A tous les enfants d'Eldarya

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Nous sautons enfin le pas de la publication de notre fiction.
Je dis nous car Jusqu'au bout du monde est le fruit de quatre mains: les miennes et celles de @Delfyn dont je suis ravie d'être la partenaire d'écriture.
L'histoire tournera principalement autour de nos OCs respectifs.

Personnages principaux : Andromedea, Delfyn, Ezarel, Valkyon, Nevra et Lance
Genre: Drame, Romance, Aventure
Pour quel public : 16 ans et plus pour le forum, 18 pour la version originale.
Nous faisons de notre mieux pour garder une œuvre accessible au plus grand nombre mais certains sujets sensibles sont abordés.
Rythme de publication: Toutes les deux semaines, le dimanche.

Disclaimer : Bien que le ton se veuille assez léger, l'histoire de Delfyn et Andromedea peut heurter la sensibilité des plus jeunes.
Cette version est une version retravaillée afin de respecter les règles du forum.

La version originale non-censurée est disponible sur une autre plateforme et les passages seront indiqués par un ✧
Ils n'impactent pas le récit et ne sont pas nécessaire à la compréhension de l'histoire ou des personnages.

Notez également que Jusqu'au bout du monde reprend beaucoup d'éléments de l'histoire originale d'Eldarya, il est donc préférable d'avoir déjà terminé
The Origins et fait les premiers épisodes de New Era afin d'éviter d'être spoilé.

Si l’envie d'être tenu au courant des sorties de chapitres vous prend, il vous suffit d'en faire la demande par MP ou en commentaire et vous rejoindrez la liste de Mercuriens en devenir.

Mercuriennes et Mercuriens en devenir

☿ ...
☿ ...
☿ ...

Un grand merci à tout celles et ceux qui permettent à ce projet de devenir réalité,

A Moody, notre bêta-lectrice qui nous pousse toujours à aller plus loin pour qu'on puisse s'améliorer.
Désolées pour les maux de crâne dans nos chapitre parfois encore trop brouillon, c'est grâce à tes conseils qu'on arrive à garder le cap.

A Delfyn qui s'occupe de la publication en dehors du forum et sans qui ce projet n'aurait jamais vu le jour.
Même si nous avons très souvent inséré un de nos ocs dans les fictions de l'une et l'autre depuis des années, cette fiction n'aurait aucun sens si on ne l'écrivait pas ensemble.
Rien ne vaut les fous rires qu'on partage lors de nos brainstorming.

Et tout particulièrement à vous lecteurs et lectrices.



©BBcode par Andromedea

Tous les visuels sont réalisés par Delfedea

Dernière modification par Andromedea (Le 26-07-2024 à 17h52)

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✎ Jusqu'au bout du monde

Nouveau Chapitre posté le 25/07

Prologue

La panique, les cris, la terreur ; l’horreur venait de plonger sur Eldarya lorsqu’une secousse avait fait vibrer le bâtiment et la plaine toute entière. La paix d’Eel venait d’être menacée par un chaos que nul n’avait vu venir.
Dans la salle du cristal, un homme vêtu d’une armure draconique aux couleurs sombres s’apprêtait à abattre de nouveau son arme sur la pierre bleutée qui s’était brisée dans un grand fracas quelques instants plus tôt. Les gardiens du QG s’étaient précipités dans la pièce, interrompant l’inconnu dans son geste.
La kitsune aux longs cheveux bruns lança immédiatement l’offensive à l’aide d’une orbe frémissante de flammes bleues. L’homme masqué l’évita sans l’ombre d’une difficulté. Au fond de la salle, un elfe aux longs cheveux bleus noués en un ruban banda son arc, prêt à viser leur adversaire. La pièce commençait à se remplir de gardiens prêts à se battre pour le cristal et l’assaillant n’eut d’autre alternative que la fuite.


La lune était encore bien haute dans le ciel d’Eldarya et Andromedea était une nouvelle fois en proie à ses insomnies. Elle qui avait pour habitude d’en profiter pour flâner sous la lumière régénératrice de l’astre poussa un soupir, exténuée. La scène ne cessait de se jouer en boucle dès qu’elle rejoignait les bras de Morphée et les prédictions d’Andromedea n’étaient malheureusement jamais de bons présages. Elle ignorait réellement si ses visions étaient dues à sa nature de lorialet ou au millième de sang valraven qui coulait dans ses veines. L’omniprésence du sentiment de deuil quand elle les vivait avait plus ou moins confirmé la seconde option. Elle réalisait de nouveau qu’elle n’était pas totalement lorialet, c’était là le grand drame de toute sa vie mais elle ne voulait pas s’attarder plus sur ce qui lui avait valu l’exil de son royaume. La jeune femme soupira et s’extirpa de ses draps pour habiller son grand corps longiligne de sa longue robe en voile d’un bleu quasiment blanc.
Elle devait avertir la cheffe de garde rapidement bien qu’elle ne croyait pas une seule seconde être entendue, la lorialet n’avait jamais été prise au sérieux depuis son arrivée il y a trois ans à la garde. Elle n’avait pas non plus commencé du bon pied. Il faut dire qu’elle ignorait qu’elle avait la capacité de manipuler le plan onirique et avait plongée l’entièreté de la garde dans un rêve commun pendant quasiment une journée entière. Ezarel, son supérieur hiérarchique direct, avait dû faire preuve de la totalité de sa patience pour ne pas la faire exclure de la garde. Les connaissances en alchimie de la jeune femme, et surtout beaucoup de miel, avaient eut raison de la colère de l’elfe aux cheveux bleus qui lui avait laissé une seconde chance qu’elle avait sû saisir. Elle était désormais l’une des membres notoires de l’Absynthe et, à défaut d’avoir la confiance de Miiko, elle avait celle de ses collègues en grande majorité.

Alors qu’elle marchait dans les couloirs, elle décida de ne pas s’embêter avec Ezarel et d’aller directement frapper à la porte de la kitsune : si on devait se payer sa tête ce soir, elle préférait de loin l’air blasé de cette dernière aux railleries sans fin de son supérieur. Elle avait assez vu son faciès pour la semaine avec ce présage.

D’une main déterminée mais douce, elle cogna contre le bois rouge de la porte, attendant un instant que Miiko vienne à sa rencontre. Les getas de la cheffe de garde résonnèrent sur le sol juste avant qu’elle n’ouvre à la lorialet, visiblement surprise de la trouver au milieu du couloir. La femme-renarde se retrouva face aux formes discrètes et pâles de son invitée surprise. Il fallut un temps à Miiko pour se reculer un peu afin d’observer la gardienne qui avait interrompu le fil de ses pensées. La brune détailla d’abord les mèches d’argents ondulants le longs du visage au teint d’ivoire puis les iris d’un bleu si clair qui lui donnaient cet air presque irréel. Pas de doute possible, c'était encore Andromedea qui venait frapper à sa porte. En soupirant un peu Miiko prit la parole, restant en partie derrière la porte pour indiquer à la lorialet que la discussion se devait d’être courte.


“ J’ose espérer que ce n'est pas encore à cause d’un cauchemar que tu viens me chercher.
_ Miiko, ce ne sont pas des cauchemars pour la énième fois, c’est beaucoup plus détaillé. Beaucoup plus réel.” répondit calmement la jeune femme au teint d’albatre.


Dans un roulement d’yeux, la chef de l'Étincelante laissa entrer sa subordonnée. Miiko se remettait encore difficilement des deux dernières “prémonitions” de la lorialet qui avait annoncé il y a plusieurs mois la mort de Yonuki Kaze, l’ancien chef de la garde d’Eel, mais également celle de Lance. Si la perte de son mentor avait déjà bien attaqué le moral de la kitsune, celle de l’ancien chef de l’obsidienne qu’elle aimait éperdument avait ébranlé bien plus que l’organisation de la garde.


“ Je t’écoute Andromedea, qu’as-tu vu cette fois-ci ? Je te préviens tout de suite, je sais que tu as l’impression que je ne t’écoute jamais mais c’est bien plus complexe que ça. Leiftan n’a jamais usé de ce don là et il a bien insisté sur le fait que ce n’était pas monnaie courante, je me trompe ?
_ Non en effet, la plupart des lorialets le possèdent mais refuse de l’utiliser. Mais j’ignore s’il s’agit vraiment d’une clairvoyance lunaire Miiko, elles ne sont pas sensées être aussi claires, la lune parle en énigme, en métaphore. Elle ne donne pas, elle guide. Bref là n’est pas le sujet, j’ai pas envie de me disputer avec toi au sujet des croyances de Leiftan.
_ J’ai cru comprendre que c’était pas le grand amour en effet, tu devrais faire un petit effort d’ailleurs.”


La jeune femme aux cheveux d’argent poussa un soupir très sec, elle ne voulait pas parler de ça maintenant mais elle avait bien compris le message sous-jacent : Miiko en parlerait à Leiftan, son second, avant de prendre la moindre décision. L’enfant de la lune reprit une posture plus détendue afin de raconter en détails ce qui ressemblait à une attaque et à la destruction partielle du cristal. Après l’avoir laissé parler et lui avoir posé quelques questions, la kitsune la guida vers la porte pour essayer de dormir quelques heures avant de voir comment gérer cette information.


“ Va voir Eweleïn pour ton insomnie Andromedea, elle devrait avoir quelque chose.
_ Le problème n’est pas de passer à l’état physique du sommeil mais à l’état psychique. Elle ne peut malheureusement rien y faire encore, je n’ai pas envie de lui ruiner sa nuit à elle aussi. Elle s’épuise déjà bien assez à la tâche.
_ Tu as donc conscience de ton côté nuisible.
_ Miiko, je suis sérieuse. Je sais que tu prendras cette décision avec le reste de l'Étincelante et je sais aussi que mes visions ne sont probablement pas prémonitoires mais…”


Le soufflement agacé qui la coupa n’arrêta pas la lorialet dans sa lancée pour autant, elle subissait les remarques d’Ezarel bien plus souvent et elle était convaincu que Miiko était une petite joueuse à côté de la créativité du chef de l’Absynthe quand il s’agissait de trouver le meilleur moyen de la décourager.


“ Je t’en prie, à défaut de pouvoir vérifier si on peut l’éviter ou non, essaie de l’anticiper un peu.
_ Si ça ne se réalise pas, on aura pris du temps et de l’énergie pour rien, répondit la femme-renarde.
_ Mais si au lieu de tout nier en bloc on avait émis la possibilité que ça se produise, Lance serait peut-être encore là.”


La cheffe d’Eel ne répondit rien et se contenta d’encaisser la remarque en silence, même si sa main s’était crispée de colère sur ses jambes, c’était un fait. S’ils l’avaient un temps soit peu écouté, peut-être auraient-ils pu sauver au moins Lance. Andromedea s’excusa malgré tout quasiment immédiatement, elle savait que c’était un sujet encore très sensible et que Miiko faisait de son mieux pour garder la tête haute malgré la charge colossale qui lui était tombée dessus quand elle avait repris la tête de la garde. Malgré l’agitation de ses quatres queues, la kitsune accepta les excuses calmement. Elle savait que le fond de sa pensée n’était pas mauvais et les remords de son homologue sincères. Andromedea n’avait aucun intérêt à venir l’inquiéter pour rien : elle n’avait plus que la garde, mais une part de la renarde espérait que ce ne soit qu’une hallucination de la part de l’enfant de la lune.


“ Va te coucher Andromedea, j’en parle demain à Leiftan, nous convoquerons l'Étincelante si besoin. Merci de m’avoir informée aussi vite.
_ C’est mon devoir de gardienne Miiko, passe une bonne nuit.”


Elles se séparèrent sur ces mots plus doux que les précédents, Andromedea ne retourna pas dans sa chambre mais prit la direction du laboratoire afin d’y peindre en attendant que le soleil n’arrive. Si le choix du lieu pouvait sembler étrange, il avait l’avantage d’avoir tout un lot de rangements non utilisés et tous les matériaux nécessaires à la confection de peinture si jamais elle venait à en manquer. Elle avait sacrifié bon nombre de ration pour ce privilège mais avoir son petit coin poussiéreux au fond du labo pour pouvoir laisser son pinceau s’exprimer n’avait pas de prix. Tant qu’elle pouvait s’échapper un instant de la réalité, elle était prête à offrir son poids en miel à Ezarel. Après réflexion, il n’était d’ailleurs pas aussi tyrannique qu’il aimait le faire croire. Elle lui trouvait au contraire une bienveillance dissimulée derrière son cynisme. Andromedea ne serait probablement jamais devenue la gardienne qu’elle était aujourd’hui sans les connaissances qu’il lui avait apportées et ses conseils avisés. Il fallait cependant savoir lire entre les lignes de ses remarques et supporter son caractère de monchon.

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L'Étincelante fut convoquée quelques jours plus tard, Andromedea ignorait évidemment tout des discussions qui avaient suivies celle qu’elle avait eu avec la représentante d’Eel mais savoir que Miiko avait au moins demandé un véritable conseil la rassurait un peu et les jours s’écoulèrent au grès du quotidien de la garde.

La salle du cristal était dévastée ce soir-là. Les gardiens avaient eu beau se précipiter dès la première secousse, personne n’avait réussi à arrêter l’intrus et empêcher le désastre qui leur faisait face. Miiko serrait d’une main rageuse son bâton lanterne, Ezarel rangeait son arc en se redressant et Nevra venait tout juste d’entrer dans la salle, encore haletant de sa course. Il était arrivé trop tard pour les aider.


