: Pour chaque création, vous allez devoir régler votre trouillomètre de 0 à 10 pour exprimer votre peur, votre surprise, votre effroi, par rapport à la création en question.
sous votre trouillomètre mais c'est fortement recommandé. Notamment si vous voulez que votre garde décroche le
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Rentrée 2001. Nos parents auraient sans doute dû savoir que cette première année d’école élémentaire ne serait pas sans conséquence.
La classe de neige est annulée. Si seulement ils avaient su à ce moment. Si seulement ils avaient vu les signes. Si seulement…
Nous montons dans le bus sans vraiment savoir où nous allons. Les Alpes, c’était facile à placer sur une carte mais Bagneux. C’est où ça Bagneux ? Et qu’est-ce qu’on va bien y faire ? Skier je n’y crois pas vraiment. On nous dit que nous allons voir une école de cirque. Ah ! Pour une raison assez étrange, aucun de nous n'était ravi de cette découverte. Pourtant le spectacle circassien est d’ordinaire aimé par les enfants, avec ces tours de magies, ces acrobates et ce petit quelque chose qui nous fascine tous. Mais non, nous appréhendions tous. Un peu comme si nous savions déjà, avant même notre départ, que nous ne reviendrions pas tous de ce voyage.
Le château qui doit nous accueillir était une vieille demeure avec des pierres apparentes comme certaines maisons près de la maison. Son parc, un peu sombre avec tous ses arbres et buissons, cache la rue pour donner une impression de tranquillité. C’est parfait pour trente enfants turbulents, nous pouvions jouer, courir, crier sans qu’aucun voisin ne nous entende. J’imagine que c’est pour cela aussi, que personne n’est venu à notre aide avant qu’il ne soit trop tard. Nous étions des proies idéales pour lui. Sans défense, sans secours possible. Nous étions condamnés.
Je me souviens de ma valise noire, lourde à traîner derrière moi dans le chemin gravillonné et plus lourde encore dans les escaliers fatigués. Trois étages à escalader avec elle. Les autres filles de ma chambre n'avaient pas ce genre de bagage ressemblant plus à un coffre fort qu’à autre chose et quand je suis enfin arrivée au sommet de mon périple, il ne restait qu’un seul lit disponible, le deuxième à l’entrée, après celui de Léa. C’était sombre avec tout ce bois au mur, sans fenêtre, sans issus sur l’extérieur. Nous étions les seules à cet étage avec Séverine notre accompagnatrice qui dormait dans la pièce sur le palier, juste en face des marches.
Après le déjeuner, nous avons été conduits dans une annexe du parc et avons rencontré des membres d’une troupe de cirque. Nous étions heureux mais un malaise étrange était toujours là, ne semblant pas vouloir se dissiper malgré le soleil radieux qui nous réchauffait derrière les vitres. Plusieurs activités étaient proposées afin de former de petits groupes beaucoup plus facile à gérer pour les adultes. Un petit peu par hasard, je me suis retrouvée à l’exercice d’équilibre pour marcher sur un filin. J’avais hâte de monter dessus pour faire ma traversée, le vide ne m’a jamais effrayé et je voulais essayer quelque chose de plus difficile que la poutre du cours de sport. Mais j’étais timide et je me faisais facilement dépasser par les autres, en un instant j’étais la dernière de la file. Alors je regardais les autres passer, le temps filait et je comprenais peu à peu que je n’aurais pas ma chance aujourd’hui.
Manon était douée, Léa aussi, elle a demandé à faire plusieurs passages sur le fil et une de nos deux enseignantes accepta. Une acrobate qui nous guidait lui demanda de retirer ses chaussons de gymnastique pour voir si elle se débrouiller aussi bien sans. Aux premiers pas sur la ligne métallique, Léa grimaça, disant que cela lui faisait mal au pied mais elle était trop obstinée pour renoncer. Je savais que quelque chose était bizarre, mes voisins le savaient aussi, nous étions là, à attendre de voir ce qu’il arriverait. Quelques secondes plus tard, elle chutait sur les tapis, le talon couvert de sang. Il y avait beaucoup d’agitation, Léa pleurait, Madame Deleux criait, mes camarades se bousculaient mais tout ça n’était pas vraiment important pour moi.
Toute mon attention était portée sur le filin, coupable de m’avoir privé de ma chance. En m’approchant de lui pendant qu’on s’occupait de la blessée, j’ai remarqué une tache rouge, du sang. Ma main était tendue pour toucher le métal souillé quand des doigts attrapèrent mon poignet. Un clown me tenait. Je ne me souvenais pas, l’avoir vu avant et son maquillage était différent de ce que je connaissais. C’est surtout le rouge profond qu’il portait sur le visage qui m’a marqué. Il n’était pas vermillon comme celui que les Augustes mettait, en fait, il ressemblait étrangement au sang de Léa qui commençait à sécher sur le fil. Je voulais lui demander qui il était mais il posa son doigt sur ses lèvres pour m’intimer le silence et m’éloigna de l’agrès, me conduisant sur un banc près de la porte, puis disparût au moment où je le quittais des yeux.
