Le passé re-surgit
La lune magique d'Eldarya domine le ciel étoilé. Ses reflets rendent ma peau encore plus blanche qu’elle ne l'est déjà.
Cette nuit est encore écourtée par une insomnie, comme toujours. Dans les jardins de la cité d’Eel, j’ai croisé Aldarick. D’après lui, la lune entière qui se situe au-dessus de nos têtes, est la seule responsable de mes heures de sommeil perdues. Hélas, elle n’en est pas la seule cause. D’ailleurs, je ne crois pas aux effets des cycles lunaires sur notre sommeil. Non, la raison de mes insomnies est bien plus sombre, malheureusement.
Enfin, quoi qu’il en soit, je décide, tout de même, de regagner ma chambre, le jour ne va pas tarder à se lever et je n’ai pas tellement envie d’être la première personne que les recrues de la garde d’Eel vont voir en se levant. Pas que je ne m'entend pas avec eux, loin de là, mais disons que je n’aime pas la compagnie des autres. Je suis quelqu’un de solitaire, forcée par le destin sûrement. Je ne suis pas vraiment à l’aise avec eux, d’autant plus après la prise de paroles de l’esprit de Kovalyn, dans le sanctuaire. Les gens interagissent différemment avec moi depuis. Avant, ils m'ignoraient pour la plupart, me trouvant certainement inintéressante, ou trop sauvage. Maintenant qu’ils savent pour mon espérance de vie allongée par le biais du ralentissement de ma vieillesse, ils me regardent avec pitié, ou avec vénération pour certains, comme ci cela était une bénédiction.
Moi j’y vois surtout une malédiction, dans laquelle je suis coincée, comme maudite dans un corps d’adolescente, alors que théoriquement je ne devrais déjà plus être de ce monde depuis un long moment.
Les seules personnes qui ont l’air de me comprendre, ou au moins de ne pas me trouver bizarre et torturée, sont mes collègues de la garde Obsidienne. En effet, depuis quelque temps, nous passons du temps ensemble à la taverne. Serenata nous montre ses talents en beuverie, et cela nous fait bien rire, surtout quand Corn et Eden essayent de la suivre. Mais Serenata gagne à tous les coups. Bon après, c’est légèrement moins drôle pour nous quand nous devons les traîner jusqu’à leurs chambres.
Je m’entends également bien avec Elehann, sûrement car elle possède une magie similaire à la mienne. Dans un sens, elle doit être d’une tribus voisine, sur plusieurs générations, à la mienne. Peut-être que nous avons quelques molécules sanguines en commun ? J’avoue ne jamais avoir approfondi le sujet avec elle. En fait, pour être franche, je dis m’amuser avec mes camarades, mais je reste tout de même froide et distante. Mais c’est ce que j’apprécie dans chacune d’entre elles, elles me prennent comme je suis, elles ne cherchent pas à me changer. Il m'arrive tout de même de lâcher un petit sourire, voire même un petit pouffement lorsqu’elles font les quatre cents coups. Je ne suis jamais désagréable avec elles, jamais. Je suis juste quelqu’un de distante. J’ai perdu beaucoup trop d’amis dans ma vie, pour accepter d’en perdre de nouveau. Bien que si je les perdais, cela me briserait tout de même car elles sont mes amies, mais j’ai pour espoir que si je reste froide et distante, elles ne s’attacheront pas à moi, et ne connaîtrons pas le malheur quand je disparaîtrai enfin. C’est ce que j’imagine, c’est ce que j’espère. C’est peut-être pour cela que je mets cette distance entre l’humanité et moi. Car je sais combien c’est douloureux de perdre une personne qu' on aime.
Il me manque..
Perdue dans mes pensées, je ne fais pas attention aux alentours. Soudain, une masse musculaire me plaque contre un des piliers du hall du QG. Je ne comprends pas tout de suite ce qui m’arrive, et aussitôt je dégaine mes cartes. Malheureusement pour moi, mon assaillant me saisit les poignets rapidement, faisant tomber mon artefact magique. Alors que je m'apprêtais à donner l’alerte sur une quelconque intrusion, le ricanement devant moi m’en dissuade.