“ Je suis désolé Miiko, commença le vampire, j’ai traversé la forêt aussi vite que j’ai pu quand j’ai perçu le bruit mais il était déjà trop tard pour lancer l’alerte quand j’ai atteint le QG.
_ C’est moi Nevra, je t’ai envoyé en mission trop loin. Je pensais que quelques jours suffiraient…”


Le chef de l’Ombre garda le regard baissé jusqu’à ce que la main gigantesque de Valkyon ne se pose sur son épaule. L’homme dont la carrure avoisinait les deux mètres venait de revenir lui aussi et avait tenté immédiatement de stopper la fuite de l’intrus, sans succès. Nevra se redressa et regarda un peu plus loin Andromedea qui, sous les ordres d’Ezarel, commençait à aider au nettoyage de la salle comme beaucoup d'autres gardiens. Il réalisa avec regret qu’il n’avait même pas pu lui dire qu’il était de retour et qu’ils n’étaient malheureusement pas prêts de se retrouver pour discuter. Il fallait remettre la salle en état, vérifier que tout soit en ordre, rassurer la population. Le vampire se fit la remarque qu’elle n’était étonnement pas accompagnée de sa plus grande copine, Delfyn. Andromedea et la fée ne s’étaient quasiment jamais quittées depuis l’arrivée de cette dernière. D’ailleurs Delfyn n’était pas du tout présente dans la salle, Nevra se doutait cependant qu’il aurait le fin mot de cette histoire lors de leur prochaine réunion à la cantine, il lui fit simplement un petit sourire auquel la lorialet répondit avec un voile de tristesse dans le regard. Elle l’avait vu et ça s’était passé exactement comme elle l’avait conté : les chefs de l’ombre et de l’obsidienne n’étaient présents ni l’un ni l’autre. Andromedea s’interdisait cependant de démoraliser, elle devait rester forte pour les siens, et ce petit geste de la part du brun avait eu le don de lui redonner un peu d’espoir au milieu de tout ça.

La garde allait réagir au quart de tour, à l’image de Miiko qui n’abandonnait jamais sans tenter quoi que soit. Demain était un autre jour.

Chapitre 1 : Envol

    L’attaque de la veille avait beaucoup secoué le refuge d’Eel. Entre panique et désarroi, Miiko avait dû user de son autorité pour réunir les gardiens dans la salle des portes. L’heure n’était pas au désordre. Il fallait au plus vite lancer des missions de rapatriement pour les faeries dans le besoin qui auraient été touchés par l’attaque faite au cristal. Une seconde partie des gardiens aurait comme rôle de chercher les morceaux de la pierre bleue ayant volé en éclat dans tout Eldarya. La kitsune avait plus tôt trouvé un morceau de la pierre meurtrie non loin de son réceptacle et avait constaté qu’elle avait pu les faire fusionner de nouveau, ravivant son espoir.

Au milieu de la foule de gardiens, une jeune femme furetait à la recherche de son équipe. Sa petite taille qui se révélait être un avantage en de nombreuses occasions ne l’était pas lorsqu’il s’agissait de repérer quelqu’un.

“Delfyn, on est là !”

La concernée pivota vers la voix qui l’avait interpellé, faisant voler derrière elle ses cheveux roses d’une longueur qui paraissait sans fin. Sa chevelure retombait gracieusement le long de son dos, et un sourire se dessinait sur son visage opalin lorsque ses iris azur se posaient sur le vampire qui lui faisait signe.

“Par l’Oracle, Nevra, j’ai cru que je ne vous trouverais jamais dans toute cette effervescence.
_ Moi qui pensait que mon infinie beauté était repérable en toute occasion” se lamenta le vampire, faisant rire sa collègue.

Nevra n’avait cependant pas tort : il était difficile de nier qu’il avait un charisme et un charme fou, et ce malgré son cache-œil. Il avait beau ne pas être le type idéal de la fée, elle était la première à reconnaître que ses cheveux d’ébènes, sa grande taille et son œil, désormais unique, aux reflets violets faisaient de lui l’un des plus beaux garçons de la garde. Mais elle n’était pas là pour nourrir le narcissisme de son ami. La mission sur laquelle ils avaient été affectés était spéciale. Accompagnés de Chrome et Valarian, ils avaient comme objectif de parcourir la forêt à la recherche de l’homme masqué qui avait mutilé le cristal ou, à défaut de sa personne, de potentiels indices pouvant aider à le retrouver. Bien que membre de l’Obsidienne, Delfyn brillait par ses capacités d’infiltration qui avaient grandement frustré le chef de l’Ombre lorsqu’elle s’était vue intégrer une autre garde. Nevra n’avait pas été le seul à montrer sa déception. Une fée dans la garde des bourrins ? Cela en avait fait rire plus d’un et par dessus tout, ça avait exaspéré le chef de la garde Obsidienne de l’époque. Toisant de près de deux têtes sa nouvelle recrue, Lance n’avait su quoi faire de ce nouveau fardeau. Delfyn s’était rapidement sentie de trop parmi les forces de la nature qui composaient sa garde. Entre ses connaissances en herbologie qui auraient pu la mener au sein des alchimistes de l’Absynthe, ou ses pouvoirs de fée se révélant être un atout perdu pour l’Ombre, la jeune femme n’avait pas compris comment le test avait pu se tromper à ce point sur son compte. Pourtant Yonuki Kaze avait été clair : le test n’avait jamais tort et il était impossible de changer de garde. Malgré ses débuts laborieux et ses envies incessantes d’abandonner, la fée avait tenu bon, l’amitié qu’elle avait forgée avec Andromedea  ayant beaucoup aidé.

Les deux femmes avaient trouvé en l’autre un soutien précieux, et ce malgré leurs nombreux plans de fuite loin de la garde qu’elles n'avaient jamais eu le cœur d’accomplir à mesure qu’elles créaient leurs marques. À force de persévérance, Delfyn avait vu naître une nette amélioration en ses capacités. La fée devait cet exploit à Valkyon que son frère avait chargé du cas désespéré. D’après les paroles de Lance, il était le seul qui pourrait faire de cette catastrophe une obsidienne digne de ce nom et le chef de leur garde avait vu juste. Après quelques premiers mois ardus, Delfyn avait enfin atteint un niveau convenable, mais également gagné une amitié précieuse. La bonne humeur et l’insistance de la jeune femme avait eu raison du masque de Valkyon, forgeant avec lui une complicité toute aussi touchante que déconcertante. Si leurs plus proches amis savaient pertinemment que leur proximité ne relevait que d’une forte amitié, il n’était pas rare que certains gardiens se questionnent sur la nature de leur relation, et ce malgré l’idylle de la fée avec Lance. Le regard de la demoiselle à la chevelure rose glissa sur la foule jusqu’à repérer Valkyon quelques mètres plus loin. Son chef était bien l’un des seuls qui n’était pas difficile à repérer avec sa grande taille et sa carrure. Il semblait donner des instructions à son équipe qui l’écoutait attentivement. Un raclement de gorge lui fit tourner les yeux vers son propre groupe, et Delfyn adressa un sourire désolé à Nevra, se concentrant de nouveau sur ses paroles.

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Le départ se fit quelques heures plus tard. Delfyn rejoignit son groupe aux grandes portes après avoir souhaité bonne chance à Andromedea et Valkyon qui partaient ensemble vers la plage. Nevra menait la marche en direction de la forêt d’un pas rapide et déterminé. Tandis qu’ils dévalaient la plaine, Delfyn rattrapa le vampire à petite foulées. Ses doigts se posèrent sur le bras du brun pour le faire ralentir.

“Tu veux que je prenne la tête Nevra ? Je peux me transformer et faire une première prospection du terrain. Je sais que tu es discret, mais c’est moins le cas de Valarian et ça pourrait jouer en notre défaveur.”

Le chef de l’Ombre opina, réduisant la vitesse de ses pas tandis que le groupe s’approchait des arbres marquant la limite de la forêt. Ses capacités de fée étaient en effet intéressantes. À chaque naissance, les nouveau-nés fées se voient approprier la caractéristique d'une âme de la forêt. Celle-ci leur permet de consolider la capacité principale de leur magie. Une fée liée sous l’âme d’un cerf pourra en prendre l’apparence. Delfyn était née sous la bénédiction du papillon, se changeant à sa guise en cette créature gracieuse. Un avantage sans nom lorsqu’il s’agissait d’infiltration, mais également lorsqu’il fallait épier des conversations qui ne la regardaient absolument pas. Delfyn avait la fâcheuse tendance à être curieuse plus que de raison. La jeune femme se changea en un sublime papillon dont les ailes arboraient un magnifique mélange pastel de rose et d’azur, rappelant respectivant la couleur de ses cheveux et de ses iris. Le papillon virevolta entre les branches, prenant de l’avance sur son petit groupe. Rien en vu pour le moment. Le deuxième avantage de Delfyn lorsqu’elle devait espionner concernait ses pouvoirs spirituels. La fée avait la possibilité de s’infiltrer dans les esprits qui lui étaient ouverts pour transmettre informations ou images. Usant de cette capacité, elle transmit à Nevra qu’ils pouvaient avancer sans crainte. C’était un pouvoir qu’elle n’utilisait que rarement et uniquement lorsqu’elle savait avoir le consentement de l’esprit dans lequel elle s’insinuait.

L’exploration du papillon fut stoppée par une lueur scintillante qui l’avait interpellée. Délicatement, elle descendit de la hauteur des feuilles pour sonder l’objet. Une fois assez proche, elle identifia immédiatement un morceau de cristal dont l’image fut transmise au vampire. Il ne fallut que quelques instants pour que les trois gardiens la rejoignent tandis qu’elle reprenait de nouveau sa forme usuelle.

“Ramenons ça à Miiko, nous reviendrons fouiller après.”

Personne ne contesta l’ordre du chef de l’Ombre et ils repartirent dans la direction opposée. En faisant demi-tour, la fée accéléra pour se ranger aux côtés de Chrome, mais Nevra attrapa son bras pour la garder près de lui. Le vampire n’eut qu’à regarder la fée pour deviner son air interrogateur. Il ralentit pour que leurs collègues soient assez loin afin de ne pas intercepter leur conversation.

“Je ne t’ai pas vu avec Medea hier soir, je dois avouer que ça m’a surpris.”

Delfyn se mordit l’intérieur de la joue en détournant le regard de l’expression sondeuse du vampire à l’entente du surnom de la lorialet. Le remords vint peser sur sa poitrine, elle imaginait bien que son amie été troublée par la réalisation d’une de ses visions d’horreur une fois de plus. La fée connaissait assez bien Andromedea, appelée communément Medea à sa demande, pour savoir qu’elle ne lui en voudrait pas de s’être isolée.

“J’avais besoin d’être un peu seule, je l’avais laissée quelques heures plus tôt..
_ Tu étais encore partie à sa recherche ?”

La fée grimaça devant la mine grave du chef de l’Ombre. Sa question était légitime : elle n’avait cessé de s'éclipser en dehors de la garde suite à la disparition du prédécesseur de Valkyon, inquiétant à répétition ses amis. Delfyn s’était noyée dans le déni des mois durant, se persuadant que Lance n’était pas mort. Après tout, son corps n’avait jamais été retrouvé, il était forcément quelque part. La jeune femme senti sa gorge se serrer à la mention de son ancien chef de garde. Elle secoua la tête pour répondre à Nevra.

“Si tu veux savoir, j’étais tout simplement dans ma chambre. J’ai compris que je ne le retrouverai pas. Tu sais Nevra, j'ai été d’une incompétence sans nom et très indigne de ma position de gardienne pendant un moment. J’aimerai me racheter, j’aimerai réussir à m’investir de nouveau dans la garde, mais j’ai besoin d’une pause pour finir mon deuil.”

Le vampire lui adressa un sourire triste, sa main venant presser son épaule avec douceur comme pour lui signifier sa présence à ses côtés. Il n’avait pas forcément été son plus grand confident, mais Nevra était toujours prêt à écouter la jeune femme à la chevelure rosée lorsqu’elle en avait besoin.

“ Personne ne t’en veut Delfyn, ton état était légitime.
_ J’ai tout de même l’impression de ne plus avoir ma place dans la garde après tout ça. J’ai beaucoup réfléchi à mon départ. Ce n’est pas que j’en ai envie, mais j’en ai besoin pour avancer.”

Nevra sentit son coeur se serrer en voyant son amie ainsi. Au sein de la garde, “Delfyn” était pour tous synonyme de joie. Tous avaient en tête sa bonne humeur et son sourire en pensant à elle. Il ne s’était pas passé un jour sans que son rire cristallin résonne dans les couloirs du QG. Du moins jusqu’au jour tragique de la mort de Lance. La fée l’avait cherché partout, inlassablement. Elle avait commencé à s’en remettre depuis quelques temps, mais elle avait besoin de s’éloigner de la garde un temps, Delfyn le savait. Son départ n’avait pas été une décision facile à prendre, mais c’était pour le mieux.

“On t’attendra. Medea, Valkyon, moi. Chrome aussi même s’il prétend que ça ne l’atteint pas. Peu importe quand tu décideras de revenir, nous serons là.” promis le chef de l’Ombre en retirant délicatement sa main de son épaule.

Delfyn adressa un sourire reconnaissant au vampire. Elle comptait revenir un jour, c’était certain. Elle avait besoin d’une pause parmi les siens mais sa place restait à la garde.

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La journée fut longue et éreintante. La garde n’eut pas à compter beaucoup de perte parmi leurs nouveaux réfugiés, le groupe aux ordres de Valkyon avait secouru quelques faeries mais la grande majorité des blessés étaient des familiers. Au milieu du sauvetage, quelques morceaux de cristal furent retrouvés par les différentes équipes ; seulement quelques éclats saphir que Miiko avait fait fusionner avec la pierre mère. La différence était infime mais immense était le soulagement de la kitsune de savoir que petit à petit, la garde pourrait travailler à réparer le cristal.

Après plusieurs jours, une pause fut accordée aux gardiens qui pouvaient enfin souffler après avoir subi tant de pression. Delfyn en profita pour peaufiner son départ. La fée en avait déjà informé ses amis, et bien que sa décision ne semblait pas sérieuse au départ, elle était désormais plus que décidée à partir. Elle avait besoin de retrouver sa famille, de retrouver le confort des siens, la forêt si belle qu’elle en avait des étoiles dans les yeux. Avec l’aide de Nevra et Andromedea, une fête avait été organisée pour son départ, une occasion pour chaque faery tourmenté de se détendre le temps d’une nuit. L’évènement permettrait également à Delfyn de quitter ses amis sur un au revoir plus joyeux que ce qu’elle aurait imaginé. Pour ses derniers jours, et particulièrement pour ce soir, elle revêtirait le plus éclatant des sourires. Elle voulait que la garde se souvienne d’elle comme la fée joviale et un peu trop énergique qu’elle était.

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Lorsque Nevra rejoignit le cerisier où leur soirée avait lieu, il ne tarda pas à repérer le rire cristallin de son amie qui était accompagnée de Valkyon. La fée portait une robe rappelant l’azur de ses yeux, brodée de bijoux nacrés qui suivaient la cascade de tissu jusqu’à ses chevilles. Dans ses cheveux étaient fixées des fleurs bleues maintenant en place quelques mèches tressées. Arrivant à leur hauteur, le chef de l’Ombre glissa ses doigts autour du poignet de Delfyn pour déposer un baiser sur le dos de sa main.

