EN PAUSE POUR PROJET PERSO.
CHAPITRE 6 DISPONIBLE.
Bien le bonjour, petit pamplemousse. ♥
Tout d’abord, merci d’avoir cliqué ici, et bienvenue huhu. Je tiens à prévenir que cette petite fanfiction est toute fraîche, toute nouvelle et n’existait pas avant l’incendie qui a stoppé Eldarya. L’envie de rédiger une fanfiction sur ce jeu s’est fait dés mon inscription en 2014, mais je ne me suis jamais lancée. A l’époque je rédigeais déjà des fanfictions sur AS et ça me prenait déjà pas mal de temps. Et lorsque j’ai terminé ma dernière fanfiction de ce même jeu, étonnamment, je n’ai pas voulu écrire la fanfic Eldarya qui me démangeait tant, préférant me lancer dans d’autres projets de fictions hors univers des jeux (je suis clair ? Peut-être pas, désolée). Et, aller savoir pourquoi, devoir recommencer le jeu de A à Z, refaire l’entièreté des épisodes que je connaissais pourtant déjà, a réveillé cette envie d’écrire quelque chose sur cet univers.
A tous les enfants d'Eldarya
Avant de poster un message :
--> Pas de HS, de flood ou de pub !
--> Pas de sujets "sensibles" dans la fiction ou les commentaires.
--> Commentez de façon constructive (4/5 lignes par post)
--> Surveillez votre comportement.
--> Pas de conflits sur les topics. Préférez la discussion privée.
--> Tenez compte des remarques des modérateurs.
--> Merci de relire attentivement les règles du forum
Avant de poster un message :
--> Pas de HS, de flood ou de pub !
--> Pas de sujets "sensibles" dans la fiction ou les commentaires.
--> Commentez de façon constructive (4/5 lignes par post)
--> Surveillez votre comportement.
--> Pas de conflits sur les topics. Préférez la discussion privée.
--> Tenez compte des remarques des modérateurs.
--> Merci de relire attentivement les règles du forum
Comme vous l’avez deviné, Nevra sera un élément central de la fiction. Certains personnages du jeu ne seront pas présents, d’autres sortiront de mon imagination. De même, l'histoire ne sera pas cohérente avec celle du jeu, le seul point commun étant l'arrivée d'une humaine dans leur monde. Cette fiction mêle différents sujets, parfois plus sérieux et sensibles, comme les troubles psychologiques. Avec néanmoins un peu d'humour, parce que je ne peux visiblement pas m'empêcher de faire des vannes de merde, ahem.
J’espère malgré tout que cela vous plaira.
Je préfère prévenir par avance : je ne suis pas irréprochable en orthographe, ce n’est pas impossible que votre œil remarque des coquilles par-ci par là, je m’en excuse par avance.
J’ai également une petite habitude, toujours présente dans mes histoires : les musiques. Parfois ce sera lié au moment, parfois seulement pour mettre dans l’ambiance, un lien sera présent, c’est à vous de voir si vous souhaitez l’écouter en même temps ou non.
« Et si je venais à ne plus être moi ? Et si je venais à sombrer dans la folie ? Et si je venais à devenir quelqu’un, ou quelque chose de mauvais ? »
Telles étaient les peurs habitant Opale depuis quelques années maintenant, atteinte d’un trouble auquel les médecins ne pouvaient donner de nom. Certains l’avaient déclaré schizophrène et bien d’autres maladies psychologiques, qui, les unes comme les autres, leur permettaient seulement de poser un diagnostic erroné pour masquer leur manque de savoir. D’autres, avaient même mentionné la possession.
Et si, finalement, tout cela était plus puissant ?
Et si, tout cela, n’était tout simplement pas humain ?
_
Honeymoxnlight
Je pense avoir fait le tour.
Je ne stresse pas du tout c’est faux, ahem.
J’ai juste l’impression de passer un oral comme au lycée.
Ce qui est absolument affreux.
Néanmoins, j'espère que vous passerez un bon moment dans mon petit univers.
Prologue
Ton pire cauchemar, derrière le sapin de droite.
_
Et si je venais à ne plus être moi ? Et si je venais à sombrer dans la folie ? Et si je venais à devenir quelqu’un, ou quelque chose de mauvais ?
Était-ce le fruit de la démence, un monstre me rongeant de l'intérieur, année après année ?
Et si, finalement, tout cela était plus puissant ?
Et si, tout cela, n’était tout simplement pas humain ?
_
Sachet de médocs dans une main, baladeur mp3 dans l’autre – oui je suis probablement la dernière personne sur cette Terre à utiliser cette chose – je sortis de la pharmacie, me dirigeant vers ce parc que j’aimais tant pour son atmosphère reposante et son calme inébranlable.
C’est faux, il y a une dizaine d’enfants hurlant partout.
J’augmentai donc le son de ma musique, tout en marchant à travers ce parc. Seule la musique était capable d’apaiser les pensées qui s’entrechoquaient dans ma tête. Et actuellement, il y en avait un paquet.
Je me demandais si ces nouveaux traitements allaient changer quelque chose à mon trouble, je me demandais si j’allais réussir mon année à cause de ce même problème, je me demandais ce qui allait se produire si jamais j’échouais.
Lâchant un soupir, je relevai légèrement la tête et me stoppai net. Regardant autour de moi, je ne pus m’empêcher d’arquer un sourcil, surprise. J’avais beau connaître ce parc de A à Z, dans ces moindres recoins, l’endroit dans lequel je me trouvais ne me disait absolument rien. J’étais intégralement entourée par les sapins de ce parc, ne trouvant même pas la sortie en balayant les alentours du regard.
Ni.
Kel.
Tandis que je rangeai mon mp3 et mes écouteurs dans la poche de ma veste, je commençai à marcher dans une des directions – complètement au hasard, je passerai même le détail d’avoir fait « pouf-pouf » pour conserver ma crédibilité. J’entendis comme un souffle, avant de ressentir comme une brise m’enveloppant, me faisant froid dans le dos.
Quelques secondes après, je cru entendre une voix, enrouée, masculine, puissante à la fois, sans réellement comprendre ce que celle-ci disait. J’eus ce reflex absolument débile tel qu’on peut le voir dans les films.
— Y’a quelqu’un ?
Oui, sûrement ton pire cauchemar, derrière le sapin de droite. Et ce n’est sûrement pas le Père-Noël.
Je n’eus pas le temps de réfléchir plus longuement que je vis quelqu’un surgir de nulle part, vêtu d’une cape noire à capuche, se jeter sur moi.
— Haem opahm tumayh wu nay !
Sans que je puisse en placer une ni comprendre quoique ce soit, il dirigea ses bras dans ma direction furtivement, et je fus violemment projetée en arrière. Je pensais atterrir sur les fesses entre deux arbres, mais tout autour de moi était entièrement noir, ou presque.
Des lucioles surgirent de je ne sais où, avant de se poser sur l’ensemble de mes membres. Je n’arrivai pas à me concentrer ni à comprendre où j’étais, ni même si mon corps touchait le sol – d’ailleurs est-ce qu’il y en avait un au moins ?
Je fus sorti de mes réflexions par une lumière aveuglante, m’obligeant à fermer les yeux et je sentis mon corps se fracasser violemment contre le sol, m’arrachant un juron et cri de douleur à la fois.
Je repris doucement mon souffle avant d’enfin ouvrir les yeux. J’eus un sursaut voyant l’endroit inconnu dans lequel je me trouvais. Une salle immense, imposante, même intimidante, ornée de colonnes de marbres, vitraux aux couleurs holographiques, multiples dorures et au centre… un amas de cristaux d’un bleu doux et apaisant comme l’océan. Je regardai partout autour de moi, à la recherche d’une sortie. Je me précipitai dans sa direction – non sans difficulté – mais eu finalement un mouvement de recul en voyant la porte s’ouvrir. Je fis face à un visage qui fut dans un premier temps surpris, avant de se crisper de colère.
— Qui es-tu ?! Que tu fais dans cette salle ?!
Je ne prêtai pas réellement attention à sa question, comme paralysée parce que j’avais sous les yeux. La femme qui me fit face était pourvue d’oreilles animales mais également de quatre queues. J’aurais pu croire à un déguisement si la masse impressionnante derrière elle semblant mi-humain, mi-sanglier n’était pas si réaliste. Je continuais de reculer, tandis qu’ils avançaient vers moi. Elle m’assaillait de questions tandis que je perdais peu à peu mon souffle.
Je sentis comme une pression au niveau de ma poitrine, m’empêchant de respirer convenablement. Je suffoquai.
Putain je vais crever devant un chat et un sanglier, alors que je me promenais tranquillement dans un foutu parc.
Je respire plus bon sang, filez moi ma Ventoline.
Qu’est-ce que j’raconte, j’ai jamais eu de Ventoline.
Je sentis mes jambes m’abandonner et mon visage surchauffer.
— Jamon va chercher Ewe, je crois que notre intruse f-
Mon corps me lâcha finalement avant de me plonger dans le noir le plus total.
Chapitre 1
Nevra-gros-melon-et-bottes-de-cuir.
Nevra-gros-melon-et-bottes-de-cuir.
_
Mes yeux s’ouvrirent avec difficulté, dans une salle remplit de lits me rappelant ceux des hôpitaux, mais avec certaines fantaisies… particulières. Je tentai de me relever légèrement mais fus stopper dans mon élan très vite : mes mains et mes pieds étaient attaché. Ne me dites pas qu’on m’a envoyé à l’asile ? Mon psy m’a pourtant certifié que mon état ne m’y emmènerai pas bordel de m-… ça se trouve je suis chez un psychopathe ? D’ailleurs est-ce que c’était une hallucination les deux personnes mi-humaine mi-jesaispasquoi ? Je sentis mon cœur s’accélérer au rythme que ma panique grandissante – bien vu Sherlock. Une machine se mit à sonner, juste à côté de mon lit. Tandis que je fixai la machine, une personne surgit de je ne sais quelle pièce, me faisant lâcher un cri de surprise face à son apparence. Sa peau était d’un bleu presque grisâtre, et ses oreilles étaient semblables à celle d’un elfe que l’on pouvait voir dans les films.
J’ai pourtant pas commencé mon traitement, ni même prit de drogue. C’est quoi ce bordel. Ou mon trouble s’aggrave et je deviens barge ? La machine à mes côtés sonna encore plus vite et la voix de miss elfe me sortit de mes pensées.
— Calme-toi, calme-toi, me lança-t-elle d’une voix douce tandis qu’elle s’approchait de moi.
J’eus un mouvement de recul – qui clairement ne sert à rien étant attachée – et elle se stoppa, arquant un sourcil. Elle s’approcha finalement de nouveau, commençant à me détacher en secouant légèrement la tête.
— Je m’en doutais que ça ne servait à rien, soupira-t-elle.
— Ewe ! Qu’est-ce que tu fais ?! s’exclama la femme vu précédemment en entrant dans la pièce.
La machine sonna de plus bel, et l’elfe la pointa du doigt en jetant un regard blasé à l’autre.
— Tu vois ça ? C’est son rythme cardiaque qui s’accélère juste en nous voyant. Associé au malaise qu’elle a fait précédemment en vous voyant, je pense clairement qu’elle n’est pas une menace : son corps parle pour elle, elle ne connaît clairement pas les lieux, ni notre existence. Peut-être que ma conclusion est prématurée, mais elle n’est décemment pas dangereuse.
Sans déconner. Rien qu’à mon gabarit de mouche on voit que je suis tout sauf une menace. Je pourrais menacer une personne de lui en coller une que je ne serais absolument pas crédible. La femme aux oreilles de félin regarda en direction de l’encadrement de la porte et fit un léger mouvement de tête. Quatre hommes entrèrent dans la salle et la fameuse machine fit de nouveau son bruit assourdissant. Eteignez cette merde ou je bouffe moi-même les câbles.
— Je ne pensais pas faire autant d’effet en entrant seulement dans une pièce, lança un brun aux cheveux ébouriffés.
— La ferme Nevra, lança un – nouvel – elfe aux longs cheveux bleus.
Dites-moi que cette phrase de lover à la con n’était pas réelle, sinon cet homme est probablement aussi lourd qu’une météorite.
Quoique, pourquoi je me questionne sur la réalité des choses alors que déjà cette situation semble tout sauf rationnelle. J’espère limite avoir sniffé de l’herbe par mégarde tellement cette situation me fait flipper.
Blasée tout comme le reste des personnes ici présente, la fameuse « Ewe » éteignait le son de la machine qui indiquait que j’avais une cocotte-minute dans la poitrine.
Je réalisais seulement maintenant qu’Ewe, qui avait souhaité me détacher avant l’arrivée de toute cette troupe, n’avait finalement enlevé la sangle qu’à un de mes poignets. Nikel, je peux principalement me gratter le nez et le menton. C’est déjà un bon début.
— Comment es-tu arrivée ici ? me lança sèchement la femme aux oreilles de chat.
Quelle sympathique femme. La politesse et la délicatesse incarnée. Je suppose qu’avec elle on peut toujours se brosser pour avoir un verre d’eau. Ou même un petit gâteau, car j’admets avoir la dalle.
— Je n'en sais rien, je ne sais même pas où on est. Tout ce dont je me souviens c’est que je me promenais dans le parc, je me suis perdue je ne sais comment étant donné que je connais cet endroit comme ma poche et un homme est sorti je ne sais où, s’est jeté sur moi et… Et je me suis retrouvé ici en fait.
En racontant mon récit je me suis rendue compte à quel point tout ceci n’avait aucun sens. J’avais littéralement l’impression de raconter un de mes rêves loufoques de la nuit précédente.
— Tu as vu à quoi ressemblait cet homme ? Me demanda un homme au teint halé et aux cheveux d’une couleur blanc nacré.
Je tournai ma tête dans sa direction, surprise qu’on me prenne au sérieux vu cette histoire sans queue ni tête.
— Non, il était vêtu d’une espèce de cape dont la capuche recouvrait majoritairement son visage. Et en me « poussant » il a dit quelque chose mais c’était dans une autre langue.
— La langue originelle, murmura l’elfe aux cheveux bleus.
— Sûrement. Mais pourquoi elle ?
Ça dépend, si la personne en question recherchait quelqu’un ayant un humour approximatif et étant la maladresse incarnée, il ne s’est pas trompé.
— Comment t’appelles-tu d’ailleurs ? Me lança le Nevra-plus-lourd-qu’une-gazinière.
— Opale, répondis-je.
— Son prénom est le seul truc qui ne sonne pas humain chez elle, sauf que c’est clairement pas pour ça qu’on l’a envoyé ici. Sûrement une erreur, soupira l’homme aux cheveux bleus.
— Quelqu’un parlant la langue originelle et envoyant une terrienne dans la salle du Cristal ça n’a rien d’une erreur, rétorqua un homme aux cheveux blonds.
— Quoiqu’il en soit, on ne peut pas la renvoyer chez elle de toutes manières.
Ahahihahu. Pardon ? J’ai rien pour m’étouffer à part ma salive mais croyez moi que la pilule passe mal là.
— Alors déjà va falloir arrêter de parler d’elle comme si elle n’était pas là, je ne suis peut-être pas de chez vous mais je ne suis pas non plus une vieille plante qu’on laisse dans le coin d’une chambre. En plus vous lâchez comme une bombe l’impossibilité de rentrer chez moi, autrement dit de retourner là où il y a mes proches, mes études, mon travail, et j’en passe. Donc vous allez faire abracadabra avec votre bâton magique là, et me renvoyez chez moi comme si de rien n’était, j’ai déjà assez de choses pas nettes dans ma vie, je n’ai pas tellement besoin de voir que les elfes, fées et compagnie existent.
Un silence gênant s’installa. Alors, je ne sais pas si le fait de me croire dans un rêve tellement la situation m’échappe m’a donné des ailes pour vider mon sac comme ça mais… mes mots ont peut-être dépassé mes pensées. La femme chat me regarda furax, l’homme aux cheveux bleus d’un air blasé, celui aux cheveux nacrés fut étonné que je l’ouvre enfin, tout comme Ewe ainsi que le blondinet, et le beauf de Nevra eut une mine surprise, puis un sourire amusé se dessina sur son visage.