- « Tu es vraiment mauvaise en discrétion »
Je soupire et cesse aussitôt de me débattre.
- « Nevra, lâche moi. »
- « Pourquoi le ferais-je ? Et que fais-tu encore debout à cette heure-ci ? »
- « Je pourrais te retourner la question, monsieur le chef de la garde étincelante. »
Les reflets de la lune ne me permettent, hélas, pas de voir les détails de son visage, mais je visualise rapidement dans la pénombre ses crocs pointues qui sont dévoilés grâce à son sourire, très certainement sournois. Il ricane. Ses cheveux effleurent la peau fine de mon cou. Quelque chose cloche. Nevra et moi avons déjà eu des moments de flirts, jamais de sérieux. Mais il y a toujours un certain blocage, de mon côté car je ne veux pas m’attacher, et de son côté car, je cite : « Tu fais bien trop jeune pour un chef de garde avec des responsabilités, cela ne serait pas correct, même si tu es bien plus vieille que moi dans l’âge. ». Je sens mon cœur battre fort dans ma poitrine. Sa langue glisse sur ma clavicule. Soudain, prise d’instinct, je repousse tant bien que mal le vampire qui se retrouve un peu plus loin dans un espace éclairé par la lune. Cela ne fait plus aucun doute, ses pupilles sont complètement dilatées, ne laissant quasiment plus de place a ses iris grises.
- « Nevra, depuis combien de temps n’as-tu pas bu ? »
Aucune réponse. Celui-ci reste immobile, me fixant. Jamais Nevra n’aurait tenté une approche si intime en plein milieu du hall, là où on pourrait le surprendre, et encore moi avec une « fillette » comme moi. Je déglutit et tente de calmer ma respiration. Nevra est un vampire, par conséquent je sais qu’il entend les pulsations de mon cœur, si je les calmes peut-être que ça le calmerait ?
- « Nevra, je te conseille d’aller te rassasier. Moi je vais me coucher. »
Je ramasse mes cartes le plus lentement possible, restant à l’affût du vampire qui semble être un peu sous l’emprise du manque. Lorsque je me redresse, mes yeux rencontrent les siens. Ses pupilles se sont rétractées un peu. C’est à ce moment-là que Lance arrive, interpellant Nevra. Je profite de cette distraction du dragon pour regagner ma chambre le plus rapidement possible.
Il est compliqué pour moi de me retrouver face au chef de la garde étincelante. Je l’avoue que des sentiments sont nés, mais ils sont incompatible vu que je suis qu’une pauvre femme coincée dans un corps de fillette prépubère. Je soupire face à cette constatation et finit par m’endormir.
***
Je suis tirée de mon sommeil par des tapotements sur ma porte. On m’appelle derrière le bois de celle-ci. Je ne reconnais pas la voix. Sortant de mon lit, je vais ouvrir et vois une recrue de la garde Absynthe.
- « Bonjour Keimentarie Gelbero. Huang Hua vous demande dans la salle du conseil. »
Je fronce les sourcils, ne réponds pas comme à mon habitude, je fais juste un hochement de tête. M’habillant rapidement, je file à l’endroit de rencontre. Une fois la porte ouverte, je vois Chrome, Lance, Karenn, Asïol, Serenata, et Nevra assis autour de la table. Tous me regardent. Mon regard croise celui de Nevra, qui m’esquive. Voilà que les choses reviennent à leur place...comme toujours. J’avance doucement en fixant notre grande Cheffe.
- « Tu m’as demandé ? »
- « Oui, assied-toi s’il te plaît »
Je m’exécute et m'installe non loin de mes deux camarades. Huang Hua nous informe que le Clan des Wuga-Bendy a mis la main sur une boîte magique, et qu’ils ont besoin d’une magicienne pour en trouver la clé. Elle nous fait passer à tous un parchemin où figure un croquis de cette mystérieuse boîte. Sur toutes ses faces se trouvent des inscriptions, dans une langue ancienne. Elle nous informe que si la légende est vraie, cette boîte renferme un monstre assoiffé de pouvoir. C’est pourquoi, elle a besoin d’une magicienne pour décrypter ces inscriptions, mais surtout que personne ne doit ouvrir cette boîte. Elle nous explique également qu’elle a besoin qu’un représentant de la garde y aille pour convaincre le Clan des Wuga-Bendy de nous donner cette boîte, car elle pense qu’ils ont de mauvaises intentions avec celle-ci, c’est son préssentiment toujours. Elles supposent qu’ils ne laisseront pas les choses se dérouler aussi facilement, c’est pourquoi elle a besoin également de recrues aptes aux combats. Je fronce le bout de mon nez.
