Topic proposé par Aespenn
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"Jenna" pour Chrystale
Qui, de la machine ou de la femme, du coeur ou de la pompe, du sang ou du fluide vient parfaire le nom de Jenna ?
L'or de sa prothèse se mêle à la chair et on se demande quelle main, quel bras a su façonner ce corps. Ces jambes, ces hanches, ces seins, ce cou et ce visage sont un assemblage, un idéal esthétique bâti à coup de prunelles étincelantes, cheveux de soie, sourire tranché et prothèse d'or.
Le beau côtoie l'ombre, la poésie se confronte à la rudesse et toute la complexité de la dame se traduit par une opposition permanente, comme le songe et la réalité.
Si elle était assise sur un trône, elle serait la reine du métal et de la chair, l'impératrice de la machine froide et de la volupté, telle l'opposition dont elle est l'incarnation.
Elle apparaît conquérante, parée de ses atours de cuir et de tissu, son visage à découvert et le sourire d'un ange damné marqué à jamais sur sa mâchoire magnifiquement meurtrie.
Elle a les yeux d'un vert étincelant, comme le plus maudit des poisons ou le plus merveilleux des sortilèges. Si une âme est capable d'y plonger, elle découvrirait des limbes douces, infernales, captivantes. Jenna peut rassembler des lueurs dans son regard, former des reflets pour les changer en mots muets et en images soufflées. La sienne, bon nombre d'yeux l'ont gravée sous leurs paupières ou dans leurs esprits, afin d'être capable de peindre son visage quand elle n'est pas là.
Sa présence fait ployer la pierre, le fer et le feu. Si Jenna devait se fondre dans la nature, elle serait un volcan directement relié à l'enfer, qui ne voudrait même pas de sa compagnie cuisante. Elle ouvrirait grand la bouche pour cracher des braises, attiser celles d'autrui et attirer les corps qui voudraient effleurer le sien. Elle serait magnétique, hypnotique, apocalyptique et unique. Une essence triomphante, glorieuse, dont même le sourire chaotique et éternel ne peut entacher sa beauté sensuelle.
Chaque cellule de son corps et le trésor de sa prothèse sont un appel au baiser et au toucher, tout comme sa chevelure couleur souveraine aux reflets noisette quémande une main pour partager sa beauté soyeuse.
Il y a des femmes qui marchent, marquent, parlent et ordonnent comme des monarques. Elles serrent leurs cols et font couler l'or et l'alcool sous la lumière des hauts lustres pendant que n'importe quel manoir devient leur palais.
Il y a des femmes aux mille facettes dont les reflets ne se perdent jamais, parce qu'elles savent être flamboyantes même face à un froid hivernal. De véritables feux solaires qui embrassent des âmes solitaires comme le souffle d'une volonté dans une ville engourdie.
Jenna est une flamme qui ne connaîtra jamais la noirceur car tant que la machine fonctionne et que la femme marche, alors la reine sera éternelle.
Voile d'Os pour MayaShiz
Je viens d'aller consulter un médecin, car je ne pouvais plus dormir. Il m'a trouvé le pouls rapide, l'œil dilaté, les nerfs vibrants, mais sans aucun symptôme alarmant. Je dois me soumettre aux douches et boire du bromure de potassium.
"Le Horla" - Guy de Maupassant
Il a apprécié cette phrase. Il aurait voulu poursuivre sa lecture, mais ses obligations l'ont rattrapé. Le voilà qui attend.
Le vent salin caresse son visage en malmenant ses longs cheveux d'ébène. Le silence est roi sur le port de la cité d'Eel et le lieu a même été interdit à la population. Juste le temps de recevoir ces si prestigieux invités.
Balam ne sait pas si le mot est adapté à la situation. Ce qu'il ressent, c'est l'anxiété croissante de ses compagnons d'infortune et l'impatience qui grimpe le long de leurs nerfs. Ils ont hâte d'en finir pourtant, ils aimeraient que les minutes s'étirent et que les fées restent derrière leur frontière. L'elfe noir quant à lui, hésite.
Il aurait troqué volontiers cette attente contre la suite de son livre. Contre la feuille de parchemin abîmée, pourvu de flèches noires encrées par Mery lors d'un instant perdu à l'école. Contre des pensées plus apaisantes et la perspective d'une journée banale, le lendemain.
Mais pas d'heures perdues dans la peau d'un diplomate. Tant pis pour lui, sans doute.
Face à ses yeux opaques, la mer est calme. Un voile obscure comme une couverture stellaire et l'elfe noir songe que c'est un paysage qui vaut largement la peine qu'on sy perde.
À ses côtés, Nevra Mircalla et son bras droit ressemblent à s'y méprendre à des statues. Leurs bras croisés sur leurs poitrines, ils fixent l'horizon comme s'ils craignaient de manquer la course du soleil. Balam se fait la réflexion que décidément, Chef et subordonné sont semblables, autant dans la posture que dans les traits de leurs visages arborant un sérieux sans pareil. Nevra a déteint sur Rose, à force de le côtoyer.
Et à la gauche de l'elfe noir, Joseph Ael Diskaret s'agite. Le morgan n'est pas à son aise, Balam peut le deviner et il le comprend : les fâcheuses rumeurs concernant les Milliget doivent tourner dans son esprit, avec l'inquiétude liée à Helouri. Cependant et si les fées de cette lignée sont considérées comme les Maîtres de la Médecine, alors peut-être que cette rencontre pourrait changer quelque chose.
L'elfe noir n'en sait rien. Il n'a pas d'enfants et il n'est pas certain d'en vouloir. Il peut d'ores et déjà imaginer sa petite vie paisible voler en éclats, avec l'apparition d'un bambin et l'horreur merveilleuse de ressentir un amour qui transcenderait sa propre chair.
Un amour qui croit sans jamais s'amoindrir, par exemple. Qui défie le temps. Ce serait effrayant.
— Les voilà. prévient soudain Nevra.
Balam plisse ses yeux blancs. En effet : au loin, la forme d'un bateau se dessine. Il glisse sur l'océan dans un silence religieux et au creux des poitrines qui se trouvent sur la terre ferme, les cœurs s'accélèrent. La lune ronde d'Eldarya projette ses rayons sur le vaisseau en approche.
— Qu'est-ce que… souffle Joseph, interdit.
Un cauchemar ou un monstre. Pas de voiles, ni de gouvernail. Pas de pont, de mât, de poupe ou de coque, mais un énorme morceau de glace. Balam sent un frisson courir le long de son dos, à la vue de ce spectacle aussi fascinant que sordide.
Il ignore s'il peut comparer ce qu'il a sous les yeux à un palais flottant, une sculpture de gel qui dresserait ses épines glaciales contre les malotrus voulant les aborder. Ce voilier du bout du monde semble tellement complexe dans son architecture que l'elfe noir est bien incapable d'en déterminer l'entrée ou même un simple hublot.
Pourtant, il se sent observé.
Comme tous ses compagnons, il se demande ce que peut bien abriter un tel édifice spectaculaire, hormis ses occupants ailés. Les fées Milliget qui ne quittent leur frontière que rarement, qu'ont-elles pu bien emporter avec elles ?
La créature de glace s'approche du port, imposant sa présence monstrueuse à une cité qui n'en a pas l'habitude. Balam se demande si les Milliget seront assez fous pour laisser un tel navire en présence de la population.
À la place de curieux, il pense qu'il ferait tout son possible pour approcher ce monument extraordinaire et y jeter son œil, car c'est là une opportunité qui ne se présentera qu'une seule fois dans une vie.
Soudain, l'elfe noir tressaille. Un contact froid sur son front le sort de sa contemplation et quand il reprend corps avec la réalité, il remarque qu'il s'est mis à neiger.
Stupéfait, il écarquille ses yeux opaques et ouvre ses mains anthracites à la poudreuse, d'un geste machinal. Voilà bien longtemps qu'il ne l'a pas vue.
Cependant et à Rhenia-Gaear, la neige s'étend partout, non pas sur quatre personnes en train d'attendre des invités de prestige. Aussi et une fois qu'ils règnent, les flocons blancs ne rebroussent jamais chemin.
Pourtant, aussi vite qu'elle est apparue, la poudreuse s'est arrêtée.
Un claquement sonore retentit depuis le navire de glace. Sur l'un de ses flancs, une porte fondue dans son décor de cristal à ouvert ses battants sur le port, pendant qu'un rebord s'allonge comme une langue gelée.
Enfin, quatre silhouettes s'avancent.
Maigres, filiformes, presque fantomatiques sous leurs longs voiles d'os liquide. Leurs ailes irisées, grandes, fines, fragiles comme celles des spadels, absorbent les reflets glacés de leur grand navire singulier.
Balam se tend. Il a la sensation que la Mort elle-même leur rend visite et que ses sous-fifres, sur leur langue froide, ne sont là que pour annoncer sa venue. Ils parviennent même à transformer l'odeur saline de la brise d'Eel en souffle d'effroi et la nuit noire pèse lourdement sur les épaules de ceux qui attendent les fées depuis un long moment.
Enfin, l'un des Milliget s'anime. Ses ailes se mettent à vrombir et sa silhouette lévite. Malgré le tissus blanc qui recouvre son visage, Balam se sait observé et il est certain que ses compagnons se sont fait la même réflexion.
Bientôt, les autres fées imitent leur congénère puis, quittant leur vaisseau extraordinaire, prennent leur envol jusqu'à leur comité d'accueil.
C'est le froid qui a frappé l'elfe noir en premier. Le froid dégagé par ces corps chétifs ou plutôt, par le vêtement qui masque leurs visages. Peut-être que le climat du Beryx est bien trop chaud pour les fées et qu'elles ont besoin des températures extrêmes de leurs contrées en permanence.
Balam ne pourrait pas le prédire.
À ses yeux, il n'y a que quatre répliques de Milliget parfaitement identiques, si ce n'est leur taille qui arrive à marquer la différence.
Ah, voilà. Il se trompe : leurs mains, aussi. Leurs doigts blafards, irisés, pâle ou de pêche.
— Bienvenues à la cité d'Eel, amorce Nevra en s'avançant quelque peu, la Garde d'Eel est honorée de vous recevoir et l'impératrice elle-même vous saluera en personne lorsque le jour se montrera.
— Est-ce que tout a été préparé selon notre demande ? tranche une voix modulée.
Mains Blafardes s'est exprimée. Elle s'est un petit peu plus avancée que ses pairs et l'elfe noir imagine qu'elle est à la tête de la hiérarchie. À ses côtés, l'une des fées s'agite. Sous son voile, elle semble observer le décor avec grand intérêt, avant de s'attarder sur les figures faeriennes nouvelles.
Celle-ci, c'est Mains Pâles.
— En effet, affirme le Chef Mircalla, tous les préparatifs sont terminés. Mon bras droit, Balam Lefaucheur et Joseph Ael Diskaret allons vous escorter jusqu'au Quartier Général. Ensuite, les Égides vous conduiront à vos appartements.
Tout en parlant, Nevra les a désignés à tour de rôle. Mains Pâles a suivi ses gestes avec application, sa tête ne quittant pas son bras de ses yeux cachés. Comparé aux autres fées, si stoïques, il y a quelque chose de plus candide chez lui. D'ailleurs, Balam peine à comprendre en quoi ses capacités diplomatiques peuvent être utiles, en cet instant.
Le Chef Mircalla a l'air d'avoir une parfaite maîtrise de la situation et pour le moment, les Milliget ne sont pas menaçants. Cependant, la réponse lui parvient assez rapidement.
Mains Blafardes s'adresse à Nevra et uniquement à Nevra, pendant que les autres fées capturent tout ce qui se trouve sous leurs yeux. Mains Pâles quant à lui, a choisi d'assouvir sa curiosité en s'approchant de Rose Clarimonde. Le voile blanc flotte autour de sa silhouette maigre et ses ailes s'agitent par soubressauts.
Il n'y a rien d'inquiétant dans son attitude. À vrai dire, Balam songe à un enfant qui verrait un vampire pour la première fois de sa vie. Sous le tissus blanc, il peut deviner son visage levé pour observer celui de Rose. Même si ce dernier reste impassible, ses yeux opalins fixant un point invisible sur le bateau des Milliget, l'elfe noir peut le deviner embarassé à ses soupirs discret, soufflés par le nez.
— Sira. appelle une voix rauque.
Balam tourne la tête. C'est Mains Irisées qui a parlé et même si la dissonance entre son ton et son apparence a quelque chose de troublant, elle exprime une bienveillance assez platonique.
Tout comme eux qui ont été placés au port d'Eel pour recevoir des invités de haut statut, les fées ont également une image à garder.
Pourtant, quand Sira revient vers Mains Irisées, l'elfe noir perçoit beaucoup de complicité. La fée si agitée laisse échapper un rire très léger, presque soufflé, imperceptible pour une oreille qui n'est pas attentive et parmi les étoffes de leurs longs voiles d'os, il attrape un geste d'affection.
Le Milliget à la voix rauque caresse doucement la main de Sira et pour Balam, ils évoquent l'image de la famille. C'est quelque chose d'assez étrange car les rumeurs, elles, les qualifient plutôt d'une meute ou d'un essaim, où les plus forts dominent les plus faibles.
D'ailleurs, la fée à la tête de cette famille si singulière prend la parole :
— Je suis Delta Milliget, se présente-t-elle, et je suis venue en compagnie de mes enfants Sira, Shelma et Candice.
Une mère et ses enfants, donc. Enfin : une partie de ses enfants. L'elfe noir devine que les autres sont restés sur le bateau pour des raisons qu'il ignore, et qu'il préfère ignorer. Il sait pertinemment que se mêler des affaires de grandes gens peut apporter son lot d'ennuis.
— Si vous me permettez cette question, reprend Nevra, le reste de votre famille n'est pas venu avec vous ?
— Pour les affaires que nous avons à traiter, ce n'est pas nécessaire. Pendant que nous séjournerons ici, le reste de mes enfants pourra poursuivre notre travail.
Balam ignore à quoi ce travail peut bien faire référence mais Joseph, quant à lui, se permet de poser la question. L'elfe noir sait que pour son camarade si frileux à confronter les fées, c'est un effort qui a pour motivation, le visage de son fils obsédé par la médecine :
— Pardonnez ma curiosité, mais est-ce que ça aurait un rapport avec la médecine ? On m'a vanté les recherches et l'intelligence de votre famille dans ce domaine.
— Ah… Un curieux qui veut gratter la surface d'un domaine dont il ignore tout, raille une voix traînante, et qui espère que nous répondrons religieusement à toutes ses questions.
Les regards se tournent vers la fée qui a ouvert la bouche. Celle qui était restée silencieuse depuis leur arrivée, croisant ses mains à la peau de pêche sur sa poitrine.
Sous son voile, elle fixe Joseph et ajoute d'un ton mielleux :
— Vous avez raison, après tout : l'espoir fait partie de notre travail.
— Candice… murmure Sira, incertain.
Les traits de Joseph se tendent et Balam plisse les yeux. Seul le silence répond à la fée Milliget, mais loin de se démonter, sa voix résonne à nouveau pour claquer comme un coup de tonnerre.
— Le voyage a été long, alors il serait appréciable que nous puissions voir la couleur des murs de votre Quartier Général.
Delta et Shelma le fixent sous leur voile, et Nevra Mircalla semble pris au dépourvu. Mais il se rattrape bien vite et arbore un sérieux sans pareil. Un sourire fallacieux aux lèvres, il rétorque :
— Ce serait un honneur. Votre impatience nous touche profondément, alors je vous conduis au Quartier Général avec joie.
Prenant la tête de l'escorte, Nevra se met à marcher vers le centre-ville. À sa suite, Balam commence à comprendre son véritable rôle, ici, et même s'il se tient en observateur, il a le sentiment qu'un mot malheureux peut faire dégénérer la situation.
Les Milliget se sont rendus à Eel par nécessité, il l'a bien compris. Ils n'ont aucune envie de prolonger leur séjour, alors plus l'affaire qu'ils ont à régler est close au plus vite, mieux c'est.
Cependant, l'elfe noir se sent navré pour Joseph. Il est celui qui lui a proposé l'idée de venir rencontrer les fées en personne, afin de se faire sa propre opinion, mais force est de constater qu'elle ne sera pas à leur avantage.
Le grand morgan leur engage le pas, puis Delta vient marcher à ses côtés. Ses mains blafardes dans le dos, elle reste silencieuse, puis interroge soudain Joseph :
— Quel est votre intérêt pour la médecine ?
Surpris, ce dernier tourne la tête pour la regarder. Enfin, il prend le temps d'organiser ses idées, et lui raconte :
— Mon intérêt pour la médecine, c'est surtout celui de mon fils.