“Ravissante, je pourrais presque tomber sous ton charme.
_ Oh je t’en prie Nevra, je sais très bien que tu n’as d’yeux que pour une autre demoiselle, j’en serais presque vexée.
_ J’ai arrêté d’essayer le jour où j’ai gentiment été rappelé à l’ordre par ton cher et tendre.”

Delfyn rit doucement à ce souvenir. Nevra, après une énième invitation charnelle, s’était confronté au regard foudroyant et à une remarque acerbe de Lance qui avait chassé toute idée de poursuivre ses propositions. Elle était d’ailleurs rassurée de sentir qu’elle souffrait bien moins lorsque quelqu’un mentionnait l’ancien chef des obsidiens, elle était enfin proche de la sortie du tunnel dans lequel elle avait sombré à sa mort. La fée récupéra doucement sa main pour la passer autour du bras de Valkyon. Ses yeux pétillants se levaient pour observer le visage neutre de l’homme qui la dominait de presque deux bonnes têtes. Cette épreuve les avait d’autant plus rapproché. Plus que jamais ils avaient eu besoin de la présence de l’autre pour traverser l’horreur qui les avait frappés.

“J’ai l’honneur de t’annoncer que tu as gagné ma première danse de la soirée.” déclara-t-elle soudainement.

Sans laisser le choix à l’obsidien, la fée le traîna sur la piste où les gardiens bougeaient déjà au rythme de la musique. Elle soupira en interceptant le regard amusé et interrogateur de Valkyon.

“Tu ne venais pas de me dire que tu avais la flemme de danser maintenant ?
_ Si si.
_ Et que me vaut le plaisir de ce changement d’avis ?
_ J’ai vu Medea arriver, il fallait que je laisse un peu de temps à Nevrouille.
_ Tu es vraiment irrécupérable Delfyn.” soupira l’obsidien qui obtint un grand sourire pour toute réponse.

Le vampire fut effectivement rejoint quelques instants plus tard par la lorialet aux cheveux légèrement cendrés. Andromedea était vêtue d’une robe bleu nuit aux détails dorés et sertie de pierres bleues. Les pans virant au vert de son jupon virevoltaient au rythme de ses pas. Sa démarche était lente, elle appréciait la lumière de la lune sur la peau nue de ses épaules, ses bras étant couverts par le tissu fin sur lequel la lumière donnait l’impression de créer des constellations. La brise qui l’accompagnait faisait danser les quelques mèches grises qui s’échappaient du chignon travaillé qu’elle avait confectionné avec application. “Magnifique, comme toujours” pensa malgré lui le chef de l’Ombre qui préparait déjà son plus beau sourire pour accueillir la lorialet qui, à son tour, eut droit au délicat baise-main de Nevra. Alors qu’il s’apprêtait à la couvrir de compliments, le vampire la regarda avec un petit sourire faussement vexé de la voir chercher quelque chose, ou probablement quelqu’un, du regard dans la salle.

“ Ton cavalier t’as fait faux bon ?
_ Je n’ai pas de cavalier.
_ Je t’avais pourtant proposé, répondit presque déçu le brun.
_ Ce n'est pas parce que tu étais déjà accompagné que tu n’as pas pris la peine de venir me chercher au labo ?”

Nevra rit un peu en levant les mains en signe d’abandon avant de se confondre en excuses sous le regard amusé de la jeune femme. Il ne pouvait pas dire qu’il n’avait pas pensé à faire le coup, mais il avait craint de la retrouver en train de se chamailler avec le lutin bleu de l'Absynthe. Il savait que les nerfs de l’enfant de la lune étaient à cran ; la descente avait commencé lorsqu’elle avait prédit la mort de l’ancien chef de l’Obsidienne mais voir la destruction du cristal faite réalité avait mis un véritable coup au moral de son amie. En se redressant, il prit délicatement les mains de la jeune femme qui lui faisait face, revenant à l’attaque avec son oeil rieur et sa voix suave.

“ Je connais un excellent moyen de te changer les idées tu sais.
_ Ce serait vraiment avec plaisir mais je dois refuser, c’est la veille du départ de Delfyn, je n’ai pas envie de passer ma soirée dans les bras de quelqu’un au lieu de profiter de mon amie.”

Nevra lui fit un sourire lourd de sens en secouant la tête, évidemment qu'elle l'avait rejeté comme à son habitude avec son sourire mutin et son regard malicieux. À défaut de finir sa nuit dans ses draps, il lui demanda sa première danse, ce qu’elle accepta après un dernier coup d'œil à la salle. Le chef de l’Ombre était loin d’être stupide, Medea cherchait quelqu’un du regard et ce quelqu’un n’était pas lui. Ce n’était pas que la lorialet était la seule à ses yeux, contrairement à ce que pouvait leur dire Delfyn, mais justement qu'il n'arrivait pas à en faire une de ses conquêtes. Le chef de l’ombre n’était pas idiot au point de décider de se contenter d’une seule femme, d’autant plus lorsque celle-ci n’en ferait pas de même. En effet Andromedea n'avait rien à envier à son ami en matière de popularité à la différence qu’elle faisait bien plus de victimes masculines que féminines, bien qu’elle ne soit pas sélective sur ce point. Depuis plus de deux ans, la lorialet prenait un réel plaisir à faire languir son mentor en matière de séduction. Ils se poussaient l'un l'autre à la limite mais Andromedea n'avait jamais accepté la moindre proposition de Nevra, ce qui rendait profondément malheureux le chef de l'Ombre. Il devait avouer que son égo en avait pris un coup et que la demoiselle avait de ce fait provoqué toute la combativité du vampire qui était bien plus que décidé à la faire rejoindre sa liste de conquêtes. Alors qu’il guidait leurs pas au milieu des autres couples de danseurs, Medea gardait l’air absent qu’elle arborait souvent.

“À qui penses-tu comme ça ?
_ À toi voyons ! Qui d’autre que le grand Nevra pour occuper les pensées d’une femme, répondit la lorialet en riant un peu.
_ Mais bien sûr, je suis juste en face de toi et tu furètes partout comme si l’élu allait débarquer.
_ L’élu n’est clairement pas le bon terme pour le définir… J’avais plus ou moins prévu de me venger de la dernière crasse d’Ezarel ce soir. Je ne le vois pas, il doit avoir trop peur de mourir de honte face à mes talents de danseuse.” corrigea-t-elle, son sourire ne la quittant pas.

Nevra retint un rire, c’était donc ça. Il se redressa calmement, en effet il n’entendait pas la voix de son ami dans le secteur, il devait probablement s’être enfermé au laboratoire et en interdire l’accès comme un petit tyran pour rester tranquille. La lorialet soupira, déçue de devoir abandonner son plan avant de reporter son attention sur son partenaire qu’elle avait complètement délaissé.

“Excuse-moi, je ne voudrais pas que tu penses que je ne veux pas passer de temps avec toi.
_ Si c’est le cas que vas-tu faire pour te racheter ?
_ Je t’ai vexé ? Je pensais que tu me connaissais assez bien pour savoir que je ne céderais cette danse pour rien au monde.
_ Pourtant tu oses en chercher un autre alors que tu es dans mes bras, Medea.” rétorqua le vampire dont le ton rieur trahissait l'amusement.

Un sourire se dessina sur les lèvres de son amie qui rit un peu avant de se rapprocher plus de lui pour arriver au niveau de ses oreilles afin de souffler sur son lobe avant de lui faire un clin d'œil. Le vampire la serra plus fort contre lui pour punir son affront ce qui provoqua un léger sursaut à la lorialet qui hoqueta et tenta de se détacher de son emprise. Entre le mouvement de recul, la force du vampire et le tour qu'ils amorçaient dans leur danse, Andromedea se prit le pied dans sa robe en tournant et se serait retrouvée sur le sol si son cavalier ne l'avait pas maintenu fermement contre lui. Nevra ne put retenir son sourire moqueur, son visage seulement à quelques centimètres du sien. Les billes d’azur de Medea détaillaient les traits fins du visage du vampire tandis que sa respiration se calmait en réalisant qu’elle était en sécurité. Le chef de l’Ombre laissa un rire résonner dans sa cage thoracique, son souffle caressant les lèvres entrouvertes de la demoiselle, c’était l'occasion parfaite pour lui de rappeler sa maladresse à l’enfant de la lune.

“Ça t'apprendra à me défier de la sorte, la taquina-t-il en glissant son visage vers son oreille à son tour. Je pense qu’il n’a pas grand-chose à craindre et que c’est justement pour ne pas avoir à gérer ta maladresse lui-même qu’il n’est pas venu.”

Un frisson courut le long de la colonne vertébrale de Medea. Soudainement, un rire s’empara d’elle alors qu’elle faisait mine de se débattre en sentant son acolyte dériver vers sa jugulaire où l’effronté déposa un baiser.

“Nevra ! File de là ! Je t’ai dit non, pas ce soir !
_ Arrête ton char, demain non plus Medi…
_ Je ne savais pas que tu pouvais lire le futur en tant que vampire.”

Le rire de l'homme rejoignit celui de la jeune femme au nom étoilé alors qu’il se redressait, il ne voulait rien de plus que jouer avec elle. La lorialet ignora les regards envieux des autres filles de la garde, Nevra continua de rire en replaçant avec délicatesse le col de sa partenaire d’une danse. Ils décidèrent enfin d’arrêter leur manège pour retrouver Delfyn qui était aux côtés de Chrome dans une chorégraphie qui semblait n’avoir aucun sens, mais les sourires sur leurs visages avaient quelque chose d’attendrissant. Leurs rires s’atténuaient au même rythme que la musique ralentissait, teintant l’ambiance d’une atmosphère plus calme, propice aux danses plus langoureuses. Delfyn lâcha le petit loup qu’elle avait pris sous son aile dès qu’il était arrivé au sein de la garde, le traitant et le considérant comme un petit frère. Elle colla un bruyant baiser sur sa joue avant de le laisser se faufiler aux côtés de Karenn. La fée fut soulagée de voir la jeune vampire accepter son invitation, elle les couva du regard avant de retourner son attention sur ses amis qui venaient de la rejoindre.

“ Je vois qu’on perd pas de temps pour devenir tactiles.
_ Elle cherchait Ez et s’est marchée dessus.”

Delfyn fit la grimace en jugeant du regard la lorialet qui donna un coup de coude dans le flanc du vampire qui se moquait d’elle, se défendant comme elle pouvait qu’il l’avait faite tourner trop vite volontairement.

“ Je ne veux pas entendre le nom de l’enquiquineur ce soir.
_ L’enquiquineur vient justement te souhaiter un bon départ, Delchouine. Ma gentillesse me perdra.” Répondit une voix dans son dos.

Ezarel venait de les rejoindre avec une fiole dans les mains à l’intention de la fée. C’était une potion qui avait pour effet de lever la fatigue pendant plusieurs heures. Comme elle repartait en vol, il voulait s’assurer qu’elle puisse faire le trajet sans risquer de finir au fond de la mer.

“Medea me l’a demandé ce matin mais j’avais pas envie de m’y mettre tout de suite.
_ Tu es un vrai menteur, je t’ai vu sortir ton meilleur pot de miel pour célébrer son départ, s’indigna l’enfant de la lune.
_ C’est donc pour ça qu’elle te cherchait ! s’exclama Nevra qui faisait enfin le lien avec le comportement de la lorialet.
_ ‘Me cherchait’ ? Elle a enfin admis qu'elle était folle de moi ? Juste folle aurait suffit…
_ Mais bien sûr, donne-moi ça, j’ai sacrifié la moitié de mes rations dans du miel pour cette potion alors que je déteste ça.
_ Il y a des gens avec du goût et les autres, soupira l’elfe. Je n'allais pas travailler gratuitement non plus.”

Andromedea l’ignora en soupirant tandis que le chef de l’Absynthe ricanait un peu en se moquant gentiment d'elle, soulignant à quel point ses talents de danseuse étaient en effet surprenant en matière de chute. Elle récupéra le flacon après l’avoir laissé l’embêter et le donna à la fée avant de reporter son attention à Ezarel, réussissant à traîner l’elfe sur la piste de danse en échange de biscuit sur ses rations du lendemain matin.

“Que l'Oracle me protège de la maladresse de mon esclave favorite. Je jure de la laisser tomber sinon.
_ Que l'Oracle fasse de lui le meilleur danseur de cette soirée pour ne pas me faire regretter de lui offrir ma seconde danse.”

L'elfe la foudroya du regard en riant et la suivit sur la piste pour lui prouver que contrairement à lui, elle n'avait pas besoin de prier. En soupirant tristement, Nevra porta de nouveau son attention à la reine de la soirée, ignorant les deux pitres qui se chamaillaient sur la route de leur slow. Un rire se coinça dans sa gorge quand il vit l’air répugné de Delfyn les fixer, elle n’était clairement pas la plus grande fan de ce duo.

“Voyons Delfyn, tu sais bien qu’elle fait ça pour l’embêter.
_ Oui mais on parle de Zaza. Personne “n’embête” Zaza. Je te dis qu’elle lui plaît, je suis prête à y parier une de mes ailes. Heureusement, elle a bon goût. Il n’a pas la moindre chance face à toi.
_ Oulah, ma petite chenille, faut vraiment que tu ouvres les yeux. Ez n’est clairement pas intéressé par Medea, du moins pas plus qu’un autre. Mon petit doigt me dit que ta super copine sait très bien avec qui il fricote.” corrigea en riant le vampire avant de quitter son amie qui l’interrogeait du regard.

Il n’en ajouta cependant pas plus et rejoignit un groupe de gardiennes afin de se trouver une partenaire pour la fin de cette soirée.


Il commençait à se faire tard lorsque Delfyn décida d’aller saluer une dernière fois ses amis. Bien qu’elle ait pris la décision de ne pas laisser son sourire filer de la soirée, elle ravala ses larmes lorsqu’elle serra Valkyon dans ses bras. Le laisser devait être le plus dur, au même titre que partir loin de Medea. Ces deux-là avaient pris une place si importante dans sa vie qu’elle fut traversée d’un doute au moment de les quitter. Elle n’arrivait plus à se voir sans eux, et pourtant elles les quitteraient le lendemain. Devait-elle vraiment partir ?