- « Je ne suis pas la meilleure des magiciennes face aux runes antiques, Elehann sera la plus apte non ? »
Huang Hua se raclent la gorge et se tourne vers Serenata. Celle-ci contracte sa mâchoire imposante. Elle semble contrariée et en proie à une culpabilité qui ne lui ressemble pas. Une peur me prend aux tripes.
- « Sere’ que s'est-il passé pendant votre dernière mission ? » dis-je presque en menaçant inquiète pour ma consœur.
Notre grande combattante aux cheveux rouges soupire et tape de son large point sur la table, me faisant sursauter.
- « J’en prends toute la responsabilité, comme je l’ai dit à Huang Hua. Notre mission a été un échec, que JE vais réparer. Elehann s’est fait attaquer car J’AI manqué de vigilance. Elle est actuellement à l’infirmerie, empoisonnée. D’après Ewelein, sa vie n’est pas en danger. Mais elle ne peut venir sur cette mission, par MA faute. »
- « Suffit Serenata. - interrompe Huang Hua - Tu n’es pas fautive. Vous avez été prise par surprise. J’aurais dû vous envoyer du renfort. Quoi qu’il en soit, les jours de notre chère Elehann ne sont pas comptés. J’envoie Serenata, à sa demande, sur sa mission de nouveau avec cette fois-ci Lance et Mathieu, ainsi que Corn, Mikumo et Istarli. »
Serenata soupire. Je comprends mieux pourquoi elle semble se morfondre sur elle-même. Elle qui n'aime pas perdre, et encore moins quand ses alliés sont blessés. Je la comprends. En faisant le calcul, je comprends donc que celui qui va devoir représenter la garde d’Eel pendant cette mission, ne sera d’autre que Nevra, étant donné que Chrome est en mission avec Darknea, Eyvør, et Aerin.. Aïe. Huang Hua donne donc les noms des participants à cette mission : Nevra, Asïol, deux recrues de la garde de l’ombre, et moi-même. Elle nous donne deux trois informations de plus puis nous demande d’aller nous préparer pour partir se soir. Elle demande cependant à Asïol et Nevra de rester avec elle, bizarre.. Je ne m’en formalise pas et file au sanctuaire pour accéder à la forge et aiguiser mon couteau au cas où.
- « Tu pars en mission ? » me demande la voix angélique de l’esprit de Kovalyn.
- « Oui. Une boîte magique a été retrouvée, elle renfermerait un monstre. Je dois donc aller la décrypter sans l’ouvrir. J’avoue ne pas trop comprendre mon rôle.. pourquoi la décrypter si c’est pour pas avoir le droit de l’ouvrir ? Mais bon.. ce sont les ordres.. » dis-je sans vraiment d’entrain
Kovalyn fronce les sourcils, elle regarde derrière moi puis disparaît. Lorsque je me retourne, je vois notre Cheffe, elle soupire et s’approche de moi.
- « Keimentarie, j’aimerais te parler de quelque chose. »
- « Je t’écoute. »
- « Pourquoi restes-tu dans ton coin ? Pourquoi ne t'ouvres-tu pas aux autres ? Pourquoi restes-tu spectatrice de ta propre vie ? Es-tu heureuse ainsi ? »
Les larmes montent, mais je tente de les ravaler avant de lui répondre.
- « Sans eux, plus rien n’a d’importance. Je suis lasse de tout ça.. »
- « Sans eux ? Ou sans lui ? »
Soudain, la rose qui était au pied de la statue de Kovalyn lança ses piquants vers Huang Hua. Je n’ai même pas réalisé mes gestes, ni la rapidité de mes actes. Cartes en main, je respire fortement. Ma cheffe a, heureusement, réussi à se protéger. Elle soupire et fait mine de dépoussiérer ses habits.