Nous sommes finalement rentrés au château et lorsque je demandais qui était le clown que j’avais vu, personne ne semblait savoir de qui je parlais. Aucun de ces amuseurs ne se trouvait avec nous cet après-midi là.
Après avoir dîné, nous sommes tous remontés dans nos chambres, les garçons au premier étage, les filles au deuxième et la notre au dernier, dans ce qui était le grenier. Madame Françoise, notre seconde institutrice distribuait le courrier du jour, des lettres confiées par des parents le matin même juste avant notre départ de l’école. Lucie, Audrey et Manon en avaient et Séverine leur fit la lecture pendant que nous nous brossions les dents.
Céline avait peur du noir, une petite lampe de chevet fut installée dans le couloir pour ne pas trop déranger tout en la rassurant. Je n’étais pas vraiment ravie à ce moment-là, mon lit était trop proche de la porte et je n’aimais pas avoir de lumière pour dormir et les filles qui avaient pris les lits dans le renfoncement de la chambre, dans l’ombre ne voulaient pas échanger mais voulaient bien de la veilleuse aussi. Alors je n’ai pas beaucoup dormi. Ce n’était peut-être pas plus mal, car comme ça j’ai vu. J’ai tout vu.
L’homme clown était là, dans l’embrasure de notre porte. Je ne l’avais pas entendu monter les marches qui grinçaient pourtant affreusement sous nos pas. Il s’approcha, les yeux fixés aux miens. Ses pieds étaient silencieux mais je pouvais quand même l’entendre marcher pendant qu’il avançait dans notre dortoir. Il passa le lit de Céline qui ronflait légèrement, le mien, ceux de Lucie et Manon et s’arrêta au pied du lit de Léa. Je pensais qu’il n’allait rien faire quand il s’accroupit enfin. Je ne sais pas ce qu’il a fait mais d’un seul coup, Léa hurlait, notre accompagnatrice sortait précipitamment de sa chambre, arrachant la prise de la veilleuse et nous plongeait dans le noir. Le temps qu’elle allume le plafonnier, il était parti et les draps de Léa étaient couverts de rouge. Son pied, blessé plus tôt dans la journée, portait une profonde entaille et Léa fut emmenée en bas. C’est la dernière fois que je l’ai vu.
Le soleil était toujours clément avec nous ce mardi matin pendant que nous étions dans le parc. Un tronc était tombé quelques semaines avant notre arrivée et servait parfaitement de zone d’amusement pour nous. Il était escaladé, utilisé pour traverser une rivière imaginaire, servait de cachette mais aussi de point d’observation. C’est depuis cet endroit que je revis son visage maquillé. Il était caché derrière des branches, impossible à voir sans être en hauteur, j’imagine que c’est pour ça que personne ne semblait le remarquer, pourtant plus personne ne riait, plus personne ne courait. Nous étions dans l’attente de quelque chose. Nous savions que quelque chose d’autre allait arriver.
Le mercredi matin, les adultes semblaient inquiets, apeurés alors que la nuit avait été calme. C’est vrai qu'on n'avait pas eu de nouvelles de Léa mais ce qui était vraiment bizarre pour nous, c’est que les grandes personnes comprennent enfin ce qu’on avait senti il y a des semaines, quelque chose n’était pas normal ici.
Le soir, le courrier fut de nouveau distribué et cette fois, j’étais la seule à ne pas en recevoir. Je regardais les filles avec leurs lettres et je me demandais pourquoi leurs parents en envoyaient tant. Les lumières s’éteignirent et chacune trouva le sommeil malgré l’atmosphère pesante qui régnait sur le château.
Des hurlements s’élevèrent des étages inférieurs, les rambardes de l’escalier tremblaient, faisant claquer leurs barreaux de métal, les murs semblaient grouiller de vie, le plafond au-dessus de nous faisait résonner une cavalcade monstrueuse. On ne savait pas ce qu’il se passait en bas et nous ne voulions pas le savoir. Toutes se glissèrent sous leur lit pour attendre que le calme revienne. Un instant, j’ai cru discerner la voix de Martin qui appelait au secours, ses mots étaient hachés, comme s’il manquait de souffle pour les crier, comme s’il était traîné dans les marches. Les lattes de bois chantent sous le poids de quelqu’un qui monte à notre étage. Sans le voir, je sais que c’est lui. Le clown. Il revient devant notre porte et observe calmement les lieux. Pour la seconde fois, il me demande de me taire et j’obéis. Toujours obéir m’a appris maman. Quand il se retourne, je me lève de mon lit et l’observe rentrer dans la chambre de Séverine. Elle aussi crie quand elle est tirée, dans le couloir, par les cheveux. Elle se débat mais je sais que ça ne servira à rien, Clown est trop fort pour qu’elle puisse s’échapper. Je pensais qu’il descendrait avec elle mais il devait être fatigué de l’entendre parce qu’arrivé sur le palier, il a simplement basculé son corps par-dessus la balustrade. Séverine a crié plus fort encore lorsqu’elle est tombée, il y a eu un bruit que je n’avais jamais entendu avant et puis elle n’a plus crié. Clown m’a reconduit jusqu’à mon lit et je me suis recouché, quand il est parti, j’ai dit aux filles qu’elles pouvaient sortir et retourner dormir.