— Votre fils veut devenir médecin ?
— Mon fils veut devenir médecin pour corriger une malformation qu'il a depuis sa naissance.
— Une malformation congénitale… dit Delta, songeuse.
Balam les écoute échanger. Joseph lui raconte l'état des branchies d'Helouri et à quel point cela régit sa vie. Comment il veut être médecin à tout prix, comment il veut trouver un moyen de se guérir et comment ses angoisses et ses multiples échecs ruinent sa santé.
Contrairement à son enfant, elle est à l'écoute et n'use d'aucun sarcasme vis-à-vis du morgan.
Elle, peut-être, pourrait souffler sur les rumeurs qui hantent l'esprit de Joseph.
L'elfe noir a presque un sursaut lorsqu'il remarque la présence de Sira à ses côtés. Silencieux, la fée se contente de le regarder avec la même curiosité que Rose a suscité chez lui. Balam croit l'entendre pouffer sous son voile et quelque part, Sira le fait penser à Mery.
Il s'agite par instants et alors que l'elfe noir se demande bien ce qu'il fabrique, la réponse lui arrache un sourire attendrit : la fée imite sa démarche.
— Vous êtes comme les elfes de Rhenia-Gaear, lui dit Sira de sa voix claire.
Balam hoche la tête. Certes, même s'il n'y a pas grandi, il est originaire des Terres Gelées du Grand Nord.
— Le froid ne vous manque pas ? lui demande la fée, surprise.
Caressant la corde de son arc d'un geste distrait, l'elfe noir hausse les épaules et lui explique, non sans entrer dans les détails :
— Je n'ai pas connu le froid puisque je n'ai pas grandi à Rhenia-Gaear. Je pense qu'au contraire, j'aurais bien du mal à lutter contre lui, le jour où je me rendrais dans cette cité.
— Vous voulez aller la voir ?
— Pourquoi pas ?
— Sira !
Le dénommé tressaille et lève la tête à la hâte, pour se confronter à la silhouette maigre de son frère. Plus loin, Candice s'est arrêté. Même s'il ne peut pas voir son visage, Balam a l'impression que la fée Milliget est en train de le cingler du regard et quand il tend la main vers Sira, ce dernier trottine vers lui pour la saisir.
Silencieux, il mêle ses doigts aux siens et appuie son front contre son bras.
— Tiens-toi tranquille, lui recommande Candice d'une voix plus douce.
Balam plisse ses yeux opaques. De ce qu'il comprend sur les Milliget, à présent, c'est que Delta est la mère et donc à la tête de la hiérarchie, mais que Sira semble être différent de ses frères et sœurs. Différent par sa façon de se comporter et de parler. L'elfe noir décèle quelque chose de maladroit dans le ton qu'il emploi, mais il ne saurait mettre de mots sur ses doutes.
Cependant, l'attitude protectrice de Candice et Shelma à son égard saute aux yeux.
Il pousse un soupir discret. Il entend les conversations de Joseph et Delta, puis de Shelma et Nevra.
Le Chef de la Garde de l'Ombre et la fée parlent affaires pendant que Rose marche avec eux, silencieux. De ce qu'il peut en dire pour le moment, Balam pense que les fées sont des êtres complexes, pudiques et méfiants. Il mesure l'importance de cette visite pour la cité d'Eel, qui craint certainement qu'un seul faux pas puisse engendrer de l'amertume chez les Milliget.
Il se met à réfléchir.
Accélérant la cadence, il vient marcher auprès de Candice et Sira. Il sent le regard méfiant de la fée sur sa joue puis, avec prudence, l'elfe noir demande d'une voix tranquille :
— Le garde civil qui marche derrière nous, celui qui est en pleine conversation avec votre mère, son fils souhaiterait devenir médecin.
Le silence lui répond. À vrai dire, il ne sait même pas si Candice l'écoute, mais tant pis. Il poursuit :
— Ce que je veux dire, c'est que je connais bien Joseph. Son intervention tout à l'heure n'avait pas pour but de vous offenser, ni d'assouvir une curiosité mal placée. Il tenait simplement à rencontrer ceux que les soignants appellent "les Maîtres de la Médecine" pour essayer de mieux comprendre les aspirations de son fils, qui sont énigmatiques pour lui.
Le Milliget ne lui répond toujours pas. Dans l'obscurité, Balam a un sourire bienveillant, presque compatissant. Il a la sensation de se retrouver avec un nouveau guetteur qui n'en ferait qu'à sa tête et ignorerait toutes ses consignes. Grand bien lui fasse.
— Tout ceci pour dire qu'il ne méritait pas le cynisme dont vous avez fait preuve tout à l'heure.
Cette fois, l'elfe noir fait mouche et Candice se fige. Il se tourne vers lui avec lenteur, son voile si froid mordant la chair de son interlocuteur malheureux et près de lui, Sira laisse échapper un soupir désenchanté.
— Quelle tâche vous a-t-on attribué pour notre venue à Eel ? gronde le Milliget.
— La diplomatie, répond Balam, bien que je sois guetteur. Et c'est ce que je m'applique à faire : maintenir la diplomatie entre vous, moi-même, et mes camarades. C'est pourquoi je tenais à aborder les mots que vous avez eu tout à l'heure, envers l'un d'entre eux.
L'elfe noir n'a pas haussé le ton. Il ne hausse jamais le ton. Il est connu pour cela, d'ailleurs, pour toute cette paix royale qui semble irradier de chaque pore de sa peau anthracite.
Mais il n'a pas apprécié que Joseph, qui œuvre pour le bien de sa famille, se fasse traiter comme un crylasm de poussière.
— Est-ce que vous exigez des excuses de ma part ? crache Candice, menaçant.
Balam secoue doucement la tête. Non. Ici et auprès de ces gens à grands statuts, il n'est personne et il n'exigera rien. C'est la raison pour laquelle il souhaite rester guetteur, après tout : pour ne pas ordonner, ni exiger et encore moins se faire obéir.
— Non. Je tenais simplement à exposer un petit incident que je pense blessant pour mon camarade et ses intentions. Peut-être que vous pourriez y penser ou bien peut-être que vous l'aurez oublié une fois que nous aurons atteint le Quartier Général. Moi, je voulais seulement vous en parler.
— Vous pensez que ma famille et moi-même avons fait ce voyage pour vous faire la conversation ?
L'elfe noir se contente de regarder ses camarades. En réalité, l'échange est bien moins houleux entre les autres fées et il peut constater avec satisfaction que Joseph semble ravi de sa discussion avec Delta.
De même pour Nevra et Shelma qui échangent avec politesse sur la cité d'Eel. D'ailleurs, si Candice n'a pas l'air d'apprécier cela, Sira virevolte entre toutes ces personnes avec joie.
Sa silhouette fine marche, trottine, sautille, son long voile ondulant avec ses gestes enfantin et l'elfe noir doit admettre qu'il apporte de la légèreté à cette mission qu'il redoutait un petit peu.
— Sira, fais attention s'il te plaît. lui intime Shelma en le poussant légèrement de la trajectoire du Chef Mircalla.
Sira hoche la tête et se met à reculer, évitant Rose, puis Joseph et Delta. Soudain, exaspéré, Candice lui attrape le poignet pour le tirer en arrière mais son frère se tend, surpris et perdu.
Il recule maladroitement, tentant de ne pas se prendre les pieds dans sa robe, pour finalement marcher sur le voile de Candice.
Balam le regarde glisser et s'échouer au sol.
L'elfe noir doit admettre qu'il n'imaginait pas les fées ainsi. Peut-être est-ce la faute des rumeurs qui les comparent à des familiers sauvages et sanguinaires, mais à ses yeux, elles sont loin de cela.
Candice l'est, du moins.
La couleur pêche de ses mains a peint son visage, aussi. Un visage presque humain, dépourvu d'oreilles pointues ou bien de détails qui pourraient lui apporter un petit peu du monstre dont on veut absolument l'affubler.
Son regard outré est aussi gris que l'acier des armes obsidiennes, quand ses longs cheveux châtains, ils coulent sur ses maigres épaules ainsi que sur sa robe vaporeuse, d'un bleu céruléen, ouverte sur sa poitrine comme une flèche de chair.
La surprise trahit la honte d'être ainsi mis à nu, dans ses prunelles métalliques, mais bien moins que sur ses lèvres pleines en train de se crisper de hargne.
Il est aussi fragile que menaçant et aussi délicat que dangereux. Tout cela, il le doit à cette rage qui semble ronfler dans son corps filiforme. Balam peut la ressentir.
Avec lenteur, l'elfe noir s'accroupit pour ramasser le voile d'os qui forme une flaque blanche, à ses pieds.
Quand sa main entre en contact avec lui, il a la sensation de plonger dans l'hiver. C'est glacial et cela lui mordrait presque la peau. Balam peut alors affirmer que ces grands tissus permettent aux fées de se rendre dans des contrées chaudes sans souffrir des températures élevées.
— Pardon, Candice… gémit Sira, embarassé.
Le dénommé ferme les yeux et souffle par le nez, visiblement déterminé à repousser son agacement. Quand il regarde son frère, ses traits se font plus doux et sa voix aussi.
— Ce n'est pas de ta faute.
Et Balam pense que c'est vrai. Si Sira n'avait pas été tiré en arrière, il ne se serait pas emmêlé dans ses mouvements et n'aurait pas marché, malencontreusement, sur le voile de son frère.
Il le lui tend avec un sourire compatissant :
— Ce n'est qu'un accident.
Le tissu glacé lui est arraché des mains avec force. Les yeux de Candice se plissent de mépris et quand il ouvre la bouche, il crache :
— Mes yeux l'ont vu, que c'était un accident. Je peux me passer de l'analyse d'un guetteur.
Mais tout ce qu'il récolte, c'est un regard amusé. Balam sait qu'il a honte de s'être montré ainsi à découvert face au diplomate pour lequel il n'a que du dédain. Il peut le voir à ses mains agitées qui veulent déplier le tissu, mais qui ne le froisse que d'avantage.
C'est d'une simplicité enfantine, pourtant.
— Bien. Pourtant, vos yeux peinent à voir les plis de votre propre voile.
Avec douceur, il attrape un petit bourrelet d'os. Un drapé qui s'est gonflé à cause de gestes malhabiles et quand il tire dessus, le voile glisse des mains de Candice jusqu'aux siennes.
Le froid le pique, les prunelles d'acier le fixent avec stupéfaction, comme s'il commettait un outrage.
Pourtant et pendant que Balam s'applique à libérer cette grande étoffe d'hiver avec un calme religieux, Candice ne dit plus rien. Sa boule de tissu froissée se transforme en grand carré blanc. Ce rideau qui le coupe de mondes qui ne sont pas les siens pour le laisser au coeur de la glace et quand enfin il se dresse entre lui et l'elfe noir, il embrasse la fraicheur bienvenue et enfonce la honte dans les treffonds de sa chair.
Le visage de nouveau couvert, il toise Balam sous sa carapace fragile.
Il émet une exclamation dédaigneuse et raille :
— Merci, je suppose. Balam Leguetteur.
Ce dernier laisse échapper un léger rire.
— C'est : Balam Lefaucheur.
Candice se rengorge, piqué au vif et se détourne dans un froissement d'étoffes, Sira sur ses talons.
— C'est la même chose, crache-t-il.
Pour une fée, peut-être.
Pourtant, Balam le guetteur est celui qui regarde l'herbe qui verdoie et le soleil qui poudroie, et Balam LeFaucheur quant à lui, a lissé les plis d'une mer d'os.
Que dirait Guy de Maupassant ?
Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frôlons sans le connaître, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes, et par eux, sur nos idées, sur notre coeur lui-même, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?
Le Horla - Guy de Maupassant
Mater Luna pour Moody
Elle est.
La chair de ma chair, mais puisque je n'ai pas de peau, elle est la lumière de ma lumière.
Moi qui ne suis qu'une sphère, figée dans l'atmosphère d'une voûte trop sombre à mon goût, j'ai mon œil unique braqué sur le monde où elle marche.
Je suis une déesse, paraît-il. Une étincelle accrochée à une nuit éternelle, mais qui ne peut même pas se regarder scintiller. Je suis un visage flottant, incapable de se former ou de se construire une symétrie avec des paupières, des lèvres, des oreilles ou un front galactique.
Qu'importe.
Depuis ma voûte céleste, j'observe celle que j'ai engendrée. Je suis si fière. Je me mets à la place d'un poète mortel et en prenant place dans sa petite tête, je m'amuse à imaginer ce qu'il dirait, s'il la dévisagerait comme je le fais.Ô, qui ? Qui est l'auteur de cet être irréel ?
Quel orfèvre a ciselé ses yeux ? Quel aventurier a été en dénicher les joyaux ? Quel artiste en a conçu la couleur ?
Il existe un sculpteur parmi les royaumes divins, qui a su donner corps à ses rêves en modelant de la chair avec la quintessence de l'esthétisme.
Il existe un tisserand, quelque part, là-haut, qui a su capturer les rayons de la lune pour filer la chevelure de cette créature issue du songe d'un dieu.
Il y a des artistes qui ont pu réaliser la courbe de ses lèvres et transformer son visage en écrin, là où toutes ses émotions viendront y dormir.
Qu'elle pleure, qu'elle sourit, qu'elle gronde ou qu'elle soupire, l'harmonie de sa figure restera une œuvre intemporelle dont on voudra connaître le nom.
Elle se drape avec le manteau de la nuit et son œil d'albâtre apparaît toujours dans ses tenues.
Peut-être est-ce un hommage envers l'astre blanc qui écoute, depuis sa petite place, les prières des lorialets.
Oui, je les entends. J'entends les mots de fils et de mes filles, mais je les observe aussi.
Toi, le poète qui n'a pas encore écrit sur la lumière de ma lumière, je répondrais peut-être à tes questions par des images, lorsque tu les auras enfin couchées sur le papier.
Je peux d'ores et déjà t'imaginer te saisir de ta plume pour croquer le portrait de ma fille avec des mots.
Tu souligneras son joli regard d'une rime, peut-être, et tu brosseras ses cheveux avec une métaphore, j'en suis certaine.
Mais tu sais : c'est moi.
Je suis l'auteur, l'orfèvre, l'aventurier, l'artiste, le sculpteur et le tisserand.J'ai ciselé ses yeux avec de l'améthyste parce que j'avais rêvé d'une galaxie qui aurait pu devenir son regard.
Je suis allée en chercher la couleur au cœur du cosmos juste pour en dénicher une qui n'aurait pas de nom sur le monde où elle marche.
J'ai songé à la beauté en concevant son joli corps et pour chaque courbe, chaque angle et même l'arc de ses hanches, j'ai voulu imaginer la plus jolie des déesses.
J'ai tissé ses cheveux avec toutes les étoiles que j'ai pu récupérer et en m'attelant à mon labeur, je les ai visualisés telle une cape qui glisserait entre les doigts des mortels comme de l'eau.
J'ai écrit son visage à l'image d'un livre. Je voulais que la poésie puisse marquer sa peau pour transformer ses yeux et ses lèvres.
Je tenais à ce que la couleur de la joie, du chagrin ou de la colère s'inscrive sur ses traits pour la gorger de vie.
C'est à cela que j'ai songé, en lui donnant naissance.
Bien loin des ténèbres de l'espace où ta mère siège en sphère solitaire, Rezphine Sélébríthil’kiinúviel, je reste une déesse dépourvue de chair, de sang, de cœur et de poumons, c'est vrai.
Mais je suis l'œil qui admire le portrait qu'il a imaginé et peint avec tout son amour et je suis celle qui a conçu un ange unique.
J'ai saisi le mot "beauté" et je l'ai modelé à ton image. Le monde qui te voit marcher est ton miroir et pour moi, il est un tableau.
Je souhaite qu'un poète puisse noircir son carnet d'une encre qui pourrait décrire l'indescriptible mais je doute que mes espoirs puissent prendre corps parmi les mortels.
Tant pis.
Lorsque tes prières s'élèveront jusqu'à moi, je fais le serment de t'envoyer des mots que je n'inventerai que pour toi. Des synonymes de "splendeur" que je verserai dans tes rêves pour traduire l'amour et la fierté que je ressens, moi, l'astre solitaire dans son royaume obscure, qui a su sculpter la plus parfaite des symétries.