— Alors pour ta gouverne, nous n’avons pas de solution actuelle pour te renvoyer directement chez toi. Cela nécessite de rassembler beaucoup de moyens que nous n’avons pas actuellement. D’autant plus qu’il faut qu’on en sache davantage sur le pourquoi de ta présence ici, et surtout quel homme t’a envoyé dans notre monde.
Je tentai de maîtriser ma respiration le mieux possible pour éviter de faire un remake du malaise précédent. Comment veulent-ils que j’intègre l’idée de rester ici ? Dans un monde que je ne connais pas ? Abandonner ma vie ? Sérieusement ? J’espérai encore plus que tout que tout ça ne soit qu’un de mes rêves à ajouter à la liste des rêves improbables. J’en avais la nausée.
— Ewe, elle devient fortement palotte la demoiselle, lança l’elfe.
La femme s’approcha de moi, une expression inquiète sur le visage, tandis que je peinai à maitriser ma respiration. Soudain, je fus prise de ces sensations désagréables que je ne connaissais que trop bien. Mon corps se glaça, éveillant ma chair de poule sur l’ensemble de mes membres. Des voix se firent entendre dans ma tête, ces voix qui m’étais désormais familière. Ma vision se brouilla, changeant furtivement de couleur. Un souffle féminin qui ne semblait pas m’appartenir s’ajouta aux voix. Ewe allait se pencher sur moi mais d’un geste de ma seule main disponible je la stoppai nette, pour ne pas qu’elle vienne vers moi. Je voulais retrouver le contrôle, seule. Mais la crise semblait plus dure que d’habitude. Je souhaitai prendre mes médicaments et réalisai justement que je ne savais pas où était la fameuse pochette. Était-elle restée dans le parc ? L’avait-il récupérée ? Comment vais-je faire sans traitement ? Bien que jusqu’à présent je soupçonnai mes traitements de ne faire qu’un simple effet placebo, me savoir sans solution à ce problème ajouta une montée d’angoisse en moi, rendant ma respiration encore plus courte. Je vais crever devant le royaume magique de Disney, c’est génial.
— Eweleïn détache-la, je l’emmène dehors, lança le brun.
— Qu’est-ce qu-
— Miiko t’attend quoi, qu’elle s’évanouisse encore ? Elle a besoin de respirer là, ça lui fait sûrement trop d’informations d’un coup.
La femme chat hocha finalement la tête, tandis qu’aucun son ne pouvait désormais sortir de ma bouche. Eweleïn me détacha entièrement en quelques secondes, et le brun s’approcha de moi, me tendant la main.
Hors de question que tu me traites comme une demoiselle en détresse espèce de… machin. Je tentai de me relever et d’avancer, manquant de me retamer le nez contre le bâton magique-tout-feu-tout-flammes de la fameuse Miiko. Le brun me rattrapa de justesse d’une main ferme, par le haut de mon bras.
— Elle t’évite déjà au point de préférer se ramasser par terre, s’esclaffa l’elfe.
— La ferme Ez.
Avançant au rythme de Nevra-gros-melon-et-bottes-de-cuir, je ne prêtai pas attention aux lieux ni aux personnes que nous croisions, me focalisant uniquement sur ma respiration et cette vision floue que je tentai de retrouver nette. Après quelques minutes me semblant durer des lustres, le soleil m’aveugla, et une brise me caressa le visage. J’eus une respiration telle une personne sortant de la noyade, créant une expression de surprise sur le visage du brun à mes côtés. Tandis que je reprenais le contrôle de ma respiration adossée à une colonne, mon regard s’attarda sur son visage que je n’avais que brièvement regardé jusqu’à présent. Ses yeux étaient d’un gris perçant, enfin, son œil, étant donné que le second était vêtu d’un cache œil. Sa peau extrêmement pâle et nette, sans imperfection. Comme la plupart des créatures ici d’ailleurs, aucun défaut sur leurs visages, cette chance. Il fronça les sourcils, avant de finalement sourire. Il allait entamer une phrase mais je le stoppai en mettant mon doigt proche de sa bouche.
— Si c’est pour sortir une phrase à la gomme comme tout à l’heure, épargne-toi cet effort de suite.
Son sourire s’agrandissait finalement.
— J’allais seulement te demander, commença-t-il d’une voix suave.
Il s’approcha doucement de moi, avant de s’arrêter à mon oreille. Je sentis son souffle contre ma peau, m’arrachant un frisson.
— Si tu voulais de l’eau, termina-t-il dans un murmure avant d’éclater de rire.
Je me mise à rougir, honteuse de ma connerie, mais ne pu finalement m’empêcher de sourire le voyant s’esclaffer. Je hochai doucement la tête, tandis qu’il partait dans la direction opposée pour aller me chercher de l’eau à quelques mètres de là.
Je scrutai finalement les paysages aux alentours. C’est comme si la luminosité et les couleurs avaient été augmentées comme on le ferait sur un logiciel de retouches photos. C’était si beau, si coloré. Il y avait des arbres majestueux, des fleurs qui ne me disaient absolument rien. J’avais l’impression de voir la végétation du film Avatar.
Ma découverte se stoppa aussitôt lorsque je fis seulement quelques pas. Les voix reprirent de plus bel et une douleur me compressa au niveau des tempes. Je fis glisser mon dos le long de la colonne contre laquelle je me trouvai juste avant pour m’asseoir, avant de finalement prendre la tête entre mes mains.
Et la fameuse sensation que je redoutais tant fis son apparition. C’était rare. Mais lorsque ça arrivait, tout me semblait hors de contrôle. J’avais l’impression de ne plus être maître de moi-même. De me dédoubler. De m’absenter de ma propre conscience. Mon souffle commença à se couper de nouveau et ma vision se brouilla, me montrant comme une version nocturne de ce qui m’entourait. Ma poitrine me brûlait, intensément, m’oppressant à la fois.
Comme si quelque chose souhaitait surgir, en vain.
Chapitre 2
Galette on the statuette.
Galette on the statuette.
_
Après de longues minutes semblant durer des heures, une main se posa sur mon épaule, me sortant immédiatement de mon état second.
— Opale ?
Je levai les yeux et aperçu monsieur lourdaud, une expression d’incompréhension sur le visage. Je pris le verre d’eau qu’il tenait, avant de finalement me remettre debout. Il semblait vouloir me dire quelque chose, mais s’abstenu finalement en croisant mon regard.
— Je peux me reposer quelque part ? Lâchai-je finalement.
Il finit par hocher la tête avant de retrouver son sourire de tout à l’heure. Une fois arrivé dans le bâtiment dans lequel nous nous trouvions avant, il m’incita à rester dans le couloir, avant de se rendre dans une pièce – qui semblait être celle dans laquelle je m’étais retrouvé à mon arrivée, à en croire le peu que je pu entrevoir.
Ce n’était pas Nevra mais l’homme aux cheveux blonds qui ressortit finalement deux minutes après, me faisant un geste pour m’indiquer de le suivre. Après avoir traversé une longue allée de portes toutes identiques à quelques détails près, il s’arrêta finalement à la dernière qui se trouvait au bout de ce chemin.
— Voilà ta chambre, en attendant… de trouver une solution à tout ça, lâcha-t-il.
Cet ajout de fin de phrase, après ce qu’on avait pu me dire quelques heures auparavant, semblait totalement bidon et uniquement là pour me rassurer. J’avançai finalement dans la pièce, découvrant une chambre très… basique. Un simple lit en bois et son matelas, avec une couette qui semblait pliée en attendant de trouver un autre propriétaire. Rien au mur à part une peinture qui avait l’air de dater de l’an 40, et un simple placard pas plus gros que moi. Bon, de toutes manières, j’espère bien ne pas avoir à rester ici alors on va éviter de cracher là-dessus. Je le remerciai, avant de finalement me diriger sur le lit – aka le matelas le plus dur de l’univers – et m’y allongeai.
— On t’apportera de quoi te changer.
Je tournai ma tête dans sa direction.
— Tes vêtements ne se fondent pas dans la masse dans ce monde, souri-t-il doucement.
Je fis un simple mouvement de tête pour acquiescer avant de finalement me retourner attendant qu’il ferme la porte. Mes vêtements ne se fondent pas dans la masse, c’est bien la première fois que j’entends un truc pareil pour une tenue aussi basique que la mienne, à savoir jean-débardeur-baskets. Plus simple tu crèves. Mais c’est vrai qu’en repensant à leurs vêtements, ça n’y ressemblait clairement pas. Mais l’idée de ressembler à l’elfe qui vient de je ne sais où ce n’est pas mon délire non plus. Je lâchai finalement un soupir, espérant que me plonger dans le sommeil suffira à mettre fin à tout ça. Même si plus les minutes s’écoulaient, moins j’y croyais.
Je n’avais pu dormir finalement que quelques minutes, mes pensées angoissantes beaucoup trop actives pour trouver le sommeil. Deux-trois personnes étaient rentrées dans ma chambre, mais j’avais fait mine de dormir, afin de ne pas avoir à parler de quoique ce soit. Cette situation qui me semblait surréaliste me faisait peur. Ce monde me faisait peur. L’inconnu me faisait peur. Je me forçais à mettre des œillères par rapport à ce qu’ils avaient pu me dire et essayait de ne pas imaginer la possibilité de ne plus jamais regagner ma vie.
Une quatrième personne frappa à ma porte, tandis que je continuai de jouer ma scénette de l’interprétation du sommeil. Attribuez-moi le rôle de la Belle aux bois dormants, ça m’ira comme un gant.
Sauf que cette fois, j’entendis la personne s’approcher de mon lit.
— Opale ?
Je me retournai finalement, avant de me relever doucement, me sentant gêner de faire face à quelqu’un dans cette posture. C’était l’homme blond de tout à l’heure.
— C’est l’heure du dîner. Voudrais-tu te joindre à nous ?
Aller, va pour un mcdo Freddo.
Plus sérieusement, j’avais beau avoir les crocs, j’avais tout sauf envie de me retrouver en tête à tête avec eux. Je commençai à faire non de la tête, tandis qu’un sourire rassurant se dessina doucement sur son visage.
— Tu sais, je me doute que ta situation est plus que compliqué à encaisser, et je te promets que nous allions étudier ton cas pour voir de quelles solutions nous disposons pour que tu puisses récupérer ta vie. Mais ça ne servira à rien de te laisser mourir de faim et de rester dans cette pièce. Vois ça comme une… chance ?
J’arquais un sourcil. Une chance ? Il a fumé quel genre de plantes ?
— J’entends par là que tu as devant toi un monde que tu ne connais pas. Quand bien même tu ne t’y sens pas tout à fait à l’aise, tu peux essayer d’en découvrir un peu plus car tu ne sais pas pendant combien de temps tu vas être là. En vue de ton comportement actuel, je suppose que tu optais pour l’option rester ici sans sortir en attendant que ça s’arrange.
Eh bien, malgré mon amour de la bouffe, j’admets que c’est l’idée qui m’a traversé l’esprit oui. Je serais peut-être allé faire un tour dans vos cuisines cependant.
Je fis un sourire comme pour admettre qu’il avait raison.
— Aller, viens, tu n’auras pas à te mêler aux autres, tu resteras à notre table, donc seulement les personnes que tu as pu voir aujourd’hui. D’ailleurs, je réalise que personne ne s’est présenté. Moi c’est Leiftan. Je te dirais les noms des personnes présentes une fois là-bas. Tu veux bien me suivre ?
J’acceptai finalement.
— On t’a apporté des vêtements comme je te l’avais dit. Je te laisse te changer, j’attends derrière la porte.
Une fois qu’il fut dehors, je jetai un œil à la pile de vêtements. Je pris les vêtements qui me semblait être les plus…familiers disons. J’enfilai un pantalon marron sombre, plutôt serré, taille haute, dont deux détails de chaînes dorées ornaient la taille, ainsi que des liserés de la même couleur au niveau du bas. Je pris un haut parmi la pile, qui était d’ailleurs plutôt court, mais le haut de mon pantalon masquait mon ventre. Les manches longues étaient resserrés par des sortes de lacets, et le buste était vêtu d’un drapé, laissant les épaules dénudées. Je me rendis compte cependant qu’il y avait une ouverture au centre de mon haut. C’est une manie chez eux de mettre des ouvertures partout ? Tant pis, je vais garder cette chose vu la galère que ça a été à enfiler. Je terminai par des sandales, entièrement dorées, comme les détails du pantalon. Ces dorures aussi semblent être une habitude. Je sortis finalement de cette chambre, manquant de percuter Leiftan. Il se retourna, souriant. Cet homme est ravi de se faire bouler visiblement.
— Tu as probablement choisis la tenue la plus terrienne possible en utilisant nos vêtements, c’est amusant.
Je ne pus retenir un regard blasé, ce qui déclencha son rire.
— Suis-moi.
Je n’ai pas tellement le choix en même temps Michel, je te rappelle que je ne suis pas chez moi et que je serais sûrement capable de me diriger vers des toilettes en espérant y trouver la cantine.
— Aujourd’hui c’est un jour spécial de la semaine pour nous. Nous avons l’habitude d’organiser un divertissement le soir, de temps en temps, histoire de décompresser.
C’est parti pour faire la chenille avec des elfes.
— Ça permet à tout le monde d’apaiser les tensions des jours qui ont précédés. Entre, c’est ici.
J’avançai dans une pièce pleine à craquer. Tout le monde riait, parlait autour d’une table tout en mangeant leur plat. La bonne ambiance semblait régner, m’arrachant presque un sourire face à cette joie communicative. Mais la réalité de la situation me ramena très vite les pieds sur terre et mon sourire s’estompa aussitôt. Leiftan m’indiqua la table vers laquelle aller et je m’y dirigeai timidement. Durant le chemin pour y accéder, je croisai le fameux Nevra, entouré de deux filles qui avaient le comportement typique de demoiselles-charmées-souhaitant-passer-la-soirée-avec-ce-beau-mââââle. Tandis qu’il discutait joyeusement avec elles, j’entendis l’une d’elles lancer un « qui est-ce » intrigué, en regardant dans ma direction. Je me sentis rougir de gêne – c’est une routine chez moi n’est-ce pas – et je vis Nevra poser son regard sur moi qui avait l’air… étonné ? Je n’en sais rien, avec son cache œil je discerne qu’à moitié les émotions m’voyez ahem. Je baissai la tête et continuai d’avancer, ne voulant pas affronter une gêne supplémentaire. Je me retrouvai finalement face à ladite table.
Moi qui parlais d’éviter une gêne supplémentaire, avec le blanc que je viens de créer autour de cette table de par ma présence, c’est râpé. Leiftan m’énonça le prénom de chacune des personnes à cette table, tandis que je pris place à côté d’Eweleïn et d’une place vide. Elle m’accueilli d’un sourire chaleureux me demandant si ça allait.
Eh bien, j’ai le cerveau en bouilli à force de réfléchir à ma situation et j’ai envie de m’exploser la tête contre un mur, mais globalement, ça pète le feu.
Je me contentai de hocher la tête, n’ayant pas très envie que le moindre mot m’emmène désormais au lieu qui semblait être une infirmerie.
Chacun avait replongé à sa discussion, tandis que je jetais un regard à mon assiette, dans laquelle semblait se trouver une sorte de purée, peu ragoutante. Etant affamée, je mangeai tout de même et fus surprise de constater que ce n’était pas si mauvais. Ce n’était pas incroyable, mais c’était quand même mangeable. De toutes façons, je ne suis pas critique culinaire, je ne vais pas me permettre d’ouvrir mon clapet là-dessus. Je préfère me faire toute petite même. Disparaître tout court m’arrangerait plutôt bien. Tandis que j’avais terminé rapidement mon assiette, quelqu’un me fit sursauter en s’asseyant à côté de moi – et on s’étonne que je flippais toutes les secondes en regardant Conjuring. Ladite personne en question était Nevra, qui posa un bref regard sur moi, avant de regarder ses amis.
— Alors Nev, la pêche a été bonne ? Lança l’homme aux cheveux bleus, Ezarel.