- « C’est bien ce qu’il me semblait. Fais attention à toi d’accord ? »
Puis elle disparaît sans même m’en vouloir de l’avoir attaquée. Mes larmes roulent sur mes joues, mais je les chasse rapidement pour aller me préparer.
***
Cela fait trois jours que nous voyageons. Nous établissons des campements basiques à la tombée de la nuit, puis repartons à l’aube. Je suis restée assez silencieuse pendant le trajet, comme à mon habitude. Nous voici arrivés devant une grotte immense.
- « Nous y voilà » prononce d’un ton neutre Nevra.
J’observe les environs, mais rien qui me fait penser à un village ou quoi.. Asïol respire l’air autour de nous et fronce les sourcils.
- « Ça sent l’abdémoniaque non ? » fit-elle en regardant notre chef
- « Oui, c’est typique de cette tribu. C’est ainsi qu’ils se protègent car ils sont dépourvu de pouvoir. On va avancer dans la grotte mais ne touchez à rien, une goutte de cette substance et vous courrez droit à votre perte. »
Nous hochons la tête. Récupérons nos bagages et avançons doucement. Une des recrues de l’ombre possède la magie du feu, et à créer des boules de feu volantes pour nous éclairer. Je ne peux m’empêcher de regarder le dos de notre chef. Pourquoi les choses ne peuvent pas être simples entre nous ? J’ignore si c’est parce qu’elle a vu ma tristesse, ou est-ce que c’est un hasard de timing mais Asïol vient à côté de moi et me sourit.
- « Comment tu te sens ? »
- « Comme quelqu’un qui a une mission à accomplir alors qu’elle n’a pas vraiment les capacités pour.. »
- « Kemy, si Huang Hua t’a mis sur cette mission c’est que tu en as les capacités. Ne doute pas de toi. »
Je lui fais un sourire timide pour la remercier. Elle mit ses mains derrière sa tête et soupira avec toujours son sourire.
- « Tu crois que je suis mieux placée, moi ? Elle a bien dit qu’elle avait besoin de recrues aptes au combat.. sauf que moi je préfère éviter les conflits.. » me dit-elle avec légèreté sûrement pour me remonter le moral.
Asïol est une très bonne guerrière, qui a ses faiblesses comme nous toutes, mais elle est redoutable quand elle lâche sa grande puissance en elle. Je soupire et décide d’accepter mon sort, de toutes manières nous voilà devant le village enseveli sous la roche, je ne peux plus faire machine arrière.
Les méfiances du peuple ‘non-magique’ ne se firent pas attendre, à peine nous avons passé l’entrée de leur cité qu' ils nous pointent d’ors et déjà leurs lances, haches et autres armes. Ils sont peut-être dépourvus de magie intérieur, mais visiblement ils savent très bien s’armer et s’en servir. Nevra, comme un bon chef, baissa sa tête et leva les mains au-dessus de ses épaules. De sa voix rauque, mais douce, il expliqua à la tribu que nous sommes la garde d’Eel, que nous venons pour déchiffrer la boîte scellée. Il présenta rapidement ses troupes, autrement dit ses deux acolytes de l'ombre Kephren et Loly, ensuite Asïol, puis pour finir moi, la magicienne qui décryptera le message gravé, enfin je l’espère. Une jeune femme, peu vêtue mais de manière très noble s’approche jusqu’à notre chef. De ses mains ornées de bijoux en tout genre, elle lui redresse la tête de manière très aguicheuse, et se présente comme la Princesse des Wuga-Bendy. Ma mâchoire se contracte et je ne peux m'empêcher de tourner la tête, ce qui ne lui échappe pas au vu de son petit rire suffisant. Elle nous invite à entrer au cœur du village, dans sa demeure, ce que nous faisons s’en attendre. Bien évidemment, elle ne lâche pas Nevra du regard, le complimentant en long, large et travers, ce qui m’agace au plus haut point. Une fois dans sa maison, celle-ci est en total accord avec sa maîtresse : remplie d’or, de gemmes, de bijoux, de luxe. Elle nous raconte que depuis quelque temps, leur citée est devenue trop étroite au vu du nombre de naissances qui s'accroît chez eux. Que pour cela, elle a envoyé ses hommes miner la roche de la grotte pour agrandir leur village, cependant ils sont tombés sur cette boite. Ils ignorent tout d’elle. Cherchant à savoir quoi en faire et comment s’en débarrasser si celle-ci est inutile, ils ont alors fait appel à une druide en pèlerinage. Elle nous raconte que la druide a affirmé que la boîte était nulle de magie, et donc inintéressante, mais la princesse tient à avoir un deuxième avis. C’est a ce moment là que une vieille femme fit son entrée, vêtu d’une longue cape rouge bordeaux. Nevra fronça les sourcils et me regarda puis soupira. La druide se présenta, et nous donna un plan des vestiges de la grotte pour que nous trouvions la boîte en question. Le vampire s’inclina devant la princesse et lui remit un parchemin. Celle-ci le lu, puis regarda sa druide. Je ne pu m’empêcher de me mettre sur la défensive, leur comportement est bizarre.