Oui, sa décision était prise, il le fallait. La fée prit chaque être cher dans ses bras, mémorisant leur visage, imprimant leurs sourires dans son esprit, bercée par les souvenirs de cette nuit qu’elle avait espéré sans fin lorsqu’elle ferma les yeux pour s’endormir.

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Le soleil n’était même pas encore levé sur les terres entourant la cité d’Eel lorsque Delfyn terminait d’enfiler les dernières ceintures à son corps. Chaque geste avait été réalisé comme on procède à un rituel. Elle reviendrait et pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’avoir le cœur lourd. La jeune femme avait décidé de partir aux aurores, de cette manière elle ne croiserait personne et aurait le temps de se recueillir une dernière fois sur la tombe de Lance avant son départ.

Un an s’était écoulé et pourtant l’obsidienne avait l’impression de se rendre pour la première fois sur le flanc de la falaise où se trouvait la pierre symbolique, le corps de l’ancien chef de l’Obsidienne n’ayant jamais été retrouvé malgré tous leurs efforts. Delfyn avait tant pleuré qu’elle retenait comme elle pouvait les larmes de couler, elle ne voulait pas partir sur une note négative, elle venait pour lui dire au revoir, le déni et la tristesse devaient laisser place à l’acceptation. Timidement elle s’autorisa à parler, de leurs jours heureux, des moins heureux, de son affectation à la garde, de ses doutes. Les larmes coulèrent, bien sûr, mais ce n’était pas le cœur lourd qu’elle venait se recueillir au contraire elle sentait tout le poids qui la retenait encore ici se lever de ses épaules, elle devait aller de l’avant et se concentrer sur ceux qui étaient encore là pour construire de nouveaux souvenirs. Elle lui fit ses adieux et descendit alors le chemin jusqu’à la plage, le soleil commençant à pointer le bout de son nez. La fée respira à plein poumons l’air marin qui l’avait accueilli la première fois où elle avait mis les pieds sur ces terres et qui aujourd’hui encore lui ouvrait grand les bras pour son départ. C’est là qu’elle remarqua les longs pans en voile d’une robe noire qui flottait au vent, deux cicatrices ornaient les omoplates de la jeune femme assise devant un immense chevalet représentant la mer qui s’étendait à perte de vue. Un sourire étira les lèvres de Delfyn qui rejoignit d’un pas légèrement plus rapide la lorialet qui peignait, elle n’avait probablement pas réussi à fermer l'œil de la nuit.

“ Tu devrais dormir, lança la fée.
_ Je n’avais pas l’intention de te laisser filer sans un réel au revoir.”

Andromedea se releva en souriant, elle était bien évidemment triste de laisser partir celle qui avait été son amie quasiment dès ses premiers jours à la garde mais la lorialet s’était promis de ne pas verser de larmes pour son départ.

“ C’est ici que l’on s’est rencontré pour la première fois, reprit-elle.
_ Oui. Nevra m’avait envoyé te trouver. Je lui avais juste dit que je ne me sentais pas à ma place…
_ Je m’en souviens, tu n’avais pas arrêté de parler pendant 3 heures.”

Elles partagèrent un rire en repensant à ce souvenir. C’était il y a trois ans. Le temps avait filé entre leurs doigts, elles avaient beaucoup appris depuis. Elles avaient trouvé leur place au sein de la garde désormais.

“Et c’est par la même porte que tu pars” osa timidement la lorialet.

La fée à la chevelure rose sourit en plongeant ses yeux dans ceux de son amie qui étaient plein de joie malgré la tristesse qui voilait discrètement son regard. Elles avaient pensé tellement de fois à partir à leurs débuts, Delfyn se souvenait encore de chacun des plans, de pourquoi ils avaient été abandonnés et elle se doutait que l’enfant de la lune avait la tête remplie de ces mêmes souvenirs.

“Tu peux venir avec moi si tu ne veux vraiment pas te passer de moi quelque temps. J’ai toujours voulu vous faire visiter Dynn, c’est peut-être l’occasion de rendre nos plans réalité maintenant que plus rien ne nous retient.
_ Ne te retient à toi, Delfyn.”

Andromedea avait calmement secoué la tête avec un sourire avant de serrer son amie dans ses bras, murmurant une vieille bénédiction dans le dialecte de ses terres natales afin de souhaiter bon voyage à la fée qui la regarda surprise de son refus, attendant que son amie ne poursuive ce qu’elle fit juste après avoir respiré profondément.

“Ma place est ici. Prends soin de toi, Petite catastrophe de la garde d’Eel, retrouves ta famille et reviens nous plus en forme que jamais. Je t’attendrais ici, Valkyon aussi.”

Andromedea avait les mains sur les épaules de son amie qui hocha la tête, les larmes montant un peu à ses yeux. Quelques années auparavant elle l’aurait suivi sans la moindre hésitation, aujourd’hui elle se sentait enfin chez elle ici. Elle avait ses amis, Nevra lui avait confié la moitié des entraînements de Karenn, elle se sentait utile. Il y eut un petit moment de silence, seul le son des vagues s’écrasant sur le sable fin tandis que les deux jeunes femmes usaient de toute leur volonté pour ne pas se laisser envahir par la nostalgie. Delfyn reprit avec un sourire et un ton qui se voulait confiant.

“Je reviendrai. Après tout, tu as dilapidé tes rations pour payer cet escroc. Je ne peux pas ne pas ne pas faire honneur à ton sacrifice.
_ C’est vraiment à utiliser en cas d’urgence, précisa Andromedea. Je ne voulais pas que tu prennes plus de risques. Je ne suis pas inquiète pour ton arrivée à Dynn, mais pour le voyage retour. Valkyon et Ykhar t’avaient retrouvé à peine consciente lorsque tu t’es échouée sur la plage d’Eel.
_ C’est vrai, gloussa-t-elle, j’étais complètement à sec. Merci Medea, prends soin de toi.”

Elles se serrèrent une dernière fois dans les bras avant que Delfyn ne prenne sa forme de papillon et entame son périple vers la forêt de son enfance.

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Les jours reprirent pour la garde qui commençait tout juste à s’habituer aux nouvelles règles mises en place. Miiko convoqua l'Étincelante, elle avait l’intention de proposer d’ouvrir un poste pour Andromedea, ce qui ne plut bien évidemment pas au lorialet qui ne la portait pas dans son cœur. Alors que tous pensaient qu’ils formeraient un véritable duo de choc, Medea avait reçu un accueil glacial de la part de Leiftan en raison des origines de cette dernière. Exilée des terres d’Opale, le second en chef n’avait pas caché son envie de l’y renvoyer pour éviter de nouveaux problèmes à la garde. Miiko avait été surprise de la réaction du blond mais les rumeurs au sujet du passé de la nouvelle arrivée n'étaient pas glorieuses, elle comprenait la réticence de Leiftan. Cependant la kitsune avait décidé de la garder afin qu’elle ne soit pas exécutée : elle s’était jurée d’accueillir les reclus et mis à l’écart, Andromedea en faisait partie et était prête à se plier aux règles de la garde. La clémence de Miiko avait permis à la jeune femme de reconstruire sa vie et elle lui en était extrêmement reconnaissante.
Si l’idée que la jeune femme rejoigne l’Étincelante ne le réjouissait pas, Leiftan devait tout de même admettre qu’elle avait beaucoup donné pour la garde et se rendre à l’évidence : si on lui avait fait confiance bien plus tôt, peut-être auraient-ils pu se préparer à l’avenir au lieu de le subir. Il n’était même pas question d’éviter le pire, juste d’en prendre conscience et d’accepter qu’il arriverait. Les autres membres de l’Étincelante ne furent pas contre cette décision, bien au contraire Ezarel appuya le fait que même si l’Absynthe regretterait un aussi bon élément, les connaissances géographique et diplomatique de la lorialet serait un véritable atout pour le conseil en dehors de son don.
Andromedea rejoint alors le conseil de l’Étincelante, elle était principalement chargée d’épauler la nouvelle cheffe de garde lors de la gestion des ressources du refuge et les premières prises de contact et négociations avec les autres peuples d’Eldarya. Les connaissances diplomatiques de la nouvelle membre de l'Étincelante étant un véritable poids dans les échanges et, même si leur entente était catastrophique, Miiko était soulagée de pouvoir compter sur les deux lorialets pour l’épauler. Ils étaient justes, objectifs et tempèraient les discussions du conseil quand ce n’était pas eux que l’on devait tempérer. La kitsune était confiante, cela avait pris un peu de temps mais la garde retrouvait ses bases et se préparait à rebondir.

Chapitre 2 : Cauchemar

    Les jours avaient filés, la garde avait retrouvé beaucoup de morceaux de cristal dans un premier temps avant qu’ils se fassent de plus en plus rares. Le flux de réfugiés se calma également et le refuge de la garde arrêta enfin de s'agrandir. Keroshane, Ykhar et Andromedea se réjouissaient de pouvoir lever le pied sur les affectations et la gestion des logements mais un nouveau problème fit son apparition, amenant son lot de contraintes ; les morceaux de cristal dispersés avaient provoqué des changements dans certaines régions et chez certains faeries. On n’avait rapporté que quelques cas rares mais la corruption par les morceaux de cristal devenait un véritable problème.
Medea venait de terminer un rapport de mission et se dirigeait d’un pas rapide vers le laboratoire d’alchimie afin d’y peindre, les jardins étant exceptionnellement réquisitionnés pour les entraînements des nouvelles recrues. Même si elle n’était théoriquement plus censée y avoir accès, la lorialet n’avait pas encore eu le cœur de sortir son matériel d’ici et Ezarel n'avait pas eu le courage de l’en chasser. Andromedea y avait passé des jours, parfois même des nuits, à y travailler avec son ancien supérieur. A l’inverse de sa chambre, il y avait toujours un de ses anciens collègues pour discuter quand l’envie de faire une pause la prenait. Elle se sentait chez elle, à sa place, ici.

Medea passa la porte du domaine de l’elfe bleu sans même s’annoncer, c’était quotidien pour lui de la voir passer et si l’envie lui prenait parfois de lui rappeler que ce n’était pas un moulin, il ne l’avait pas fait depuis bien des années. Ezarel ne l’avouerait pas mais la compagnie de la lorialet était une véritable bulle d’air puisqu’elle le laissait la taquiner à sa guise et venait l’aider quand il avait besoin de petites mains. Même s’il ne lui permettait pas ce luxe sans intérêt, c’était tout de même agréable d’avoir quelqu’un à qui parler et ils le pensaient tous les deux.

“ Tu ne viens pas faire exploser mon labo, râla-t-il avant même de la regarder.
_ Je ne touche même pas à ta paillasse, se défendit l’accusée.
_ Parfait, tu y mettrais un bazar pas possible sinon.
_ Fais attention Alajéa a inversé l’emplacement des crins de monchons et des boucles de crylasm.”

L’elfe pesta dans sa barbe à l’encontre de la sirène tandis que la lorialet profitait de sa diversion pour reprendre sa peinture. C’était la plage d’Eel, plus précisément sa mer, au-dessus de laquelle Delfyn avait pris son envol à petits battements d’ailes. Medea avait peint tellement de fois cette étendue, allant du céruléen à la noirceur de l’abysse en passant par l’indigo. Elle aurait pu la dessiner les yeux fermés.
Ezarel, qui avait l’habitude de jeter de petits coup-d'œil furtifs vers la toile, avait remarqué qu’elle ne représentait cette plage et sa ligne d’horizon infinie que lorsqu’elle était mélancolique. Le lien était assez simple à faire avec la propre histoire de Medea, c’est en peignant accidentellement ce paysage qu’elle s’était retrouvée sur les terres d’Eel. Le tableau originel avait été méticuleusement analysé par l’elfe lui-même qui en avait conclu que ce n’était qu’une toile ordinaire. Il fallut attendre que la lorialet n’emmène toute la garde dans le plan onirique pour que l’alchimiste donne le diagnostique final : elle avait probablement utilisé un plan différent pour voyager à travers l’espace et le temps mais malgré de nombreuse tentatives, ils n’avaient jamais réussi à déclencher cette capacité de nouveau. Andromedea avait simplement soulevé la possibilité que ce soit une situation d’extrême urgence mais avait refusé de donner le moindre détail. L’alchimiste n’avait pas poussé plus loin, c’était probablement lié à la raison de son exil. Les yeux turquoises d’Ezarel remarquèrent alors que les pigments en grande majorité bleus qui couvraient la toile comportaient une tâche contrastant avec le reste : les ailes roses d’un papillon qui s’éloignait.

“Tu t’inquiètes encore pour elle ? C’est une grande fille Medea. Elle va revenir, laisse-la retrouver un peu les siens.
_ Je sais bien qu’elle va s’en sortir, c’est juste étrange de pas la voir débouler ici pour venir papoter.
_ C’est précisément ce qui ne me manque pas, répondit-il dans la foulée
_ C’est ça ton problème Ez, tu ne supportes pas les gens heureux.
_ Tu as tout compris Medea, c’est pour ça que j’aime bien te voir ici.”

Le chef de l’Absynthe lui adressa un grand sourire alors que la lorialet laissait un rire lui échapper. Si elle n’était pas inquiète c’était parce qu’elle trouvait encore le sommeil. Il ne se passait cependant pas un jour sans qu’Andromedea n’ai une pensée pour Delfyn. Avait-elle rejoint sa famille ? Était-elle sur le chemin du retour ? La lorialet s’était plongée dans le travail et noyée dans les bêtises de son ancien chef de garde pour ne pas trop y penser. La fée lui avait promis de revenir. Elle reviendrait.
   