— La ferme Ez, ce ne sont que des amies du QG.
— L’un n’empêche pas l’autre, s’amusa-t-il.
— Ezarel, on a une invitée, rétorqua Leiftan.
— Et alors ? Je n’ai rien dis de mal. Je suis sûr qu’elle a déjà cerné le caractère de Nevra à 8 kilomètres.
— Et quel est mon caractère ? Demanda le concerné.
— Un collectionneur de demoiselles aux répliques bien lourdes, répondit Ezarel d’un grand sourire.
Nevra souffla avant de démentir, et ils continuèrent de se chamailler encore quelques minutes.
— Et la nouvelle, elle a perdu sa langue depuis son Ô grand discours ? Lâcha Ezarel avec un regard de défi en ma direction.
— Lâche-la un peu, rétorqua Eweleïn. Elle vient d’arriver dans un monde qu’elle ne connaît pas pour ta gouverne, t’as aucune idée de ce que ça peut faire.
— Toi non plus que je sache. Puis elle avait la langue bien pendue tout à l’heure pour faire son monologue plaintif.
— Ezar-
— Quand j’aurais quelque chose d’intéressant à dire je te ferais signe, mais là tout de suite à part te dire de me lâcher la grappe, y’a rien qui me vient, finis-je par répondre en le regardant finalement.
Il fut étonné, puis se mit légèrement à rire.
Quelle répartie à chier je viens de pondre encore.
— Mais elle va même finir par mordre ! s’amusa-t-il.
— Bon Ezarel stop maintenant, l’arrêta l’homme aux longs cheveux nacrés, Valkyon.
— Décidément, vous avez enterré votre sens de l’humour ce soir. Je vais me chercher un verre avant que leur festivité ne commence.
— Fais donc ça.
A son retour, leurs conversations normales reprirent de plus belle. Je faisais tout pour être invisible. Je ne voulais pas qu’on essaie d’en savoir plus sur moi, sur ma vie. Je voulais qu’on m’oublie, qu’on m’ignore, au moins le temps de cette soirée. M’intégrer est probablement la dernière chose que je souhaitais.
Rabat-joie dites-vous ?
Oui.
Les Contes d’Hoffmann - Belle nuit Ô nuit d’amour - https://www.youtube.com/watch?v=7Oq6cRDuLTs
Tandis que tout le monde se retournait en direction du centre de la pièce pour voir le fameux événement de la soirée tant attendue, je restais du côté de mon assiette, le regard dans le vague, peu intéressée par ce qui pouvait bien se passer autour de moi.
Il paraît qu’une chanteuse allait interpréter diverses chansons. Bien que je m’en tapais royalement, je me demandais tout de même quel genre de musique pouvaient-ils bien écouter ici.
Alors que tout le monde acclamait sa venue, quelques notes se firent entendre et un frisson parcouru l’ensemble de mon corps. Je levai légèrement la tête avant de me retourner aussitôt d’un geste vif, sentant le regard de mon voisin se poser sur moi. Cette musique familière, je la connaissais. Très bien même. Elle venait de chez nous – ce qui m’étonnait d’ailleurs.
Chaque note me filait la chair de poule.
C’était le superbe morceau du film La Vie est Belle, qui était justement mon film préféré. Je l’avais écouté en boucle. Ce n’était pourtant pas mon genre habituel, mais elle était pour moi une merveille qui avait su accompagner le chef d’œuvre qu’était ce film.
Je remarquai que parmi les deux chanteuses qui allaient interpréter cette fameuse chanson, il y avait l’une des jeunes femmes à qui parlait justement Nevra tout à l’heure. La seconde se trouvait aux côtés des musiciens. Chacune des personnes ici présentes sur scène était d’une élégance incroyable. Leurs tenues étaient d’un blanc immaculé, dont le drapé me rappelait les tenues que l’on associe généralement aux déesses de la mythologie grecque. Leurs longs cheveux bouclés, ornés de fleurs, contrastaient sur le tissu de leurs robes.
Leur beauté naturelle était à couper le souffle.
Je me retournai complètement, m’installant plus doucement pour ne pas attirer de nouveau les regards sur moi, ne pouvant détacher mes yeux de la scène. Les deux femmes se mirent finalement à chanter.
« Belle nuit, ô nuit d’amour, souris à nos ivresses. Nuit plus douce que le jour, ô belle nuit d’amour. Le temps fuit et sans retour, emporte nos tendresses. Loin de cet heureux séjour, le temps fuit sans retour. »
Cette chanson qui avait déjà pour habitude de me toucher, me prit cette fois-ci à la gorge. C’était comme une claque supplémentaire pour réaliser ma situation. Cette chanson était une trace, une facette de mon monde, un clin d’œil de ma vie que j’ignorais retrouver. Malgré moi, les larmes me montèrent aux yeux, tandis que je tentai de les retenir le plus possible. Je ne pouvais pas dire si cela résultait de l’effet que me procure cette musique ou si mon cerveau réalisait seulement maintenant la gravité de ma situation.
Je sentis le regard de Nevra-plus-lourd-que-la-Lune se poser à nouveau sur moi.
Je maîtrisai mon souffle pour éviter que mes pleurs ne se déclenchent, mais une larme coula malgré moi le long de ma joue, tandis que je tentai de garder une expression stoïque sur le visage.
Je remarquai seulement maintenant, que ma bouche mimait ces paroles que je connaissais par cœur. Pas étonnant que l’autre casanova me fixait.
Je me stoppai finalement et me retenait de me retourner vers mon voisin, comme on le ferait par reflex en sentant les yeux de quelqu’un posé sur nous.
Les femmes terminèrent leur chanson, et pendant que tout le monde applaudissait, j’essuyais d’un revers de main les larmes qui avait échappé à mon barrage. Alors que je me retournai finalement vers ma place, mon visage croisa celui de Nevra, qui effectua le même mouvement que moi en direction de son assiette.
Il me perça de son regard d’acier, tandis que je sentis mon visage encore humide de mes larmes. Je me détournai finalement et pris le verre d’eau face à moi.
— Tu as bien dû te rincer l’œil Nevra, lança Ezarel.
— Pardon ?
— Bah tes deux prétendantes étaient sur scène.
— Ah oui… Oui elles étaient très belles.
— Très belles ? C’est tout ? Ou sont passées tes réflexions habituelles ? Tu les as laissés avec ta conquête de la nuit dernière ?
Eh bah, il enchaîne les conquêtes comme il change de chaussettes ma parole. A se demander s’il n’est pas fidèle qu’à son cache œil.
Tandis que tout le monde discutait chaleureusement, je demandais discrètement à Eweleïn si je pouvais regagner ma chambre. Elle m’y autorisa, me proposant de m’accompagner. Mais je l’incitais finalement à rester ici. De toutes manières ils se doutent que je n’allais pas chercher à m’en aller, ne connaissant absolument rien d’autres ici. Je me levais discrètement, tandis que les garçons riaient entre eux, me faufilant entre les différentes tables. Je rejoignais finalement le couloir que j’avais traversé avec Leiftan, cette fois-ci entièrement vide.
Alors que je regagnai ma chambre, je me stoppai net dans mon élan. J’avais certes envie d’être seule, mais cette pièce me foutait clairement le cafard.
Je décidai finalement de sortir, dans les fameux jardins dans lesquels Nevra m’avait emmené. Ma foi, j’avais finalement réussi à les retrouver sans trop de difficultés, moi qui pensais ne pas m’en rappeler vu mon état second à ce moment-là.
Je m’asseyais sur le rebord d’un petit étang et regardais les poissons nager gracieusement dans cette eau cristalline. La Lune accentuait la couleur nacrée de leurs écailles. Au même moment, j’entendis des rires que j’avais déjà entendu quelques heures auparavant. Je reconnus de loin l’une des deux jeunes femmes avec qui Nevra avait discuté – et qui accessoirement était l’une des chanteuses.
Ne voulant pas le croiser une nouvelle fois pour ce soir, j’envisageai de me cacher avant qu’il ne débarque ici avec la demoiselle.
Je regardai partout autour de moi, même l’étang.
L’étang, et puis quoi encore, c’est quoi cette idée de merde. Tu m’étonnes que j’ai toujours été la première trouvé au cache-cache. Je suis aussi douée à ce jeu qu’en mathématiques ma parole.
Dans la panique, je m’installai derrière une statue qui semblait représenter une sorte d’animal mi-lion mi…oiseau ? L’apparence de la statue importe peu dans ma situation vous me direz.
Les deux individus s’approchèrent près de l’étang. Alors qu’ils marchaient l’un à côté de l’autre, la jeune femme se retourna vers Nevra, avant d’enrouler ses bras autour de son cou, plaquant ses lèvres contre les siennes. Alors que Nevra parcouru sa taille de guêpe de ses mains.
Je regardai finalement dans une autre direction, ne souhaitant ne pas en voir davantage, au risque d’avoir la nausée. Puis ça me donne la terrible impression de n’être qu’un pervers dans sa cachette.
— Mords-moi, souffla la jeune femme.
C’est décidé, je vais vomir ici, sur cette étrange statue. Galette on the statuette.
Nevra ne sembla pas s’exécuter puisque la femme se répéta plusieurs fois, avant qu’il ne finisse par répondre par la négative. Partez, ça me gêne, je venais seulement prendre l’air et rassembler mes pensées. Pas écouter un porno.
J’eus une soudaine envie d’éternuer… que je ne pus retenir.
Pu. Tain. De. Merde.
Je n’en loupe pas une, vraiment.
Pour ma défense, c’est mauvais pour la santé de se retenir, ahem.
— Qu’est-ce que c’était ? Lança la femme.
— Attends-moi là, répondit Nevra.
Ô misère.
Vais-je avoir l’Oscar de la gêne dans une fraction de secondes ? Probablement. Je n’eus pas le temps de réfléchir trop longtemps que Nevra me trouva extrêmement facilement.
Wow. Etonnant vu ma cachette de compétition, j’en suis toute retournée.
L’expression de son visage dans un premier temps furax, fit place à l’étonnement voyant que ce n’était que moi.
— Qu’est-ce que tu fais-là ?
— Eh bien je… je prenais l’air.
— Derrière une statue ?
— Je prenais l’air avant qu’un événement que je ne souhaitais pas voir se déroule sous mes yeux.
Il eut un sourire amusé.
— Je n’avais pas tellement prévu de faire ça ici, si ça peut te rassurer.
— Très bien, enfin je veux dire, je m’en fous, peu m’importe, quoiqu’il en soit, je n’avais pas envie de voir la bande d’annonce de vos ébats.
— La quoi ?
— Laisse tomber, je ne voulais juste rien voir. Sur ce, je file et je vous laisse à… à vos affaires. Faites juste gaffe à pas tomber dans l’étang, ça serait franchement peu sympathique pour les poissons.
Il eut un léger rire, tandis que je m’en allais.
— Superbe vocalise, lançai-je amusée à la chanteuse, avant de m’en aller définitivement.
Bien évidemment que je parlais de la chanson, bande de chenapans.
Je retournai en direction de ma chambre, légèrement amusée par la situation, qui m’avait permise d’une certaine façon de penser à autre chose.
Tandis que je ne m’étais toujours pas assoupie, tournant depuis au moins deux heures dans mon lit, quelqu’un frappa à ma porte. J’enfilai rapidement mes vêtements que je portais durant la soirée, avant de finalement ouvrir.
Tiens, Nevra. Panne de capotes peut-être ?
— Tu t’es trompé de chambre ? Lui lançai-je.
— Non, du tout. Si tu veux tout savoir, ce qui s’est passé nous a coup-
— Alors non, je ne veux pas savoir, le coupai-je. Pourquoi t’es ici ?
— Je t’apportai ça.
J’écarquillai les yeux, voyant qu’il tenait mon sachet de pharmacie et mon baladeur dans ses mains. Dire que cette chose doit être l’élément le plus technologique actuellement dans leur monde. J’allais lui reprendre des mains aussitôt, tandis qu’il leva le bras, les objets hors d’atteinte étant plus petite que lui. Je vais l’étriper ce machin-chose. Tiens, je me demande bien ce qu’il est comme espèce lui d’ailleurs, il fait majoritairement humain par rapport à d’autres.
— Je gagne quoi en échange ? s’amusa-t-il.
— Absolument rien, ou une droite éventuellement.
Il eut le même sourire amusé, qui ne l’avait quasiment pas quitté de la journée, à chaque fois que je l’avais croisé. Il me tendit finalement mes affaires, voyant que j’attendais seulement, ne cherchant pas à faire quoique ce soit comme effort pour l’obtenir.
— Merci ! le remerciai-je avant de refermer ma porte, l’empêchant de poursuivre cette conversation.
J’étais tellement heureuse de retrouver mon baladeur, et le fut d’autant plus voyant qu’il n’était pas vidé de sa batterie. Je m’allongeai sur le matelas, que dis-je, le parpaing me servant de lit, avant de me plonger dans ma musique.
Chapitre 3
Bien vu Jean-Michel.
Bien vu Jean-Michel.
_
Deux jours s’étaient écoulés depuis mon arrivée. Journée se résumant à attendre le déluge dehors ou dans ma chambre, manger et dormir. Et ruminer. Ruminer l’impossibilité de rentrer chez moi. Leiftan était venu dans ma chambre pour justement me tenir au courant de tout ça. Il m’avait dit que pour le moment, le seul moyen qu’ils connaissaient pour me ramener chez moi était impossible à envisager actuellement, les ressources nécessaires étant difficile à obtenir. Après ça, j’avais passé mon temps principalement dans ma chambre, ne voulant croiser absolument personne. Cependant, je ne pouvais pas rester comme ça bien longtemps, et m’accrochais seulement à l’un des fragments de sa phrase.
« Pour le moment. »
Peut-être que je me voilais la face, mais c’est la seule chose qui m’empêchait de perdre complètement la boule à l’heure actuelle. Peut-être que ce n’était qu’une tournure pour mieux faire passer la pilule. Peut-être que ce moment se compte en mois, en années.
Mais je devais m’accrocher à cette idée, au moins pour ceux qui me sont chers.
Ce troisième jour – à se demander si je ne suis pas à deux doigts de les compter en les gravant sur le mur tel un prisonnier – je m’étais décidé à sortir de mon foutu trou et de me bouger. Je ne supportai pas l’inactivité.
A part m’enfoncer dans mes ruminations, ça ne servait absolument à rien.
Traversant le couloir, je tombai justement sur Leiftan et une femme à ses côtés, dont le bas du corps ressemblait à celui d’une biche. Ses yeux d’un bleu perçant se posèrent sur moi.
— Leiftan, je crois que cette demoiselle souhaite te parler, lança-t-elle.
Ne me dites pas qu’elle lit dans les pensées ? Sinon je vais devoir faire en sorte de ne pas penser trop de conneries.
Au même moment la mi-femme mi-biche me fit un sourire rassurant.
— Merci Nolhéa. On se revoit cet après-midi pour poursuivre cette discussion ?
— Bien sûr.
Nolhéa me salua d’un geste de la tête et je fis de même, tandis que le regard de Leiftan se posa sur moi.
— Je t’écoute, lança-t-il souriant.
Pour faire court, je m’emmerde à mourir.
— Est-ce qu’il y a un moyen que je me rende utile ici ? Car je pense que je suis à deux doigts de devenir complètement folle si je reste dans cette foutue chambre.
— C’est un peu plus compliqué que ça. Ici les personnes exécutant des tâches sont soit les seuls spécialistes dans leur domaine, soit ils font partis d’une garde et exécutent les missions qui y sont associées. Etant donné que les postes nécessaires à place unique sont déjà occupés, tu devrais rejoindre l’une des gardes afin d’exécuter certaines missions.
— Est-ce vraiment nécessaire de me faire entrer dans une garde sachant que je ne souhaite pas rester ici ?
— Eh bien…
— Non en fait je ne préfère même pas connaître la suite de ta phrase, je sens que ça risque de me déplaire. Comment rentre-t-on dans une garde ?
— Pour cela il faudrait que tu te rendes dans la bibliothèque.