- « Bien. J’accepte que vous partiez avec la boîte si celle-ci n’a aucun intérêt pour notre peuple. Cependant, avant je veux que vous donniez toutes les informations, que vous trouverez à son sujet, à Cintira ma druide, sans mensonges, sinon vos tête seront mise à prix. » annonça-t-elle solennellement.
Nevra acquiesça, puis nous nous mirent en route pour cette fameuse boîte.
Cela nous a pris une bonne heure, mais nous y sommes arrivés. Une antichambre de glace se dessine derrière les dédales de couloir rocheux. L’endroit est magnifique. La roche de la grotte est recouverte de givre et de glace scintillante. Au milieu de cette pièce se trouve en effet, une boîte noir comme l’obsidienne. Elle n’est pas plus grande qu’un lit à baldaquin de deux personnes. Asïol est en tête de peloton, aidé par Nevra, supervisé par Kephren et Loly. Tous sont sur leur garde. Quant à moi, qui suit en fin de marche, je ne peux retirer mes yeux de cette boite. Quelque chose m’attire, m’aimante, me veut. J’ignore mes camarades, et comme si j'étais possédée, j’avance vers celle-ci main droite en avant. Je ne suis qu’à quelques mètres, puis quelques centimètres. Je vais la toucher..
Soudain, j’entends Nevra hurler mon prénom. Le temps que je me retourne, un gros Wivern de Glace escalade la roche au-dessus de nous. Il crie, hurle, se fait entendre. Nevra tombe un genoux à terre, sûrement à cause de la tonalité trop stridente du hurlement de la bête. Rapidement, je dégaine mes cartes, en pose trois aux sols et lance rapidement une incantation. Mes cartes partent aux quatre coins de la zone à la recherche de flore. Asïol prend son arme en main, ainsi que Loly qui fait apparaître des boules de feu dans ses mains et se rapproche de ma camarade obsidienne. Les deux se tiennent face au Wivern qui ne tarde pas à attaquer. Elles sont redoutables, et arrivent à parer les attaques tant bien que mal. Kephren quant à elle court jusqu’à Nevra, sort de sa sacoche deux boules en cuir et le lui donne. Celui-ci les enfonce dans ses oreilles, et se relève près à se battre. Mes cartes reviennent à moi et 2 tiges de plantes serpentent à mes pieds. Je ne pouvais m’attendre à mieux dans un milieu glacé. J’utilise une autre incantation et forme un dôme devant moi d’herbe et fleurs. Nevra semble avoir compris, il demanda à Asïol et ses recrues d’aller derrière moi et de préparer des armes enflammées. Celles-ci s'exécutent et courent derrière moi. Mes mains plaquées au sol s’enfoncent dans celui-ci. Notre chef gagne du temps en faisant des tours de passe-passe avec la créature. Mes bras tremblent, les filles mettent du temps et l’approvisionnement en flore ici est beaucoup trop pauvre, je ne vais pas tenir longtemps. Le Wivern monte sur la boîte, émet un crie strident de nouveau qui me fait légèrement flancher. J’entends derrière moi qu' on me demande de tenir encore un peu, qu’elles y sont presque. Je croise le regard de la créature, et je comprends que c’est la fin. Mon bouclier fana d’un coup, et l’ennemi en profita pour attaquer à grand coup d’aile aussi tranchante que des lames. Je ferme les yeux, attendant la douleur, mais elle ne vient pas..