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Rose pour Aspenn par Serenata
Rose regarda par la fenêtre. Il fronça les sourcils, il avait encore passé la journée a relire les rapport de ses troupes. Il avait beaucoup d’éléments a compilé pour la nouvelle mission d’infiltration qu’on leur avait confié. Il avait déjà un aperçu de la villa à surveiller. Une idée germait peu à peu dans son esprit. Mais il y avait encore beaucoup d’inconnu. Il ne voulait pas laissé quelques chose entraver la mission. Surtout que cette fois ci, ce n’était pas les ombres qui allaient avoir à le faire, mais des obsidiens. Il ne voulait pas que leur chef ait quelque chose à redire. A cette pensée, il eut un petit soupire. Mais il se reprit vite. Il n’avait plus que deux jours pour affiner la stratégie qu’on lui avait demandé de trouver.
Le vampire posa sa pile de données devant lui. Il avait eu un plan précis de l’extérieur du bâtiment, des patrouilles discrètes, mais il n’avait pas la moindre certitudes sur l’intérieur. Cela l’agaçait fortement, il ne voulait pas laisser le moindre grain de sable enrayer la machine qu’il allait mettre en place pour démanteler ce réseau de traite d’être vivant. A cette pensée, il eut une moue dégoutée. Il se leva. Il avait besoin de faire le point et quoi de mieux que de se dégourdir un peu les jambes dans les couloirs.
Rose était plongé dans ses réflexions quand un gardien de sa faction se mit au garde à vous en lui tendant une missive. Le vampire lui répondit un simple hochement de tête. Il regarda la sceau et hocha la tête. Il allait finalement pouvoir avancer. Alors qu’il retournait vers son bureau, il vit une ombre se matérialiser devant lui
« Rose
-Nevra
-Valkyon a choisit les possibles gardes de son corps pour la mission, j’ai posé sur ton bureau les profils, a toi de choisir au mieux.
-Cela va de soi. J’ai reçu ce que j’attendais. Je file finir et ce soir je te donne mon rapport.
-J’espères. »
Son chef se volatilisa aussi vite qu’il était apparu. Rosa pressa le pas pour affiner la stratégie qui avait fait irruption dans son esprit dans il avait lu la missive. Il poussa la porte de son domaine. Il avisa les feuillets. Il y en avait peu mais il savait que le chef de l’obsidienne avait le nez fin pour choisir ses gardiens pour chaque mission. Le vampire commença la lecture. Il en connaissait beaucoup de réputation ou pour avoir déjà travaillé avec eux. Il avait vraiment beaucoup de profils différents. Il en mit certain de cotés. Cela serait utile pour casser et faire du grabuge si la mission tournait court. Il en garda trois. Rapide, silencieux mais puissant. Il avait au moins confié une mission a un d’entre eux. Il se remis alors a écrire. Il avait pratiquement tout ce dont il avait besoin.
La nuit était déjà bien avancée quand Rose quitta son bureau. Il faillit percuté quelqu’un, il évita la collision juste grâce a ses réflexes. Il fut quand même rattrapé fermement par une main puissante. Le vampire leva la tête pour croiser les yeux ambré du chef des obsidiens. Rose senti malgré lui le rouge lui monter aux joues mais réussi a rester professionnel.
« Valkyon
-Bonsoir Rose
-Que venez-vous faire ici ?
-Je vais retrouver Nevra. Il m’a dit que tu avais fini
-Je viens de finir.
-Alors allons y ensemble »
Le vampire ne savait plus quoi dire. Il ne s’était pas attendu à cela. Mais il emboita le pas au chef. Ils arrivèrent alors rapidement devant le bureau de maitre des ombres. La porte s’ouvrit avant qu’ils n’aient a frapper. Rose aperçu alors son chef, un petit sourire ironique aux lèvres. Il aurait dû se douter qu’il allait faire cela. Ils s’installèrent autour de la table pour voir le plan de Rose.
« J’ai choisi trois de vos hommes. Ils sont rapides, discret et ils passeront mieux. Tout les membres de nos ennemies sont des hommes de mains brownies boucs, comme eux. Ils pourront facilement se mêler aux patrouilles. Ensuite le plan est simple. Les prisonniers sont dans la troisièmes pièces, du second palier dans la partie nord de la bâtisse. Les deux chefs sont des brownies lynx. Un des hommes devra subtiliser les clés pour ouvrir les cellules. Les deux autres devront neutraliser les chefs avant leur fuite. En cas de problèmes, les autres que vous avez sélectionné seront en embuscades dans les ruelles autours. Les deux qui seront chargé des chefs devront aller dans la partie sud. Au premier étage. Il n’y a que trois portes. C’est la première. La pièce est immense. Ils devront agir vite. Si jamais les chefs s’échappent, ils pourront les poursuivre, car les gardes ne circulent pas dans cette partie. Celui qui s’occupe des prisonniers devra aller vite aussi. La patrouille passe toute les trente minutes. Il pourra les faire sortir par une porte au rez de chaussée de la maison… »
Rose parla pendant un long moment, il avait détaillé le plan à la perfection pour que tout soit parfait. Il avait répondu aux questions. Il ne pouvait pas y avoir de faille dans ce qu’il avait prévu. Après il fallait que tout soit fait. Mais il avait comme toujours un plan de secours. Comme la présence de leur propre forces et des obsidiens pour les aider. Il alla alors se coucher. Il avait encore dans son esprit le léger sourire de Valkyon quand il eut fini de détailler le plan et le simple « parfait comme toujours » qu’il lui avait dédié. Il secoua cependant la tête. Il ne pouvait pas se faire d’idée. Il soupira. Il était temps de dormir, il allait devoir exposer une nouvelle fois point par point le plan aux personnes choisi. La porte se ferma sur le vampire
Dernière modification par Serenata (Le 11-12-2024 à 21h51)
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et si…
Serenata était tombée amoureuse de Lance avant qu’il ne devienne Ashkore
Le hurlement de loup qui résonna dans la plaine glaça le sang de l’armée d’obsidiens qui faisait ligne devant le QG. Avant même de voir leur adversaire, ils savaient déjà qui c’était.
Soudain une forme bleue apparut à l’horizon et s’approcha à une vitesse folle. Rapidement on put reconnaître des cheveux rouges sang et déjà Serenata chargeait à dos de son immense skanis la première ligne de la formation.
Vaillante à la main, elle commence son carnage.
Si son visage ne laisse transparaître aucune émotion, des sentiments divers se bousculent au fond d’elle. Serenata a foulé plus de champs de bataille qu’elle ne peut s’en souvenir, a annihilé plus d’ennemis qu’elle ne peut en compter et toujours sans remords ni regrets. Mais cette fois, elle est prise de doutes qui la rongent. Pourtant quand Lance -son chef, son amant- lui a demandé de le suivre et de quitter l’obsidienne avec lui, elle n’a pas hésité une seconde et a accepté.
Elle se souvient bien, de ce soir fatidique, où il lui avait demandé de quitter la garde avec lui. De se faire passer pour morte aux yeux de tous ceux à qui elle tenait. Il lui avait expliqué que la Garde était Mauvaise, qu’il fallait la faire tomber et elle l’avait cru. Alors, elle avait accepté. Pas par amour comme certains pourraient le croire, mais plutôt à cause de son sens du devoir inflexible et sa loyauté sans faille. Elle avait obéi à son chef, et même si il ne lui avait pas donné d’ordre, elle avait entendu sa voix tremblée et avait vu combien il avait besoin d’elle. Comment aurait-elle pu refuser?
Elle l’avait suivi, sans jamais le regretter et pourtant aujourd’hui elle hésite, elle doute. Elle connaît pourtant sa mission, celle qu’Il lui a confiée, et comme d’habitude elle obéit, mais cette fois, cette fois, c’est différent et elle ne sait pas vraiment pourquoi. Et cela l’embête. Sa mission est pourtant simple, attirer toute l’attention sur elle, pendant qu’il s’approche discrètement de la salle du cristal.
Et pourtant, pourtant. Simple, ça ne l’est pas. Pas que ses adversaires ne lui donnent tant de mal que ça -d’autant plus qu’elle est entourée du reste de l’armée de Lance-, la difficulté est ailleurs, le problème c’est elle. Les problèmes, ce sont ses doutes.
C’est peut être parce que cette fois, elle connaît les visages qui lui font face, tantôt seulement de vue, tantôt reconnaissable entre mille, ceux d’amis cher qui l’ont crue morte pendant des années. Ou alors c’est le lieu, le QG de la garde, l’endroit où elle a grandi, où elle a vécu pendant des années avec sa famille -quand ils étaient encore vivants-. Oui, c’est sans doute seulement de la nostalgie, pensa t elle. Et pourtant le doute subsiste et Serenata refuse de douter. Elle doit être fidèle et obéir à son chef, celui qu’elle aime. Alors pour faire taire ses doutes, elle réveille « la bête » et laisse sa conscience s’endormir.
Avant que « la bête » ne prenne totalement le dessus, Serenata se surprend à espérer de ne pas avoir de regrets quand elle se réveillera.
Dernière modification par Istalrì (Le 16-12-2024 à 20h04)
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Premiers pas d'une obsidienne
La respiration saccadée, les mains sur les genoux, la jeune femme essaya tant bien que mal de retrouver une contenance. Elle ne voulait surtout pas faire mauvaise impression lors de sa première journée en tant que membre de la garde obsidienne. En se redressant, elle replaça une de ses mèches de cheveux noires corbeau derrière son oreille avant de réajuster ses vêtements. Istalrì fit alors ses premiers pas au sein du Bastion d’Ivoire.
Tous les nouveaux arrivants se placèrent en ligne, à l’endroit exact que leur indiquaient leurs différents supérieurs. Que faisaient-ils ? Ils attendaient tout simplement leur chef de garde, celui qui avait désormais leurs vies entre les mains, celui en qui, ils devaient placer toutes leurs confiances. Istalrì prenait donc place entre un jeune brownie renard qui était de petite taille et une hamadryade avec un regard de feu, rempli de volonté.
Le stress commença à entreprendre son chemin, la demi-humaine se demanda pourquoi elle avait franchi le pas. Elle ne se qualifiait pas de combattante, c’était lui le combattant. Elle aurait simplement dû le soutenir, mais la vie en avait décidé autrement. Alors pour lui, elle ravala la boule qui s’était formée dans sa gorge. Elle avait passé les différentes épreuves ainsi que tous les questionnaires. Si elle était présente ici, c’était parce qu’elle avait réussi, elle en était capable. Sa place était dans la garde obsidienne, dirigée par ce faelien qui se faisait maintenant désirer.
Plus les minutes s’écoulaient, plus la tension montait parmi les nouveaux arrivants. Qu’est-ce qui allait arriver maintenant ? Elle n’en pouvait plus d’attendre, la jeune femme voulait que son calvaire prenne fin. Pour passer le temps, Istalrì se mit à détailler l’endroit dans lequel elle attendait. Toutes les nouvelles recrues se trouvaient au centre d’une arène dont le sol était de sable et de poussière. Autour de celle-ci, des gradins d’ivoire se dessinaient. Tout au fond, on pouvait y apercevoir des cibles, qui étaient bien usées. Des haches étaient toujours plantées dans certaines. Il y avait également, à la limite de la piste, différentes armes disposées sur ce qui ressemblait à de grandes tables. Ces objets dangereux devaient être sortis pour les entraînements, ou pour l’épreuve qu’allait endurer la jeune femme ainsi que ses compagnons de fortune. En levant son regard, ses yeux vairons se posèrent sur une estrade qui leur faisait face. C’est à ce moment-là qu’un homme à la carrure imposante fit son entrée. Il avait une prestance incroyable, il inspirait le respect. Ses cheveux blancs contrastaient avec sa peau halée, Istalrì en était hypnotisée. Lorsqu’il prit enfin la parole, elle comprit que ce n’était autre que son chef de garde.
« - Bienvenue à tous. Je me présente, je suis Valkyon, capitaine de la garde Obsidienne et je suis ravi de vous accueillir au sein de notre Bastion. Vous avez passé différentes épreuves, bravé certains obstacles. Si vous êtes parvenu jusque là, c’est que vous avez mérité votre place à Eel. Mais le plus dur reste à venir. Votre place de gardien, il va falloir la mériter. C’est pour cela qu’à partir d’aujourd’hui et pendant plusieurs jours, je vous ferai passer d’autres épreuves. »
Puis plus rien. Le discours de Valkyon avait empli l’arène d’un long silence. Alors que les guerriers aguerris acclamaient leur supérieur, le regard des jeunes recrues se faisait fuyant, déstabilisé. La peur se faisait ressentir chez certains. Bien qu’Istalrì ressentait elle aussi cette peur, elle était déterminée. Elle voulait à tout prix faire ses preuves, se montrer à elle même qu’elle avait sa place ici. Elle avait décidé de faire partie de la réputée garde d’Eel, la jeune femme ne lâcherait rien.
Sa fiche si besoin
Dernière modification par Edmia (Le 15-12-2024 à 22h00)
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Quel plaisir de retrouver ce topic d'écriture
Je te réserve, voyons ce que la charmante druidesse d'automne m'inspirera.
Le début d'un bel Automne
Le faible son des feuilles tombantes mêlé à un fredonnement réveille l'inconnu inconscient dans sa couchette modeste mais confortable. Une fine odeur de nourriture en train de cuire, probablement une soupe puisqu'il reconnait aisément le potimarron, lui ouvre l'appétit ainsi que son odorat développé pour distinguer quelques herbes aromatiques.
Même si ce n'était pas de la soie délicate comme il aime tant, le tissu qui le recouvre jusqu'à la taille est tout aussi agréable à caresser. Malgré sa difficulté à se mouvoir, il tourne la tête en direction de la voix pour y voir une forme floue préparer quelque chose, son unique œil peine à y voir clair tant la luminosité est faible excepté sur lui-même quand le silence s'installe.
-" Enfin réveillé, très cher... Vous êtes chanceux de vous être trouver ici, sur mon domaine d'Automne sinon vous n'auriez pas tenu jusqu'à ce que la Lune soit à son zénith." Dit la forme en s'approchant de lui.
A présent, le goût olfactif du potimarron laisse place à quelque chose de boisée, avec un soupçon de velouté rappelant vaguement celle d'un abricot... Elle lui rappelle alors la délicate senteur des roses surtout lorsqu'elles sont rouges. En approchant de la lumière, la belle inconnue se dévoile dans une robe écarlate volante comme si elle avait agrandi et utilisé les pétales d'une rose pour se vêtir, est-ce d'elles qu'émanent cette odeur ? Peut-être que oui, peut-être que non. Ses cheveux, lui semblant roux au début, lui apparaissent à présent bruns chocolatés aux reflets d'érable une fois à la lumière. Si elle était une déesse, nul doute qu'il l'aurait désigné comme la plus belle en lui donnant la pomme d'or.
-" Cela va piquer un peu, c'est normal... Plus la plaie est superficielle, plus c'est douloureux mais ici, c'est du poison corrosif que ma préparation va tenter d'apaiser. Les tissus déjà attaqués vont s'assécher pour mieux tomber et une nouvelle peau va venir remplacer tout ça. "
Elle applique ses herbes sur les plaies légères puis lorsqu'elle prend en charge celle qui justifie ses soins, l'homme grimace de douleur tant il croirait qu'on lui applique de la lave en fusion directement sur sa peau pâle de Vampire. Il prie intérieurement pour ne pas avoir de cicatrices comme les obsidiens même s'il aurait là de quoi se pavaner comme un paon devant les femmes bien que dans l'immédiat, il n'a plus qu'en tête cette belle créature féminine aux couleurs automnales. Les dorures dans sa tenue et ses cheveux la subliment davantage et il lui est impossible de détacher son regard d'elle une seconde. Ses mouvements de guérisseuse sont méticuleux, précis et doux comme elle. Pourquoi lui inspire-t-elle autant d'attraction ? Est-ce de la curiosité ? De la fascination ? Une seule chose peut permettre de répondre à cette question : passez du temps avec elle pour la découvrir.
-" Quitte à rester ici le temps d'être de nouveau sur pieds, puis-je avoir la joie de connaître votre nom ?"
-" Je suis Edmia, druidesse de l'Automne."
-" Un beau prénom..."
-" Merci du compliment." Dit Edmia en détournant le regard pour dissimuler ses joues rosies
-" Pour l'instant, appelez-moi Nevra. Il me tarde de goûter à votre soupe dont j'hume l'odeur depuis mon réveil."
-" C'est ma préférée, de la soupe au potimarron, qui est également très bonne pour la santé. Je ne doute pas un instant qu'elle vous plaira."
566 mots
Dernière modification par Elda-Arya (Le 22-12-2024 à 20h26)
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Apparences trompeuses
« Ton jeu de jambes Elda ! Tu es en déséquilibre. Rectifie moi ça. »
Haletante, l’interpellée s’exécuta sans rechigner. Elle se redressa et campa fermement ses pieds dans le sol, veillant à les garder parallèles à ses épaules pour maintenir sa stabilité. Une fois satisfaite, Elda leva un regard incertain vers son entraîneuse.