— Tu sais à part ma chambre, les sanitaires, la cantine et les parcs, je ne sais absolument pas où est quoi.
Un sourire amusé se dessina sur son visage.
— Il faudrait que quelqu’un te fasse visiter notre QG. Actuellement je n’ai pas vraiment le temps, mais je peux au moins t’indiquer la bibliothèque.
Je fis un hochement de tête avant de le suivre. Nous arrivions dans une pièce dont les murs étaient littéralement tartinés de livre en tout genre – bien vu Jean-Michel puisque c’est une bibliothèque.
Deux jeunes femmes étaient présentes, l’une avait de longs cheveux roux ainsi que des oreilles de lapin plutôt conséquentes. La seconde à la longue chevelure blonde, était partiellement recouverte d’écailles vertes et dorées, dont les yeux étaient identiques à ceux d’un serpent.
— Yhkar, Sayine, je vous confie Opale. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de vous croiser, mais elle est une terri-
— Bon sang mais que fait-elle parmi nous ?! Vous êtes complètement inconscients ma parole ! Il faut en parler à Mi-
— Miiko est déjà au courant depuis trois jours Yhkar. Là je vais la tenir au courant concernant cette démarche de l’inclure dans une garde, le temps que l’on trouve une solution pour la ramener chez elle.
— Mais Leiftan…
— Yhkar. Fais ce qu’on te demande, s’il te plaît.
La lapine soupira, avant de finalement accepter. Leiftan se retira dans la pièce, tandis qu’un silence pesant s’installa.
— Opale c’est bien ça ?
— Oui.
— Est-ce qu’on t’a parlé des gardes ou tu n’en as pas la moindre connaissance ?
— Je viens d’apprendre que votre monde est composé de gardes il y a seulement deux minutes, donc…
— Tu n’y connais rien.
— Absolument rien.
Yhkar soupira.
— Sayine, explique-lui brièvement les gardes en attendant que je retrouve les formulaires.
— Très bien.
Sayine m’invita à m’asseoir, tandis qu’elle prit place en face de moi.
— Notre QG est composé de quatre gardes, l’Etincelante, l’Ombre, l’Absynthe, l’Obsidienne. L’Etincelante est celle qui dirige les trois autres gardes, Miiko en est la cheffe et les chefs des trois autres gardes composent également l’Etincelante.
C’est un sacré bordel dites-moi, j’acquiesçai mais j’avouerai qu’elle commençait déjà à me perdre avec tous ces machins.
— La garde Absynthe est dirigée par Ezarel, cette garde s’occupe de toute la partie… alchimie disons.
Je vois. Ezarel Halliwell avec son livre des ombres mouhahahaha.
Pardon.
— La garde de l’Ombre s’occupe essentiellement de missions d’infiltrations, afin de récolter diverses informations notamment, elle est dirigée par Nevra.
Nevra ? Ce mec semble tout sauf discret, on marche sur la tête ma parole. M’enfin, c’est leur problème.
— L’Obsidienne quant à elle est spécialisée dans le combat, et elle est dirigé par Valkyon. Cependant chacune des gardes doit être capable de se battre, de se défendre et d’intervenir dans des missions disons… plus délicates.
Tout cela, ne me dit rien qui vaille. Déjà, je suis une brêle en sciences, maladroite comme deux pieds gauches et je n’ai jamais eu la moyenne en sport. Donc franchement, je crois que dans tous les cas, je serais élue reine des boulets.
Telle un timing parfait, Yhkar me mit le formulaire sous le nez.
— Ce formulaire nous permet de t’évaluer selon ton caractère, tes compétences, tes aptitudes, afin de nous concerter pour voir quelle garde te correspondra le mieux. Il faut que tu sois à cent pour cent honnête avec nous. Ce formulaire sera lu par Miiko ainsi qu’un médiateur neutre, probablement Leiftan pour aujourd’hui, afin d’évaluer tout cela de façon objective. Puis, le chef de la potentielle garde est convoqué afin qu’il confirme si ton profil correspond.
Je balayai rapidement les questions, qui étaient plutôt basiques en soit. Nous devions nous confier sur notre caractère, nos hobbies, nos compétences, nos atouts… Mais mon visage se crispa sur les dernières questions.
Nos peurs et nos faiblesses.
Et il fallait être totalement honnête pour ne pas falsifier le formulaire.
En soit… qui sait combien de temps je serais auprès de ces personnes, puis seules trois d’entre eux me liront. Je suppose qu’avec leur rang ils sont capables de garder tout ça pour eux.
Yhkar me tendit une plume pour rédiger mes réponses. Ça y est, je suis à deux doigts de me prendre pour un grand écrivain de l’époque, éclairé par sa bougie et vêtu d’un pseudo-béret.
Oui cette phrase est absolument clichée. Penchons-nous sur ce formulaire.
Alors « décrivez-nous votre caractère en citant autant les défauts que les qualités. » J’ai l’impression de revenir à des vieux questionnaires de test d’orientation, pour nous aider concernant les études supérieures. Autrement dit, un formulaire aussi utile qu’un tapis.
Humour décapant ça rentre en ligne de compte pour les qualités ?
Bon, d’accord, restons sérieux. Je remplissais le questionnaire de façon la plus transparente possible, m’adaptant à ce qui pourrait être utile par rapport à leur monde concernant les compétences, bien que je ne connaissais encore rien d’ici vous me direz.
Puis vint le moment des questions des faiblesses et des peurs. Après un soupir exaspéré, je me résignais à rédiger ces choses que j’avais tendance à enfouir au plus profond de moi-même.
La peur d’être faible.
« T’es bizarre. »
La peur de la perte de contrôle.
« C’est une tarée. »
La peur de ne plus savoir qui je suis.
« Elle n’est vraiment pas normale. »
La peur d’oublier.
« Pourquoi elle est avec nous ? »
La peur de sombrer dans la folie.
« Elle devrait être internée non ? »
Je lâchai une longue expiration, fermant les yeux, tentant de balayer ses souvenirs de mémoire qui m’empêchait de me concentrer.
Mes faiblesses maintenant.
Mes peurs justement. Et mes défaillances psychologiques qui ne portaient encore pas de nom.
« Elle ne sera jamais comme nous. »
La main légèrement tremblante d’avoir rédigé ces phrases, me laissant la terrible sensation d’avoir eu une brève discussion avec mes démons, je rendis le formulaire à Yhkar.
— Merci Opale. Miiko reviendra vers toi lorsqu’elle aura tes résultats définitifs.
Je la remerciai, m’apprêtant à sortir, quand Sayine me stoppa dans mon élan.
— Au fait Opale !
— Oui ?
— Bienvenue parmi nous, me lança-t-elle d’un sourire chaleureux, contrastant avec ses yeux glaçant le sang.
Son aura apaisante me sortit de mes pensées négatives. Face à son expression communicative, un sourire se dessina finalement sur mon visage.
— Merci.
Le reste de la journée se résuma aux précédentes : tourner en rond dans les parcs, retourner à ma chambre, espérant avoir une idée lumineuse d’activité à faire – quelle bonne blague.
Alors que je m’apprêtai à me rendre à la cantine pour le repas, je manquais de me prendre Miiko de plein fouet en sortant de ma chambre. Je ne pus retenir un sursaut de surprise alors qu’elle n’avait pas bougé d’un cil, ni même eut quelconques expressions de surprises sur le visage.
— Opale, je souhaitais te voir po-
— Pour le résultat de la garde.
— Exactement. Est-ce que tu veux bien me suivre ?
Nous nous rendions en direction de la fameuse salle dans laquelle je m’étais trouvé à mon arrivée. J’étais une nouvelle fois émerveillée par la beauté de la pièce. Du cristal qui la dominait. Mes pensées furent cependant rapidement interrompues par la voix de Miiko.
— Leiftan est également présent étant donné qu’il était le médiateur neutre pour délibérer entre les trois gardes. Nous allons donc t’annoncer ta garde et expliquer notre choix, mais aussi t’en dire davantage sur ton rôle. Leiftan ?
— Opale, tu as donc été admise pour la garde de l’Ombre. Tes qualités telle que la réserve, la discrétion, l’écoute, la minutie sont extrêmement intéressantes pour cette garde. De même pour tes compétences, par rapport à la pratique de la gymnastique, Yhkar nous a expliqué en quoi cela consistait réellement dans ton monde, et ce genre d’atout peut être très intéressant dans cette garde.
Je ne pensais pas que ce truc me serait utile un jour pour quoique ce soit. Est-ce que je lui dis que malgré la gymnastique j’ai la souplesse d’un éléphant ? Non, n’en rajoutons pas.
— Tes défauts ainsi que tes faiblesses ne sont pas spécialement inadéquates avec ce qu’attend cette garde. Nous nous sommes également basés sur la façon dont les chefs dirigent leur garde. Evidemment, il y a des choses sur lesquelles tu devras travailler, comme ton manque de force – si je reprends tes propos, ta maladresse, mais cela n’a pas eu l’air de trop déranger Nevra, en vue de l’ensemble de ton profil.
Tiens, je n’avais même pas réalisé que c’était donc lui qui avait eu le privilège de lire mon formulaire. Il a bien dû se marrer intérieurement, vu le personnage.
— C’est un chef assez… strict, ajouta Miiko. Il souhaite que chaque individu au sein de sa garde se surpasse et donne de son maximum. Néanmoins, il reste assez compréhensif et à l’écoute.
— Il est nettement moins buté qu’Ezarel par exemple, lança Leiftan avec une mine amusée.
— Il faudra également que tu t’entraînes avec Nevra et certains membres de ta garde pour voir ce qu’il faut retravailler et quelle arme te serait utile.
Arme ? Moi avec une arme ? Pourquoi faire ? Vous êtes au courant qu’en mettant une arme entre mes mains le taux d’accidents potentiellement mortels risque d’augmenter en masse ?
— Je crois que c’est à peu près tout pour le moment. Désormais lorsque tu auras un problème, tu te tourneras principalement vers Nevra. J’ai déjà assez de choses à gérer comme ça, je n’ai pas besoin d’une terrienne à ajouter à ma liste.
Je ne pus retenir un sourire narquois. Je ne lui ai rien demandé jusqu’à présent que je sache. Ça ne doit pas être toujours la joie au sein de leur garde tient. Je ne lui laissai pas le temps d’ajouter quoique ce soit que je me retirai de la pièce.
Je me dirigeai vers la cantine, mon ventre criant famine, tandis que je percutai quelqu’un. Décidément c’est une manie, j’attire les gens comme des aimants ou quoi pour toujours me cogner dans quelqu’un. A deux doigts de me convertir en bougie à la citronnelle pour appâter les moustiques.
Quoique, ça arriverait nettement moins souvent si je n’avais pas continuellement le regard dans le vague depuis deux jours. Je relevai la tête et constatai qu’il s’agissait de la fameuse chanteuse de l’autre soir. Je m’excusai et m’apprêtait à aller me rassasier, quand elle me stoppa.
Personne ne veut que j’aille bouffer en fait ?
— Excuse-moi, c’est bien toi la jeune femme du parc qui était derrière la statue l’autre soir ?
C’est gênant comme réputation. Dites, c’est bien vous le pervers qui était planqué derrière la statue ?
— Oui, je suis désolée je ne voulais pas vous interrompre.
— Je t’avoue que ça m’a un peu perturbée ahah ! D’autant plus que Nevra a coupé court à nos… projets. Donc je me demandais, même si jusqu’à présent rien ne me laissais penser ça mais, s’il y avait quoique ce soit avec Nevra ?
Quoique ce soit avec Nevra ? De ? Ne me dites pas qu’elle parle de ce que je crois ?
Seigneur. Elle est dingue.
Je ne pus m’empêcher de retenir mon rire lorsque je réalisai le fond de sa question. Nous sommes dans une mauvaise comédie ma parole.
— Je t’arrête tout de suite, je ne connais pas plus Nevra que toi, alors il n’y a vraiment rien du tout avec lui, détend-toi. Je viens juste d’arriver.
— Oh excuse-moi, je l’ignorais ! Je suis désolée de t’avoir dérangé avec ça, ajouta-t-elle d’une voix extrêmement douce. Après, avec ce qu’il m’avait dit je m’en doutais mais je préférais être sûre.
— Ce qu’il t’a dit… ?
— Oui, l’autre soir, avant le spectacle, je discutais avec lui et une amie. Ton visage ne me disait rien donc je lui ai demandé qui tu étais, étant donné qu’ils sont davantage au courant de ce qu’il peut se passer ici. Et il m’avait répondu « c’est rien, c’est personne » donc je ne savais pas si c’était une façon de changer de sujet car il était mal à l’aise ou b-
— D’accord, je vois, ne t’inquiètes pas, il a bel et bien trouvé le mot juste en disant ça. Tu peux plonger dans ses bras sans inquiétudes, maintenant tu m’excuseras, la nourriture m’appelle.
— Je vois ahah, belle soirée à toi !
— Toi également.
Je me dirigeai enfin vers cette fichue cantine, légèrement blasée. Alors. Oui. Je dois bien admettre que la phrase de l’autre lourdaud m’a un chouilla vexée. Certes, je ne suis personne pour qui que ce soit ici, ça j’en ai bien conscience. Mais, même moi qui suis pourvue d’une maladresse incroyable pour dire les choses, je ne qualifierai pas un inconnu de « personne ». Ça coûtait quoi à ce goujat de seulement dire « une nouvelle » ou « une terrienne » ou que sais-je.
Je ne suis pas un putain de pot de chambre nom de Zeus.
Oui je m’emporte pour rien, c’est la faim m’voyez. Mais je suis un tantinet vexé. Mon chef de garde semble n’être qu’un con de dragueur pour qui je ne suis désormais qu’un pion dans sa joyeuse partie d’échec.
Sur ce, je pars me noyer dans mon verre d’eau et ces pseudos œufs brouillés qui semblent extrêmement louches et indigestes.
Chapitre 4
Pirouette balayette dans ta tête.
Pirouette balayette dans ta tête.
_
Quelques jours s'étaient écoulés depuis mon admission à la Garde de l'Ombre. Je n'avais toujours pas croisé Nevra depuis, ce qui n'était pas plus mal car j'admets que la réflexion qu'il avait eu à mon égard m'avait légèrement déçue.
Ce n’est pas grand-chose vous me direz, mais disons que ça avait quelque peu modifié l'image que j'avais de lui, qui n'était déjà pas très brillante. Aujourd'hui avait lieu le fameux entraînement de la garde, auquel tous les membres n'étant pas en mission devait participer. J'allais donc être très probablement le seul boulet de la journée.
Au milieu de l'après-midi, je me rendis au lieu de rendez-vous pour m'entrainer, appréhendant ce qu'il m'y attendait. Je fus surprise de voir qu'il y avait pas mal de membres présents, ce qui me rassurait d'une certaine façon : moins de chance d'être le centre de l'attention.
Je m'immisçai discrètement dans la foule et fut surprise par une demoiselle qui m'accosta quasiment aussitôt.
— C'est toi la fameuse terrienne ? me lança-t-elle d'un grand sourire qui me paraissait familier.
J'acquiesçai doucement, intimidée par le personnage. Elle semblait plus jeune que moi, mais dégageait une confiance en elle débordante. Son visage solaire se dessinait en un regard émeraude, un sourire malicieux et une peau semblable à de la porcelaine.
— C'est Sayine qui m'en a parlé ! Je suis facilement au courant des nouvelles recrues vu qu'elle se charge des admissions. Moi c'est Karenn ! Continua-t-elle joyeusement.
— Opale.
— Bienvenue parmi nous en tout cas ! Bon t'as malheureusement intégré la garde dirigée par mon frère, c'est un goujat mais on s'y fait vite t'inquiète pas.
Je sens déjà qu'elle va me plaire.
Son rire entraîna le mien mais la voix du Ô grand manitou nous stoppa.
— Merci de vous être dégagé du temps pour cet entraînement. Pour ceux nous ayant rejoint il y a peu, nous allons revoir les bases. Les autres vous allez approfondir vos compétences en autonomie, je passerai vous voir après, pour faire le point avec vous. Ceux concernés par les bases, venez me rejoindre à ma droite. Les autres, vous savez ce que vous avez à faire.