Lorsque je les rouvre, le spectacle devant moi m’horrifie. Asïol, face à moi, dos à la créature. Elle me sourit. Le temps s’arrête. Puis dans un bruit sourd elle tombe au sol, son dos balafré saignant fortement. Je comprends rapidement que ma camarade, ou plutôt mon amie, à volé à mon secours pour m’éviter la mort. Asîol a préféré se sacrifier, plutôt que me laisser périr, voilà encore une injustice de ma triste vie. Les larmes roulent sur mes joues. Je me précipite sur elle, prends son visage entre mes mains.
- « Asîol ! Tu n’as pas le droit ! Non ! Reste avec moi ! Je t’en supplie ! Pourquoi tu as fait ça?!! » suppliai-je en pleurant.
- « Tu…dois…vi..vre.. » murmure t-elle avant de fermer les yeux et de s’en aller
Le Wivern recula, et hurla de nouveau, mais comme un rire triomphant. Nevra nous ordonne de battre en retraite. Mes yeux ne peuvent quitter mon amie. Mes larmes s’écrasent sur son magnifique visage, auparavant joyeux. Même dans son dernier souffle, elle m’a sourit. Même dans son dernier souffle, elle m’a réconforté. Nevra m’arrache des mains le corps de mon amie, et nous courrons rapidement vers la sortie.
Une fois au village, nous demandons rapidement à voir la druidesse. Celle-ci s’empresse de prendre en charge Asïol. Après de longues minutes d’incantation et autres rituels chamaniques, elle nous affirme qu’elle vit toujours, mais qu’elle a perdu beaucoup trop de sang. Rapidement, la question de ‘qui donne son sang’ arrive. Je suis dans l’incapacité de le faire, cela aussi est le résultat de ma triste vie. Kephren et Loly se tournent vers moi et exigent que je répare les pots cassés. Elles estiment que je suis fautive pour m’être trop approchée de la boite alors qu’ils étaient tous sur leur garde, mais également de ne pas avoir tenu assez longtemps en bouclier alors qu’il ne restait que quelques secondes. Je ne peux leur dire la vérité, elle ne le comprendrait pas.. Nevra se met entre nous, dos à moi. J’en profite pour sortir rapidement prendre l’air. Au bout de longues minutes, il me rejoint en mettant ses habits correctement sur lui, j’en déduis qu’il a donné son sang. Le voyant prendre une mine attristé, je soupire m’agaçant.
- « Quoi ? Oui je sais c’est de ma faute. Je sais ! Je ne peux pas donner mon sang ! Ok ?! Je ne peux pas ! Je… J’en ai peur ! Voilà t’es content ? Va te plaindre a Lance, virez moi si ça vous fait plaisir ! » criai-je hystérique
- « Tu as fini ? » me demanda t-il calmement avant de reprendre « Tu me prends pour qui Kem’ ? »
- « Ne m’appelle pas comme ça. »
- « Tu vas me faire croire qu’une recrue Obsidienne à peur du sang ? Trouve autre chose. »
- « C’est la stricte vérité Nevra, que ça te plaise ou .. »
- « Je suis au courant. »
Mon cœur rate un battement, et je fixe le vampire les yeux ronds de surprise. Il soupire et se rapproche un peu plus pour ne finir qu' à quelques centimètre de moi.
- « J’ai dû aller chercher les informations moi-même, avant de devenir fou. Combien de temps penses-tu pouvoir me cacher la vérité ? »
- « Je ne vois pas de quoi tu parles.. » murmurai-je peu assurée
Soudain, Nevra posa ses doigts sur ma gorge près de ma jugulaire et fit un léger point de compression.
- « Ton sang. Je l’entends couler rapidement dans ton corps. Je n’entends que ça. Dès que tu es près de moi, seul le bruit de ton sang glissant dans tes veines domine mes tympans. » dit-il suavement en faisant glisser son pouce de mon cou jusqu’à mon poignet intérieur
Je déglutit. Alors il sait.. il sait que mon sang est anormal. Ses prunelles rencontrent les miennes, et nous nous fixons. Ma gorge est sèche, mon cœur s’emballe, ça aussi il doit l’entendre. Ses doigts caressent les miens.