Lorsqu’on est descendu pour le petit déjeuner, il y a avait beaucoup de tâches rouges dans l’escalier et surtout sur les dalles froides tout en bas. J’ai demandé si c’était Séverine qui avait fait ça mais personne n’a voulu me répondre. Tout le monde était bizarre ce matin là. Personne ne parle. Il manque Louis en plus de Martin et Claire aussi est absente. Madame Deleux n’est pas là non plus. On mange en silence et lorsqu’on demande ce que l’on va faire aujourd’hui, personne ne nous répond. Nous n’avons pas le droit de sortir jouer dans le parc et on ne peut pas retourner dans nos chambre non plus alors on attend.
L’après-midi on retourne faire du cirque mais cette fois avec des clowns. Je pensais le revoir mais il n’est pas là. On apprend à mettre une grosse claque pour de faux et on s’amuse beaucoup. Comme si tout ce qui était arrivé la nuit d’avant n’était pas vraiment vrai. À la fin de l’exercice, on nous propose de faire un atelier maquillage pour devenir de vrais clowns de cirque. On est encore nombreux malgré les absents et je ne pensais pas que je pourrais être maquillée mais il arrive. Clown vient vers moi et m’emmène dans sa loge, il est gentil avec moi pendant qu’il me peint le visage avec son rouge étrange qui me rappelle les draps tâchés de Léa et les éclaboussures que j’ai vu ce matin. Il ne parle pas mais je suis contente qu’on s’occupe de moi pour une fois. Quand il a terminé, il me ramène vers ma classe et reste caché derrière le rideau, avant de partir, je le regarde et je pose mon doigt sur la bouche pour lui montrer que je sais que je ne dois rien dire. Il me sourit et je coure retrouver mes amis.
Le soir, la bonne humeur disparaît quand les adultes n’arrivent pas à calmer les élèves qui pleurent. Ils disent que leurs visages brûlent alors on nettoie leurs visages du maquillage mais il ne part pas et de plus en plus d’enfants se plaignent et pleurent sans que personne ne trouve de solution. Madame Françoise a bien essayé le téléphone du château mais il ne marche pas et personne n’arrive à rejoindre les grilles du parc pour sortir. Alors on attend et de plus en plus de visages brûlent.
Le vendredi matin, les adultes qui restent arrivent enfin à retirer la peinture de la peau des autres mais dessous c’est tout boursouflé et du liquide coule de plaies. Ils ont toujours mal mais moi je n’ai rien.
Avant que le bus revienne nous chercher, des boîtes secrètes avaient été installées dans la salle des repas. Il fallait plonger sa main à l’intérieur et deviner ce qu’il y avait dedans rien qu’au toucher. Je me suis retrouvé dans le dernier groupe et j’attendais mon tour sur la première marche de l’escalier quand les cris ont repris. Je ne savais ce qu’il se passait là-bas mais quand mes premiers amis sont ressortis de la pièce, certains avaient les mains couvertes de peinture rouge. Mathieu, j’ai vu qu’il lui manquait des doigts et il criait tellement. Je ne voulais plus les entendre mais ils continuaient, ils n’arrêtaient pas de pleurer. Je voulais aller voir. Je voulais savoir mais Clown était là aussi et il ne voulait pas que je rentre dans le réfectoire. Alors j’ai attendu avec lui et j’ai écouté tous les bruits qui venaient de derrière la porte. J’ai attendu mais il y avait tellement de bruit, je ne voulais plus les entendre. Clown a vu et il m’a donné un carton avec un gros trou, assez grand pour y passer quatre mains. Je ne comprenais pas ce que je devais faire avec alors il m’a montré que c’était pour cacher sa tête mais il ne voulait pas que je mette la mienne dedans. Quand Lucie est sortie en courant de la salle, elle hurlait, elle avait les bras tout griffés et ça saignait mais tout ça c’était pas grave. Elle criait, criait, criait et je voulais juste qu’elle se taise alors je lui ai mis le carton sur la tête et elle s’est tue.
Bien entendu, si vous reconnaissez le style d'un artiste, merci de garder son identité pour vous. L'objectif étant de ne pas savoir de quelle garde provient une création.
De plus, chaque gardien m'ayant envoyé une création s'est engagé à régler son trouillomètre sur toutes les créations postées.
, par soucis d'anonymat. Vous n'êtes évidement pas obligé de commenter votre propre création. Ni celles des autres d'ailleurs.