— À plus tard, et bon courage surtout, me murmura Karenn avant de me faire un clin d'œil.
Je lui répondis d'un sourire, avant de rejoindre le groupe des débutants. Nevra m'adressa un sourire...
Que je ne lui rendis pas, avant de détourner le regard.
Laissez-moi faire ma rabat-joie avec ce lourd dingue. Nevra nous demanda de faire des binômes. Un jeune homme s'approcha de moi timidement, me demandant si nous pouvions faire équipe. J'allais accepter, quand l'autre saucisse se ramena finalement.
— Non Logan tu iras avec Loa si ça ne te dérange pas. Opale est la dernière recrue, donc je préfère m'entraîner avec elle pour le premier cours. Afin d’évaluer ses aptitudes.
— Pas de problème, répondit le concerné avant de s'éloigner.
Nevra me regarda à nouveau avec ce même sourire qui me laissait absolument stoïque.
— Testons les compétences de notre gymnaste.
Pas de soucis, pirouette balayette dans ta tête.
Bon ok, j'arrête.
— Je veux tester dans un premier temps ta défense. Je vais te faire diverses attaques, tu vas devoir les éviter.
Je me contentai de hocher la tête et il débuta son exercice. Jusqu'à présent, j'arrivais à anticiper et éviter l'ensemble de ses mouvements, mais au fur et à mesure des attaques, ses gestes furent de plus en plus rapides, et sans trop comprendre comment, je finissais à terre.
— C'était un bon début. Tu as quasiment esquivé l'ensemble de mes attaques. Maintenant, voyons voir comment tu te défends.
COMME UN HOMME, SOIT PLUS PUISSANT QUE LE COURS DU TORR-
Ahem. Comme une brêle bien évidemment, j'ai fait gym, pas boxe Jean-Michel.
Sans trop de surprises, je me faisais plus de mal que je ne lui en faisais. Mes attaques étaient absolument... minables. Je me suis tellement mangé le sol que c'est étonnant de ne pas y voir l'empreinte de mon derrière. Alors que je tentai de me concentrer le plus possible sur ses mouvements afin de les anticiper au mieux, je sentis une de mes crises faire son retour.
Ma vision se troublait, m'obligeant à cligner plusieurs fois des yeux, comme si cela y changeait quelque chose, en vain. Ma respiration se fit de plus en plus courte, mais je ne m'arrêtais pas pour autant. Néanmoins, le flou prit de plus en plus place dans mon champ de vision et les couleurs vrillaient de nouveau, telle la vision nocturne d'un animal.
Je me maîtrisai au maximum afin que Nevra ne remarque rien. Cependant, déjà que mon niveau était absolument nullissime, le handicap qu'entraînait ma vision rendait la tâche encore plus difficile. Sans m'en rendre compte, un de ces coups me fit violemment tomber à terre, ma tête manquant de percuter le sol dû à mon manque d'équilibre qu'entraînait ma crise. Alors que je repris doucement mon souffle au sol, Nevra se pencha vers moi, un air inquiet sur le visage.
— Ça va aller ?
— Qu'est-ce que ça peut bien te foutre, murmurai-je.
— Pardon ?
— Qu'est-ce que ça peut te foutre comment je me sens, lâchai-je de nouveau tout en restant calme pour ne pas attirer l'attention.
— Il y a un problème avec moi ?
— Aucun.
— Alors pourqu-
— Les personnes dans ton genre me sortent par les yeux, rétorquai-je en me relevant.
Il se stoppa net, surprit.
— Les personnes dans mon genre ?
— Oui, le genre de lourdaud à draguer tout ce qui bouge et à considérer les gens à moins que rien, juste devant les beaux yeux d'une demoiselle qu'on a envie de mettre dans son pieu.
— De quoi tu p-
— Demande à l'autre Castaphiore si ta mémoire est floue. Mais de toutes manières, je ne sais même pas pourquoi je m'énerve, évidemment que j'suis rien du tout, je n’ai rien à foutre là.
Il s'apprêtait à ajouter quelque chose, comme s'il venait de comprendre ce dont je parlais, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
— Puis merde, soupirai-je avant de me relever.
Sans attendre son autorisation, je me dirigeais vers la sortie, la tête à deux doigts d'exploser à cause de la douleur que me provoquais ma crise.
Je me stoppai finalement contre un mur, me tenant la tête entre mes mains.
Je ne savais même pas pourquoi je lui avais parlé de ça, alors que je m'en tapais royalement qu'il me considère comme un chiffre de plus dans sa garde. Mais mes crises avaient le don de me rendre agressive pour un rien, et les reproches avaient tendance à retomber sur la personne en face de moi. Bien qu'au final, je réalisai que sa phrase m'avait tout de même plus marquée que prévue. Ne pas connaître ce monde, c'est quelque chose de déjà pas simple à digérer, mais en plus si notre existence est réduite à un grain de sable, c'est, pour ainsi dire, pas génial.
Alors que je tentai de retrouver mes esprits, j'entendis quelqu'un s'approcher doucement de moi. Dégageant légèrement mon visage de mes mains, je vis qu'il s'agissait de Sayine.
— Tu veux prendre l'air ? Me proposa-t-elle.
J'acceptais finalement, la suivant dans un coin du parc que je n'avais pas encore visité. Il n'y avait personne, aucun bruit en dehors du chant des oiseaux. Cet espace était dominé par un très grand arbre, qui n'était certainement pas sur Terre, mais qui me rappelait le saule pleureur. Celui-ci était orné de diverses fleurs, d'un mauve apaisant.
De longues minutes s’écoula, sans que nous ne disions rien. L’air frais m’avait permis de me calmer et de retrouver un souffle normal.
— Tu sais, j’ai un peu débarqué de nulle part moi aussi, commença-t-elle.
Mon regard se posa sur elle, étonnée.
— Ne fais pas cette tête, je n’avais pas cette allure là à l’époque. Je ne suis pas terrienne, mais je viens d’un autre monde. Il y en a bien plus que l’on pense, Eldarya m’a permis de réaliser cela.
— Tu n’y es jamais retourné ?
— A vrai dire non, pour la bonne et simple raison que j’étais extrêmement jeune quand j’ai débarqué ici. J’ai donc grandi ici, sans réel manque. Ce sont les membres de la garde d’Eel de l’époque qui m’ont raconté mon arrivée. Je me suis retrouvé, du jour au lendemain, dans un des jardins. Je n’appartenais à personne, ils ont très vite deviné que je ne venais clairement pas d’ici.
— Tu ne sais pas d’où tu viens ?
— Non, je n’ai jamais pu retrouver mes origines, malgré nos nombreuses recherches. J’avais pourtant comme des flashs de certains lieux, mais ça n’a pas été suffisant pour déceler de quel monde je venais. Puis au final, mes aptitudes de reptiles ont été utiles à la garde, on a fini par conclure que je n’avais pas été envoyée ici par hasard. Certains de mes dons ont permis d’aider la garde pour de nombreux conflits.
Sayine avait le regard perdu dans ses souvenirs, comme un sourire nostalgique sur le visage. Elle posa finalement ses yeux sur moi.
— Je pense que c’est pareil pour toi, ajouta-t-elle finalement.
— Comment ça ?
— Ta présence ici. Pour moi, tout arrivée comme la nôtre dans un autre monde à forcément un sens, un but. C’est bien trop difficile d’arriver ici pour que ce soit une simple erreur. Mais je me doute que ce soit nettement plus douloureux à digérer comme idée. Tu as beau être jeune, tu restes une adulte qui a eu le temps de commencer sa vie sur la Terre, qui a une famille, des amis. J’espère que tu trouveras très vite la raison à ta présence ici en tout cas.
Je ne savais quoi répondre à ça, les pensées trop embrouillées pour dire quelque chose de logique. Elle se leva finalement, avant de se tourner vers moi.
— Je dois y aller, Yhkar va m’incendier à force, j’ai bien trop tendance à m’absenter, s’amusa-t-elle. Ce soir on se retrouve avec deux-trois amies, je passerais te chercher, si jamais ça te dit de te changer les idées un peu.
— Je t’avoue qu-
— Réfléchis-y avant de refuser, me coupa-t-elle d’un clin d’œil. A plus tard Opale !
Je lui répondis d’un geste de main, tandis qu’elle s’en alla du parc. Je repensais à son histoire et son hypothèse, que ma présence tout comme la sienne avait une signification. Pour elle aucun doute, étant donné ses capacités surnaturelles. Mais pour ma part, je ne vois pas ce qu’une humaine tout ce qu’il y a de plus banale pourrait apporter à ce monde. Je n’ai jamais eu le moindre don ni la moindre faculté particulière.
Je ne sais même pas siffler, ni même former un U avec la langue, c’est vous dire.
Retournant à ma chambre, mes pensées m’assommèrent malgré moi, me plongeant dans une sieste à durée indéterminée.
Un frappement à ma porte me sortit finalement de ma sieste, qui semblait presque avoir dévié en nuit de sommeil.
— Opale, c’est Sayine.
Je m’étirai, avant de finalement aller lui ouvrir, probablement avec une mine de pâté en croûte.
— Au réfectoire, dans 20 minutes, je compte sur toi ?
— J’ai bien l’impression de ne pas avoir vraiment le choix, lui répondis-je d’un sourire amusé.
— En effet, je peux me montrer très têtue, fit-elle d’un grand sourire dévoilant ses dents dont deux ressemblaient à des crochets de serpent.
— Je me change et j’arrive.
— Parfait ! A tout de suite ! lança-t-elle joyeusement avant de refermer la porte.
Etant peu motivée par la soirée, je ne cherchais pas compliquer, prenant un pantalon noir taille haute, avec des détails dorés comme ils semblaient aimer ajouter à l’ensemble de leur vêtement, un body noir col roulé, mêlant tissus opaque et dentelles, ainsi qu’une espèce de paire de cuissardes.
Je sortis finalement de mon trou, avant de rejoindre Sayine à l’entrée du réfectoire. Elle était absolument magnifique. Elle portait une robe cuivre, mélangeant tissus métalliques et transparence, contrastant avec les écailles de sa peau. De nombreux bijoux dorés ornaient ses bras et ses cheveux étaient rassemblés en un chignon que j’aurais été incapable de reproduire. Son regard souligné d’un trait de liner se posa sur moi.
— Ah Opale ! Viens je t’attendais, je vais te présenter à mes amies.
Sayine m’attrapa le bras avant de se faufiler parmi la foule. Elle s’arrêta dans un coin où se trouvait deux jeunes filles, dont une que j’avais déjà vu plus tôt dans la journée : Karenn.
— Oh tient Opale ! Comment ça va depuis tout à l’heure ? me lança d’emblée cette dernière.
— Vous vous connaissez ? s’étonna Sayine.
— Oui ! On s’est vu à l’entraînement de notre garde. Mais on a été vite séparé à cause des groupes.
— Ah d’accord je vois, par contre tu ne connais pas Caméria ?
— Non on ne s’est jamais vu, enchantée Opale ! répondit cette dernière.
— Enchantée également, lui souriais-je.
Caméria était un vrai rayon de soleil, souriante, elle dégageait immédiatement de la sympathie. Cette dernière avait la peau entièrement faites de bois, et un arbre de la taille d’un bonzaï semblait relié à son dos.
Très vite, la soirée ressembla à celles que l’on pouvait avoir sur Terre : fous rires, papotages sur divers sujets futiles, sans oublier certains potins lâchés par Karenn, dont le cerveau semblait être une véritable mine d’or à ragots.
Tandis que les verres s’enchainaient, ces dernières se dirigèrent vers la piste de danse qui avait été instaurée au centre du réfectoire. Je les suivais mais me stoppais finalement nette, voyant la foule qu’il y avait et qu’il semblait s’agir d’une danse « connue » dans leur monde. Ils exécutaient tous leur danse en binôme, créant une harmonie parfaite. C’était beau à voir, entre le décor de ce lieu, leurs vêtements, les musiciens et la beauté de chaque créature présente. Tout le monde semblait heureux, s’amusait, riait. Je voyais les trois filles rires aux éclats, car Sayine se retrouvait visiblement avec un garçon lui plaisant bien. Cette dernière faisait des sortes de clins d’œil amusés aux filles, qui, quant à elles, dansaient ensemble. Je souriais face à leur joie communicative, qui me permettait de mettre des œillères par rapport à la situation. Mais quelqu’un, que je ne connaissais absolument pas – comme quasiment tout le monde ici d’ailleurs – me sortit très vite de ma rêverie. L’homme possédait des cornes et une musculature impressionnante.
Il semblait néanmoins, comment dire, légèrement torché.
— Bah alors ma petite demoiselle, on ne participe pas aux festivités ?
Shawn James – The Curse of the fold – https://www.youtube.com/watch?v=RJrgpLvhYmk&ab_channel=ShawnJames
Je n’eus pas le temps de répondre que ce dernier me poussa en direction de la piste, plus loin que je ne l’aurais cru, m’offrant un face à face avec un dos assez violent. Alors que je rougissais d’avance de honte, préparant mes excuses, la personne en question se retourna et ce n’était autre que cet adorable Nevra-qui-me-trouve-aussi-utile-qu’une-passoire. Dis donc, la chance est au rendez-vous dites-moi depuis une semaine. C’est quel genre de poisse qui me colle aux baskets ?
Il fut dans un premier temps surprit, mais voyant que la danse s’enchaînait, il me prit par la main, avant d’entamer ces pas que j’avais à peine mémoriser en regardant seulement la foule.
Bordel de bordel. La situation est d’une gêne indescriptible.
Déjà, danser avec son chef de garde, c’est bizarre.
Encore plus quand vous avez eu une embrouille avec ce même chef.
Et d’autant plus quand vous dansez comme un pied.
Je tentai tant bien que mal de suivre les mouvements de foule, commençant à mémoriser de plus en plus. Etant donné que jusqu’à présent, mon regard se posait essentiellement en direction du sol, totalement honteuse et mal à l’aise, j’avais tendance à manquer de me ramasser plusieurs fois. Tandis que je me concentrais tant bien que mal pour suivre à peu près la cadence, je sentis la main de mon partenaire se placer doucement sous mon menton, afin de m’inciter à le regarder. Nos regards se croisèrent enfin à nouveau. Surprise, je remarquai que je n’avais même pas réalisé juste avant qu’il n’avait plus son cache-œil, tellement je voulais éviter son regard. L’on pouvait désormais voir son deuxième œil, dont le gris était plus clair que l’autre, presque blanc. Les parties de peau de son œil était traversée par une cicatrice, comme si une lame avait longé son œil. Je masquai néanmoins tant bien que mal ma surprise, le regard ne quittant pas le sien, avec une expression toute aussi stoïque que la sienne.
Mon bras levé formant un angle droit contre le sien, alternant avec l’autre après un demi-tour, je commençais à m’adapter à cette danse. Je ne saurais dire pourquoi, je sentais une sorte de sentiment de haine monter en moi, rendant l’ambiance électrique entre nous. Je sentis mes sourcils se froncer et mes traits se tendirent malgré moi, tandis qu’une vague de chaleur grandissait de plus en plus dans ma poitrine. Mes gestes étaient précis mais brut, comme si la colère se dégageait, que mon corps parlait à ma place. Je remarquai que mon partenaire était étrangement dans le même état. Son expression était tout aussi froide, ses muscles tendus, ses gestes rapides, ses mouvements secs. Comme si la rage nous habitait, sans aucune raison apparente.
Je réalisai quelques secondes plus tard, que nous étions désormais les seuls à danser et que les regards semblaient se poser sur nous. Je ne pouvais pas réellement l’affirmer, ne pouvant dégager mon regard du sien. J’avais de plus en plus la sensation de perdre le contrôle, mais de rester malgré ça maître de mon corps. C’était encore une sensation que je n’avais pas expérimenté malgré tout ce que pouvait me faire voir mon trouble. Désormais, les mouvements étaient comme automatiques, mais plein d’émotions, une colère que je n’expliquai décemment pas se dégageait de moi, de nous.