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Ladite fée était arrivée sans encombres sur les côtes de Jade grâce à la potion de l’alchimiste. Son vol avait duré près de cinq jours sous sa forme miniature. Elle avait tenu le coup et la fatigue l'accablait plus que de raison. La joie et l'euphorie de retrouver ses terres lui redonnèrent la force nécessaire de continuer son chemin au travers de la forêt Dynn. La seule chose qui motivait sa marche était le repos qu'elle trouverait au milieu de son lit. Un sourire se dessina sur son visage tandis que son regard se promenait sur les cyprès dorés qui l’entouraient. Elle connaissait la forêt par cœur, elle l’avait tant exploré qu’elle connaissait chaque recoin sur le bout des doigts. Les arbres environnants avaient été le berceau de nombreuses sessions de jeux, que ce soit avec ses amis ou sa fratrie : Navy et Dahey, les jumeaux nés du remariage de son père. Les deux enfants avaient vu le jour sous la même bénédiction que Delfyn, et il n’était pas rare de voir trois papillons voler au cœur de Dynn. Cette habitude lui avait valu de nombreuses remontrances de la part d’Alaziel, sa belle-mère qui, craignant pour la sécurité de ses enfants, avait toujours demandé à l’aînée de ne pas trop s’éloigner. Les doigts de Delfyn caressait l’écorce d’un cyprès reconnaissable entre mille. Le creux en son tronc avait été l’abri de Navy lors d’une partie de cache-cache. La petite fille s’était si bien cachée que sa sœur crut l’avoir perdue pour de bon. Jamais elle ne s'était autant faite sermonner par ses parents que ce jour-là. Sûrement allait-ce être le cas une nouvelle fois lorsqu’elle reviendrait après si longtemps. Après tout, Delfyn était partie un jour à l’aube sans prévenir. Dire au revoir aux êtres si chers à son cœur aurait été bien trop dur, mais elle désirait tant s’en aller. Elle chérissait la forêt, les fées, là n’était pas le problème. La jeune femme avait été élevée avec la plus grande tendresse par son père, Yvain, à qui le caractère aventureux de sa fille avait souvent donné des sueurs froides. L’élever seul n’avait pas toujours été simple, et sa nouvelle compagne l’épaulait énormément. Faylinn, la mère de Delfyn, une magnifique fée aux cheveux d’un roux flamboyant, avait quitté leur paradis pour le monde extérieur alors que Delfyn était âgée d’à peine quelques années. Cette soif de découverte et envie de nouveaux horizons semblaient avoir été transmis à sa fille qui ne rêvait que de quitter cette prison de cyprès dorés pour lever le voile sur le monde et suivre la trace de sa mère. Cette appétence pour la découverte avait longtemps été contenue par l’exploration de Dynn. Seulement, ses envies d’aventures étaient toujours plus grandes. La forêt ne suffisait plus, ses escapades s'étendaient à la côte de Jade, elle avait ainsi découvert l’existence de leurs voisins : les kappas. La fée avait été fascinée par ces créatures si différentes de ce qu’elle avait toujours connu. Elle avait un jour rencontré des jeunes kappas sur la presqu’île de la grenouille, et leur forte odeur n’avait pas repoussé la jeune femme qui avait passé plusieurs heures à leurs côtés, les questionnant sur leur culture. Un rictus amusé se dessina sur ses lèvres à ce souvenir, Alaziel l’avait presque supplié de se laver une dizaine de fois tant l’effluve des kappas restait collée à sa peau. Delfyn retira sa main de l’arbre qu’elle observait en silence. Son sourire se mua en grimace quand une substance poisseuse lia sa paume à l’écorce. Elle secoua ses doigts pour en retirer le suc translucide qui s’y était collé.

“ C’est quoi ça..” souffla-t-elle entre ses dents.

La jeune femme fit le tour de l’arbre, elle se surprit de ne pas avoir remarqué plus tôt. Il paraissait malade. Les autres cyprès alentour semblaient empreints des mêmes troubles. Delfyn réalisa soudainement. Dynn était calme, bien trop calme pour une forêt habitée par des fées. Seul le son sec des branches craquant sous ses pieds résonnait entre les arbres. Il n’était pas question d’une illusion qui cachait le village aux yeux de quiconque s'aventurerait trop loin dans la sylve Dynnienne, ce trompe-l'œil ne fonctionnait pas sur la fée. Habituellement, il lui fallait quelques pas dans la forêt pour entendre au loin les rires des fées et l’activité du village. Pourtant, seul le silence faisait écho à son avancée. Plus ses pas la rapprochaient de son village natal, plus les arbres semblaient éteints, comme témoins d’un spectacle auquel ils n’auraient jamais dû assister. Ce n’était plus l’excitation de revoir les siens mais l’horreur de ce qui allait se dessiner sous ses yeux qui faisait trembler son cœur.

“ Papa ? Alaziel ? Dahey, Navy, vous êtes là ?”

Méfiante, Delfyn avançait désormais avec précaution. Elle regrettait de ne pas avoir son arc sur elle pour se défendre si besoin. Vu son état, Dynn pouvait abriter n’importe quoi d’hostile et la fée restait sur ses gardes.

“Qu’est-ce que..”

Le cauchemar se dévoila. Le village était dans un état déplorable. La végétation était terne, abandonnée de toute de vie. Les habitations qui par le passé s'élevaient fièrement entre les arbres n’étaient que ruine, l’étang s’était teinté d’une couleur verdâtre dont l’odeur nauséabonde chatouillait désagréablement ses narines. La nouvelle carnation de l’eau n’inspirait rien de bon. Son estomac fut au bord de ses lèvres lorsque son regard se posa sur les masses au sol. Sa main tremblante se plaça sur ses lèvres entrouvertes, son corps manquait de la lâcher à tout moment. Un tableau d'horreur était peint devant elle : des  corps éparpillés sur le sol, recouverts de feuilles mortes ou de mousse, signe de la désolation qui caractérisait les lieux depuis bien longtemps. Le regard de la fée balayait les lieux, aucun mouvement ne parvenait à sa rétine. Sa gorge se serrait à chaque pas qu’elle faisait, devant chaque débris de sa vie passée qui gisait sur le sol de la forêt. Aucun son ni signe de vie aux alentours, peu importe le désespoir avec lequel elle recherchait un rescapé, elle était la seule fée vivante en ces lieux. Comme une habitude bien trop amère cette année passée, des larmes salées roulaient le long des joues de Delfyn tandis qu’elle s’effondrait sur le sol terreux, ses jambes ne supportant plus le poids de son corps. C’était impossible. Comment qui que ce soit avait-il pu trouver son peuple pourtant si bien caché aux yeux de tous ? Seuls ceux autorisés pouvaient traverser le voile qui dissimulait le cœur de Dynn. Pourtant, la preuve était sous ses iris azur, quelque chose avait réussi à briser la paix de ces lieux.

Un frisson parcourut son corps, comme si une force maléfique tentait de s’insinuer en elle. Delfyn fut prise d’une douleur au crâne qui lui donna un vertige. En serrant les dents, la jeune femme tentait de se redresser, ses jambes tremblaient, son souffle était court.

“Bon sang Delfyn, respire ça va aller tu peux le faire ma grande.”

Murmurant des mots d’encouragement pour se rassurer, la fée souffla avant de fermer les yeux pour rassembler ses esprits et réunir la force qui lui restait. Une atroce pensée venait de traverser son esprit : elle n’avait plus rien ; Lance n’était plus, son peuple avait été exterminé par une force encore inconnue, est-ce que tout ce à quoi elle tenait était voué à périr ? Non, c’était impossible. Il y avait forcément des survivants, il devait y avoir quelqu’un, une fée qui avait réussi à survivre. Peut-être Dahey et Navy avaient réussi à fuir avant la catastrophe. Les deux enfants s’étaient sûrement cachés quelque part, n'étaient-ils pas des papillons après tout ? Les jambes de Delfyn se déliaient tandis qu’elle accourait vers ce qui restait de la maison où ils avaient vécu. Désespérément, elle appelait les prénoms des jumeaux, à en avoir mal à la gorge. Aveuglée par le désespoir, elle se persuadait qu’au moins l’un d’eux avait survécu. Pourtant, seul le silence lui répondait. Rageusement, elle essuyait les larmes qui s’étaient écoulées le long de ses joues. La fée se stoppa dans son geste en remarquant la couleur inhabituelle de sa peau. Elle était bien plus pâle, presque translucide. Devant cette réalisation, son ventre se tordait sous l’angoisse qui venait lui serrer les tripes. Devait-elle fuir ou continuer de chercher ? La première option était la plus saine, mais pouvait-elle abandonner ceux qui pourraient être rescapés du massacre qu’avait connu le village ? Après tout, elle les avait déjà laissés. Delfyn serra la mâchoire. Rien de tout cela n’aurait eu lieu si elle était restée auprès d’eux, c’était ce que s'évertuait à susurrer une voix dans sa tête. La colère et la culpabilité s'emparaient de sa personne. Pourquoi avait-elle fait ça ? Comment avait-elle osé quitter sa famille qu’elle ne verrait plus jamais ? La fée portait ses paumes à ses oreilles comme pour faire taire ses pensées négatives, s’insinuant dans un esprit tel un poison. Des flash d’images se peignaient devant ses yeux. Les anciennes fées du village la toisaient, la colère déformant leur visage.

“Tu es comme ta mère, tu as détruit ton père, tu n’es pas digne des nôtres.”

Les vieilles femmes s’effaçaient en un nuage de fumée pour laisser place à son père. Son visage d’ordinaire apaisé et souriant n’affichait qu’un air sévère tandis qu’il observait sa fille.

“Tu nous a abandonnés.”

À ses côtés apparaissait Alaziel, sa belle-mère. Son expression était toute aussi hostile, elle qui avait pour habitude de l’observer d’un visage tendre semblait ne ressentir que de la haine pour sa belle-fille.

“Traîtresse. Tu n’es qu’une meurtrière.”

Devant eux, Navy et Dahey étaient serrés l’un contre l’autre, tremblants, déboussolés. Ils lancèrent à Delfyn un regard effrayé qui lui déchira le cœur.

“Efyn.. C’est de ta faute si on a rejoint le ciel..”

Delfyn s’écroula à l’entente de ces mots, de ce surnom qu’elle n’avait pas entendu depuis des années, à la vision des deux êtres innocents qui l’accusaient d’atrocités. Les paroles de ses proches tournaient en boucle dans sa tête à lui en donner le vertige. C’était elle la fautive, elle qui était à blâmer. Plus les secondes passaient, plus ces paroles tambourinaient dans son esprit, comme pour mieux s’y ancrer.

“Je suis désolée, tellement désolée..”

Tandis qu’elle s’effondrait sous le poids des remords, des accusations, quelques mèches vinrent barrer son regard. Sa main tremblante vint en attraper une, et la fée constata avec horreur que quelque chose n’allait pas. Ses cheveux s’étaient teintés d’un rose opalin qui blanchissait le long de ses pointes. L’angoisse lui enserrait tant la gorge qu’elle n’arrivait pas à hurler devant son état, devant le désespoir qui l’habitait. Est-ce que rester avait été une erreur ? Dynn abritait une force mauvaise qui semblait la plonger à grande vitesse dans la folie. De nouveau, sa tête tambourinait, par de violents spasmes qui l’obligeaient à fermer les yeux. Delfyn serra les dents sous la douleur qui électrisait tout son corps, se répandant dans chacun de ses vaisseaux. La fée se redressa avec difficulté et essaya à plusieurs reprises de se changer afin de fuir loin de l’affliction qui la touchait, mais toute transformation était impossible. Plus elle essayait, plus sa vision était barrée de tâches noires. Un nouveau vertige la prit, l’obligeant à se recroqueviller de nouveau en poussant un nouveau cri. Delfyn ne savait plus si elle avait froid ou chaud, mais son corps entier ruisselait. Une goutte de sueur perla le long de son front pour s’écraser sur son avant bras pâle. Ses douleurs s’accentuaient de nouveau, crispant son corps. Ses oreilles sifflaient tandis que les paroles que ses précédentes visions avaient prononcé résonnaient. Le vide heurta soudainement la jeune femme. La forêt ne semblait plus tourner autour d’elle, son corps se détendit et la douleur s’était envolée. Avec lenteur, de peur de réveiller une nouvelle douleur, Delfyn relevait la tête. Elle battit plusieurs fois des paupières pour s’habituer de nouveau à la luminosité. Une étrange énergie presque effrayante courait dans ses veines. Son esprit était embrumé et lointain, réfléchir lui demandait énormément de concentration. Une fois sur ses deux pieds, son corps avançait de lui-même, prenant la direction de l’étang. Et tandis que Delfyn semblait horrifiée de l’apparence qui se dessinait sur son reflet dans l’eau, son visage affichait un sourire. Le bleu azur de ses yeux avait disparu, laissant place à des iris d’une couleur nacre terrifiante. Dans son dos se dessinaient des ailes de papillons qui avaient abandonné leur élégance habituelle. Elles étaient ternes, d’un bleu presque noir, dont certaines parties étaient déchirées comme si quelqu’un avait voulu les arracher.

Tout ce que pouvait redouter une fée venait de lui arriver. Les légendes contées par les anciennes fées du village semblaient réelles. Une fée était vouée à faire le bien autour d’elle, le bonheur entourait ces créatures qui ne semblaient touchées par la peine. Les histoires se transmettaient de génération en génération tel un avertissement. Secouées par des émotions négatives qui se répandaient en elles comme une maladie, les fées changeaient de forme, devenant l’ombre d’elles-même, une version maléfique qui se nourrissait de noirceur et de malheur. Noyée dans la peine, le désespoir et la colère, la créature que l’on nommait pixie avait pris le dessus sur la fée, l’enfermant dans un corps caractérisé par l’atrocité. La petite voix de la raison qui résonnait encore dans son esprit semblait s’éloigner à mesure que les minutes s’écoulaient. La pixie ne tarderait pas à être incontrôlable, et ses dernières pensées avant l’envol de sa lucidité allaient à la garde, à ses amis et sa vie qu’elle avait laissé derrière elle.



Le son singulier d’acier s’entrechoquant résonnait dans la plaine. Deux armes se rencontraient, l’une avec précision, l’autre plus chancelante. Attachés en une queue de cheval haute, les cheveux roses de la fée se balançaient au rythme de l’affrontement, des mèches rebelles s’en échappaient pour encadrer son visage pâle. Face à elle, l’homme semblait n’avoir aucune difficulté, parant sans problème le moindre coup. Il s’arrêta après plusieurs minutes, son regard bleu analysant la mine songeuse de son adversaire qui baissa les armes à son tour.

“ Quelque chose te tracasse Delfyn ? Je sais bien que le corps à corps n’est pas ton fort, mais tu vaux mieux que ça d’habitude.
_ Tout va bien Lance, je suis sûrement un peu fatiguée.”