Caméria, les mains sur les hanches, analysa rapidement la posture de sa protégée avant de la gratifier d’un hochement de tête satisfait.
« Souviens-toi : dans un combat, l’équilibre est primordial. Si tu tombes…
-Je meurs, termina la Faëlienne en levant devant son visage ses poings bandés. »
Le message était clair. L’Hamadryade sourit avant de se remettre en position de combat.
Les deux combattantes se jaugèrent mutuellement du regard. Elda s’efforça de garder ses prunelles vert olive rivées sur celles de son adversaire, cherchant à deviner sa prochaine attaque. Au cours d’une bataille, outre l’équilibre, les yeux de l’ennemi étaient également d’une importance cruciale. C’était par lui qu’on pouvait lire les intentions et ainsi contrer les coups, lui avait expliqué Caméria.
L’exercice était cependant plus difficile à réaliser en pratique que sur le papier. Sans s’en rendre compte, Elda avait lâché les yeux de Caméria pour chercher une faille dans sa posture.
« Respire, t’es en apnée.
-Hein ? fit la jeune recrue Obsidienne, décontenancée. »
Tout se passa alors très vite. Profitant de sa distraction L’Hamadryade fondit sur Elda et, paniquée, celle-ci recula avant de chercher à se protéger. Avec une facilité insolente, Caméria dévia sa trajectoire pour trouver un nouvel angle d’attaque et balança son pied avec force dans l’abdomen de la jeune initiée.
Elda s’écroula dans un cri étranglé, le souffle coupé et l’estomac au bord des lèvres. Une douleur intense irradiait de son ventre qu’elle pressa de ses bras en se recroquevillant sur elle-même.
De sous ses paupières étroitement fermées, elle perçut une ombre la recouvrir, lui dissimulant les rayons de l’astre solaire. Une main chaude et ferme se posa sur son épaule.
« On a encore pas mal de boulot, retentit la voix de Caméria, sans détours. Mais tu as bien progressé depuis la dernière fois. Tu finiras par y arriver petit à petit. N'oublie pas de rester concentrée. »
Elda grogna, dépitée. Elle qui ne s’était jamais battu de sa vie ne pouvait évidemment prétendre acquérir les bases du combat en si peu de temps. Mais tout de même ! Cela faisait deux mois qu’elle s’entraînait sans relâche, ne pouvait-elle pas espérer mettre son adversaire un tant soit peu en difficulté ?
« Allez, dit Caméria et Elda perçut l’amusement dans le ton de sa voix comme si elle avait deviné ses pensées, viens te rafraichir. »
La Faëlienne s’assura que la douleur et la nausée s’étaient estompées avant de se redresser. Elle soupira avec lassitude en passant sa main sur son front, dégageant quelques mèches sombres trempées de sueur. Une gourde remplie d’eau apparut dans son champ de vision. Avec reconnaissance, la jeune femme s’en saisit avant de boire avidement au goulot.
Caméria la regarda faire avec un petit sourire avant de se laisser tomber à ses côtés avec sa propre bouteille. Elda la vit arroser son arbre miniaturisé et protégé dans une espèce de terrarium géant avant de boire à son tour.
« Où est-ce que j’ai progressé exactement ? »
Caméria souleva une paupière, dardant son iris orangé sur la jeune fille. Celle-ci fixait désormais le vide, les bras croisés sur ses genoux ramenés contre sa poitrine.
« Tu pars de loin, Elda, commença l’Hamadryade en levant son visage vers le ciel. Tu as débarqué d’un autre monde il y a à peine deux mois. Tu as intégré la Garde Obsidienne sans connaissance aucune du combat et malgré des débuts que je devine très difficiles, tu n’as jamais lâché l’affaire. J’en ai pourtant connu des recrues qui s’enfuyaient en pleurant au bout de seulement quelques jours.
-Ho…ça ce n’est rien, répliqua l’étrangère d’un ton plat. J’ai vécu bien pire. Mais tu as dit que j’avais pas mal progressé, sous-entendu au combat au corps à corps. Pourtant, moi, j’ai l’impression de ne pas avoir avancé d’un iota.
-Et malgré tout, tu progresses à chaque séance. Tu me connais assez maintenant pour savoir que je ne dis pas ça pour te faire plaisir, mais parce que c’est la vérité. »
Elda baissa légèrement la tête avec un petit sourire. Caméria la contempla, s’étonnant que cette jeune fille si réservée et frêle puisse abriter en elle une volonté de fer couplée à une combativité hors pair. Elle était bien plus forte qu’elle n’en avait l’air. Malheureusement, elle ne semblait pas s’en rendre compte. Du moins, pas encore.
« Je te remercie pour ces mots. Ca m’encourage. Je vais continuer à faire de mon mieux. »
Au même moment, au loin, une silhouette grande et musclée sortit du quartier général d’Eel. Caméria reconnut Valkyon, le chef de la Garde Obsidienne. Elle leva une main pour le saluer lorsque le regard mordoré du Faëlien se tourna dans leur direction. Il lui rendit son salut d’un signe de tête avant de poursuivre sa route vers la place du Marché.
Aux côtés de l’Hamadryade, Elda s’était figée à la vue du puissant Obsidien. Son cœur s’emballa au fond de sa poitrine, sans qu’elle ne sache si c’était par peur ou bien à cause d’un autre sentiment indéfinissable. Heureusement ou malheureusement, Valkyon ne lui accorda pas un regard. La jeune femme le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue.
Un léger coup de coude la ramena à la réalité et ses joues rosirent légèrement en constatant que Caméria la fixait d’un air entendu.
« Ce n’est pas du tout ce que tu crois ! fit la Terrienne avec précipitation.
-Ha mais je ne crois rien du tout, rit sa compagne en levant ses deux mains en l’air d’un air faussement innocent. »
Elda soupira, devinant que le combat était perdu d’avance. Elle fixa tristement l’endroit où Valkyon s’était tenu un peu plus tôt.
« Tu devrais aller lui parler un de ces quatre. Tu sais, il est loin d’être ce qu’il paraît. Depuis ton arrivée dans l’Obsidienne, il a tout fait pour que tu sois à l’aise et bien traitée. »
La Faëlienne fixa Caméria avec étonnement. De quoi parlait-elle ?
« C’est lui qui t’a trouvé une chambre. Lui encore qui t’a donné de quoi te vêtir et manger. Et c’est grâce à lui aussi si tu bénéficies d’un fabuleux coach personnel, même si je dois avouer que je n’aurais pas attendu qu’il me le demande. Et j’en oublie certainement. »
Elda demeura muette, sidérée. En voyant sa tête, Caméria rit de nouveau.
« A l’occasion, pense à aller le remercier. Tu auras une belle surprise, je pense.
-Mais…il ne me regarde même pas, plaida la jeune recrue.
-Ca c’est que tu crois, répliqua Caméria avec un petit sourire au coin. »
Dernière modification par Gaianee (Le 26-12-2024 à 22h41)
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Une rencontre inattendue
Le soleil était haut dans le ciel, il illuminait le feuillage des arbres de ses doux rayons. Il accompagnait les sourires des enfants qui jouaient dans les jardins, tout en réchauffant leurs petits corps engourdis par le froid de l’hiver.
La journée avait bien commencé pour Gaianee. Elle s’était levée de bonne humeur et elle avait eu la surprise de découvrir que Kéro avait laissé sur le pas de sa porte le livre qu’elle lui avait demandé quelques jours auparavant. La jeune femme savait alors qu’elle passerait sa journée à lire, en compagnie de sa couverture.
Mais hélas, il avait fallu que l’elfe qui lui servait de chef vienne gâcher ce joli tableau. Un peu plus tôt dans l’après-midi, l’absynthe était venu mettre son grain de sel en lui confiant une mission de dernière minute. C’est ainsi qu’elle s’était retrouvée seule, en plein milieu de la forêt, à récolter quelques plantes et fruits.
- Je te jure Ezarel, tu vas me le payer un de ces jours ! Fulmina la jeune femme.
Accroupie près d’un arbre et malgré son agacement, l’humaine récolta précautionneusement les pousses demandées par son chef de garde. Avec ses cisailles, elle coupa quelques herbes sifflantes avant de les fourrer dans sa besace, par-dessus les fleurs de cristal. Elle se redressa, soufflant son air chaud sur ses doigts endormis par le froid, tentant de les réchauffer ne serait-ce qu’un peu. Elle poursuivit ensuite son chemin un peu plus profondément dans les bois, évitant les racines et les ronces qui lui barraient la route. Lorsqu’elle se pencha afin d’éviter une branche d’arbre, un craquement sur le tapis de feuilles mortes se fit entendre.
C’est certainement un familier…, pensa t-elle.
Puis un râle de douleur lui arriva jusqu’aux oreilles. Gaianee se retourna brusquement. Ce bruit n’était pas celui d’un animal plaintif, non. Elle réalisa alors qu’elle n’était pas seule dans cette forêt. La jeune femme commença à faire demi-tour, la peur lui saisissant les entrailles.
Quand soudain, une main agrippa son bras, tandis que l’autre couvrait sa bouche. Elle hurla de terreur.
- Shhh, lui intima l’inconnu.
L’absynthe obéit, sentant la poigne de l’homme derrière elle la relâcher. Elle se retourna et fut surprise de croiser le regard d’Ashkore. Il était face à elle, un doigt sur sa bouche pour continuer à lui intimer le silence. Une fois qu’il fut certain que son interlocutrice obéissait, il pointa alors sa jambe de ce même doigt.
Gaianee reprenait difficilement son souffle, son regard s’attarda sur le masque sombre de cet homme, avant de descendre plus bas, sur sa cuisse. Une morsure y trônait, dégoulinante de sang. L’ennemi de la garde d’Eel était blessé.
- Vous souhaitez que je soigne votre plaie ? Demanda t-elle.
Pour toute réponse, elle obtint un hochement de tête, de bas en haut.
- Je ne vois pas pourquoi je ferai cela, je ne vous dois rien !
Elle le contourna, pressant le pas pour retourner à l’orée de la forêt. Après tout, ce n’était pas son problème si cet homme risquait de mourir d’une infection.
Et mince !
Gaianee se retourna brusquement, pour revenir auprès de lui. Elle déposa son sac sur le sol avant de s’accroupir et d’en sortir le nécessaire de soin. Elle attacha ensuite sa chevelure bicolore en un chignon, replaçant les mèches rebelles derrière son oreille.
Elle ne pouvait décidément pas se résoudre à le laisser comme ça. Même s’ils n’étaient ni amis, ni alliés, elle ne pouvait nier qu’il avait été d’une grande aide pour elle à certains moments.
- Asseyez-vous, je vais regarder votre plaie et voir ce que je peux faire.
Il obtempéra, toujours en silence. L’homme masqué se laissa glisser le long d’un tronc d’arbre, étendant sa jambe à la vue de sa soigneuse.
La morsure n’était pas récente, elle suintait et dégoulinait de sang. Quelques morceaux d’hémoglobine séchés la constellaient également. Elle la nettoya avec l’eau de sa gourde avant d’entreprendre les soins. Elle s’appliqua dans ses gestes, afin qu’ils soient le plus doux possible. Ashkore se crispa néanmoins sous la douleur, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Le regard de la jeune femme croisa celui de son patient. Bien qu’ils soient cachés derrière l’aura rouge de son masque, ses yeux avaient quelque chose d’hypnotique, qui faisait battre un peu plus vite son coeur.
Gaianee détourna son visage du sien, puis elle se racla la gorge pour se donner une nouvelle contenance.
- Malheureusement je ne vais pas pouvoir faire mieux, il faudrait quand même que vous consultiez un médecin.
Mais lorsqu’elle se retourna, il n’était déjà plus là. Telle une feuille volant au gré du vent, il avait disparu. Avait-elle rêvé cette rencontre ? Non. Le sang présent sur les tissus qu’elle avait utilisé pour nettoyer la blessure lui indiquait que c’était bien réel.
Elle rangea ses affaires, mais avant de se redresser, un objet brillant attira son attention. Il s’agissait d’une des décorations qui ornaient le costume noir de celui qui venait de disparaître. Elle le ramassa. Elle leva ensuite son visage vers le ciel, savourant les derniers rayons du soleil, tout en serrant le petit bijou contre sa poitrine.
Je vous laisse avec ma petite druide
Dernière modification par Edmia (Le 23-12-2024 à 21h47)
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Un automne éternel
Le soleil entamait sa course descendante alors qu’une nouvelle journée s’achevait. Ses rayons peignaient de orange la nature, en harmonie avec les feuilles de l’automne. Ces mêmes lueurs entraient dans la chambre d’Edmia par la fenêtre, peignant le sol de cette teinte si particulière. La jeune femme, assise sur son lit, regardait ce spectacle sans la moindre joie. Bien au contraire. Si d’ordinaire, il s’agissait de sa saison préférée, celle-ci était beaucoup trop longue. Voilà désormais un mois que l’hiver aurait dû commencer. Et pourtant, c’était toujours un ballet de feuilles rougeoyantes qui l’accueillait chaque matin, quand elle se levait.
La jeune druidesse ne put retenir un frisson alors qu’elle portait ses mains à ses oreilles, secouant la tête pour chasser ces horribles souvenirs. Ses paupières recouvrirent ses pupilles améthyste, tentant de refouler les images qui s’imposaient à son esprit. Voilà désormais deux mois qu’une terrible attaque avait eu lieu dans le village druidique d’Anh’Ora. Des brigands avaient réussi à le trouver au fin fond de la forêt qui lui servait habituellement de défense naturelle. Et depuis, plus rien n’allait.
Edmia se souvenait de ce jour comme s’il avait eu lieu la veille, bien malheureusement pour elle. Elle se trouvait dans le sanctuaire du village, avec ces trois autres consœurs. En tant que descendantes des quatre druidesses originelles, elles étaient des Sangs Premiers. Leur devoir était de faire venir les saisons, pour que le cycle naturel puisse perdurer sur le monde. Cela n’était que le quatrième rituel d’Edmia, mais la descendante de Carpo, la druidesse originelle de l’automne, était bien décidée à faire de son mieux comme elle l’avait toujours fait. Jusqu’à ce que les portes du sanctuaire s’ouvrissent en grand. Surprises, les quatre druidesses s’étaient retournées, cherchant qui avait pu interrompre le rituel de la sorte. Et c’est à ce moment-là que le cauchemar d’Edmia avait commencé.
Elle entendait encore le hurlement de ses collègues les nuits où elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Ainsi que les macabres roses qui avaient poussé sur les tenues des druidesses et dont les images ne voulaient plus la quitter. La robe blanche sertie de cristaux rappelant de la glace en hiver. Celle aux volants verts et au corsage rouge du printemps, rappelant une rose en pleine éclosion. Ou celle bleue aux voilages blancs symbolisant l’écume peignant la crête des vagues sous un ciel estival. Toutes trois peintes de rouge alors que les saisons qu’elles symbolisaient s’éteignaient définitivement. Edmia était la seule à avoir survécu à ce massacre, ayant réussie à s’enfuir à temps. Mais désormais, elle était la seule à devoir supporter le chaos qui en avait résulté.
En effet, ses trois consœurs n’avaient pas de descendance. Aussi, les saisons qu’elles incarnaient s’étaient éteintes pour de bons avec elles. Seul l’automne était resté et ne voulait plus s’en aller. Il avait été demandé à Edmia, dernière des Sangs Premiers, de faire quelque chose. Cependant, la jeune femme n’avait pas l’ombre d’une piste pour essayer de redresser la situation.
Elle sortit de ses douloureuses pensées quand elle entendit la porte de sa chambre s’ouvrir. Un homme entra rapidement sans même avoir pris la peine de frapper. Ce qui n’était pas étonnant puisqu’il était le père d’Edmia. Et qu’en tant que tel, il n’avait jamais jugé bon de faire preuve de politesse quand il voulait parler avec sa fille.
C’était un homme de taille moyenne. Il arborait des cheveux courts bruns qu’il coiffait vers l’arrière et des yeux verts. Il était vêtu de tenue dans les tons sombres. Il était celui qui avait éduqué la demoiselle dans son rôle de Sang Premier avant qu’elle ne prenne réellement ses fonctions à la mort de sa mère, Thyriande. Mais hormis l’héritage du sang, Edmia ne partageait rien avec cet homme. Pas même quelques traits physiques, puisque ses yeux étaient de la couleur de l’améthyste et ses cheveux châtains aux mèches cuivrées. Un claquement de langue irrité interrompit toutefois le cours de ses pensées alors qu’elle relevait les yeux vers son père.