- « Tu réveilles ma soif de sang, bien plus que la normale. J’ai dû demander à Ewelein le pourquoi du comment. Elle a été dure à convaincre, mais quand je lui ai dit que j’avais envie de te bouffer dès que tu étais près de moi, ça l’a raisonné. » dit-il avec légèreté
Mon regard glisse sur le visage du vampire pour s’arrêter sur ses lèvres.
- « Pourquoi ne pas m’en avoir parlé ? » me demande t-il de sa voix rauque
- « Car tu es inaccessible » dis-je, mais ma voix se cassa à la fin et les larmes me montent
Nevra remonte son autre main pour prendre mon visage en coupe.
- « Tu es dangereuse pour moi. Pour nous. Si je succombe à ton sang, tu mourras.. »
Soudain, je secoue la tête et le fuis pour me mettre dos à lui.
- « Comme ci il n’y avait que ça qui te gênait..Hein ?! Mon sang est la seule source de conflit entre nous ?! Mon physique ne te gêne pas ?! Je ne ressemble pas à une jeune adolescente selon toi ?! Pourtant, mise à part aucune ride et une petite poitrine, je suis semblable aux autres femmes que tu côtoies dans ta chambre ! Je suis semblable à cette princesse également.. C’est juste toi le problème. » crachai-je sans me retourner « Merci d’avoir réparé mon erreur. Merci pour Asïol. »
Puis je repris la direction de l’endroit où se trouvait mon amie pour me mettre à son chevet.
Les jours passèrent, Huang Hua devait très certainement s’inquiéter de ne pas nous voir arriver, mais notre camarade blonde était encore mal en point, tirée d'affaires mais mal en point. Je soupirais en caressant son front.
- « Je suis sincèrement désolée.. tout est de ma faute… Finalement, ce n’est peut-être pas toi la véritable maudite du Bastion » murmurai-je
Puis je reporte mon attention sur mon carnet et mes grimoires. Pendant ses jours d'attente, j’étais retourné près de la boîte discrètement la nuit. Curieusement, je n’ai jamais recroisé le Wivern, j’ai donc pu prendre des notes des écrits anciens qui étaient incrustés dans le marbre noir de la boîte. Celle-ci a toujours cet effet sur moi, cette attirance que je ne saurais expliquer. En consultant mes écrits et autres, je commence rapidement à déchiffrer les mots. Les gravures parlent du passé, des temps de guerre, d’horreur, tout cela me noue la gorge, je ne me rappelle que trop bien de cette période. Cependant, la chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi un Wivern protégerait cette boîte. Ces créatures sont dotés d’une intelligence remarquable, et d’une sensibilité aux dangers, autrement dit, si cette boîte renferme bel et bien quelque chose de dangereux le Wivern aurait aucun intérêt à le protéger, et encore moins à s’en approcher. Il y a donc deux options : soit la boîte renferme autre chose, soit cette créature n’est pas ce qu’elle prétend être. Puis d’un coup, la deuxième option me semble la plus plausible, et pour cause : je me souviens que lorsque nous avons été la première fois dans la caverne où se trouve la boite, la druidesse était au courant et bizarrement nous avons été attaqué. Toutes les fois ou j’y suis retournée seule, personne ne savait et personne ne m’a attaqué. Rapidement, je me lève, ramassant mes affaires et me précipite voir Nevra. Lorsque j’arrive dans la salle où il est, je me rends compte qu’il est en pleine discussion avec la princesse et sa druidesse. Aie, mauvais timing, pourtant il faut que je lui fasse part de mes doutes rapidement. Contre toutes attentes, je décide de jouer un jeu dangereux mais qui me montrera si j’ai raison ou non. J’annonce donc à voix haute que les écrits sur la boîte parlent d’un monstre, enfermé depuis la nuit des temps pour éviter que le chaos s’installe de nouveau. A ce moment-là je vois une lueur dans les yeux de la druide, j’avais donc raison. Je regarde Nevra, inspire et décide de lui dire que je suis navrée de notre différent, que je comprends son point de vue et qu’il avait raison, je ne suis qu’une adolescente en proie à mes hormones de puberté. Bien évidemment tout cela est faux, et c’est justement le but. D’ailleurs mon chef fronce les sourcils, il a compris, et me demande de l’attendre dehors en prétextant que ce n’est pas digne devant la princesse. Mon plan à marché. Nous nous réunissons loin des regards, et au chevet d’Asïol. Je leur explique que la druide est une métamorphomage, et qu’elle nous a dupé avec son apparence de Wivern, mais que autrement dit elle n’a pas toutes les propriétés de cette créature et que nous pouvons facilement la battre. Le plan est donc monté : Kephren et Loly devront remorquer la boite sur le bateau le temps que Nevra occupe la princesse et la druide. Quant à moi, grâce aux nombreuses plantes qui sont sur le bateau, je dresserais un bouclier au cas où notre ruse tombe à l’eau. Nevra soulève le risque d’être attaqué si la druide se rend compte de la supercherie, mais soudain une voix familière un peu fatigué se fait entendre.
