna alors que le soleil rougissait derrière la ligne de l’horizon.

"Revenez me voir lorsque vous saurez nager, jeune morgan", proposa-t-elle.

Evidemment, ce ne serait pas ce soir-là. De toute façon, elle avait à faire. Après le congrès de la journée, elle devait se rendre au banquet que Yamamura avait fait dresser en son honneur. Ses pas se firent plus légers sur les pavés blancs du vieux port. Le clapotis de l’eau contre les pilotis de bois semblait donner la ligne de rythmique sur ce métronome tout d’orichalque fait. Et Helouri la suivit du regard, craignant qu’un seul instant d’inattention la fisse disparaître et lui révèlerait qu’il avait entièrement rêvé cet instant. Il préférait encore rester dans le déni et la rêverie.

Ô douce rêverie.

Son cœur bondit sous ses côtes quand elle détourna le visage pour suivre l’envolée d’un oiseau de mer. Le petit poisson avait cru qu’elle allait le regarder, lui, encore, et il réalisa comme cette idée l’aurait enchanté. Pourquoi ? Pourquoi donc voulait-il à ce point que le regard d’onyx caresse son échine bleue comme la glace ? Et pourquoi son cœur s’emballait-il si fort en contemplant la démarche si noble de la dame de feu et de métal ? Oh dans son petit coeur, Helouri savait pourquoi. Mais la réponse lui faisait un peu peur. Aussi, prit-il soin de ne pas la formuler. Pas même en pensée.

Et dès qu’elle bifurqua au coin de l’ancienne pêcherie, un creux se forma dans le torse du jeune homme. Elle était partie et déjà elle lui manquait. Sa peau se hérissa, ses poumons se gonflèrent et il retint son souffle. Helouri eut l’impression d’être tout vide, tout d’un coup. Alors vite, pour imprimer Shakalogat dans sa mémoire, il fouilla dans sa besace pour en sortir un nouveau crayon de fusain. Il tourna la page de son carnet pour poser la mine finement taillée sur une page vierge. Il hésita, suspendit son geste.

Avait-il seulement le droit ?

Il releva les yeux et entendit l’océan. Un sourire étira ses lèvres fines. Ce droit, il le prenait. La mine frotta le papier, noircissant cette épaisse feuille de riz sucré, et de ses doigts il estompa, diffusa le fusain. Bientôt, sous sa main, un visage prit forme mais même là, Helouri ne put en caresser les lignes sans prendre le risque de l'abîmer, alors il l’adora du regard. Sur l’autre page, il griffonna quelques mots, qui lui venaient comme ça, alors que la grande Capitaine habitait encore pleinement ses pensées.

“Elle était grande, puissante, un cœur de guerrière confiné dans de l'orichalque et coulé dans de l'or.
Elle était belle et si mes yeux pouvaient tenir un crayon, alors j'aurais croqué son portrait sur ma rétine pour ne jamais l'oublier.
Je la revois avec sa démarche si assurée, sa longue natte de feu se balançant au rythme de ses mouvements… elle est un mythe qui a quitté sa légende pour descendre jusqu'à Eel et m'accorder sa présence.
Je donnerais mes écailles pour effleurer les angles de son visage de cuivre et ne toucher qu'à un seul de ses cheveux.
Et puis, à l'image d'une sirène dans un conte humain, je pourrai me changer en écume pour embrasser le rivage de sa personne.
Ma merveilleuse guerrière orc de la cité d'Odrialc'h.”

Quand il apposa le point final, il se relut, admira le croquis de son portrait. Ce n’était pas à la hauteur de la réalité, mais il en était si content. Le jeune morgan porta son carnet contre son cœur et murmura à l’océan :

"Un jour, je plongerai et je nagerai. Et alors je la retrouverai et je lui dirai.
- Que diras-tu à qui ?" interrogea une voix féminine qu’Helouri portait particulièrement dans son cœur.