Comme les mouvements de cette danse l’imposait, Nevra me prit par la taille, me levant légèrement tout en tournant. La chaleur venant de ma poitrine se dégageait dans tous mes membres et je me rendis compte qu’une voix avait refait son apparition dans ma tête. Comme à mon habitude, je ne comprenais pas ce qu’elle me disait. Mon esprit était tellement occupé par le moment que mon corps semblait plus vivre que moi, que je n’y prêtai pas autant attention que d’habitude.
Tandis que le rythme de la danse semblait s’accélérer, la voix fit place à quelque chose de nouveau : un hurlement. Non. Un cri animal. Quelque chose de fort et d’inconnu, me coupant instantanément le souffle au même moment que la danse se terminait. Ma respiration devint à nouveau courte, comme lors de mes crises. Mais je sentais cette fois qu’il y avait quelque chose de différent.
Je sentis la haine redescendre, et remarquai que l’expression de Nevra changea également, une incompréhension se lisant sur son visage. Il regarda autour de nous, voyant que tout le monde nous fixait. Je ne comprenais même pas que les musiciens ne s’étaient pas stoppés voyant que nous dansions seuls. Découvrant que je ne me sentais pas spécialement bien, Nevra commença à s’approcher de moi, mais je fis rapidement demi-tour, à moitié courbée à cause de ma respiration, me frayant facilement un chemin parmi la foule.
Je me dirigeai en direction de ma chambre, tant bien que mal, espérant que personne ne me suive, n’étant pas apte à courir. Alors que j’arrivai à ma porte, je reconnue la voix du Nevra-lourd-comme-quinze-tonnes derrière moi.
J’entrai rapidement dans ma chambre avant de verrouiller précipitamment derrière moi.
— Opale, ouvre, lança-t-il pratiquement aussitôt.
Je n’avais même pas suffisamment de souffle pour lui répondre. M’adossant contre la porte, je sentis la vague de chaleur revenir en moi.
Au même moment, Nevra se mit aussitôt à frapper plus violemment à ma porte, me demandant d’ouvrir dans une voix pleine de colère qui ne semblait même plus être la sienne.
La même rage se dégagea de moi, me rendant cette fois-ci complètement spectatrice des agissements de mon corps. Je sentis le cri animal sortir de ma bouche malgré moi, avant de sombrer dans le noir le plus complet.
Chapitre 5
Mon colloc d’infirmerie.
Mon colloc d’infirmerie.
_
— Faites attention, on ne sait pas dans quel état psychologique elle est actuellement.
Des voix se firent entendre, comme si elles étaient au loin – et non pas dans ma tête pour une fois. Elles furent de plus en plus proche, jusqu’à ce que mon cerveau réalise qu’il s’agissait de personnes se trouvant autour de moi.
Je peinais à ouvrir les yeux. Ma vision était moindre, floue, avant de complètement se refermer. Et ainsi de suite. Je me sentais entièrement vidée de mon énergie. Je ne comprenais absolument rien. Même mes crises ne m’avaient jamais mise dans un état pareil. D’ailleurs, où étais-je ? Et comment m’étais-je retrouvé dans cet état inconscient ?
Tandis que je sentais que mon corps était soulevé et transporté, je tentais de rassembler mes pensées et de me rappeler de ce qui c’était passé. Mais ma fatigue était également trop présente pour cela.
Malgré moi, je sombrai de nouveau dans les bras de Morphée.
Je repris conscience au bout d’un temps qui m’avait semblé être une éternité. Ouvrant légèrement les yeux, je fus dans un premier temps aveuglé par la lumière, avant que ma vue ne se stabilise. Je reconnus le plafond de l’infirmerie. Et le bruit de cette machine insupportable – elle va finir par devenir mon acolyte de vie ma parole.
— Ah Opale, tu te réveilles enfin ! s’exclama la voix douce d’Eweleïn.
Je balayai la pièce du regard, avant que cette dernière ne vienne dans mon champ de vision. J’aperçus également Nevra, qui était allongé dans le lit d’à côté, endormi. Bordel de merde mais qu’est-ce qui s’est passé à la fin.
— Comment tu te sens ? me lança-t-elle inquiète.
— J’en sais trop rien, fatiguée.
— Je m’excuse de t’embêter maintenant mais, est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé hier soir ?
Je la regardai, étonnée. Hier soir ? Je me souvenais que je passais la soirée avec Sayine, Karenn et Caméria, mais le reste est tellement flou.
Je tentai de me concentrer, en vain.
— Tu te souviens que tu as été avec Nevra un moment ?
Mes yeux s’écarquillèrent, tandis que des flashs fusaient dans ma tête. Je me revoyais percuter son dos, croiser son regard, danser avec lui. Cette danse qui était… pleine de rage. De haine. Cette chaleur qui parcourait mon corps.
— Maintenant que tu en parles, je me rappelle oui, à la soirée.
— Et après ?
Après ? Comment ça après ? Y’a eu un after ? J’étais tant bourrée que ça pour ne me rappeler de rien ? Hey déconne pas Ewe, qu’est-ce qui s’est passé avec Nevra.
Elle s’asseyait doucement au bout de mon lit.
— Ezarel m’a raconté ce qui s’est passé à la soirée. Nevra et toi, lorsque vous avez dansé, il s’est passé quelque chose… d’étrange, que nous n’arrivons pas à expliquer jusqu’à maintenant.
— C’est-à-dire ?
— Il y avait comme une aura apparemment, se dégageant de vous deux, personne n’a vraiment arrivé à expliquer mais, d’après les dires d’Ezarel, c’était quelque chose de très puissant et sombre, telles les flammes d’un brasier.
Je la regardai, complètement ahurie. Comment quelque chose avait pu émaner de nous ? Je ne connais pas l’étendue des dons de Nevra, mais rien n’aurait pu surgir de moi. Elle devrait peut-être plus se pencher sur son cas.
Ceci dit, ça explique pourquoi tout le monde s’est stoppé.
— Est-ce qu’il s’est passé quelque chose de particulier à ce moment-là pour toi ?
— Eh bien, je me souviens que je me suis sentie… en colère. Très en colère même. J’avais comme une rage qui émanait de moi, comme une impression de transition… comme si quelque chose allait prendre le contrôle de ma personne. Mais pourtant je maîtrisais parfaitement mes gestes. C’était… c’était très bizarre.
— Je vois. Tu ne te rappelles pas du reste ?
— Non, je ne sais même pas de quoi tu parles.
— Quand votre danse s’est arrêtée, Ezarel m’a expliqué que l’aura s’est estompée et que vous aviez l’air d’avoir repris vos esprits, bien que tu n’eusses pas l’air de te sentir bien.
— Oui, j’ai eu le souffle coupé, mais ça n’a rien de trop surprenant en soit je trouve.
— Dans ce cas-là, tout détail à son importance. Malheureusement, le reste du récit reste flou pour nous. Ezarel m’a seulement dit que Nevra a fini par partir à ta poursuite et ensuite, quelques minutes après, il a souhaité voir si Nevra allait bien et lui parler de ce qu’il a vu, mais…
— Mais ?
— Il a retrouvé Nevra à terre, inconscient, comme s’il avait été projeté contre une des colonnes, qui est exactement alignée à ta porte de chambre. Il m’a appelé ainsi que Miiko et Leiftan. Ce dernier a eu l’idée de rentrer dans ta chambre car il sentait que quelque chose s’était passé entre vous, vu ce qu’il avait également vu au réfectoire. Et nous t’avons aussi retrouvé à terre, inconsciente, comme si quelque chose t’avait projeté au fond de ta chambre.
Je ne savais absolument pas quoi dire face à tout ce qu’elle me racontait. Je n’y comprenais absolument rien. Qu’est-ce qui avait pu nous propulser si violemment, et tous les deux ? Le fait de ne pas me rappeler plus loin que la danse me frustrait, comme s’il y avait un brouillard épais sur mes souvenirs.
Eweleïn me regarda, perplexe.
— Opale, je ne t’en ai pas encore parlé, car je voulais te laisser le temps de prendre tes marques mais… j’ai bien vu le mot pharmacie sur le sachet avec lequel tu es arrivé. Même si nous n’utilisons pas les mêmes termes, celui-ci je le connais bien. Je ne me suis pas permise de regarder ce qu’il y avait à l’intérieur. Mais saches que si tu as envie d’en parler, tu n’as pas à hésiter. Peut-être que notre médecine pourrait t’aider. J’ignore ton problème, mais peut-être que tout est lié, je n’en sais rien. Le moindre indice te concernant peut-être une piste, étant donné que nous n’avons que peu d’informations te concernant. Et je ne parle pas de ta vie sur terre, seulement de toi, et toi seule.
— Et si moi-même je n’arrive pas à expliquer ce que j’ai ?
— C’est-à-dire ?
Je baissais légèrement les yeux, regrettant presque ce que je venais de dire. Néanmoins, depuis le début Eweleïn était la seule qui m’inspirait un tant soit peu confiance ici. Puis, peut-être qu’elle pourrait réellement m’aider ? Je n’en sais rien. Mais je ne perds rien à lui en dire plus.
Tandis que je m’apprêtai à lui en expliquer davantage, mon colloc d’infirmerie se réveilla.
— Nevra ! s’exclama Ewe.
Je me tournai également vers lui. Il peinait à se réveiller.
— Ewe ? Qu’est-ce que je fais à l’infirmerie ? lança-t-il la voix encore rauque du sommeil.
Elle lui posa à peu près les mêmes questions qu’à moi, et ce dernier se rappela de peu de choses, ses souvenirs s’arrêtant également à la danse. Néanmoins, je fus surprise de voir qu’il avait également ressenti une haine inexplicable et une impression de perte de contrôle.
— Donc tu ne te souviens pas de ce qui s’est passé avec Opale après tout ça ?
— Non, pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Je ne t’ai pas fait du mal quand même ? demanda-t-il avant de se tourner vers moi.
— N-non, répondis-je déstabilisée.
Je ne saurais pas trop expliquer pourquoi, mais je me sentais gênée face à lui. Comme si quelque chose d’étrange s’était passé entre nous, quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer. Une connexion pleine de rage, de haine. Qui était désormais totalement éteinte. J’étais seulement mal à l’aise et intimidée désormais. Rien que de me rappeler avoir danser avec lui et en plus devant le regard de tous, me gênais énormément. Je me sentis rougir de honte.
Tiens, ça faisait un moment que je n’avais pas ressemblé à un gyrophare.
Eweleïn expliqua le reste de la situation à Nevra et ce dernier avait l’air tout aussi surprit que moi.
— Je ne comprends vraiment pas ce qui a pu se passer, je n’ai jamais entendu un truc pareil. Puis nos ressentis similaires qui étaient tout sauf naturels… je n’y comprends vraiment rien.
— Ça ne peut avoir aucun lien avec tes aptitudes ? lui lançai-je.
— Non, il n’y a jamais eu de récit semblable concernant les vampires jusque-là, répondit Eweleïn à sa place.
Un vampire ? V’là autre chose. Je ne pensais pas qu’il y en avait dans leur monde. Enfin, je ne vois pas pourquoi ça m’étonne alors que rien ne me semble logique ici.
— J’aimerai bien vous ramenez sur les lieux où l’on vous a retrouvé inconscient, si ça ne vous dérange pas. Je me dis que peut-être des choses vous reviendraient en mémoire une fois là-bas.
Nevra et moi hochions la tête en guise de réponse, emboitant le pas à Eweleïn. Une fois arrivés dans le fameux couloir, nous nous stoppions nets. La colonne vers laquelle Nevra avait été retrouvé était légèrement fissurée – à quel moment le choc a pu fissurer du marbre bon sang de bonsoir – et ma porte comportait de nombreuses traces comme si quelqu’un avait violemment frappé dessus. Ni lui ni moi ne disions quoique ce soit, estomaqué par ce que nous voyions.
Face à notre silence, Ewe continua en ouvrant doucement la porte de ma chambre. Mes yeux étaient probablement aussi énormes que des soucoupes. Il n’y avait déjà pas grand-chose à l’intérieur, mais là clairement, ça avait la gueule d’un champ de bataille. L’encadrement du lit était cassé, les rideaux à ma fenêtre déchirés, donnant même l’impression que quelque chose en avait brûlé certaines parcelles. Ma couette était littéralement éventrée, comme si une lame s’en était chargé – oui je parle de ma couette comme d’une victime.
Mon regard balaya la pièce et je ne pus retenir un juron.
— Putain ! m’exclamai-je.
Leurs regards surpris se posèrent sur moi, m’embarrassant aussitôt.
Oui bon ok je gueule juste parce que mon placard est littéralement déchiqueté, mais déjà que je n’avais quasiment rien pour ranger, là c’est le pompon. Ranger quoi me direz-vous ? Eh bien, certes, pas grand-chose, mais j’y tenais à mon placard d’accord.
— Excusez-moi, lâchai-je finalement.
Etrangement, un sourire amusé se dessina sur les lèvres de Nevracula, bien que se fut de courte durée en se reconcentrant sur la situation.
— Qu’est-ce qui a bien pu se passer, murmura-t-il comme à soi-même.
— Nous n’en avons aucune idée. Leiftan a fouillé la chambre et le couloir à la recherche du moindre indice, rien. Je vous ai fait un bilan de santé, rien non plus.
Tandis que je fixais l’un des recoins de ma chambre, un flash me percuta de plein fouet.
Je me revoyais, adosser contre ma porte, la rage monter petit à petit en moi. Nevra me hurlant d’ouvrir depuis l’autre côté. Et ce cri. Ce cri de rage, animal, sortir de ma bouche malgré moi. C’est après que j’avais perdu conscience. Tout m’était revenu. J’en avais froid dans le dos. Qu’est-ce qui m’étais arrivé ? Qu’est-ce qui nous est arrivé ? Pourquoi cette haine, pourquoi ce cri, pourquoi ces dégâts ?
Mon regard horrifié se posa sur Eweleïn. Les mots ne sortaient pas de ma bouche, je m’étais littéralement liquéfié sur place.
— Qu’est-ce qui se passe Opale ?
Le regard de Nevra plongé dans le vide se posa immédiatement sur moi, sourcils froncés, les traits préoccupés.
Déglutissant plusieurs fois, les mots sortirent enfin.
— Je me rappelle.
— De ce qui s’est passé ?
— Brièvement. Je me souviens avoir entendu Nevra derrière ma porte, il m’a seulement demandé d’ouvrir et d’un coup, j’ai senti la rage monter à nouveau en moi. Et à ce même moment, Nevra s’est mis à s’énerver derrière la porte, insistant plus violemment pour que je lui ouvre. J’ai senti à nouveau la perte de contrôle, cette fois-ci totale. Je me souviens que c’était comme si… une chaleur m’enveloppait. Mais quelque chose de… quelque chose de mauvais. Une rage. Et…
Le dernier détail refusait de sortir, j’avais tellement peur de ce que ça pouvait signifier.
— Opale ?
— Et un… un hurlement est sorti de ma bouche, sans que je le contrôle. Mais ce n’était pas… ce n’était pas moi, pas ma voix, c’était animal. Je ne saurais dire lequel. Mais j’ai ressenti sa puissance, avant d’être totalement inconsciente. Je pense que… qu’à ce moment-là, autre chose a pris ma place.
L’inquiétude d’Ewe se dessina sur son visage. Probablement tout autant que moi. Mes angoisses surgirent. J’avais tellement peur de ce qui se passait en moi, de ce que j’étais. Et si mon trouble évoluait ? Si c’était une autre facette de mon problème ?
Ces peurs que j’avais rédigé sur ce questionnaire à la con, ces peurs que Nevra connaissait justement, j’avais la sensation qu’elles commençaient à se réaliser. Et si je n’étais plus moi ? Si je sombrais dans la folie ? Si l’état de ma chambre était le résultat de mes actes… je suis bonne à enfermer. Je suis dangereuse pour les autres. Je remarquai que l’ensemble de mes membres tremblaient. J’étais terrifiée. Ewe posa sa main sur mon épaule.
— Opale ça va aller ?