— Edmia, commença-t-il d’un ton grave. Combien de temps encore comptes-tu rester prostrée dans cette chambre, uniquement éclairée par les rayons du soleil ? Ce n’est pas ainsi que la situation se résorbera ! En tant que Sang Premier, tu es la seule à pouvoir régler ce désastre. Il est attendu de toi que tu rétablisses l’équilibre des saisons !
Mais je ne sais pas comment faire… Je n’en suis pas capable seule… C’est ce qu’Edmia avait envie de répondre. Mais elle savait qu’il ne lui était pas autorisé d’émettre sa réserve à voix haute. Elle ne pouvait décevoir tous les espoirs qui avaient était placé en elle. Et cela, même si ce fardeau était beaucoup trop lourd à porter pour ses frêles épaules.
— Je… vais faire tout mon possible en ce sens, père, déclara-t-elle d’une voix douce et claire.
— Et je n’en attends pas moins de toi. Même si notre village conserve encore les cicatrices de la dernière attaque, nous avons fait tout notre possible pour rendre au sanctuaire sa splendeur passée. Tu y es donc attendue demain matin aux premières lueurs de l’aube pour accomplir un rituel capable de nous sauver de cette pagaille.
— Entendu, père…
L’homme acquiesça d’un signe de tête avant de tourner les talons sans un regard en arrière. De nouveau seule, Edmia ne put que triturer nerveusement ses mains. Elle n’avait aucune idée de comment s’y prendre et espérait sincèrement que la nuit puisse lui porter conseil.*
* *
Le soleil n’était que peu visible sur la ligne d’horizon et Edmia se trouvait déjà dans le sanctuaire. Vêtue d’une longue robe à voilages dans les teintes rougeoyantes, son apparence reflétait l’unique saison du monde qu’elle incarnait. Quelques vieux druides se tenaient autour d’elle, terminant de préparer tout ce dont la jeune Sang Premier était en mesure d’avoir besoin.
— Nous plaçons tous nos espoirs en vous, déclara l’un d’entre eux, les préparatifs terminés. Je suis certain que vos trois regrettées consœurs comptent également sur vous, de là où elles sont désormais, pour que vous rétablissiez l’équilibre perdu des saisons.
— Mais je n’en suis pas capable, murmura la jeune druidesse dans un souffle.
Naturellement, personne autour d’elle n’entendit ce chuchotement. Et elle ne le voulait pas. Elle ne souhaitait pas décevoir tous les espoirs placés en elle, qu’importe combien ces derniers lui pesaient. Mais toutes ses tentatives avaient jusqu’alors étaient des échecs. C’était d’ailleurs l’une des principales raisons pour laquelle elle ne parvenait pas à être optimiste quant à ses essais.
— Nous allons vous laisser œuvrer en paix désormais, reprit le vieux druide. Que la nature puisse vous aider, dame Edmia.
— Merci.
Elle entendit les bruits de pas s’éloigner et les portes claquer, la laissant de nouveau seule. S’approchant du bassin d’eau pure qui se trouvait devant elle, elle fit ses ablutions pour se purifier. Elle s’assit par la suite en tailleur, fermant les yeux pour méditer. Rapidement, les veines de maana composant le monde se dessinèrent sur ses paupières closes. Cependant, les flux semblaient en déséquilibre en de nombreux endroits. De même, elle pouvait entendre les plaintes de la faune et la flore que la présence éternelle de l’automne faisait souffrir. Ce constat semblait broyer le cœur d’Edmia, comme à chaque fois, sans qu’elle ne parvienne à trouver l’ombre d’une piste pour arranger tout cela. Elle avait déjà essayé de faire appel à ses pouvoirs et d’influer sur le maana pour lui faire reprendre son apparence originelle. Mais toutes ces précédentes tentatives s’étaient soldées par un échec.
Edmia rouvrit brusquement les yeux, respirant fortement. Insuffler son propre maana dans celui du monde n’était pas une tâche sans risque pour elle. Mais en regardant par l’une des grandes fenêtres du sanctuaire, elle put voir des feuilles rougeoyantes se faire balayer par le vent.
— Je suis le Sang Premier de l’automne, marmonna-t-elle en s’effondrant sur le sol. Comment peuvent-ils attendre de moi que je remplace mes consœurs des autres saisons ? Je n’ai pas leur pouvoir…
La porte du sanctuaire s’ouvrit rapidement avant qu’elle n’entende des pas précipités venir vers elle.
— Dame Edmia, est-ce que vous allez bien ?
— Elle me semble épuisée !
— Non. Je… je vais bien…
La demoiselle se releva, aidée par l’un des druides qui se trouvaient sur sa droite.
— Vous devez vous ménager, dame Edmia. Allez vous reposer. Vous retenterez un rituel demain.
La druidesse ne répondit rien, fermant les yeux alors qu’elle se laissait guider en dehors du sanctuaire. Bien sûr, son bien être n’était important que dans le but de sa mission. Le reste importait peu.*
* *
Cela faisait maintenant deux semaines qu’Edmia exécutait des rituels tous les jours pour essayer de rétablir le rythme des saisons. Et tout autant de temps que rien n’avait changé. Le reste du temps, elle le passait dans sa chambre, fuyant les regards des habitants qui comptaient tant sur elle. Elle ne parvenait pas à répondre à leurs attentes et ne pouvait que se sentir mal vis-à-vis d'eux. Et les visites de son père à ce sujet ne l’aidaient en rien à se sentir mieux.
— Edmia, le temps presse ! s’exclama-t-il alors qu’il entrait une nouvelle fois dans la chambre. Plus l’automne perdurera, plus les répercussions sur Eldarya seront grandes ! Alors, fais quelque chose !
— Mais c’est déjà ce que je fais ! éclata la jeune fille. Je fais de mon mieux, mais je ne suis pas capable de ramener les autres saisons !
L’homme ne put que hausser les sourcils de surprise. Sa fille était quelqu’un de parfaitement calme d’ordinaire. Il était donc extrêmement surprenant de la voir élever la voix.
— Tu es le dernier Sang Premier qu’il reste. Tu es la seule à pouvoir faire quelque chose. Alors, trouve une solution.
Sans la moindre empathie, sans le moindre regard, l’homme tourna les talons avant de s’en aller. Cela ne faisait que la plonger dans un abandon encore plus grand. Quelques larmes roulèrent sur ses joues alors qu’elle se laissait tomber sur son lit, écraser par un fardeau beaucoup trop lourd à porter.*
* *
Cela faisait un moment qu’Edmia courrait dans la forêt, jetant de temps à autre des coups d’œil par-dessus son épaule. Une cape de voyage sombre recouvrait ses vêtements et elle n’avait avec elle qu’un sac contenant des objets de première nécessité. Profitant de la couverture qu’offrait la nuit, elle s’était finalement décidée à fuir le village d’Anh’Ora. Une part d’elle continuait de culpabiliser d’abandonner le lieu qui l’avait vu naître et les gens qui croyaient en elle. Mais elle n’en pouvait plus. Si elle ne voulait pas se briser définitivement, il lui fallait fuir ce lieu qui lui devenait anxiogène. Sans compter que peut-être par-delà cette forêt, elle rencontrerait des gens qui seraient capables d’aider l’automne à laisser sa place aux autres saisons. Peut-être que des peuples d’autres faery seraient capables de lui apporter les réponses aux questions qui tournaient dans son esprit. C’était ces espoirs qui lui avaient fait entreprendre ce voyage sur un coup de tête.
Sauf que dans sa folle initiative, Edmia avait oublié de prendre en compte une information essentielle : toutes les créatures n’étaient pas forcément bienveillantes. Et elle n’avait pas tardé à être prise en chasse par des Black Dogs. D’ailleurs, elle jeta un nouveau regard par-dessus son épaule pour essayer de voir à quelle distance ils se trouvaient d’elle. Son cœur martelait sa cage thoracique au rythme de ses pas. Ses jambes commençaient à être douloureuses de sa course, mais elle ne pouvait se permettre de s’arrêter. En effet, les lianes et ronces auxquelles elle faisait appel pour se protéger ne parvenaient pas à entraver l’avancée de ces monstres.
Regardant derrière elle, elle ne vit que trop tard la racine qui jonchait le sol devant elle. Trébuchant, elle bascula en avant et roula dans une pente, récoltant bon nombre d’écorchures et d’égratignures. De plus, sa cheville était douloureuse. Il lui serait difficile de marcher dans de telles conditions, et plus encore de courir. Aussi, elle ne put que voir avec horreur les Balck Dogs l’approcher, leurs grondements gutturaux lui glaçant le sang. Quand le premier se jeta sur elle, elle ne put que fermer les yeux, mettant ses bras devant son visage dans une vaine tentative de se protéger. Cependant, le monstre ne l’atteignit jamais. A la place, elle pouvait entendre des jappements plaintifs qui lui forcèrent à ouvrir prudemment les yeux.
Devant elle se tenait un homme de taille moyenne. Ses cheveux ébène lui permettaient de se confondre avec la nuit, en totale opposition avec sa peau pâle. Une dague brillait dans chacune de ses mains. Aussi discret qu’une ombre, il se mouvait rapidement, tenant rapidement à distance les deux Black Dogs. D’ailleurs, ayant récolté plusieurs blessures, ceux-ci prirent finalement la fuite en couinant. Le mystérieux guerrier secoua ses lames pour en ôter le liquide carmin et les rengaina avant de se retourner vers Edmia. Il avait un visage aux traits juvéniles et un imposant cache-œil recouvrait sa pupille gauche. Il adressa un léger sourire à la demoiselle. Avec ses canines pointues et ses longues oreilles, tout laissait supposer qu’il devait s’agir d’un vampire.
— Vous n’avez rien de casser, charmante demoiselle ?
La druidesse amorça un mouvement de recul, même si sa cheville blessée la fit retomber au sol rapidement. Après tout, même si cet homme lui était venu en aide, rien ne prouvait qu’il n’était pas quelqu’un d’hostile. Celui-ci sembla d’ailleurs se rendre compte de la méfiance de son interlocutrice.
— N’ayez pas peur, je ne vous ferais aucun mal. Je suis Nevra, j’appartiens à la garde d’Eel.
Pour prouver ses dires, il sortit rapidement l’insigne de sa poche attestant qu’il était bien un guerrier de cette grande organisation. Et Edmia se détendit quelque peu à cette preuve. Après tout, elle avait déjà entendu parler de cette garde. Peut-être qu’eux seraient en mesure de l’aider à régler le problème de saison. Aussi, de ses mains tremblantes, elle attrapa l’ourlet du kimono de l’homme face à elle.
— Je vous en supplie, aidez-moi, murmura-t-elle d’une voix faible. Pour… les saisons. J’ai besoin… d’aide.
Le surplus de fatigue, de douleur et de peur fit vaciller sa conscience. Ses doigts lâchèrent le tissu fin du kimono avant qu’elle ne bascule en arrière, son monde devenant sombre.
Dernière modification par Lulyah (Le 11-01-2025 à 14h17)
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La force de revenir
Le souffle court, le cœur au bord des lèvres, Lulyah fixait la grande porte de la Cité d’Eel avec une telle intensité qu’elle finit par lui paraître floue.
Le vent frais agitait sa chevelure d’un blanc immaculé qui lui descendait désormais jusque dans le milieu du dos. Une mèche vint barrer son visage, qu’elle coinça machinalement derrière son oreille. C’était incroyable de voir comme ils avaient poussé en cinq ans. Jamais encore elle ne les avait eu aussi longs.
Une légère pression contre son épaule la fit revenir à elle. La jeune femme tourna son visage vers Diabolo, son Familier Danalasm qui la contemplait avec sollicitude.
« Courage, semblait lui dire ses yeux dorés emplis de douceur. »
Lulyah expira et fit rouler sa tête d’une épaule à l’autre pour détendre ses cervicales. Ses muscles, jusque-là crispés, se relâchèrent légèrement. Néanmoins, ses mains continuaient d’agripper éperdument son sac de voyage gonflé de vivres, telle une naufragée au bord de la noyade.
Elle était arrivée aux dernières lueurs du crépuscule. Les portes de la Cité s’étaient refermées pour la nuit. Si le règlement n’avait pas changé, cela signifiait que Lulyah était condamnée à passer la nuit dehors jusqu’au petit jour. Malgré l’angoisse qui l’étreignait depuis qu’elle avait entreprit ce voyage, cela lui était inconcevable.
Réunissant tout son courage, la Faëlienne brandit son poing et l’abattit sans retenue sur le bois massif de la Grande Porte. Son coup résonna comme le tonnerre. Pour autant, personne ne sembla l’entendre.
« Il devrait y avoir quelqu’un pourtant, songea la voyageuse avec déception. Un garde, plusieurs mêmes. Ou peut-être que… »
Peut-être que ses coups n’avaient pas été entendus. Ou ignorés. Peut-être que les Gardes avaient désormais interdiction formelle d’ouvrir à qui que ce soit jusqu’au matin. Peut-être qu’elle avait été reconnue, mais qu’elle n’était plus la bienvenue. Plus depuis ce qu’elle avait fait…
La tristesse la prit à la gorge, sans prévenir. Lulyah pensait pourtant avoir fait la paix avec elle-même. Elle était partie pour devenir plus forte. Pour ne plus reproduire les mêmes erreurs qu’autrefois. Et elle avait appris depuis, énormément.
Peut-être pas assez.
Les souvenirs demeuraient vifs, comme s’ils dataient de la veille. Peut-être qu’elle avait appris à se pardonner, mais elle ne pourrait tourner la page que si elle obtenait son pardon à lui.
Cela impliquait une confrontation. Elle le savait, elle s’y était préparée. Toutefois, maintenant qu’elle se préparait à affronter son passé, Lulyah n’était plus sûre de la pertinence de son idée.
Lâche.
L’insulte résonna en elle et ébranla son être. C’était ainsi que Karenn l’avait qualifiée, lorsqu’elle avait annoncé son départ.
Or, elle était et demeurait toujours une Obsidienne. Elle n’avait pas fui, ou alors seulement pour mieux revenir. Peu importe ce que Lulyah pouvait ressentir, seuls les actes comptaient.
Et là voilà désormais devant cette grande porte infranchissable, si près du but et pourtant encore si loin.
« Qui être là ? Déclinez identité et raison de votre présence ! »
Lulyah sursauta et son cœur se remit à tambouriner avec férocité dans sa poitrine. Cette voix, ce ton bourru…
« Je…Jamon ! Je suis Lulyah Olpharya, Faëlienne et ancienne membre de la Garde Obsidienne ! »
Seul un silence lourd et indéchiffrable lui répondit.
Lulyah s’aperçut qu’elle retenait son souffle, en attente de la décision qui signera ou non sa disgrâce. La Porte s’ouvrirait-elle pour elle ? Ou demeurerait-elle close, rejetant ainsi ses efforts et sa volonté mainte fois éprouvée ?
Un grincement sinistre se fit soudainement entendre. Surprise, Lulyah recula et contempla avec crainte les lourds battants de bois s’ouvrir avec lenteur. Derrière se tenait Jamon, Ogre de son état et bras droit de Miiko, la cheffe de la Garde d’Eel. Il la toisa depuis sa haute stature, son poing refermé sur une imposante hallebarde au tranchant affûté. La jeune Faëlienne se redressa, essayant de paraître plus grande et confiante qu’elle ne l’était réellement.
« Tu êtres bien Lulyah, dit enfin Jamon, après ce qui parut une éternité. Jamon reconnaître tes yeux vairons et ta peau verte. Tu être la seule Vouivre à avoir vécu ici, il y a des années.
-Cinq ans, précisément, confirma Lulyah la gorge nouée par l’émotion. »
Jamon acquiesça. Pour autant, son expression ne s’était nullement adoucie. D’un geste brusque, il l’invita à pénétrer dans la Cité.
« Jamon t’emmener voir Miiko immédiatement. Mais d’abord, tu déposer armes. »
Lulyah fut tentée de se rebiffer, mais face au regard implacable de l’Ogre et à sa situation quelque peu délicate, elle finit par obtempérer.
« Très bien. Mais Diabolo reste avec moi. »
Jamon hocha la tête. Lyluah lui confia son lourd marteau et sa dague sans se sentir plus légère pour autant.
Sans un mot, Jamon mena la jeune femme jusque dans l’enceinte du Quartier Général.*
* *
« Ainsi donc, tu es revenue. »
La voix claire de Miiko se répercuta en échos argentins contre les parois de verre qui contenaient la Salle du Cristal.