- « J’m’occupe de la protection. »
Nous nous retournons et constatons qu' Asïol est réveillé et déjà prête à être de la partie. Tout semble parfait. Nous étions heureux de voir notre camarade de nouveau sur pied. J’aurais aimé lui dire combien j’étais navrée de l’avoir poussé à se sacrifier. Hélas, nous devions faire vite. Après s’être préparés, nous attendons la tombée de la nuit pour exécuter notre plan. Notre belle blonde est encore très faible, et pourtant elle a cette détermination et cette hargne pour mener à bien la mission, c’est incroyable. Elle n’est pas obsidienne pour rien, ça c’est sûr.
Une fois sur le bâteau, le plan se déroula parfaitement : Kephren et Loly remorquèrent la boîte sur l'embarcation, Nevra occupait la princesse, ce qui ne me plaisait guère d’ailleurs. Asïol veillait, malgré son état, à nos arrières qui pour le moment était très calme. Quant à moi, j’attendais que la boite soit installée pour pouvoir dresser un bouclier magique. Lorsque celle-ci arriva, je ressentis encore cette mystérieuse attraction.
De nouveau, je m’approche de ce cube qui m'attire comme un aimant. Mes jambes ne répondent plus, mes mains se mettent en avant pour toucher cette structure noire. Qu’est ce qu’il y a à l'intérieur ?! Je ne visualise même plus le monde qui m’entoure. Je ne me soucie plus de rien…
Soudain, deux bras encerclent mes épaules, je ne peux plus bouger. Les larmes montent, j’ignore pourquoi. Puis tout s’éclaire, comme des flashs dans mon esprit.
« Monstre du passé » ; « Le chaos se répandra de nouveau » ; « sacrifice ». Mon cœur rate un battement. Cette hypothèse qui germe dans ma tête me fait froid dans le dos. Si ce que je pense est vrai, si c’est bien lui dans cette prison cubique, pourquoi Huang Hua cherche à récupérer cette boite. Une angoisse monte en moi, compte-t-elle l’anéantir, alors qu’il a été persécuté par le passé ? Compte-t-elle me l’arracher de nouveau ?
Mon corps se tourne vers la personne qui me maintient. Asïol baisse la tête comme si elle était désolée. J’ai donc raison, c’est bien le Daemon de mon époque, mon ami, mon… Enfin bref, c’est bel et bien lui qui est enfermé prêt à être détruit de nouveau…
- « Tu le savais ?! » accusai-je
- « Je suis désolée Kémi.. » s’excusa Asïol
Sans que je ne puisse comprendre la suite, mon corps s’écroula au sol, le noir prit place sur ma vue, mais mon ouïe ne disparut pas immédiatement. J’entends encore des bribes de paroles.
- « Je suis désolée Nevra.. j’étais obligée. »
- « Tu as bien fait. Comment a-t-elle su ?
- « Je l’ignore, mais c’était l’ordre de notre Cheffe..avant qu’elle ne devienne incontrôlable.. »
[A suivre..]