Je me contentai de plonger mon regard dans le sien, ne sachant pas quoi répondre. Ses traits se dessinèrent en une expression à la fois compatissante et préoccupée. Je pense qu’il était temps que je lui explique tout. Que je sois honnête avec elle. Mes voix ne pouvaient qu’avoir un lien avec cet incident. J’avais quelque chose en moi, probablement de mauvais et malsain, que je ne savais exprimer. Et c’était peut-être pour ça que les médecins jusqu’à présent n’avaient jamais pu mettre un nom à mon problème. Peut-être que tout cela dépassait leur savoir, leurs connaissances. L’idée d’être un monstre trottait en boucle dans ma tête. Cette pensée était d’ailleurs une vieille amie. Plusieurs fois j’avais mentionné cette idée auprès de ma mère.
— Eweleïn… je pense que mon problème a un lien avec tout ça.
— Tu veux que l’on s’isole pour en discuter ?
Je jetai un œil à Nevra. Hésitante.
— Je pense que Nevra est en droit de savoir aussi, car si tout a un lien, vu ce qu’il s’est passé hier soir, il est pas mal concerné…
Elle acquiesça d’un mouvement de tête, attendant que je poursuive.
— Ce trouble est apparu peu de temps après mes 18 ans, ça s’est fait graduellement. Ça a commencé par des hallucinations auditives, je pensais que l’on me parlait, réellement je veux dire, et j’avais tendance à me rendre très vite compte que cette voix était dans ma tête. J’ai commencé à voir des spécialistes, ça n’a jamais rien donné. Les diagnostics n’étaient jamais les mêmes, et lorsqu’ils en donnaient un, on sentait qu’ils n’étaient pas sûrs, car mon cas ne correspondait pas au schéma habituel, si l’on peut dire ça ainsi. J’ai eu divers traitements, par moment j’avais la sensation que ça fonctionnait, mais je pense que c’était une impression. Car durant ces quatre années, mon problème n’a cessé de grandir, de s’amplifier. Ce n’est plus une voix, mais deux. Et ça s’est transformé en crise. J’ai tendance à être dans un état second, parfois plus intense que d’autres. Les voix sont toujours là, ça peut évoluer en un mal de crâne insupportable, à des convulsions, une absence de souffle, ou encore quelques choses de plus rare mais plus puissant.
— C’est-à-dire ? Me demanda aussitôt Eweleïn très attentive.
— Cette fameuse sensation de dédoublement. Comme si quelqu’un d’autre prenait le contrôle. Une impression de lutter contre une autre présence. Et c’est probablement ce qui s’est passé hier. Mais la voix animale est quelque chose que je n’avais jamais connue jusqu’à présent.
Durant mon récit je n’avais pas pu les regarder dans les yeux. C’était toujours compliqué pour moi de me mettre à nue.
Façon de parler bien sûr, rassurez-vous ils n’ont pas vu la couleur de ma culotte.
Plus sérieusement, j’ai horreur d’aborder ce sujet. C’est quelque chose qui me bouffe, littéralement, de l’intérieur. Dès que j’en parle j’ai tendance à trifouiller mes doigts dans tous les sens. Chose qu’Eweleïn remarqua et elle posa aussitôt ses mains sur les miennes, comme pour me calmer. Même si c’était peine perdue.
— Ce que tu décris ne ressemble à aucun trouble de ce monde non plus, du moins pas à ma connaissance. Je connais certaines maladies psychologiques de votre monde, qui sont sensiblement les mêmes qu’ici, et je me doute quels diagnostics tu as dû entendre, mais certains détails me chiffonnent également pour que ce soit exactement telle ou telle chose. Encore plus avec le phénomène d’hier soir qui a touché Nevra.
— Ça pourrait être de ma faute ?
— L’état de Nevra ? Je ne sais pas, ça me paraît peu probable, peu d’espèces savent influencer l’état d’une autre. Mais je vais tenter de faire des recherches, voir si je peux retrouver des témoignages de ce genre dans certains recueils de la bibliothèque. Je reviendrais vers vous dès que je trouve quelque chose. En attendant… ménagez-vous le plus possible.
Elle nous salua d’un geste de la main avant de s’éloigner. Nevra brisa aussitôt le silence.
— Je comprends mieux tes peurs, me lança-t-il d’un sourire compatissant.
Je ne répondis rien, à part un léger sourire, ce sujet me dérangeant toujours autant. Surtout que je l’avais peut-être impliqué malgré moi dans ces problèmes.
— Je suis désolé pour ce que j’ai dit à Kayia l’autre soir. Je ne souhaitai pas t’offenser.
J’arquais un sourcil, me demandant de qui il pouvait bien parler, avant de réaliser qu’il s’agissait sûrement de la chanteuse.
— C’est rien. C’est plutôt à moi de m’excuser de m’être autant emporté. A se demander si ce n’était pas un préquel de cette rage inexplicable qui commençait à naître, lui répondis-je d’un léger rire forcé – pour détendre l’atmosphère soyons honnête.
— Dans tous les cas, je le méritais. Je n’avais pas à dire ça, d’autant plus que je ne le pensais absolument pas, j’ai sorti ça sans réfléchir. Comme j’ai souvent tendance à le faire quand…
— Quand tu flirtes ?
— Oui, avoua-t-il d’un sourire gêné. J’ai tendance à mettre ma partenaire et moi dans une bulle et ne pas prêter d’importance à ce qu’il y a aux alentours. Ce qui est stupide de ma part.
— C’est oublié ne t’inquiète pas pour ça.
Son regard se posa sur mes mains, que je n’avais cessé de gigoter dans tous les sens, et qui avaient désormais la tremblote.
Qu’est-ce qui y’a ? Tu vas me dire que ça te stresse ? Ou pire, tu vas me bouffer les mains sans prévenir ? Déconne pas Nevracula.
Il s’approchait doucement, comme s’il s’apprêtait à poser ses mains sur les miennes, tandis que j’eus un mouvement de recul. J’appréhendais désormais le moindre contact avec lui, vu ce qu’une simple danse avait déclenché.
Une simple danse. Rien que de penser que j’ai dansé me donne un fou rire interne.
— N’ai pas peur, je ne vais pas te faire de mal, lâcha-t-il amusé.
C’est drôle, c’est ce que les psychopathes ont tendance à dire à leur proie. Mais t’inquiètes pas Michel, tu ne me fais point peur.
— Je sais, je n’ai pas peur de toi, rétorquai-je.
— Mais de toi-même ?
Un silence s’installa. S’il est télépathe par contre ça ne va pas le faire du tout. Oui j’ai l’impression que tout le monde a le pouvoir de rentrer dans mon crâne, je me méfie de tout m’voyez. J’ai pas confiance avec leurs aptitudes en tout genre.
— Tu ne me feras rien, ajouta-t-il.
— Tu n’en sais rien. Et moi non plus d’ailleurs. Mais rien qu’à voir l’état de ma chambre, il ne suffit pas d’être ingénieur pour voir que quelque chose ne tourne pas rond chez moi.
Quand je pense à mon pauvre mini placard. On avait pourtant instauré une relation si intense lui et moi, il maintenait mes affaires en équilibre, c’était si beau.
Il sourcilla au mot ingénieur, avant de finalement se rapprocher de moi rapidement, prenant aussitôt mes mains dans les siennes, sans me laisser le temps de réagir. J’ouvris la bouche m’apprêtant à lui dire de me lâcher, mais je fus stoppé dans mon élan par une sensation plus qu’agréable.
Je sentis quelque chose partir de nos mains, avant de se diffuser dans l’intégralité de mon corps. Comme une sensation réconfortante, de chaleur et de plénitude. Sans que je m’en sois rendus compte, mes mains avaient cessé leurs mouvements répétitifs.
Son regard d’acier se plongea dans le mien, avant qu’un sourire au coin ne se dessine sur son visage.
— Comment… ?
— On va dire que c’est l’une de mes aptitudes de vampires.
Tiens donc, on est loin des clichés terrestres concernant les vampires.
— Même si de base, cette capacité n’est pas toujours utilisée à des fins positives par l’ensemble des vampires, ajouta-t-il amusé.
Je ne veux même pas savoir, sombre psychopathe. Et pourtant, j’ai bien ma petite idée, quand je sens la plénitude que ça apporte, on n’aurait presque envie de s’y abandonner, à cette sensation agréable. Et j’imagine qu’à des fins négatives, ça serait comme s’abandonner à la mort. Je ne pus m’empêcher de déglutir, et visiblement ma réflexion se lisait sur mon visage, activant son rire.
— Si tu penses à ce que je crois, ce n’est pas mon genre, rassure-toi. Je ne tue pas pour me nourrir.
C’est cela, tu m’en diras tant, Nevra-qui-a-peut-être-un-couteau-dans-son-slibard.
Chapitre 6
Réunion Tupperware.
Réunion Tupperware.
_
Quelques jours s’étaient écoulés depuis l’incident. Rien de particulier ne s’était déroulé jusqu’à présent, en dehors de mes crises habituelles. Mes entraînements avaient continué, et bien que j’eusse refusé à multiples reprises qu’ils se fassent avec Nevra, celui-ci avait insisté, afin de me démontrer qu’être côte à côte ne craignait rien.
Ça, je l’avais bien compris Sherlock, néanmoins il ne pouvait pas nier que quelque chose de malsain nous avait lié ce soir là et que ce n’était pas anodin.
A mon réveil, Leiftan m’avait demandé de me rendre à la bibliothèque, dans laquelle Miiko et Eweleïn m’attendait. Une fois à l’intérieur, je saluais de la main Sayine, qui me répondit de son sourire. Cette dernière s’en alla de la pièce après un bref coup d’œil de la part de Miiko à son égard. En même temps, Nevra, Ezarel et Valkyon entrèrent dans la pièce.
C’est parti pour une réunion Tupperware.
— Merci d’être venu rapidement les garçons, commença Miiko. Je suis navrée de vous déranger pour cela, mais je pense que l’incident arrivé récemment mérite que nous soyons tous au courant de quoi cela retourne.
— Vous avez des pistes ? Demanda aussitôt Valkyon.
— Depuis ce jour, commença Eweleïn, j’ai effectué diverses recherches par rapport aux témoignages de Nevra et Opale, leurs ressentis, sans oublier les détails fournis par Ezarel. Je n’ai pas encore trouvé quelque chose d’extrêmement précis. Mais je me suis appuyée sur des légendes que j’ai trouvé à l’intérieur d’un vieil ouvrage, enfoui dans les archives.
— Y’en a une qui va être ravie que tu aies retourné toute la bibliothèque, s’amusa Ezarel.
— Elle me pardonnera. En tout cas, j’ai retrouvé une histoire plus ou moins similaire. Deux femmes avaient tendance à éprouver des émotions anormalement puissantes et violentes lorsqu’elles se retrouvaient à proximité. Les ouvrages abordent l’idée d’une possession par d’autres âmes.
Puissantes et violentes. J’eus un frisson à cette pensée. J’avais bel et bien raison de me méfier qu’on se retrouve proche Nevra et moi, si ça peut partir en vrille à tout moment.
— Néanmoins, leurs espèces étaient totalement différentes. L’une était Elfe et l’autre Centauresse. Ils avaient fini par découvrir que ces comportements avaient essentiellement lieu lors d’une Lune bien précise…
— La Lune Obscure, murmura Ezarel.
— Oui, la même Lune qu’il y avait la nuit où Nevra et Opale ont eu ce même problème.
— Ils ont découvert la réelle cause de ces conflits ? Demanda Valkyon.
— Oui. Après multiples recherches dans leurs antécédents, ils ont découvert un point commun : il y avait eu un conflit non résolu entre ces deux espèces lors d’une guerre civile.
— Comment ont-ils résolu ce problème ?
— Ils n’ont pas réussi. A l’époque ils n’ont trouvé aucune solution.
— Comment cela s’est terminé ?
Eweleïn se pinça la lèvre, n’osant pas continuer. Miiko la regarda, avant de finalement reposer son regard sur nous.
— Durant des années, les deux femmes ont été enfermées en cellule chaque nuit de Lune Obscure. Mais un soir, l’une d’elle a échappé à la vigilance d’un garde et elle a assassinée la seconde. Elle s’est finalement suicidée le lendemain, horrifiée par son acte.
J’eus aussitôt la nausée à entendre ses paroles, sentant mon corps se paralyser entièrement. Je passais du chaud au froid en quelques secondes et fus prise de légers tremblements. Manquant de perdre l’équilibre, je sentis une main ferme me retenir et d’un mouvement de tête, constatait qu’il s’agissait de Valkyon. Je ressentis de la compassion dans son regard. Je fis un léger mouvement de tête, comme pour le remercier de m’avoir empêché de me manger le sol.
Mon regard se posa finalement sur Nevra, et je remarquai qu’il m’observait déjà. Son expression était beaucoup trop stoïque pour être déchiffrable. Aucune émotion ne transperçait son regard. Il était comme…. Vide.
— Mais cela reste une légende, lança Ezarel.
— Une légende bien trop similaire à notre situation. Tout correspond, en dehors des espèces. Et je pense qu’il n’est pas stupide de penser qu’Opale n’est pas entièrement humaine.
Etrangement, je n’eus aucune réaction immédiate à cette nouvelle. Soit je ne réalisais pas, soit cela ne me faisait réellement ni chaud ni froid. Ou alors cela me paraissait peut-être improbable ? Je n’en sais rien.
Je suis peut-être juste débile aussi, c’est un point non négligeable.
Je ne me suis jamais sentie normale par rapport aux gens qui m’entourais depuis mon problème et le rejet que je subissais par certaines personnes de mon entourage. Je pensais même être inférieure. Mais ne pas être humaine était tout de même à des millénaires que ce que j’aurais pu imaginer. Pour moi j’étais une humaine, ratée probablement, mais rien de plus qu’une humaine.
— Comment faire pour savoir ce qu’elle est ? demanda finalement Nevra.
— Explorer tes antécédents. Si l’on se base sur la légende, cela résulte très probablement d’une affaire non réglée entre vos deux espèces. Reste à savoir avec quelle créature les vampires ont été en conflit. Je me doute qu’ils sont nombreux, mais pour qu’il soit considéré comme non réglé, je suppose que c’est un conflit qui s’est étalé sur des générations, vu la situation actuelle.
— Yhkar et moi-même nous organiserons afin de mobiliser certaines personnes sur ces recherches.
— Je pourrais aider pour les recherches ? Finis-je par demander.
— Non, tu as rejoint la garde Ombre, ces missions ne te concerne pas théoriquement, répondit Miiko.
— Théoriquement.
— Valkyon…
— Miiko, comprend qu’elle cherche à en savoir davantage sur ce qu’il s’est passé ainsi que sur ses origines. Je pense que tout le monde est en capacité de se mettre à sa place. Imaginez votre ressenti en apprenant que vous n’êtes pas ce que vous pensez être et qu’une chance s’offre à vous de pouvoir retrouver la trace de vos origines. Notre monde et ses archives sont sa seule clé.
Miiko plongea son regard dans les flammes bleues dansantes de son sceptre, pensive.
— J’aimerais également contribuer aux recherches, ajouta finalement Nevra.
— Mais Nevra, tu sais bien que c’est impossible ! Tu es chef de garde, tu ne peux te permettre de perdre ton temps dans ce genre de tâches.
— Je ne vois pas en quoi c’est une perte de temps, d’autant plus que je suis l’un des principaux concernés. Je ne vois pas pourquoi d’autres personnes se chargeraient de retracer mon histoire sans que je les aide. Ça ne veut pas dire que je n’exécuterais pas mes fonctions principales, seulement que cette tâche s’ajoute aux autres.
— Tu n’as qu’à remplacer les moments où tu batifoles par tes recherches.
— La ferme, Ez.
— J’ai l’impression que tu passes ton temps à me répéter ça en ce moment.
— Peut-être parce que tu débites bien trop d’idioties pour un petit elfe comme toi.
— Oh t-
— Ça suffit ! S’exclama Miiko. Vous aurez tout le temps de vous chamailler plus tard. J’accepte votre requête. Nevra, tu aménageras un temps sur ton planning pour les recherches, tant que ça n’entache pas ton travail. Tu feras de même pour celui d’Opale, étant donné que tu es son supérieur.