Le guerrier fixa intensément sa partenaire. Il n'était pas dupe. Elle pinça les lèvres. L’obsidien glissa son arme dans son fourreau pour s’approcher de la jeune femme. Légèrement essoufflée contrairement à son assaillant, Delfyn fit de même. Une fois assez proche d’elle, Lance vint glisser une mèche rose qui barrait son doux visage derrière son oreille pour l’observer plus attentivement. Elle qui avait toujours ce petit sourire aux lèvres semblait aujourd’hui tourmentée, ce qu’elle n’arrivait apparemment pas à cacher au regard perçant du faelien.

“ Et si tu me parlais de ce qui te tracasse ? Tu sais que je ne lâcherai pas l’affaire.”

La fée finit par obtempérer. Résister à Lance était de l’ordre de l’impossible, même pour Delfyn. L’obsidien parvenait toujours à avoir le dernier mot avec elle. Elle hocha doucement de la tête, lui adressant un petit sourire.

“ C’est l’anniversaire de Navy et Dahey aujourd’hui. Je sais que je ne devrais pas me laisser déconcentrer par ça lorsque je travaille, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à eux, à mon père, à la forêt.. J’aimerai savoir ce qu’ils deviennent, s’ils vont bien.”

Lance glissa ses doigts contre la joue de sa douce, déposant un baiser sur son front. Bien qu’elle ait raison, il avait du mal à ne pas se laisser attendrir par ses pétillants yeux azur. Delfyn lui avait si souvent parlé de son frère et sa sœur, de la forêt dont elle ne pouvait que relater la beauté. Combien de fois avait-elle dit qu’elle l'amènerait là bas un jour ? Il ne pouvait imaginer combien leur absence laissait un vide. La fée était heureuse dans la garde, ça ne faisait aucun doute, mais ses racines lui manquaient parfois. L’obsidien savait qu’elle culpabilisait énormément d’avoir fait passer ses rêves avant sa famille en partant de Dynn. 

“ On ira là-bas ensemble, une fois que le flot de missions sera passé.”

Surprise par cette proposition, Delfyn plongea ses yeux brillants dans ceux de l’homme qui l’observait avec tendresse. Le sourire sur les lèvres de la fée s’étira un peu plus. Elle n’avait pas les mots pour exprimer sa reconnaissance envers celui qu’elle aimait tant.

“ Yonuki Kaze ne nous laissera jamais quitter la garde pour quelque chose d’aussi futile. Surtout toi Lance.
_ Je le convaincrai, ne t’en fais pas pour ça, Valkyon peut bien prendre ma place quelques semaines, il en est largement capable.
_ Tu devrais lui dire plus souvent, il t’estime beaucoup tu sais.”

Lance acquiesça. Son frère avait montré de nombreuses fois qu’il était digne d’un rôle plus haut placé, notamment en ayant fait de la catastrophe qu’était Delfyn une membre notable de la garde obsidienne. La fée fragile qu’il avait accueilli au sein de sa garde il y a quelques années n’avait rien à voir avec celle qu’il avait devant lui aujourd’hui.

“ Allez, sors ton épée on y retourne. Et que je te vois y mettre un peu plus du tien. C’est toi qui m’a demandé de t’entraîner au corps à corps alors je veux voir plus que ça.
_ Sauf que je n’avais pas la même définition de corps à corps..
_ Idiote. On verra ça après l’entraînement si je suis assez satisfait de ton travail.
_ Oh ne t’en fais pas que tu le seras.”

Les deux échangèrent un rire devant les sottises de la fée. Delfyn avait longtemps rêvé de faire découvrir son village natal à l’obsidien, de lui montrer la beauté de la forêt cachée aux yeux des autres. L’idée que ce soit proposé par lui, qu’il comptait les y conduire tous deux bientôt lui remettait du baume au cœur. Elle s’élevait sur la pointe des pieds pour voler un tendre baiser à Lance avant de sortir son épée pour se mettre en garde. Bientôt elle reverrait les siens, elle pourrait les serrer contre elle après tout ce temps passé loin d’eux.

Chapitre 3 : Familier disparu

    Près d’un mois s’était écoulé depuis que Delfyn avait quitté la garde, laissant de nombreux gardiens peinés de son départ. Personne n’avait reçu de nouvelles d’elle, mais ses amis s'étaient dit qu’il fallait sûrement lui laisser le temps de retrouver les siens. Seul Chrome qui s’ennuyait de celle qu’il considérait comme une sœur n’avait pu attendre qu’elle leur écrive. Le jeune loup avait envoyé Schwartz avec une lettre plus ou moins amère, se plaignant d’être laissé seul et sans échos de la fée. Comme toujours, le garçon n’avait pas mâché les mots qu’il avait griffonnés sur le papier, mais Delfyn le connaissait assez pour y voir le véritable fond de sa pensée : elle lui manquait. Depuis, une semaine s’était écoulée et le Chestok n’était toujours pas revenu. Ses craintes avaient été transmises à Andromedea, son chef s’étant absenté en mission.

Valkyon, qui s’était d’autant plus renfermé suite aux précédents événements, concentrait son esprit et son énergie sur diverses missions pour ne pas penser à la fée qui avait laissé un grand vide avec son départ. La mission qui venait de lui être assignée concernait d’étranges événements sur les terres de Jade, apparemment plusieurs conflits auraient éclaté sans raison. Andromedea, Alajéa et Valarian avaient également été assignés à cette mission dont le départ se ferait le lendemain. Lorsque l’obsidien rejoignit la salle du cristal pour demander à Miiko plus de détails, il la trouva justement en train d’en discuter avec la lorialet.

“Alajéa sera avec vous pour sonder les eaux, Valkyon et Valarian seront en renfort si les choses tournent mal.
_ Tu as plus de détails sur ce qu’il s’y passe ? intervint le guerrier à la peau dorée, interrompant les dernières explications de la kitsune qui le convia à leur discussion.
_ Depuis plusieurs semaines nos sources nous rapportent des comportements étranges des faeries vivant sur les Terres de Jade. De nombreux familiers agissent anormalement et toute une partie de la forêt a été dégradée.
_ Tu penses que les nomades ont quelque chose à voir avec ça ?
_ Je ne suis pas sûre, les rapports indiquent que les kappas sont également devenus agressifs. Ils pourraient avoir des informations.”

Valkyon marqua un temps de réflexion. Les kappas étaient généralement un peuple pacifique, leur comportement cachait quelque chose de plus sombre.

“Pour l’instant aucune victime n’est à déplorer, mais plusieurs blessés m’ont été signalés. C’est un miracle d’ailleurs, les espèces là-bas semblent s’entretuer pour des raisons encore inconnues. Andromedea venait justement m’annoncer que Schwartz avait été envoyé là-bas il y a de ça plusieurs jours et n’est toujours pas revenu” poursuivit la kitsune.

Acquiesçant, Valkyon se tourna ensuite vers la lorialet qui avait gardé le silence, un sourcil légèrement arqué. S’il avait bien compris son rôle ainsi que celui d’Alajéa, il ne comprenait pas la présence d’Andromedea dans la mission. La cheffe de la garde saisit immédiatement le questionnement de l’obsidien et y répondit en soupirant.

“Avec Andromedea, vous en savez plus que quiconque dans la garde sur les fées, si vous trouvez un moyen de les atteindre leur aide pourrait être utile.”

La kitsune n’avait pas tort. Recueillir un maximum d’informations sur les lieux leur permettrait de mettre au clair la situation qui touchait la côte. Après avoir fait un dernier point avec tous les membres de l’équipe, les gardiens partirent terminer leur préparatifs pour le voyage du lendemain.

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Les quelques jours de voyage en bateau jusqu’aux côtes de Jade se déroulèrent dans une ambiance particulière. Alajéa débordait d’énergie. Il s’agissait de sa première véritable mission hors du QG et sa détermination était sans fin. La sirène était devenue un véritable moulin à parole, s’imaginant chaque scénario possible une fois sur place. Ayant fait face au renfermement habituel du chef de l’obsidienne, Alajéa s’était tournée vers l’autre présence féminine sur le pont.

“ Et toi tu penses que ça sera comment là-bas ? Il parait que les côtes sont magnifiques.
_ Je ne sais pas… On raconte que si on entend une libleunette aboyer, c’est signe de bonne récolte.”

La sirène écarquilla les yeux à l’entente des mots prononcés par la lorialet dont le regard rêveur n’avait pas quitté la surface de l’eau. Alajéa avait rejoint la garde depuis peu, elle faisait partie des quelques faery ayant été secouru sur la plage après l’incident avec le cristal. Elle n’avait pas beaucoup connu Medea au sein de l’Absynthe et ignorait donc qu’elle avait, tout comme ses deux chefs de garde favoris, la sale tendance à raconter un peu n’importe quoi aux nouvelles recrues.

“ C’est vrai ? Je ne savais pas que les terres de Jade étaient connues pour leur fertilité ! J’espère entendre une libleunette aboyer quand on sera là-bas..”

Les yeux rieurs d’Andromedea croisèrent le regard amusé de Valarian à la barre qui commençait à être habitué à ce genre de bêtise. Prenant pitié de la sirène que la lorialet faisait tourner en bourrique, l’obsidien appela Alajéa pour l’inviter à venir avec lui. Voyant qu’elle semblait intéressée, il lui parla plus en détails des terres vers lesquelles ils se dirigeaient.


Chacun était bien heureux de jeter l’ancre une fois à destination. Cependant, ils déchantèrent rapidement lorsqu’ils posèrent pied à terre. L’ambiance était pesante, à en faire froid dans le dos. Andromedea sonda les environs du regard. Les sillons irréguliers tracés dans le sable fin, les morceaux de tissus que le vent déplaçait à son gré et la coloration carmin de la côte ne laissaient pas de place au doute : nombreuses batailles s’étaient déroulées ici. La sirène s’avança sur le sable, déglutissant difficilement devant un tel spectacle. Son excitation s’était envolée dès l’instant où son regard s’était posé sur les lieux. Elle réalisa soudainement l’ampleur de leur mission.

La plage était déserte. Personne n’osait prononcer un mot. Chacun était sur ses gardes, leurs mains s’approchant de leur arme respective, attentif au moindre mouvement. Seul le son des vagues s’échouant sur la côte parvenait à leurs oreilles. L’enfant de la lune fut la première à briser le silence qui était de plus en plus pesant.

“ Vu l’état des choses, je pense que nous devrions chercher Delfyn. Elle connaît les lieux sur le bout des doigts, son aide nous sera bénéfique.
_ Bonne idée, je vais rester aux alentours de la côte pour enquêter auprès des fairies aquatiques, les marids ont sûrement des informations, proposa la sirène qui n’avait pas la moindre envie de s’enfoncer dans la forêt.
_ Je vais rester avec toi, leurs réactions sont imprévisibles à en croire les évènements, répondit le chef de l’Obsidienne en validant sa proposition. Valarian, accompagne Medea je préfèrerais éviter que l’un de nous se retrouve seul.”

La troupe se divisa alors, Alajéa resta avec le chef de mission tandis que Valarian et Andromedea prirent la direction de la forêt de Dynn. Contre toute attente, l’image de la sylve qu’ils découvraient se contrastait avec les description qu’en avait fait Delfyn. Plus ils s’enfonçaient entre les arbres, plus l’atmosphère était malfaisante. L’obsidien menait la marche, la main sur le pommeau de son épée, prêt à faire rempart si quelque chose approchait. Hormis la brise qui faisait trembler les feuilles des arbres, aucun mouvement n’était perçu. Tombant un peu plus à chaque pas dans le voile qui camouflait les terres des fées, le duo avançait prudemment. La lorialet scrutait les alentours, son instinct lui murmurait que quelque chose n’allait pas. Plissant les yeux pour sonder un peu mieux les alentours, Andromedea fut traversée par l'idée que le paysage lui semblait étrangement irréel. Ils avaient tant marché qu’ils devraient se trouver au cœur de la forêt, pourtant il n’y avait aucune trace du village. Delfyn lui avait par le passé parlé des illusions des fées, et elle était en train de tomber en plein dedans. Elle arrêta son collègue un instant, le temps de chasser la brume qui enveloppait son esprit.

“Quelque chose cloche Valarian, ce n'est pas la réalité autour de nous. J'essaie de tirer le vrai du faux, reste prudent en attendant.”

Andromedea prit un moment pour se concentrer. L'imaginaire était son domaine, et le peu de temps passé dans la réalité lui permettait de réaliser lorsqu'elle n'y était pas. D'un soupir, la jeune femme fermait les yeux quelques secondes pour vider son esprit et se convaincre d'une chose : rien autour d'elle n'était réel.
Lorsqu'elle rouvrit ses paupières, la lorialet constatait avec effroi l’état de la forêt que Delfyn lui avait toujours décrit comme un petit coin de paradis. L’étang dont l’eau était si claire que la lumière des lucioles vivants aux alentours s’y reflétait. Les fleurs, innombrables, tapissaient chaque recoin du village, dans une harmonie de couleurs d’une beauté inégalable; entre les cyprès dorés se dressaient des habitations de forme parfois particulière, dont les toits étaient ornées de divers végétaux. Des heures entières n’avaient pas suffit à Delfyn pour décrire cet eden caché aux yeux de tous. Au cœur de cette forêt sombre, une vision d’horreur était tout ce qui s’offrait à aux yeux de Medea. La jeune femme retint Valarian d’avancer plus loin. Le duo s’immobilisa tandis que la jeune femme guettait les environs. Près de ce qui restait du peuple s’agita une masse qui capta immédiatement le regard de la lorialet. La chose se déplaçait avec lenteur, ses pieds semblaient traîner sur le sol. À l’observer de plus près, la lorialet remarquait que les ailes dans son dos battaient à un rythme régulier. La créature volait si près du sol que ses orteils butaient contre les corps qui le tapissaient. Tête baissée, ses longs cheveux d’un rose presque translucide cachaient son visage. Andromedea retenait son souffle, ses doigts serrant sa rapière en guettant chaque mouvement de l’individu qui ne semblait pas les avoir remarqué. Petit à petit, la créature releva la tête, ses iris blancs venant se planter dans les yeux d’Andromedea tandis qu’un sourire sans joie barrait son visage. L’enfant de la lune fut prise d’un frisson d’horreur, son cerveau n’eut pas le temps d’encaisser toutes les informations. La femme fonçait sur elle. Andromedea cria à l’obsidien de s’écarter tandis qu’elle esquivait la créature qui avait pris son envol, s’asseyant sur une branche pour observer ceux qui avaient osé s’aventurer dans sa forêt. L’absence de nouvelle, le rose de ses cheveux, tout prenait sens pour Medea.