Lulyah dévisagea la Kitsune, Commandante de la Garde d’Eel, qui dardait sur elle un regard froid et hautain. A n’en pas douter, sa présence ne la ravissait pas, loin de là. Or, l’ancienne Obsidienne s’y était attendue. Miiko ne l’avait jamais portée dans son cœur, et réciproquement.
« Oui. »
La Faëlienne avait mis toute la force de sa détermination dans cette simple affirmation. Oui, elle était de retour. Oui, elle voulait reprendre sa place au sein de la Garde. Et oui, elle voulait effacer les erreurs du passé.
« Après cinq ans, après t’être enfuie pratiquement comme une voleuse, après avoir failli causer la perte d’un de tes supérieurs, tu penses pouvoir revenir telle une fleur et reprendre ta place parmi nous ? »
…oui, encore. En tout cas, elle l’espérait. Sauf qu’à en juger l’éclat rancunier qui scintillait dans les yeux bleus de Miiko, rien n’était moins sûr. Lulyah allait devoir défendre chèrement son cas.
Elle inspira. Redressa légèrement les épaules. Bomba le torse. Lulyah devait paraître forte et déterminée, même si au fond d’elle, elle mourrait de trouille.
« Il y a cinq ans, j’étais une étrangère qui venait de débarquer d’un autre monde, la Terre. Il y a cinq ans, toutes mes certitudes, tout c’en quoi je croyais, ont été balayés lorsque je suis arrivée sur Eldarya et que j’ai découvert qui j’étais. Je ne maîtrisais rien mais je me suis pourtant accrochée. Coûte que coûte. Je ne savais rien, mais je faisais croire le contraire, sans comprendre que je ne leurrais que moi. J’ai tenté de toutes mes forces de m’intégrer parmi vous en dépit de mes origines que vous jugiez douteuses et des préjugés. Hélas, j’ai eu beau tout donner, ce n’était pas encore assez. J’ai failli tuer un être cher, un ami précieux, par ma bêtise et ma négligence. Un choix s’est alors présenté : ou bien je me morfondais, maudissais ce monde et me vautrais dans l’inconscience, ou bien je partais en quête de mes origines pour comprendre ce que je suis, qui je suis, assumer mes erreurs, et transformer cette honte qui n’a pas cessé de grandir en moi en force pour devenir la meilleure version de moi-même. Je ne dis pas que j’y suis parvenue, mais je crois affirmer sans prétention que c’est en bonne voie. J’ai besoin de votre aide, Miiko. Les miens m’ont appris tout ce que j’avais à savoir, mais il me reste tant à apprendre. Il n’y a désormais que vous pour continuer de m’élever. »
Un silence solennel ponctua son discours. Lulyah n’avait pas prévu de parler autant, mais les mots avaient coulé de sa bouche les uns après les autres dans un courant limpide. Directement depuis son cœur.
Elle soutint avec ferveur le regard fermé de Miiko. Cette dernière tenait son sceptre avec force, au point que ses jointures en étaient devenues blanches. Dans sa cage dorée, le Feu Bleu de Glace luisait d’un éclat ardent, ondulant à peine, comme suspendu lui aussi aux lèvres de la Renarde.
Celle-ci entrouvrit la bouche, lorsque soudain son regard se porta sur un point situé derrière l’épaule de Lulyah. Une légère surprise se peignit sur ses traits.
« Lulyah est sincère, Miiko. Et si ses paroles ne suffisent pas, prend également en compte ses actes : elle est revenue, n'est-ce pas? »
Cette voix…
Lulyah blêmit.
Cette voix, elle ne l’avait pas entendue depuis des années. Depuis ce fameux jour, où par sa faute, elle avait manqué de lui arracher la vie.
Nevra…
Lulyah tourna la tête et ses iris vairons se posèrent sur le sourire de celui qui avait été son meilleur ami.
« Bienvenue, Lulu. C’est bon de te revoir. »
Et qui, contrairement à toute attente, l’était toujours.
Dernière modification par Gaianee (Le 04-01-2025 à 10h48)
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La fièvre
Elle a les tripes nouées, la peau moite, une fièvre glacée qui démarre dans sa nuque pour dévaler ses bras. Il paraît que les Absynthes n’arrêtent jamais d’apprendre. Gaianee apprend qu’on peut être littéralement, croix-de-bois-croix-de-fer malade de rage.
— Reste au lit si tu ne t’es levée que pour détruire du matériel !
Au sol les éclats de verre chatoient aux couleurs du cristal. Elle lève les yeux vers Ezarel lentement, lentement, c’est comme si son regard nageait vers la surface. Elle ne peut pas répondre. Son sourire est en verre. Si elle balance une pique, elle est convaincue que son visage va exploser.
Elle apprend que la fièvre la rend belle. Elle a les yeux qui brillent, les joues rougies et l’indifférence aguicheuse de ceux qui n’ont plus rien à perdre. Nevra vient dans sa chambre, plein d’égards. Il est trop fin pour s’excuser. Il lui offre du réconfort, des sourires compatissants, des anecdotes de ses parents comme pour dire je sais ce que c’est, je suis comme toi. Gaianee entend je sais ce que c’est, je n’ai pas agi par ignorance. Il a perdu sa famille et il s’est arrogé le droit de lui voler la sienne. Il est superbe, Nevra le vampire, avec sa voix de miel et son regard qui ferait se damner un saint. Il lui dit c’est dur, c’est dur, Gaianee c’est si dur. Il l’enlace et il n’y a pas que sa peine qui est dure.
Elle sourit jusqu’aux crampes. Elle a le coeur au bord des lèvres, et quand elle vomit après le départ de Nevra c’est possible qu’elle crache un bout d’aorte. Peut-être un ventricule entier.
Elle cesse de sourire.
— Nous perdons tous ceux qui nous sont proches, déclare Leiftan sans qu’elle lui ait rien demandé. Sache que beaucoup ici comprennent ta peine pour l’avoir vécue.
— J’espère que toi aussi.
Le temps qu’il saisisse, elle est déjà loin.
C’est la proverbiale fissure qui fait exploser le barrage. La pique qui introduit le hérisson. Elle a le fiel qui lui coule des lèvres et les gardiens qui frémissent sur son passage et elle se dit alors c’est ça, c’est ça qu’il fallait pour qu’ils me respectent, c’est ça qu’il fallait pour qu’ils s’écartent de mon chemin ? Ça ne la rend que plus furieuse. Elle écume pire qu’un black dog.
(Est-ce qu’elle est dangereuse ? demande Miiko à Nevra. Il secoue la tête. Elle est trop droite. Trop morale. Il y a dans son ton la vague condescendance du joueur d’échecs pour le pion qu’il sacrifiera peut-être, qui sait, l’un dans l’autre il n’en fera pas des cauchemars la nuit.)
Elle a du sang qui lui coule sur les cuisses. C’est Maman qu’elle a couru voir la première fois qu’elle a vu du sang dans sa culotte et qui lui a patiemment expliqué les menstruations, et ce que c’est d’être une femme, et tampons ou serviettes ou papier toilette en dernier recours dans les toilettes du collège.
Elle réalise qu’elle aura pleuré du sang avant de pleurer des larmes. Elle se demande s’ils ont pleuré en l’oubliant.
Est-ce que ça fait mal de perdre sa fille, sa soeur, son amie ?
Nevra replace une mèche derrière son oreille. C’est un geste juste assez intime pour flouter les limites, du genre qu’on ne se permet qu’avec un enfant ou une femme qu’on cherche à séduire. Gaianee se dit que pour lui, elle est un peu des deux.
Quelque chose en elle se brise.
Quand elle rejoint le cerisier centenaire, il fait nuit noir et même la faible lueur des lunes suffit à peine à distinguer les pétales qui virevoltent.
L’ombre coagule comme le sang sur une plaie. Gaianee ne sursaute pas.
— Tu m’attendais, constate Ashkore.
Gaianee hoche la tête.
Pour la première fois depuis un mois, la fièvre s’apaise.
Dernière modification par Lillion (Le 15-01-2025 à 22h47)
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Reine de Moi
Le petit spadel grimpe le long de mon doigt. Assise sur la colline, je le regarde s'affairer sans rien dire. À ses yeux, je suis le monde. Je suis puissante, une géante de chair et de sang qui aurait le pouvoir de l'écraser si elle le souhaitait.
Oui, ici et maintenant, je peux décider de te tuer ou bien de te laisser en vie.
Le spadel prend son envol et je le regarde gagner le ciel par la force de ses ailes. Elles sont similaires à celles des libellules de mon monde. Au nombre de quatre, elles présentent des veines interconectées qui forment des cellules. Je les ai toujours trouvées jolies.
Au fond, je suis comme ce spadel, ici. Un insecte aux pieds de géants qui ne jurent que par la magie. Une lettre que l'on essaye de faire vivre avec des chiffres et parfois, je me mens à moi-même quand je pense que je m'en fiche. J'ai déjà essayé d'être un chiffre. Le trois, comme,la carte de l'Impératrice dans le tarot de Marseille et puis je me suis rendue à l'évidence : je ne suis qu'un R, comme la première lettre de mon prénom. Un R, c'est bien.
Reine, royale, régner, ravie, rencontrer, ressentir, revoir, racine, réminiscence, regret, rentrer.
Je suis petite, c'est vrai. Je ne peux pas vivre aussi longtemps que toutes les créatures qui peuplent Eldarya. À leurs yeux, mon existence n'est qu'un battement de cils mais moi, c'est tout ce que j'ai. C'est comme si on m'avait donné un jeu de cartes, à ma naissance et c'est à moi d'en tirer mon épingle. Je peux réussir ou échouer mais le temps, lui, continue de tourner. Je ne sais pas ce que ça fait d'avoir plusieurs siècles ou millénaires devant soi. Je ne sais pas, non plus, si j'ai vraiment envie de le découvrir. Est-ce que je vivrais avec moins d'intensité ? Est-ce que le présent ne vaudrait plus grand-chose ? C'est rassurant de penser ainsi mais la vérité, c'est que je me fâne et qu'aucune magie ne viendra me sauver.
Je ne suis pas si bête. J'ai appris comment fonctionne la matière du monde et ses transformations. J'étais en train de parfaire mes connaissances sur la physique quantique avant d'arriver ici et c'était intéressant.
À présent, j'apprends comment fonctionne ce nouveau monde dans un laboratoire qui pourrait avoir des airs de contes merveilleux, quand on n'y passe pas des journées entières, et j'apprends bien. Je fais semblant de ne pas entendre ce que l'on dit de moi, mais mon esprit me trahit. Les mots pourraient me faire du mal sauf que les personnes, derrière, ne savent pas de quoi elles parlent.
Il paraît que je suis une "bouseuse". Personne ici ne sait ce que c'est. Ces gens ont l'image de pauvres hères mal fagotés, les deux pieds dans la terre et l'air stupide. Là d'où je viens, c'est un noble rôle, d'avoir les deux pieds dans la terre. Deux pieds solides et deux mains burrinées pour semer, puis nourrir le peuple avec ce que le sol leur donnera.
Bouseuse, si elles le veulent. Pauvres créatures. Elles vivent de ce que mon monde produit et elles sont des parasites qui s'ignorent.
Moi, je m'en fiche. Ça ne me fait rien. Je n'ai pas de magie mais je connais ma valeur. Je ne serai jamais un chiffre au sein de cette équation imparfaite, mais les mathématiques ont aussi besoin de lettres.
Le R, par exemple. C'est un ensemble de nombres entiers, avec un corps parfaitement ordonné. Il satisfait toutes les règles, à commencer par les miennes.
Je m'appelle Régine et je suis un insecte aux pieds d'un monde qui est obligé de me voir.
Dernière modification par Aespenn (Le 13-01-2025 à 20h44)
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Réservée, autant dire que ta tenue m'inspire. *-*
Le début de la guérison
La fête de la musique bat son plein aujourd'hui, les servantes Mingyu et Yingluo préparent leur maîtresse venue de la contrée d'Eel. Gaianee a en effet était invitée par l'une des candidates au titre honorifique de Phénix, Ren HuangHua, pour profiter des festivités et aussi parce que la principale intéressée avait secrètement envoyé une missive par l'intermédiaire d'Ouran, son Owlett, pour que la FengHuang plaide en sa faveur. En toute franchise, elle n'aurait pas supporter de rester une semaine de plus là-bas vu les derniers évènements... Déjà qu'Ezarel est insupportable h24.
-" Est-ce que ma belle invitée est prête ?"
Mingyu et Yingluo s'arrêtent net et s'inclinent face à la porte ouverte par la maîtresse des lieux. Vêtue d'une magnifique robe d'un rouge flamboyant, ornée de bijoux d'or et d'une large ceinture orange, Huang Hua respire la chaleur d'un foyer harmonieux et paisible qu'aucun drame ne saurait ternir. Elle demande aux deux femmes de se retirer un instant pour s'entretenir seule avec Gaianee et une fois ces dernières hors de la pièce, elle s'en approche pour lui mettre la touche finale, ses bijoux.
-" Comment te sens-tu ?"
-" Bien, Huang..."
-" Je ne parlais pas vraiment de la fête du jour, Gaia'..."
-" Le simple fait d'être à des milliers de kilomètres d'eux est déjà une satisfaction en soi... Au moins, je peux vraiment me reposer, réfléchir, prendre soin de moi-même, tout ce que je ne pouvais pas faire là-bas."
-" Le lien physique n'est plus, mais pour celui qui est d'ordre psychique, c'est une autre histoire." Dit la FengHuang en lui mettant des boucles d'oreilles d'or pendantes puis une multitude de colliers perlées pour rehausser l'ensemble bleu-violet de sa tenue.
Une fois l'ensemble terminée, Huang Hua pose ses mains sur les épaules de Gaia, qui le lui prend également tout en fixant son reflet dans le miroir de sa coiffeuse. Ici, l'Absynthe pouvait laisser ses émotions prendre le pas sans qu'on la juge ou qu'on les minimise ou qu'ils soient qualifiés de "sans importance"... La Garde et leur finesse psychologique dans toute sa splendeur.
-" Même si je déteste toute personne de profession médicale, je suis quand même ravie qu'Eweleïn soit venue elle aussi. Elle est une bonne oreille pour m'écouter, une épaule sur laquelle me reposer et une bonne conseillère."
-" Elle est prête d'ailleurs, veux-tu rester encore un peu ou qu'on ne la fasse pas attendre plus longtemps ?"
-" J'aimerais rester seule un petit moment, s'il te plait."
En silence, Huang Hua accède à sa demande et quitte la pièce. Durant cinq bonnes minutes aussi silencieuses, Gaianee n'a fait que fixer le miroir à réfléchir, à se rappeler la principale raison de sa présence ici, au temps qu'il lui faudra pour guérir ainsi qu'à la quête identitaire dans laquelle elle s'est lancée depuis son arrivée.
-" Ce soir, c'est que nous trois. On ne pense à rien du passé, Mnémosyne et Eel ne doivent plus m'empoisonner la vie maintenant. Ce ne sera pas évident mais je ne suis pas seule, j'ai un but à atteindre et c'est le plus important."
Un peu plus remontée quant au moral, Gaianee se lève et avec quelques hésitations ouvre la porte qui donne sur Eweleïn et Huang Hua qui l'attendent, sourire aux lèvres et prêtes à s'amuser. Juste cette image suffit pour claquer la porte de la chambre et les suivre pour une nuit aux milles et une musiques.
Dernière modification par Elda-Arya (Le 08-01-2025 à 17h20)
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Dernière modification par Lilalisana (Le 11-01-2025 à 14h02)
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Doutes
C’était une nouvelle journée qui se levait sur l’imposante cité d’Eel. Celle-ci s’éveillait lentement en même temps que la nature. Des familiers chantaient les louanges des rayons apparents et du bruit commençait à s’élever du marché. Katerine pouvait entendre tout ceci depuis la fenêtre de sa chambre, situé du côté des remparts ouest de la ville blanche. Mais en ce qui la concernait, cela faisait un moment qu’elle était levée.