Nevra acquiesça d’un mouvement de tête.
— Quand est la prochaine Lune Obscure ?
— D’ici trois jours, répondit Eweleïn.
— Il faudra bien évidemment garder un œil sur eux cette nuit-là.
— Pourquoi ne pas les enfermer comme la légende en parlait ? demanda Ezarel amusé.
— C’est toi qu’on ferait mieux d’enfermer, murmura Nevra.
— Eh bien, commença Miiko en élevant volontairement la voix, nous n’avons pas actuellement la capacité de mobiliser les gardiens sauf si urgence il y a.
— Et s’ils s’entretuent ?
— Ça n’arrivera pas, répondit Nevra froidement.
— Qu’est-ce que tu en sais ?
— Parce que je le sais.
— Tu étais peut-être acteur l’autre soir, mais crois-moi que d’un point de vue spectateur j’ai bel et bien vu la haine et la noirceur se dégager de vous. Alors mets-toi dans la tête que c’est un risque.
— Et toi mets-toi dans le crâne que je ne lui ferais rien, répondit le concerné les dents serrées.
— Calme-toi, ce n’est pas ce que je d-
— Peut-être que moi si, lâchai-je malgré moi.
Leurs regards se posèrent immédiatement sur moi, estomaqués. Je regrettai presque ses pensées qui s’étaient échappées de ma bouche. Bon, par contre va falloir que j’aille au bout de mon raisonnement, maintenant que j’ai mis les deux pieds dans le plat avec ma subtilité légendaire.
— Ce fameux soir j’ai ressentis quelque chose de mauvais à l’intérieur de moi. Peut-être que je suis un monstre sans le savoir, que je suis capable du pire sans le savoir, peut-être même que je suis bonne à enfermer.
— Ne dis pas ça, commença Eweleïn.
— C’est une possibilité. Tu le sais tout aussi bien que moi.
— Ne pensons pas immédiatement au pire. Nous allons faire des recherches, garder un œil sur vous à la prochaine Lune et trouver une solution.
— D’ailleurs, comment on s’organise pour cette fameuse nuit ?
— Etant donné que nous ne comptons les enfermer, mais que nous devons garder un œil sur eux tout en faisant en sorte de ne pas mettre en danger qui que ce soit, je dirais que nous allons passer la soirée sur la plage.
— Une petite soirée sur la plage tout en regardant deux créatures s’entretuer, quelle chic ambiance.
— Ezarel on se passerait aisément de tes commentaires.
Pendant qu’ils continuaient de se crêper le chignon, quelque chose vint me turlupiner l’esprit.
Parce oui, parfois, je réfléchis.
— Pourquoi avec Karenn il ne se passe rien ?
— Karenn ?
— Oui, elle m’a dit qu’elle était la sœur de Nevra, donc si ce conflit concerne les vampires…
— Justement, m’interrompu Eweleïn, c’était l’un des mystères que la tribu de la légende n’avait pu résoudre. Car ce n’était pas les seules de leur espèce. Je pense qu’il y a un lien avec des descendances bien précise. Mais ce n’est qu’une hypothèse.
— Je vois.
— Bon, désormais nous devons nous organiser pour la prochaine Lune. Ça ne sert à rien que tout le monde soit mobilisé. Leiftan, Ezarel et Valkyon resteront au sein du QG. Je demanderais à Sayine d’être présente, avec ses pouvoirs elle pourra stopper une potentielle querelle.
— Tu es sûre qu’il ne vaudrait mieux pas que l’un de nous soit présent ?
— Les pouvoirs d’envoûtement de Sayine devraient suffire à les stopper le temps qu’on puisse les neutraliser si jamais il y a le moindre souci. Eweleïn sera également à mes côtés, si jamais quelqu’un est blessé.
Je fis une expression inquiète à Nevra, qui me regardait cette fois-ci d’un air préoccupé. Il pouvait dire ce qu’il voulait, j’en mettrais ma main à couper qu’il est tout aussi peu confiant que moi par rapport à tout ça. Pour le coup, nous étions sur un même point d’égalité : totalement dans l’inconnu.
La fameuse Lune Obscure arriva bien trop vite à mon goût, étant donné que pour le moment nos recherches n’avaient absolument rien donné. Nous avions seulement pu regrouper quelques espèces ayant eu des conflits avec les vampires, mais rien de bien concluant pour le moment, car il s’agissait principalement de conflits mineurs. Puis aucun indice non plus concernant ma nature ne nous permettait d’éclairer les pistes.
Comme convenu, le soir, nous nous retrouvions à ladite plage. Accompagnée de Sayine, Nevra, Miiko ainsi qu’Eweleïn s’y trouvaient déjà autour d’un feu. Une fois arrivée à eux, Nevra me lança un léger sourire, que je lui rendis difficilement, extrêmement mal à l’aise et appréhendant ce qu’il pouvait se passer.
Avec sa bonne humeur légendaire et communicative, Sayine nous faisait presque oublier ce pourquoi nous étions là. Elle lança des sujets légers, en faisant parfois la pitre, finissant par me détendre et même me faire rire. La peur continuait toujours de me paralyser, mais je me sentais un peu plus légère grâce à elle. Elle racontait diverses anecdotes, notamment une fois où elle avait voulu apprendre à jouer divers instruments de musiques, mais qu’elle avait dû très vite abandonner cette idée : elle détruisait chaque instrument finissant dans ses mains. Elle dégageait malgré elle une énergie qui détériorait les objets trop fragiles. Tout le monde se mit à rire et demanda à voir ça. J’étais d’ailleurs étonné que les instruments d’ici étaient les mêmes que chez nous.
— D’ailleurs Opale, tu joues d’un instrument ?
— Pas vraiment. J’avais appris quelques morceaux à la guitare.
— Oh parfait ! Lorsque je vous montrerai ma capacité à tout détruire, tu nous joueras une petite mélodie !
— Peut-être dans le sens inverse du coup, si la guitare doit finir détruite, s’amusa Eweleïn.
— En effet.
— Je ne voudrais pas jouer les rabats joies mais vous ne trouvez pas cela bizarre qu’il ne se soit rien passé ? Demanda Miiko. Nous sommes ici depuis un moment maintenant et aucun de vous ne semblent se sentir différent ni même se comporter étrangement.
— Il faudrait pourtant être certains que nos recherches actuelles aient un sens. C’est étrange qu’il ne se passe rien, répondit Eweleïn.
— Peut-être qu’il vous faut une certaine proximité, puisque la dernière fois vous dansiez, ajouta Sayine.
Alors là, je vous le dis tout de suite, il est hors de question que je danse ici, maintenant, devant eux, sur le sable, sans musique, sous la Lune.
J’aimerais conserver le peu de dignité qu’il me reste s’il vous plaît. Oui, elle n’est déjà pas grande je vous l’accorde, mais si on pouvait éviter d’en rajouter une couche.
— Sayine j’espère que tu ne t’imagine pas que je vais danser ici et maintenant, lançai-je.
Nevra se mit à rire amusé.
— J’avouerai que je préfèrerai éviter également.
— Vous n’êtes pas obligé de danser…
— Vous n’avez qu’à faire un entraînement ? Après tout vous êtes également proche dans ces moments-là.
Perplexe, nous acceptions finalement, légèrement gênés tout de même.
J’ai l’impression d’être comme ces catcheurs que l’on regarde à la télé se mettre sur la tronche.
Arctic Monkeys – I wanna be yours - https://www.youtube.com/watch?v=nyuo9-OjNNg
Néanmoins, alors que nous débutions notre entraînement, la théorie de Sayine semblait être la bonne.
Je sentis une vague de chaleur monter petit à petit au fur et à mesure de l’entraînement, longeant l’ensemble de mes membres, tandis que Nevra esquissa l’ensemble de mes attaques.
Mais cette chaleur ne m’était pas familière. C’était un nouveau ressenti.
Cependant, tout comme l’autre fois, ce ressenti ne m’appartenait pas. J’avais cette sensation de perte de contrôle, sans le perdre complètement. Tout était similaire, sauf l’émotion. C’était quelque chose de plus… doux. Plus agréable.
Contrairement à l’autre fois, nos mouvements étaient plus fluides, légers, et malgré nous, nos corps se rapprochaient durant les attaques. Celles-ci diminuaient même, se faisaient de plus en plus lente, plus rare.
Un sentiment de joie, s’empara de moi. Quelque chose d’agréable et apaisant. J’avais du mal à cerner ce sentiment, mais ça me rappelait une… rencontre. Non. Des retrouvailles.
La sensation de retrouvaille d’une personne perdue.
D’une personne chère.
— Regardez, entendis-je la voix d’Eweleïn au loin.
Nous nous tournions autour, et je sentis un sourire se dessiner malgré moi sur mes lèvres. J’avais l’impression de ne plus pouvoir le quitter des yeux. Une expression étrange se lisait également sur son visage, un regard doux et intense rempli d’affection. C’est justement ce que je ressentais, de l’affection. Une affection qui ne m’appartenait pas. Quelque chose que je n’expliquais pas m’attirais vers lui, sans que je ne le comprenne.
Je réalisais seulement maintenant que nous nous étions stoppés dans nos attaques, nous retrouvant désormais face à face, nos corps à quelques centimètres de l’un et l’autre.
Je me sentis peu à peu devenir spectatrice de la scène. Je n’étais plus maître de mes mouvements. C’est la première fois que je sentais aussi distinctement que je n’étais pas seule en moi. Comme s’il y avait une deuxième âme, une deuxième conscience qui prenait ma place.
Je vis ma main se diriger doucement vers Nevra, caressant doucement sa joue de l’index. Cette scène aurait dû me gêner, me déranger, mais l’émotion de cette autre personne me touchait intensément. Je ressentais sa joie, son soulagement. Elle venait de retrouver une personne. Une autre âme. Nous n’étions que de simples intermédiaires. Et j’étais bel et bien certaine que Nevra ressentait la même chose de son côté. La main de ce dernier se posa sur mon visage avec tendresse. Etrangement, je me sentis rougir, et j’avais bel et bien conscience que ce rougissement venait de moi, et seulement de moi. Ma gêne se manifestais de cette façon visiblement.
Je me sentais de plus en plus vaciller dans le néant.
— C’est toi… murmura une voix douce sortant de ma bouche.
Cette voix n’était pas la mienne, rien qu’au son je suis sûre que n’importe qui l’a entendu.
— Anima… répondit finalement Nevra, d’une voix qui n’était pas la sienne.
Ma vision devint de plus en plus sombre, je me sentis partir, comme dans un sommeil forcé, tandis que nos visages s’approchèrent.
Avant de finalement sombrer dans le noir complet.
Mes yeux se rouvrirent au bout de ce qui me parut une éternité. Le soleil venant de la fenêtre m’éclata les yeux.
Attends.
La fenêtre ?
Je me redressai avec difficulté et réalisai que je me trouvais dans ma chambre délabrée. Ayant la sensation d’avoir un parpaing sur la tête, je me levai de mon lit avec difficulté, traînant des pieds jusqu’à la porte. Je me rendis compte que j’avais toujours mes vêtements de la veille.
Tandis que je tentai de me rappeler de la soirée d’hier, mon pied butta sur une enveloppe.
Je l’ouvris et constatai qu’il s’agissait d’un mot de Sayine.
— Rendez-vous à la cantine dès ton réveil.
J’eus un soulagement en voyant le lieu de rendez-vous : cela tombait à pic, j’avais une faim de loup.
J’enfilai des vêtements propres, me brossais rapidement les cheveux avant de les réunir en une queue de cheval, avant de filer vers le saint sanctuaire de la bouffe.
Une fois sur les lieux, je fus surprise de voir que Nevra était également présent aux côtés de Sayine. J’ai l’impression de passer mon temps avec lui depuis que je suis arrivée.
Mes migraines sont donc sûrement dû à la présence de cet être plus lourd qu’un bus à deux étages.
— Ah Opale ! Je t’attendais, me lança Sayine de son fidèle sourire.
Tandis que je me pris de quoi me faire un petit déjeuner, Sayine débuta aussitôt la conversation.
— Comment te sens-tu ce matin ? Me demanda-t-elle.
J’arquai un sourcil tandis que j’apportai une tartine de miel à ma bouche. Et bien je me sens… affamée. Et la tête dans le pâté. Comme tous les matins.
— Comme d’habitude, pourquoi ça ?
— Tu te souviens d’hier soir ?
Hier soir ? Eh bien, euh.
Je me rendis compte que je peinais à rassembler mes souvenirs de la veille. J’arrivai à me rappeler que c’était la fameuse Lune Obscure, que nous nous étions donné rendez-vous sur la plage afin de voir les effets sur nous, mais qu’il ne se passait rien et…
Et…
OH BORDEL DE MERDE.
Manquant de m’étouffer avec ma tartine, je regardais Sayine avec des yeux probablement aussi gros qu’un paquebot, tout en toussant pour évacuer ses foutues miettes qui me grattaient la gorge.
— Visiblement, tu viens de t’en rappeler. Inspire, expire. Calme-toi, je te jure que ce n’est pas aussi horrible que tu peux le penser.
Pas horrible ? Comment ça pas horrible ? Je viens de revisualiser mon dernier souvenir qui est, pour information, la presque rencontre de ma bouche avec celle de Nevra, alors, excuse-moi Sayine mais SI, C’EST QUELQUE PEU AFFREUX.
Pas qu’il soit repoussant hein, loin de là, mais disons que l’idée de l’avoir embrassé ne m’enchante absolument pas.
Reprenant ma respiration, je pris une longue gorgée d’eau, avant de faire signe de tête à Sayine, l’incitant à raconter. Je n’osais même pas regarder Nevra, bien trop mal à l’aise.
— Je suppose que tout comme Nevra, ton dernier souvenir est au moment où vos visages étaient… extrêmement proche.
Je hochais la tête pour confirmer ses propos, appréhendant la suite.
— Alors, ne panique pas de la suite. Garde en tête que techniquement ce n’était ni toi, ni Nevra. Mais vous vous êtes bel et bien embrassé à ce moment-là.
Je vais gerber ma tartine, déjà que j’ai peiné à l’avaler.
— Une aura puissante s’est dégagée de vous, mais contrairement à celle qu’Ezarel et d’autres témoins avaient pu décrire, cette fois-ci l’aura qui vous enveloppait était lumineuse, douce, absolument rien de mauvais n’en ressortait. Nous nous sommes dirigés vers vous, comme pour vous arrêter se doutant que vous n’étiez pas vous-mêmes, mais vous avez commencé à vous énerver contre nous, refusant qu’on essaye de vous séparer. Nous nous sommes donc un peu plus éloignés et j’ai utilisé mon enchantement de Morphée, avant de vous endormir. Car je me doute que vous n’auriez pas été ravie qu’on vous laisse faire.
Je fus soulagée de voir que nous n’avions pas pu aller plus loin grâce au don de Sayine. Mais étrangement, j’eus également de la peine. De la peine pour ces âmes qui s’étaient retrouvé grâce à nous. Vu l’intensité de leur bonheur en se retrouvant, j’imagine leur peine d’être si vite séparé à nouveau.
— Nous vous avons ramené à vos chambres respectives et avons fait un roulement une partie de la nuit pour voir si tout allait bien. Nous avons également fait le point ensemble, en récapitulant l’ensemble des événements depuis la première nuit. Et nous avons conclu que la chose non résolue se trame depuis très longtemps, au point que plusieurs âmes de vos ancêtres se manifestent lors de la Lune Obscure. Et ces âmes n’ont donc pas trouvé la paix dû à ce conflit non réglé. Elles sont comme coincées entre les deux mondes et se servent de vous comme intermédiaires. Je pense qu-
Sayine fut coupé dans son élan, de part une entrée furtive de Leiftan.
— Sayine, Nevra, Opale, excusez-moi de vous déranger, mais il faut absolument que vous nous rejoignez dans la salle du Cristal.
— Qu’est-ce qui se passe Leift ? Demanda Sayine.
— Yhkar vient de trouver une piste qui pourrait résoudre notre problème.
Dernière modification par Adhysia (Le 07-11-2021 à 18h16)