“Delfyn, c’est toi ?”

Valarian était confus par la question de sa camarade. Malgré les inspections de son regard sur les lieux, lui ne voyait rien d’autre que la forêt qui se répétait à perte de vue. Il remettait sa totale confiance à Andromedea qui voyait au travers de l’illusion et comprit à la réaction de la lorialet que son approche verbale avait été inefficace. Il tenta de faire de même, appelant le nom de son amie, sans succès à en croire sa collègue qui secoua négativement la tête.
Réfléchissant à toute vitesse, la lorialet cherchait une nouvelle approche. Lorsqu’un vertige prit Andromedea, elle comprit rapidement ce qu’il se passait : Delfyn, ou du moins ce qui en avait pris possession, essayait d’entrer dans son esprit. La lorialet fut troublée, elle savait que son amie avait la capacité de manipuler la psyché mais Delfyn s’interdisait de l’utiliser sans le consentement de la cible. L’enfant de la lune, habituée de la distorsion de la réalité et à la maîtrise des plans de l’inconscient, réussit à chasser la pixie de sa tête en un instant. Le son d’une arme quittant son fourreau fit sursauter la jeune femme aux cheveux d’argent. Si elle avait pu forcer la présence maléfique à quitter son esprit, ce n’était pas le cas de Valarian. Andromedea esquiva de justesse l’épée qui fondait sur elle.

“Valarian, ce n’est pas simple mais il faut que tu fermes ton esprit.”

Le silence lui répondit. L’homme qui n’était plus maître de ses actes levait une nouvelle fois son arme pour lancer une nouvelle attaque. Même si le  niveau de la lorialet n’était pas déplorable, Valarian était un guerrier très reconnu dans la garde, il fallait qu’elle le raisonne au plus vite tant qu’elle était en capacité d’éviter ses assauts.

“Je sais que malgré la présence de Delfyn dans ta tête, tu m’entends : ses pouvoirs ne touchent pas à la perception directe des sens. Essaye de faire le vide, d’imaginer d’immenses portes qui mènent à ton esprit. Elles sont grandes ouvertes, c’est comme ça qu’elle s’est insinuée en toi.”

Andromedea évita l’épée d’un saut habile. Valarian était rapide. Pourtant, ses paroles ne semblaient pas être vaines car elle l’avait senti l’hésitation de son collègue. Sans le quitter du regard, elle poursuivit.

“Il faut que tu fermes les portes. Ce n’est pas facile mais je sais que tu peux le faire. Elle a l’air plus forte que toi, mais il n’y a rien que notre esprit ne puisse contrer.”

La lorialet s’apprêta à éviter un nouvel assaut lorsque l’obsidien s’immobilisa durant un instant qui parut une éternité pour Medea. Valarian secoua la tête en jurant. Reprenant possession de sa personne, il se mit en garde. Au-dessus de leur têtes, Delfyn fulminait de l’échec de son attaque. Elle savait Andromedea perspicace et moins sensible à ses pouvoirs, mais son camarade de l’obsidienne s’était montré plus malin qu’elle ne l’aurait cru. Constatant le peu d'efficacité de ses attaques psychiques sur les deux faeries, elle en usa d’une manière toute autre. Son esprit appela à elle les familiers vivants aux alentours. Les créatures rejoignaient les faeries petit à petit, se dressant devant les gardiens. Si Delfyn ne pouvait se jouer de leur esprits, elle enverrait d’autres créatures au front. Le membre de l’Obsidienne observait impuissant la scène, lançant regard inquiet vers sa supérieure. Allaient-ils vraiment être dans l’obligation d’attaquer ces êtres innocents ? Comme si elle avait deviné son questionnement, Andromedea lui répondit.

“ Contentons-nous de repousser l’offensive le temps de trouver une solution.”

Maülix, verdheleons, libleunettes et autres familiers toisaient les deux gardiens qu’ils avaient entouré, l’air menaçant. Parmi eux, un Chestok battait furieusement des ailes. Si la présence de ce familier que l’on ne trouve pas sur les terres de Jade interpella Valarian, Medea fit rapidement le lien avec le compagnon disparu de Chrome. Les familiers n’attendaient plus qu’une chose pour attaquer : le signal de Delfyn. Un nouveau sourire se dessina sur le visage opalescent de la pixie, et les créatures s’élancèrent sur les membres de la garde. Delfyn maîtrisait les créatures depuis le haut des arbres, ses ailes sombres frémissant d’excitation tandis qu’elle observait la bataille depuis la branche où elle s’était posée. Après avoir repoussé quelques assauts en prenant soin de ne blesser aucune créature, la lorialet se souvint des quelques fioles que lui avait laissées Alajéa plus tôt. Le cas présent semblait le moment propice à leur utilisation afin de cesser les hostilités sans faire de blessés. Tout en esquivant un verdheleon qui venait de sortir de l’ombre et fonçait droit sur elle, Medea glissa sa main dans sa sacoche pour en sortir les potions d'endormissement qui mettraient un terme à l’assaut.

“Valarian, il va falloir que tu retiennes ta respiration quelques instants, ça va aller ?”

L’obsidien acquiesça, chargeant ses poumons en oxygène tandis que sa collègue jetait le contenant en verre qui se brisa au contact du sol. Les vapeurs qui s’en échappaient endormaient les familiers à mesure qu’elles s'insinuaient dans leurs bronches. En quelques instants, chaque créature gisait au sol dans un sommeil profond. Valarian et Andromedea furent de nouveau en capacité de respirer sans risquer le même sort.

“Je vais conseiller à Alajéa de ne pas faire aboyer les libleunettes vu les récoltes. Tu passes trop de temps avec ton ancien chef si tu veux mon avis.
_ Concentre toi Valarian si tu ne veux pas que la prochaine récolte que tu constates soit Delfyn qui récupère nos corps” répondit la lorialet après un rire.

Reportant son attention sur Delfyn, Andromedea pu constater sa colère face à ce nouvel échec. S’emparant d'une branche qu’elle arrachait pour en faire une dague à l’aide des ses pouvoirs, la pixie quittait son arbre pour fondre sur l’enfant de la lune. Medea esquissa un sourire. Si la pixie entamait un corps à corps, elle était finie. Delfyn était redoutable armée de son arc, mais loin de ce dernier, forcée au combat rapproché, la lorialet avait toutes ses chances de la vaincre. Contrairement à elle, le corps à corps n’avait jamais été son fort, Lance lui avait offert son arc pour cette raison.

“Prépare de quoi l’attacher solidement, je me charge d’elle et on la ramène à la garde.”

La précédente attaque ne laissait pas de place au doute. Delfyn était la cause du comportement agressif des familiers, et sûrement celui des faeries vivant aux alentours. Une fois de retour sur les côtes d’Eel, il ne faisait aucun doute que les terres de Jade retrouveraient leur paix habituelle. Cependant, rien n’expliquait l’état de la forêt. Si son amie était responsable des attaques de faeries et familiers, Andromedea doutait qu’elle ait ainsi massacré les siens. L’horreur de la forêt était au contraire sûrement la cause de son état de pixie.
Voyant Delfyn approcher, la lorialet se prépara à riposter, couvrant Valarian qui, toujours bercé par l’illusion, ne semblait pas voir le danger foncer vers eux. La pixie tenta plusieurs attaques, toutes repoussées par la lorialet. La jeune femme essayait de ne pas blesser son amie plus que de raison. C’est en parvenant à se faufiler dans le dos ailé de la pixie que Medea put la frapper d’un coup assez puissant pour sonner Delfyn qui s’écroula sur le sol, brisant ainsi l’illusion qui la cachait aux yeux de Valarian. L’obsidien se précipita aussitôt pour ligoter la jeune femme.

“Eh bien, heureusement que tu étais là, je ne vois pas comment on l’aurait récupéré sinon.” complimenta Valarian tout en hissant la pixie sur son épaule.

La lorialet se pressa vers Schwartz toujours endormi. Elle prit le Chestok dans ses bras et communiqua à Valarian d’un signe de tête qu’ils pouvaient partir. Le retour vers la plage s’effectuait silencieusement. Voir leur amie ainsi n’était pas simple, c’était une situation dans laquelle ils ne s’étaient jamais imaginés. Andromedea sentit son cœur se serrer en imaginant la souffrance qu’avait ressenti Delfyn en découvrant ce qu’était devenu son village. Lorsque leurs pas foulaient de nouveau le sable, le duo constata l’absence d’Alajéa et Valkyon.

“ Occupons-nous de Delfyn d’abord, on les cherchera après.”

Les deux gardiens accompagnés de leur désormais prisonnière montèrent sur l’embarcation. Valarian déposa la pixie sur le pont, fixant ses liens contre l’un des mâts du bateau. Une fois sûr que les cordes soient solidement attachées, l’obsidien se redressa.

“Je reste avec elle, tu peux aller chercher Valkyon et Alajéa sans crainte.”

Andromedea acquiesça en quittant le bateau. De retour sur la plage, la jeune femme observa les traces laissés sur le sable. Malgré leur nombre, il n’était pas difficile de repérer celles de ses compagnons. Les empreintes de Valkyon étaient énormes à côté des pieds fins d’Alajéa. L’enfant de la lune suivit les traces qui semblaient mener sur le chemin en direction du village Kappa. C’était sur cette allée de terre qu’elle les retrouva.

“Du nouveau ?” s’enquit immédiatement le chef de mission.

La lorialet opina de la tête à la question du chef de l’obsidienne. Alajéa conta leur rencontre avec quelques marids qui n’avaient pas abouti à beaucoup plus d’informations. Ils avaient alors décidé de se rendre chez les kappas pour s’assurer de leur sécurité et proposer leur aide. Le peuple n'avait pas offert un accueil chaleureux aux deux gardiens. Craignant un nouvel assaut, ils les avaient chassés avec hostilité. À son tour, tandis que leurs pas effectuaient le chemin inverse, Andromedea rapportait les évènements qui avaient touché la forêt, mais aussi les retrouvailles épineuses avec Delfyn.

“Si j’ai bien compris, Delfyn est désormais notre prisonnière.
_ Malheureusement, elle est très agressive je n’ai pas pu la raisonner. Fais attention si elle se réveille, elle pourrait essayer de prendre possession de ton esprit. Je t’avoue ne pas croire une seconde à une victoire contre toi au corps à corps.” ajouta la lorialet.

Sans compter la carrure du guerrier qui était deux voire trois fois plus large qu’elle, il était le meilleur combattant de la garde et de loin. Alors qu’il montait à bord du bateau, le chef de garde porta son regard sur la jeune femme qui était ligotée. Valkyon cacha difficilement la peine dans ses pupilles posées sur son amie. Elle était toujours assoupie, Valarian assit non loin, guettant le moindre mouvement de sa part.

“Tu peux disposer Valarian, je vais veiller sur elle.”

Son subordonné acquiesça, rejoignant la barre pour entamer le chemin du retour qui promettait d’être mouvementé si la pixie se réveillait. Le départ devait se faire dès que possible.

“Nous monterons la garde à tour de rôle, allez vous reposer vous l’avez mérité.”

Les deux femmes se retiraient pour rejoindre les cabines et prendre un peu de repos. Une fois seul aux côtés de son amie, Valkyon l’observa silencieusement, ne camouflant plus la lueur de tristesse dans son regard. Malgré son état, il était soulagé de la retrouver mais il aurait préféré que cela se fasse dans d’autres circonstances.


Une journée passa, puis la nuit tomba sur l’embarcation. Valarian se reposait,  Alajéa s’occupait de la direction du bateau sous l’enseignement de Valkyon et Andromedea veillait sur Delfyn. Cette dernière reprenait connaissance, et par précaution la lorialet appela Valkyon qui rejoignit rapidement le mât. À leur grande surprise, la pixie ne tenta pas de défaire ses liens, elle ne tenta aucune offensive. Au contraire, ils crurent l’entendre sangloter. Avec une certaine méfiance devant la pixie, Medea s’approcha jusqu’à s’accroupir. Les larmes roulaient le long de ses joues pâles. Tête baissée, elle n’osait pas regarder ses amis. Tandis que la lorialet jeta un regard d’incompréhension à Valkyon, la voix de la jeune femme s’éleva doucement.

“Ils sont tous morts.. Mon père.. Dahey et Navy.. Lance..”

Sa voix se brisa en prononçant le dernier nom. Andromedea crut deviner des larmes dans les yeux couleur or du chef de garde. Andromedea dut se rappeler l’état instable de la jeune femme en face d’elle pour ne pas être tentée de la prendre dans ses bras et Valkyon posa sa main par précaution sur l’épaule de la dernière recrue de l’Étincelante pour éviter tout débordement. Si sa détresse semblait sincère, il était impossible de savoir s’il s'agissait d’une ruse de la pixie ou si leur Delfyn était réellement de retour. La pixie gardait la tête baissée, toujours secouée de sanglots incontrôlables tandis que la lorialet détournait le regard pour rejoindre la sirène. La voir ainsi, elle qui était caractérisée par sa joie de vivre, était une vision des plus douloureuses. Epuisée, Delfyn s'endormit de nouveau et Valkyon attendit d’en être sûr avant de se tourner vers Medea. S’ils n’avaient pas forcément l’habitude de parler beaucoup, il avait bien vu son air songeur. Valarian se leva pour prendre son tour de garde de la détenue tandis qu’Alajéa rejoignait enfin son lit et le chef de l’Obsidienne allait à la rencontre de la lorialet pour discuter de ce qu’il venait de se produire. Cette dernière se tourna vers le colosse qui la rejoignait, barrant toujours l’embarcation avant de reprendre d’une voix déterminée.

“Elle a l’air bien moins dangereuse que ce que j’ai pu constater dans la forêt. Je n’ai plus de doutes sur le massacre qu’il y a eu dans la forêt.
_ Comment ça ?
_ Même dans son état de pixie, Delfyn n’aurait jamais fait de mal à sa famille, elle n’aurait jamais massacré toutes les fées qui vivaient au cœur de Dynn.”