Elle avait fini de coiffer ses longs cheveux turquoise et terminait de s’habiller. Son épée courte était rangée dans son fourreau, le long de sa hanche gauche. Se jugeant prête, elle s’assit sur son lit pour lire le morceau de parchemin froissé qui se trouvait dans son poing gauche serré. Cette missive lui avait été portée par un pterocorvus qui l’avait réveillée de ses incessants coups de bec contre la vitre de sa fenêtre, il y avait un peu plus d’une heure. Sur le papier jauni, il était possible de lire quelques lignes, écrites de manière soigneuse dans une encre vert émeraude.« À l’heure où le monde gronde comme un seul homme, là où la lumière se meurt et le silence règne, un oiseau blessé médite attendant le jour où son cœur battra de nouveau. »
Le regard vert de la jeune femme parcourut une dernière fois ces lignes avant de froisser une nouvelle fois le parchemin. N’importe qui s’étant emparé de cette missive par hasard, aurait pu penser qu’il s’agissait là d’une vaine poésie d’un cœur se remettant sans y parvenir d’une rupture. Mais Katerine savait mieux que cela. C’était un ordre de son chef. Il lui donnait rendez-vous. « L’heure où le monde gronde comme un seul homme » faisait de toute évidence référence à l’heure de midi, quand les estomacs commencent à s’exprimer pour qu’on les remplisse. « Là où la lumière se meurt et le silence règne en maître » désignait la forêt profonde. En raison du feuillage touffu de ses arbres, les rayons du soleil ne parvenaient pas à éclairer le sol. Et la dangerosité de ces lieux éloignait le chant de la plupart des volatiles, ne laissant qu’un silence oppressant. « Un oiseau blessé médite, attendant le jour où son cœur battra de nouveau » faisait allusion à son chef, le terme « oiseau » étant une référence à son appartenance au peuple des créatures du ciel. Autrement dit, par son message, Lance, ou plutôt Ashkore comme il se faisait appeler désormais, lui donnait rendez-vous dans la forêt profonde sur les coups de midi.
Katerine avait rencontré cet homme au moment où sa vie était sur le point de s’achever. À cette époque, Inge Amaliev, celle qu’elle était autrefois, venait de s’être fait exiler à vie de sa patrie, le Royaume de l’Aurore. Cela après avoir été déclarée traitresse de la nation pour le crime du prince héritier, devant la foule lors du jour de la Mousson. Déjà ravagée par la perte de Frigg, son grand frère, elle dut faire face à de fausses accusations, le crime ayant été perpétré par des malfrats s’étant fait passer pour ses partisans. Ces hommes envoyés par son petit frère qui avait des vues sur le trône. Son père n’avait pas eu le désir de la mettre à mort, mais le renvoi de sa patrie était une punition tout aussi douloureuse, peut-être même pire encore. Katerine avait ainsi vu tous les efforts qu’elle avait toujours déployés pour diriger sa patrie, cela même en étant une femme, balayés comme un château de cartes d’un simple geste de la main.
Lance était alors arrivé dans sa vie et avait éliminé Erik, son immonde petit frère, afin de laver l’affront qui avait été fait, aussi bien à sa sœur qu’à son grand-frère. Et même si cela n’avait rien enlevé de la peine causée par la trahison, la désillusion et la perte d’un être cher, Katerine lui avait été extrêmement reconnaissante de son aide. Aussi, quand il lui avait dit avoir vécu quelque chose de similaire avec la garde d’Eel, elle avait tout naturellement accepté de se mettre sous ses ordres pour lui rendre la pareille et l’aider à accéder à sa propre vengeance. Elle avait donc intégré la cité blanche dans ce seul but et se trouvait dans les rangs de la garde Absynthe depuis plusieurs mois maintenant.
Aussi, la question de savoir si elle se rendrait au rendez-vous qu’il venait de lui faire parvenir ne se poser même pas : bien sûr qu’elle irait. Elle le lui devait après tout. La seule complexité était de réussir à quitter les murs d’enceinte de la cité sans attirer le moindre soupçon. Et Katerine avait encore plusieurs heures devant elle pour élaborer un stratagème. Aussi, elle se leva de son lit et regarda un instant sa hallebarde. Après avoir pesé un moment le pour et le contre, elle décida de la laisser sur place. Si les gens la voyaient sortir armée sans avoir de mission d’attaque, cela provoquerait des interrogations. D’autant plus que les chances qu’elle se fasse attaquer si près de la cité étaient relativement faibles. Aussi, sa petite épée courte ferait largement l’affaire en cas de besoin. Elle quitta donc sa chambre silencieusement sans un regard en arrière.
Les couloirs étaient encore relativement déserts en ce début de matinée. Seuls quelques gardes se trouvaient çà et là, discutant entre eux tout en entrant ou sortant du réfectoire. Katerine y fit également un bref saut pour y récupérer quelques toasts qu’elle se dépêcha de manger, ne souhaitant pas perdre davantage de temps dans sa mission. Malgré tout, son amour pour la nourriture ne pouvait la laisser envisager de sauter un repas. Aussi, une fois repue, elle monta rapidement dans la salle d’alchimie. C’était le lieu où il lui serait le plus facile de se trouver une porte de sortie afin de quitter la cité sans éveiller le moindre soupçon.
Quand elle pénétra dans la salle, elle constata que celle-ci était plongée dans le noir. Aussi, Katerine avança prudemment, veillant à ne pas heurter la paillasse centrale ou une étagère. Une fois face au mur du fond, elle chercha à tâtons les rideaux. Quand les pans de tissus furent entre ses doigts, elle tira d’un coup sec, permettant aux rayons du soleil d’entrer dans la pièce. C’est également à ce moment-là qu’elle entendit un grognement d’outre-tombe qui la fit sursauter, lui forçant à faire volte-face rapidement, la main sur la poignée de son épée.
Assis sur la chaise face à la paillasse centrale, le visage appuyé contre le bois se trouvait Ezarel. Et depuis qu’elle avait intégré la garde, c’était bien la première fois que Katerine le voyait aussi négligé. À le voir ainsi, l’apparence si parfaite et élégante du jeune homme semblait appartenir à une autre vie. Sa longue queue de cheval bleue n’était plus l’ombre d’elle-même, de nombreuses mèches fuyant pour retrouver une liberté en tout sens. Ses vêtements blancs étaient tachés par endroit de suie, d’encre et de résidus de potions diverses, surtout au niveau des manches. Ce qui s’expliquer probablement par la décoction renversée sur un parchemin qui s’étalait sur le bureau. L’elfe avait vraisemblablement dû l’accrocher en s’endormant. D’ailleurs, ses pupilles vertes cerclées de cernes noirs s’illuminèrent d’une lueur furibonde alors qu’il tentait de chasser les dégâts, le tout dans des grognements incompréhensibles.
— Eh bien eh bien… j’ignorais que l’élégant elfe à la tête de l’Absynthe est en réalité un troll grognon.
Katerine ne put s’empêcher de sourire face aux regards assassins que sa remarque provoqua. Même si avec sa tête de cadavre fraichement déterré, Ezarel n’était pas très intimidant. Et son cerveau encore embué par le sommeil ne semblait pas suffisamment réactif pour trouver une répartie, ce qui semblait l’agacer profondément.
— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? grogna-t-il à la place tout en cherchant autour de lui de quoi se servir un verre d’eau.
— Inventaire, répondit simplement la concernée tout en commençant à regarder sur les étagères.
Les niveaux de celles-ci commençaient par ailleurs à diminuer grandement. Aussi, il lui suffisait simplement de chercher quelque chose à récolter non loin de la forêt profonde. Ce qui permettrait de lui donner un précieux alibi tout en rendant service à la garde.
— Très bien, fais donc. Ça m’arrange de ne pas avoir à le faire moi-même.
Katerine acquiesça avant de jeter de nouveau un vague coup d’œil à son chef de garde. Malgré la fatigue manifeste qu’il semblait éprouver, il était déjà de retour à ses études, grattant frénétiquement de sa plume sur un bout de parchemin.
— Tu as passé la nuit ici ?
La réponse s’imposait d’elle-même, mais elle obtint tout de même un grognement d’approbation.
— Sur quoi est-ce que tu travailles comme ça pour que ça te prenne autant de temps ?
— Un filtre contre la pétrification écailleuse.
Katerine se tut un instant. Cela faisait désormais plusieurs semaines que ce mal s’était déclaré dans la cité, en commençant par atteindre les quartiers les plus défavorisés de la ville. Et visiblement, c’était contagieux. Les personnes atteintes se retrouver avec des plaques, ressemblant à des écailles, qui se propageaient peu à peu sur le corps, provoquant la pétrification des zones infestées.
— Mais nous avions réussi à mettre au point une potion plutôt concluante la semaine dernière, constata la jeune femme. Eweleïn nous avait dit que pour le moment, à défaut de résorber complètement la pétrification, elle en neutraliser la propagation !
— Et c’était le cas jusqu’à hier. Disons que l’effet de cette potion ne semble tenir que cinq malheureux jours. Après quoi, la maladie recommence à gagner du terrain comme si de rien n’était. Aussi, je n’ai plus qu’à reprendre nos calculs et la composition de la potion pour tenter de l’améliorer. Et autant te dire que c’est fastidieux.
Il se frotta le visage pour tenter d’en chasser les résidus de fatigue avant que ses yeux ne recommencent à parcourir frénétiquement les nombreuses fiches qui se trouvaient devant lui.
— Et autant te dire que dès lors que je n’ai pas ma talentueuse assistante pour m’aider, c’est tout de suite beaucoup plus long.
— Tu dois vraiment être fatigué si tu en viens à me faire des compliments de manière même pas détournée, constata Katerine d’un ton sarcastique.
Toutefois, elle n’était pas là pour le taquiner, pas cette fois. Après tout, cette maladie était préoccupante. Et si elle n’avait pas encore atteint les portes de la garde, cela risquait de mettre peu de temps si un remède n’était pas très vite trouvé. Cependant, le fait qu’Ezarel ait tant de mal à en préparer un n’était pas rassurant, bien au contraire. Même si Katerine était talentueuse en médecine et en alchimie, c’était bien l’elfe qui lui avait tout appris et elle pouvait dire sans se tromper qu’il était encore plus talentueux qu’elle en la matière.
— Je… Je fais l’inventaire et réapprovisionne ce qui peut être fait, puis je viendrais t’aider, déclara-t-elle d’un ton qui ne souffrait d’aucune contestation.
Malgré tout, elle put voir la surprise se peindre sur le visage pâle de l’elfe.
— Hein ? Oh, ce n’est pas forcément nécessaire. Il y a probablement des aspects de la garde qui aurait davantage besoin de ton aide.
— Ne commence pas ! Si on ne fait rien, c’est toute la population de la cité qui risque de s’en trouver menacée ! De plus, tu es épuisé. Dans ces conditions, tu risques de commettre des erreurs dont tu ne pourras pas te pardonner dans le futur. Alors, autant prendre nos précautions avant que cela ne se produise. Je prendrais le relai pendant que tu iras te reposer un peu. Parce que je suis au regret de t’annoncer que tu as le teint aussi cireux que le parchemin sur lequel tu écris, ça fait peur à voir.
Un soupir franchit les lèvres d’Ezarel, preuve qu’il abdiquait.
— D’accord, concéda-t-il finalement. Ça me coûte de l’admettre, mais j’ai bien besoin d’aide, je ne m’en sortirais pas seul. Et tu es la seule en qui j’ai suffisamment confiance pour te laisser m’assister dans cette tâche.
Katerine acquiesça d’un signe de tête, touchée par cette confession. Mais l’elfe bénéficiait de toute sa confiance également. Après tout, malgré leurs petites chamailleries incessantes, ils se ressemblaient énormément tous les deux. Ezarel aussi avait été chassé de sa patrie et savait que la peine capitale l’y attendait si la folie d’y revenir le prenait. Aussi, ce passé similaire les avait grandement rapprochés. À tel point que, parfois, la jeune femme se demandait comment son chef réagirait s’il savait qu’elle travaillait avec l’homme masqué, ennemi de la garde. Qu’elle bafouait sa confiance en conspirant contre l’organisme qui l’avait accueilli ? Mais Katerine chassait cette pensée sitôt qu’elle lui apparaissait à l’esprit, pour ne pas ployer sous la culpabilité.
Aussi, elle n’ajouta rien de plus et poursuivit son inventaire. Certains des ingrédients pourraient être trouvés au marché, d’autres en explorations. D’ailleurs, peut-être que Coton, son fidèle Crylasm, en aura trouvé quelques-uns à son retour ? Mais, fort heureusement pour elle, il manquait des citrons incandescents. Ceux-ci avaient été utilisés en grand nombre par la garde Obsidienne pour la réalisation de pierre de forge. Et cet arbre se trouvait à l’orée de la forêt qu’elle cherchait à atteindre. C’était donc une aubaine pour elle. Elle se retourna pour en faire part à son chef, mais se tut, se contentant de sourire face à la vision qui se trouvait devant elle. L’elfe, aussi en forme et alerte qu’il essayait de le faire croire, c’était de nouveau endormi sur son parchemin. Elle se dirigea vers le placard le plus proche, dans lequel se trouvaient des couvertures, et s’en saisit de l’une d’entre elles pour la draper sur les épaules d’Ezarel. Elle entreprit également de mettre les rares flacons en un seul morceau hors de portée pour ne pas qu’il les brise s’il venait à bouger dans son sommeil. Elle jeta ensuite un coup d’œil à l’horloge murale dont le pendule troublait le silence dans un claquement sonore. Il lui restait encore une petite heure avant son rendez-vous. Mais elle pouvait commencer à s’y rendre. Lance était probablement déjà dans les parages et viendrait à sa rencontre quand il la verrait. C’était après tout toujours comme ça que leurs entrevues se passaient habituellement.
Katerine quitta silencieusement le laboratoire d’alchimie, refermant la porte sans un bruit. Elle reprit bien vite l’escalier en colimaçon la ramenant au rez-de-chaussée avant de quitter le bâtiment. Elle se fit accueillir par un ciel d’un bleu azur alors que l’effervescence des rues l’enveloppait. De délicieuses odeurs commençaient également à s’élever d’un peu partout alors que la matinée tirait vers sa fin, ce qui commença à éveiller l’intérêt de son propre estomac. Pourtant, cela ne faisait pas si longtemps qu’elle eût dévoré ses toasts. Aussi, elle préféra ignorer ce détail alors qu’elle commençait à avancer dans les rues.
Les allées du marché semblaient toutefois plus tristes qu’à l’accoutumée. Même s’il y avait toujours la même arche de tissus colorés qui s’étendaient d’un stand à un autre au-dessus des rues et les enfants qui se chamaillaient et se courraient après en riant, l’atmosphère était morose. Les sourires avaient déserté les visages et les conversations se faisaient à voix plus basse. En passant à côté d’un petit groupe de trois personnes, Katerine put en entendre quelques bribes. Et forcément, le sujet qui revenait le plus était l’épidémie qui ravageait certains quartiers de la ville. Ce qui ne faisait que renforcer l’urgence de trouver un remède.
— Pardon ! Excusez-moi ! Laissez-passer s’il vous plaît !
La jeune fée des glaces releva la tête à cette voix qu’elle connaissait bien. Un peu plus loin, elle put apercevoir Ykhar qui courrait dans les allées, essayant de se frayer un chemin parmi les passants. Ses oreilles de lapin étaient quelque peu affaissées sur sa tête alors que son visage rougeoyant laissait suggérer qu’elle se dépensait depuis un moment. Sa chevelure rousse était complètement emmêlée par le vent. Ses yeux semblèrent toutefois s’illuminer quand elle aperçut Katerine dans la foule et elle força un peu plus sur ses jambes pour la rejoindre en quelques foulées.
— Bon… jour ! s’exclama-t-elle en tentant de reprendre son souffle. Comment… vas-tu… aujourd’hui ?
— Bien, je te remercie Ykhar. Toi en revanche, tu m’as l’air épuisé.
— Oui. Je cours partout depuis ce matin… Tu sais… toujours pour la même chose…
Elle prit des airs de conspiratrice, la main près de sa bouche, et son interlocutrice due se baisser pour pouvoir l’entendre.
— Il y a tellement de contaminés que notre première zone de quarantaine est complètement pleine.
Elle se redressa avant de poursuivre d’un ton plus fort :
— De ce fait, je cours depuis ce matin pour trouver de nouveaux locaux, informer les gardes qui doivent amener les patients que la destination à changer, dire aux éventuels curieux de ne pas s’approcher et essuyer les venins des anciens qui se donnent à cœur joie de mettre en avant ce qu’ils jugent être l’incompétence de la garde.
Katerine acquiesça d’un signe de tête, sentant sa culpabilité jaillir du fond de ses entrailles. Ykhar était l’une de ses plus proches amis au sein de la garde. Tout comme Eweleïn qu’elle n’avait plus revu depuis le début de cette épidémie. Aussi, les voir se démener alors qu’elle complote contre eux tous ne fait que provoquer des doutes dans son esprit. Avait-elle raison de faire cela ? Est-ce que la vengeance de Lance était réellement justifiée ? Elle secoua la tête pour chasser ses pensées, n’ayant de toute manière personne à qui les dispenser pour obtenir de l’aide. Elle se contenta de sourire à la lapine.