Les intonations de la jeune femme perlaient comme les gouttes d’une pluie timide, notes d’une partition mystérieuse et joueuse. Le petit poisson claqua son carnet pour le refermer, elle savait qu’elle n’avait pas à regarder dedans.

"R-rien ! A personne, personne !" assura-t-il, tout embarrassé !

Un rire cristallin sur un visage illuminé lui répondit et la jeune demoiselle lui tendit la main pour l'aider à se relever.

"On va manger ? Ça fait une heure que je te cherche."

Helouri opina et alors qu’il emboitait le pas de son amie, la besace débordante de ses affaires, il jeta un coup d’oeil à l’océan et les derniers reflets du soleil sur la surface ondulante lui firent parvenir l’écho d’une réponse :

“Je t’attendrai.”

On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible aux yeux.

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Bonjour !

Ah là là, on te refait pas Aesp ! Toujours à nous chouchoutter ! <3

Bon déjà : bienvenue à Lulyah, Serenata et Artemis dans ces débats ! ça fait plaisir de voir de nouvelles têtes ! <3

Ensuite pour ce qui est de l'histoire dans son état actuel : oui, bon, hein, on a compris que ça va mal finir ! XD Mais je tiens quand même à dire que même si j'adore les happy end cela ne change rien au plaisir que j'ai eu à lire cette histoire dans son état actuel. Tout comme j'ai aimé les choix à faire. Donc Aesp, s'il te plait arrête de culpabiliser ! è-é
C'est vrai par moment les choix étaient casse-tête (et oups, on a sous estimé ton potentiel maléfique en envoyant Titan jouer les sauveuses) mais c'est aussi pour cela que l'histoire est intéressante, qu'on est à 100% dedans à chaque choix à faire, etc. S'il n'y avait pas d'enjeu ben on s'ennuirait quoi. Oui il y a eu besoin d'ajustement au début sur comment on faisait les choix mais pour autant à mes yeux tu t'en sort très bien !

Et donc, pour en venir au vif du sujet :  reboot ou pas reboot ? Telle est la question.

"Arghhhh"!
'-'
Oui, t'as vu même quand c'est simple c'est compliqué. X.x
La question fait réfléchir parce que d'un côté si comme tu dis on est vraiment très proche de la fin et ça donne quand même l'impression d'abandonner en cours de route et le but était quand même d'assumer les choix qu'on a fait (et du coup, non je ne serais pas déçue de débloquer la mauvaise fin). D'un autre côté, j'ai quand même envie que ça finisse bien c'tte histoire ! X) Je t'aurais bien dit : autant finir et faire le reboot après (tu sais, le beurre, l'argent du beurre, etc. XD).

Au final, je penche quand même pour le reboot, pas tellement pour avoir la happy end (bon si, un peu quand même, avec un Fawkes vivant !) mais surtout dans l'optique de ramener de nouvelles têtes !
Comme l'on dit mes VDD et toi-même, c'est l'occasion de redynamiser le forum et de permettre aux nouvelles têtes de rejoindre l'aventure sans suer à la vue des chapitres déjà existants ! Et les "anciennes" aventurières seront là pour mettre des warning avec sirènes et girophares lorsqu'elles verront arriver les pièges d'Aesp. Parce que maintenant on sait jusqu'où peut aller le diable ! XD
Je tiens quand même à dire que le 1ère choix à venir du potentiel reboot est tout aussi cornélien que les autres. 4 choix au lieu de 2 ! XD

Des bisous et des bonnes ondes à tous !

« Il devrait se munir d’un copyright, le hasard ; il en ferait des sous avec toutes ces coïncidences. » – Jean Dion

Dernière modification par Caprix (Le 09-12-2024 à 10h24)

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« Les plus jolies choses du monde ne sont que des ombres. » Charles Dickens

Dernière modification par Alric-Sasheris (Le 14-12-2024 à 11h20)