— Je comprends. On peut dire que nous traversons une période compliquée. Mais je termine une petite mission et je vais retourner aider Ezarel. Je suis certaine qu’en conjurant nos efforts, et alliés aux bons soins d’Ewe, nous arriverons à résorber cette situation.
— Je l’espère vraiment. Je t’avoue que toute cette histoire me rend malade, je n’arrive plus à en dormir la nuit.
Effectivement, le teint d’Ykhar semblait beaucoup plus pâle que d’ordinaire et d’imposants cernes trônaient sous ses yeux. Katerine se sentait mal à cette constatation. Elle aurait aimé rester un peu plus longtemps à discuter avec son amie, pour lui apporter un peu de réconfort. Cependant, elle savait bien qu’aucune d’elles deux n’avait le temps pour ça.
— Ce soir, quand nous aurons toutes les deux terminé nos services, allons boire un verre ensemble à la taverne, proposa alors la fée des glaces. Ça te fera du bien de te changer un peu les idées et puis ça nous permettra également de passer un peu de temps toutes les deux. Nous n’en avons plus trop l’opportunité ces derniers temps.
Un sourire rayonnant éclaira le visage fatigué de la lapine.
— Avec plaisir Katerine. Merci, merci ! On se dit à ce soir alors ! Je suis désolée, mais il me reste encore tellement de choses à faire en attendant.
— Je sais, ne t’excuse pas. Je ne te retiens pas plus longtemps.
Ykhar approuva d’un signe de tête avant de repartir en courant, lâchant un nouveau « à ce soir » sonore. La gardienne de l’Absynthe la regarda quitter son champ de vision avant de reprendre son chemin en direction de la ville, perdue dans ses pensées. Elle en sortit cependant brusquement quand elle se fit percuter violemment par des enfants qui semblaient prendre un malin plaisir à heurter les gens comme si la rue leur appartenait. Et, sous prétexte de leur âge, personne ne semblait rien vouloir leur dire. Ce qui n’était pas le cas de la jeune femme.
— Hey ! tonna celle-ci en empoignant par le col celui qui semblait être le chef de la petite bande. Regarde où tu vas, veux-tu ? Tu trouves ça normal de faire ce que tu fais ? Tu as failli faire tomber une vieille dame ! Tu aimerais que je te fasse la même chose peut-être ?
Elle vit le visage du bambin se décomposer alors qu’il se cachait vainement derrière ses bras.
— Au secours ! Ne me mangez pas !
Katerine ne put que hausser un sourcil, incrédule.
— Pardon ?
— C’est elle ! s’exclama un garçonnet de la petite bande en la pointant du doigt. Merry nous avait prévenus !
— Elle vient pour les enfants pas sages !
— Mais… mais je suis sage ! pleurnicha le petit garçon qu’elle tenait toujours à bout de bras. Je recommencerai plus, promis !
— Tu as intérêt à tenir parole alors !
Elle le reposa sur le sol et il s’enfuit avec ses amis dans une drôle de cohue.
— Mais j’avoue ne pas avoir tout compris ni à leur réaction ni à leur parole.
Elle se contenta toutefois de hausser les épaules, décidant de remettre cette histoire à plus tard. Ils avaient après tout mentionné Merry, elle demanderait donc des éclaircissements quand elle verrait le petit brownie mouton. Aussi, elle reprit son chemin avant d’arriver aux portes de la cité, gardées par Jamon.
Il était extrêmement difficile de louper l’ogre tant il dépassait tout le monde de plusieurs têtes. Il avait un air intimidant, avec un visage renfrogné décorait de deux imposants crocs et une tignasse de cheveux épars flamboyants. Il était également doté d’une imposante musculature qui laissait penser qu’il pouvait briser le crâne de n’importe qui à mains nues. Sans compter que toute sorte de préjugés sur la bestialité et la bêtise des ogres circulaient un peu partout, ne faisant que renforcer ces effroyables rumeurs. Et c’est avec une certaine honte que Katerine devait reconnaître avoir aussi un jour nourri ces idées préconçues. Mais maintenant qu’elle avait appris à le connaître, elle pouvait affirmer que Jamon était quelqu’un de profondément adorable qu’elle aimait bien. Aussi, elle lui offrit un sourire poli quand les petits yeux porcins de l’ogre se posèrent sur elle.
— Bonjour Katerine !
— Bonjour Jamon. Tout se passe bien aujourd’hui ?
— Oui. Environs être calmes. Mais Jamon pas baisser sa garde. Attaque être derrière chose dont cité avoir besoin avec épidémie.
— Tu as bien raison. Je n’ose imaginer ce qui pourrait se passer si on subissait un siège en ce moment.
Sitôt ces mots passé ses lèvres, la fée des glaces sentit de nouveau ses entrailles se tordre face aux doutes qui l’étreignaient. Jamon ne sembla pas se rendre compte de son malaise, se contentant d’approuver ses dires d’un signe de tête.
— Toi sortir ? demanda-t-il alors.
— Oui. Je dois aller chercher des citrons incandescents. Nous n’en avons presque plus au labo.
Comme preuve, elle lui montra la fiche d’inventaire qu’elle avait entre les mains.
— Ah oui ! Garde Obsidienne en avoir utilisé beaucoup pour faire pierre forge. Être artefact très utile pour forger armes sans forge. Alors toi pouvoir y aller. Mais toi faire attention ! Forêt peut être dangereuse.
— Je sais et je ferais attention Jamon. Je te remercie.
Elle lui adressa un signe de la main avant de quitter la cité, arpentant l’immense plaine qui s’offrait à elle. Suivant le sentier de terre battue, il ne lui fallut pas très longtemps pour arriver à l’orée de la forêt. Elle s’arrêta pour cueillir quelques-uns de ces fameux citrons, les rangeant soigneusement dans une petite besace qu’elle avait prise sur l’une des étagères du laboratoire. Une fois celle-ci pleine, elle l’accrocha à sa ceinture. Guettant autour d’elle pour être certaine de ne pas être observée, elle finit par s’engouffrer entre les arbres.
La forêt profonde était aussi lugubre et silencieuse qu’à l’accoutumée. Katerine alla s’installer contre l’imposant tronc d’un arbre, y appuyant son dos. Ainsi, elle était certaine de ne pas être attaquée par-derrière. Elle resta un moment, le silence uniquement troublé par le bruit de sa respiration, avant que de légers bruits de pas ne se fassent entendre. Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle voie émerger son chef d’entre les troncs. Il était facilement reconnaissable pour l’armure noire et rouge qu’il portait, sans parler du masque qui évoquait vaguement la tête d’un dragon. D’ailleurs, depuis qu’il avait décidé de devenir Ashkore, Katerine n’avait quasiment plus vu son visage.
— Tu es arrivée un peu en avance, constata-t-il, sa voix étouffée et en partie déformée par le masque.
— Oui, comme d’habitude. Mais l’excuse que j’ai donnée ne peut justifier une absence trop longue. Alors je pense qu’il est dans notre intérêt que cette entrevue soit la plus courte possible. Viens-en aux faits.
— Tu vas droit au but et ne mâches pas tes mots, comme toujours. Soit, je vais faire bref. J’imagine qu’avec l’épidémie qui secoue la cité, la garde ne sait plus vraiment où donner de la tête.
Katerine se redressa légèrement à cette affirmation.
— Comment es-tu au courant de ce fléau ? questionna-t-elle. Je suis certaine de ne l’avoir mentionné dans aucun de mes rapports ! Est-ce que c’est toi l’instigateur de tout ça ?
— Va savoir. Quoi qu’il en soit, j’ai plus d’yeux et d’oreilles au sein de la cité d’Eel que tu ne penses le savoir. Dans tous les cas, c’est une aubaine. Si cette épidémie traîne, il y aura des victimes, c’est certain. La garde perdra en crédibilité et sa protection de la forteresse et du cristal seront amoindris. En ce sens, j’aimerais que tu fasses ce qui est en ton pouvoir pour freiner les recherches d’un antidote. Et que tu me fasses part des nouvelles mesures et des heures et sens de patrouille au sein du bâtiment. Avec cette information, mes infiltrations seront plus simples et je pourrais accomplir ma vengeance.
— Tu es prêt à faire couler le sang des innocents pour parvenir à tes fins ? Je croyais que ton ennemie, c’était la garde et uniquement elle ?
— C’est le cas. Mais si la mort d’innocents me permet d’atteindre mon but, c’est un sacrifice nécessaire.
Katerine serra les poings pour empêcher ses mains de trembler sans pour autant détourner le regard des yeux du masque face à elle. Elle avait décidé d’aider Lance dans sa vengeance parce qu’il lui avait sauvé la vie. Mais jamais elle n’avait pour but de prendre la vie d’innocents. Sans compter que la garde n’était finalement pas si désagréable que ce qu’il lui avait dit.
— Ne perds pas de temps et retourne à ton poste. J’enverrais un pterocorvus dans deux jours à ta fenêtre, à minuit. Tu lui transmettras le rapport de tes observations. Maintenant, vas-y.
Lance ne mit pas longtemps à disparaître dans les profondeurs de la forêt et Katerine entreprit de rebrousser chemin. Mais au fond d’elle, cette fois, elle pouvait affirmer que ses doutes naissants devenaient des certitudes. Elle ne prendrait pas part à ce qui pourrait être un massacre. Elle ne voulait plus trahir la confiance de ses amis, elle ne voulait pas prendre la vie d’innocent. Alors, tandis que les rayons du soleil l’accueillaient à l’orée de la forêt, elle se fit une promesse. Plus que jamais, elle allait tout faire pour aider Ezarel à trouver un remède à la pétrification écailleuse. Et cela, le plus rapidement possible.
Dernière modification par Lulyah (Le 11-01-2025 à 14h18)
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Le début d'une nouvelle ère
Les yeux fermés, Lulyah profitait une dernière fois de cette fragrance singulière qui régnait dans la petite maison. Les senteurs qui l'entouraient avaient toujours été apaisantes, elles lui rappelaient son enfance. Elle revoyait tous les rires, toutes les exclamations de joie et tous les pleurs qu’avait connus ses murs. En une bouffée de ce parfum, les souvenirs affluaient dans son esprit. Aujourd’hui, c’était sans doute la dernière fois qu’elle sentirait ces effluves, bientôt il n’en resterait rien. Alors, même si cela la faisait souffrir, la jeune femme voulait en profiter une dernière fois.
Après un long moment à se remémorer certaines scènes du passé, Lulyah prit le temps de contempler les photos étalées sur la cheminée. L’une d’entre elles attira son attention. Ses mains tremblaient, mais elle réussit à trouver la force de saisir le petit bout de papier. On pouvait y apercevoir une vieille dame, les cheveux blancs noués en un chignon. Elle tenait dans ses bras une adorable petite fille. Les yeux vairons de cette dernière regardaient sa grand-mère, admirative. La fillette avait sa main posée sur le visage ridé, comme si elle s’amusait à retracer le tatouage atypique de son aïeule.
« - Grand-mère, tu me manques tellement. »
Ces mots furent balayés par une profonde tristesse, accompagnés de perles salines qui commencèrent à se répandre sur les joues rosies de Lulyah. Un chapitre important de sa vie était terminé. Elle devait s’y résoudre, Marriah Yzimir-Olpharya n’était plus.☙
La journée était bien entamée lorsque les larmes avaient enfin cessé de s’échapper de ses yeux. Le soleil commençait sa course descendante, laissant derrière lui ses rayons orangés qui se reflétaient sur la chevelure de Lulyah. Elle était assise au sol, regardant de vieux albums, quand un bruit vint interrompre le cours de ses pensées. L’atypique pendule à coucou, véritable fierté de sa grand-mère, venait de résonner dans la pièce.
Il commence à se faire tard, je devrais rentrer, pensa-t-elle.
La jeune femme se releva, la mort dans l’âme. Elle regarda une dernière fois l’intérieur de la maisonnette avant d’en sortir. Une fois à l’extérieur, elle prit le petit chemin qui traversait les bois afin de rejoindre sa voiture. Elle marcha, la tête penchée vers le sol.
C’est peut-être la dernière fois que j’arpente ces routes.
Tandis qu’elle était perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas l’imposante racine qui sortait du sol, juste après le cercle de champignons qu'elle venait de piétiner. Sans plus attendre, elle s’y emmêla les pieds, tombant de tout son long dans un lit de feuilles mortes. Un gémissement de douleur perça la barrière de ses lèvres. Elle se redressa avec difficulté, massant ses paumes endolories par la chute. Lorsque son regard s’arrêta sur ce qui l’entourait, un frisson parcourut l’intégralité de son corps. La forêt de pins, de chênes et de bouleaux avait laissé place à une forêt d’arbres inconnus. Tout ce qui composait cet environnement n’était pas normal. Il était impossible que certaines plantes puissent porter de telles couleurs.
Au bord de la panique, Lulyah se mit à courir. Les courtes nuits de ses derniers jours devaient la rendre dingue, il n’y avait pas d’autres explications. Il fallait qu’elle rejoigne sa voiture et qu’elle rentre se reposer au plus vite. Oui, une bonne nuit de sommeil et tout irait mieux. Mais plus elle courait, plus ce qu’elle voyait la déroutait. Les plantes fluorescentes faisaient place à des ligneux portant des fleurs trop imposantes pour être réelles. Après ce qui lui parut durer des heures, elle aperçut enfin la sortie de cette forêt burlesque. Elle s’y précipita pour y rejoindre son véhicule, mais c’était une tout autre chose qui l’accueillit.
Le parking avait laissé place à une plaine verdoyante, constellée d’arbres et de buissons. Au bout de celle-ci, une grande muraille blanche s’étendait d’un bout à l’autre. Elle semblait protéger la tour d’ivoire qui se dressait jusqu’au ciel.
Comme hypnotisée par la beauté du paysage, la jeune femme oublia toute panique et s'avança jusqu’aux remparts.
« - Qui va là ?! »
Une voix masculine venait de hurler cette question du haut du mur. Au pied de celui-ci, Lulyah répondit timidement.
« - Je me suis perdue, je veux simplement rentrer chez moi. Pouvez-vous m’indiquer le chemin pour aller jusqu'au parking qui borde la forêt ? »
Pour seule réponse, l’imposante porte s’ouvrit, laissant entrevoir deux silhouettes. Elles étaient tout aussi irréalistes que ce qu’elle avait vu un peu plus tôt lors de sa course entre les arbres. En effet, devant elle se trouvait un homme aux oreilles de lapin. Celui qui l’accompagnait n’était pas des plus rassurants non plus. Il était immense, sa tête ressemblait à celle d’un phacochère. Des espèces de défenses sortaient de sa bouche, ce qui le rendait encore plus effrayant. Mais pire que ça, les deux individus étaient armés.
« - Individu louche ressembler à humaine, nous devoir emmener cette chose dans cachot.
- Bien reçu Jamon, je l’y emmène immédiatement. »
Tandis que l’homme lapin empoigna le bras de l’Humaine, celle-ci se mit à hurler.
« - Non laissez moi ! Vos déguisements sont très bien réussis, mais je n’ai aucune envie de participer à vos élucubrations. Je veux simplement rentrer chez moi ! »
Ignorant ses protestations, l’homme guida de force sa prisonnière. Ensemble, ils traversèrent une ville, où tous les passants étaient plus étranges les uns que les autres. Lulyah était au bord de la panique, elle peinait à respirer. La tête lui tournait.
Tandis qu’elle était prise d'une terreur sans nom elle ne se rendit même pas compte qu’elle avait pénétré au sein de la tour d’ivoire. Son geôlier la traîna jusqu’au sous-sol, avant de l’enfermer dans une cellule.
L'instant d'après, Lulyah s’accrocha férocement aux barreaux.
« - Revenez ! Je ne veux absolument pas faire partie de votre jeu de rôle ! Je me suis simplement perdue alors laissez-moi sortir de là… », la fin de sa phrase se perdit dans un murmure, une supplication.
L’angoisse et la peur venaient d’enserrer son coeur. Pour la première fois depuis des jours, les larmes qui sortaient de ses yeux ne venaient pas démontrer sa tristesse. Non, cette fois elles étaient le signe de sa terreur. La jeune femme se recroquevilla alors sur elle-même, contre les barreaux de sa modique cage. La tête posée sur ses genoux, elle sanglota pendant de longues minutes avant que la fatigue ne la rattrape.
A partir de maintenant, sa vie allait prendre un tout autre tournant.
Je vous laisse encore une fois avec ma petite druide
Dernière modification par Edmia (Aujourd'hui à 00h11)
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