Valkyon opina pour montrer son accord avec la jeune femme de la lune, l’incitant à continuer sa réflexion qui pourrait être une piste importante.

“ La forêt avait quelque chose de mauvais, comme si elle était empoisonnée. Tout me porte à croire qu’il y a quelque chose dans la forêt, quelque chose qui a précipité Delfyn dans cet état et qui a mené au drame ayant touché son village natal. Et tout ça semble se confirmer : maintenant qu’on s’éloigne de Dynn, elle a l’air de retrouver ses esprits. Nous devrions tout de même rester prudents, elle a toujours sa forme maléfique, mais j’ai l’impression que ce n’est qu’éphémère.
_ J’en conclus que tu ne crois pas en une contamination par cristal, indiqua l’obsidien.
_ On ne peut rien écarter, l’état de la forêt est peut-être le fruit d’une contamination, mais pour Delfyn je pense qu’il s’agit d’autre chose. Il faudra jauger toutes les possibilités avec l'Étincelante une fois rentrés, mais j’ai bon espoir.”

Après avoir échangé encore un peu, la lorialet rappela à son chef de mission d’aller dormir un peu ; il avait peut-être déjà sauté deux tours. Il avait hésité à protester mais il savait qu’elle avait raison, s’il n’était pas reposé il ne serait pas au meilleur de sa forme s’il y avait un problème. Il salua la jeune femme d’un signe de tête avant de disparaître derrière la porte en bois menant aux cabines.

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Le sommeil des deux obsidiens fut rompu par la voix d’Alajéa qui les appelait. Ils étaient sur le pont l’instant d’après. Delfyn s’était de nouveau réveillée, beaucoup plus teigneuse que quelques heures auparavant. La pixie s’agitait contre le mât, cherchant à se détacher de ses liens, hurlant qu’on la libère.

“Détachez-moi ! Détachez-moi bordel ou je jure que je n’hésiterai pas à tous vous tuer !”

La tempête qui faisait tanguer le bateau empêchait Andromedea de quitter la barre, et la sirène seule était impuissante face à la pixie qui finirait par se libérer si les gardiens n’agissaient pas vite.
Valkyon prit rapidement les devants. Attrapant un bout de bois, il donna un grand coup sur le crâne de leur prisonnière afin de lui faire de nouveau perdre connaissance.

“Désolé.” souffla-t-il en reposant ce qui ressemblait plus à une poutre qu’à un bout de bâton.

La sirène s’accroupit devant la pixie qui venait de prendre un sacré coup, utilisant quelques onguents pour soulager la future douleur qui lui prendrait le crâne lors de son prochain réveil.

“ Je m’occupe d’elle, tu peux retourner te reposer Valkyon.
_ Merci ça ira, je préfère rester auprès d’elle.”

Haussant les épaules, Alajéa termina d’effectuer quelques soins appris par Eweleïn avant de retrouver la chaleur d’un lit, tandis que Valarian prenait le relais d’Andromedea. Elle passa prendre des nouvelles de Delfyn avant de partir dormir à son tour. Le chef de l’Obsidienne se plongea dans ses pensées. Il était troublé par le comportement de son amie. Était-ce réellement la forêt qui l’avait mise dans cet état ? Dans ce cas, pourquoi avait-elle de nouveau perdu l’esprit quelques instants plus tôt ? Il espérait sincèrement qu’une corruption par cristal ne soit pas la cause de ses maux, sans quoi la sanction par la garde serait sans appel.

“Valkyon, j’ai soif.”

L’homme ne sut dire combien de temps il avait été perdu dans ses pensées, essayant de rationaliser la situation, de penser tel un chef de garde, comme Lance l’aurait fait à sa place. Il attrapa la gourde à ses côtés et s’agenouilla devant Delfyn qui semblait de nouveau empreinte de lucidité. Il l’aida à boire en portant l’eau à ses lèvres. Une fois désaltérée, la pixie le remercia d’un sourire.

“Comment tu te sens ?
_ Comme quelqu’un qui s’est fait assommer par son meilleur ami il y a quelques heures. Je remercierai Allie pour les onguents, j’ai pas trop l’impression d’avoir un tambour dans la tête grâce à ça.”

À la voir comme ça, l’obsidien ne la trouvait pas bien différente, mais il ne devait pas se laisser amadouer par sa tendresse envers elle. Il savait très bien ce qu’il se passerait une fois arrivé au QG, et il se devait d’en parler avec elle tant qu’il la trouvait sensée.

“Me dis rien Valkyon, j’ai deviné vu la tête que tu tires. Je vais finir dans la prison de la garde hein ? C’est mérité après tout.”

Valkyon lui offrit un sourire compatissant et désolé. C’était désormais son rôle de prendre des décisions importantes pour le bien de la garde.

“On trouvera une solution, je te promets que tu n’y resteras pas longtemps. En attendant, parle-moi de ce qu’il s’est passé dans la forêt.
_ J’en sais rien Valkyon. Mon corps.. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, j’ai changé et depuis c’est flou...”

Écoutant avec attention les mots confus de la pixie, le chef des obsidiens resta silencieux de longues secondes. Delfyn semblait bien trop perdue quant à son état pour lui donner des réponses claires à ses questions.

“ Repose-toi Delfyn, on ne devrait plus tarder à arriver.”

La pixie ferma les yeux de nouveau pour profiter du calme avant la tempête. Elle savait qu’elle ne serait pas reçue avec les honneurs au QG. Bien qu’elle se sente un peu plus maîtresse de ses décisions, de son corps, elle savait qu’elle était toujours ingérable tant qu’elle avait cette forme. L’enfermer était sûrement la meilleure solution pour le moment.

Chapitre 4 : Pixie ou corruption ?

    Les dernières heures de navigation s’étaient déroulées paisiblement. Delfyn s’était réveillée durant le débarquement. Si elle était restée calme les premiers instants, la pixie tentait de se débattre lorsqu’elle fut entre les mains de Jamon. L’ogre avait accompagné Miiko sur les côtes d’Eel en apprenant la captivité de Delfyn. Valkyon avait envoyé quelques jours plus tôt un message à la cheffe de la garde à l’aide du lapy de Valarian afin de la prévenir. Dans un état second, la prisonnière se débattait tandis que l’ogre l’escortait jusqu’à son nouveau logis. Sa bataille ne dura que quelques instants, son corps frêle ne faisait pas le poids face à la montagne qu’était Jamon. Le groupe remonta le long de la plaine jusqu’à rejoindre le QG dans un trajet aussi silencieux que tendu. La situation était compliquée pour tous, jeter l’une des leurs aux geôles du QG n’avait rien d’un plaisir. Dans la salle des portes, Miiko se sépara du groupe après avoir convoqué la garde Étincelante. Alajéa quitta les autres pour porter Schwartz à Purreru pour une rapide auscultation avant de le ramener à son jeune propriétaire sans risque. Jamon lança un regard désolé à Delfyn après l’avoir enfermé dans une cellule, ne trouvant pas ses mots face à son amie. Après s’être assuré que tout était en ordre, il remonta les interminables marches pour rejoindre la réunion qui commençait à peine. À l’intérieur de la salle du cristal, des discussions houleuses parvenaient à ses oreilles pointues.

“C’est trop dangereux de la garder en vie, je ne comprends pas comment vous pouvez ne pas en avoir conscience.” répliqua sèchement l’elfe aux cheveux bleus.

La réunion débutait à peine qu’elle s’annonçait éprouvante. L’ogre se posta aux côtés de Miiko, droit comme un piquet. Une grimace déforma furtivement son visage à entendre la tournure que prenait déjà leur rassemblement. Il resta silencieux, prêt à écouter le récit de ses collègues.

“ Ezarel, je te prie de laisser Andromedea et Valkyon nous faire leur rapport avant de jacasser.”

Ne camouflant pas son soupir exaspéré, le chef de l’Absynthe tourna son regard vers les deux concernés. Son air impatient semblait leur dire de se presser à commencer le récit de leur mission. La lorialet prit la parole en premier, elle conta la mésaventure au sein de la forêt de Dynn, passant le relais à Valkyon pour ce qui était du retour en bateau.

“ Et Delfyn, comment était-elle exactement ? s’enquit la kitsune.
_ Changeante. Elle était incontrôlable dans la forêt quand on l’a capturée avec Valarian, et quelques heures plus tard sur le bateau j’avais l’impression d’entrevoir notre Delfyn.
_ Son comportement a de nouveau changé quelques heures après, j’ai dû l’assommer pour la maîtriser. L’heure d’après elle était comme d’habitude et j’ai pu parler avec elle.” ajouta Valkyon à la réponse de Medea.

Les membres de l'Étincelante restèrent silencieux suite au récit qu’ils venaient d’entendre, Miiko reprit après une brève réflexion.

“ Vous avez pu la questionner sur les évènements des côtes de Jade ?
_ J’ai essayé, sans succès. Elle était trop confuse quant à son état.” répondit le chef des obsidiens.

La femme-renarde soupira. Ces informations n’étaient pas d’une grande aide sur la décision à prendre. Ses doigts pianotaient sur le bâton qu’elle tenait, et ses queues battant l’air témoignaient de son agacement.

“Vous dîtes avoir entrevu la vraie Delfyn, mais ce n’est pourtant pas l’impression que j’ai eu sur la plage tout à l’heure.
_ Jamon être d’accord avec Miiko. Delfyn pas être gentille quand Jamon l’amener dans la prison. Delfyn être mauvaise, pas être la Delfyn que Jamon connaître.”

Andromedea soupira, se massant l'arête du nez tandis qu’elle réfléchissait à toute vitesse. Cette histoire n’avait aucun sens, l’état de Delfyn ne ressemblait pas à une contamination par cristal, elle en était certaine. Ou essayait-elle de se convaincre elle-même afin de sauver son amie ? Non, elle avait bien vu Delfyn attachée au mât du bateau, dévastée par les pertes de ses proches. Quelqu’un de contaminé n’agirait pas de la sorte.

“Certes, mais elle a des moments de lucidité qui ne correspondent pas avec ce qu’on sait des contaminés, tenta la lorialet avant d’être coupée par l’elfe.
_ Je ne vois pas ce que ça change, elle reste dangereuse et certainement sous l’emprise d’un morceau de cristal.
_ T’es stupide ou juste sourd Ezarel ?
_ Pardon ?! se vexa immédiatement le plus grand susceptible de la garde.
_ Laisse-moi finir. Son comportement peut être simplement lié à sa transformation. Delfyn m’a raconté les légendes des fées, les légendes des pixies. Elle-même n’y croyait pas, pourtant le fait est que ça ressemble beaucoup à ce qui lui arrive.”

Le regard glacial de la lorialet fut rendu par l’elfe. Miiko s’apprêtait à couper l’échange qui ne cessait d’augmenter les tensions dans la salle, mais son bras droit, silencieux depuis le début, prit la parole, subissant à son tour les iris foudroyants d’Andromedea.

“ Je suis d’accord avec Ezarel. C’est un risque que je ne suis pas prêt à prendre.”

L’enfant de la lune était sur le point de répondre lorsque la kitsune coupa la discussion. L’ambiance était trop conflictuelle pour que le débat avance plus loin. Elle hésita un instant à le reporter, mais il leur fallait prendre une décision au plus vite.

“ Ça suffit. Si vous avez fini vos enfantillages, je souhaiterai qu’on passe au vote.”

Tapis près de l’entrée de la salle du cristal, dissimulé dans l’encadrement d’une porte secrette menant vers l’extérieur, un homme ne put contenir son sourire sous son masque rouge et noir. Cette réunion était passionnante, il était persuadé que la principale intéressée serait ravie de savoir que son sort était discuté ainsi. Les voix des Étincelants s’éloignaient tandis qu’il se faufilait au sein du QG telle une ombre. L’homme rejoignait les escaliers menant à la cellule de la pixie qui attendait de connaître le verdict. L’absence de gardes devant la prison renfermant Delfyn ne l’étonna presque pas.

“ Quelle belle bande d’idiots.”

Sans difficulté, il pénétra dans les cachots, se présentant devant la cage de fer. La prisonnière ne le remarqua pas immédiatement. Dos à lui, elle passait le temps en comptant les gouttes d’eau qui tombaient dans le bassin verdâtre habituellement gardé par Enthraa.

“ 72..73..
_ Quelle activité passionnante.”

Dans un sursaut Delfyn se tourna, cherchant du regard la source de la voix. Ses pupilles se posèrent sur un homme vêtu d’une armure qui se voulait impressionnante, les yeux rouges de son masque scintillant dans la pénombre des cachots. La pixie reconnu immédiatement l’homme décrit par la garde comme celui ayant brisé le cristal quelques semaines plus tôt. Que faisait-il là ? Horrifiée, c’est en balayant les geôles du regard qu’elle constata l’absence de gardiens devant sa cellule. La garde était-elle vraiment inconsciente au point de ne poster personne dans le QG après les récents évènements ?
En reportant son attention sur le nouveau venu, Delfyn avait cette drôle d’impression tandis qu’elle fixait de ses iris nacrés ceux rouges de celui s’étant déclaré ennemi de la garde. La peur qui aurait dû secouer sa personne semblait bien loin, elle se sentait au contraire presque rassurée de sa présence, apaisant la méfiance qu’elle avait dans un premier temps généré. En elle semblaient débattre deux voix : sa véritable voix et celle qui l’avait quelques semaines plus tôt plongée dans un état second. Bien qu’éloignée de Dynn, les murmures de la pixie chatouillaient encore ses oreilles, tentant de la guider de nouveau dans ses filets. Ignorant son débat intérieur, l’inconnu et elle se jaugeaient en silence durant quelques instants.

“Les discussions sont houleuses là-haut quant à ton sort, je crains que leur choix ne joue en ta défaveur.
_ Pourquoi croirais-je un inconnu ?
_ Pourquoi ne me croirais-tu pas ? Je trouve ça tellement dommage de gâcher une si jolie vie.”

Au ton de sa voix, la pixie devina le sourire narquois sous ce masque sombre. Delfyn soupira. Elle ne voulait pas lui donner raison, mais elle était consciente des débats qui avaient lieu quelques étages plus haut. Il y avait des chances que les gardiens décident de ne pas l’exécuter, mais quelles étaient-elles ? L’Étincelante n’était pas du genre à prendre de risque devant une menace potentielle.

“Et donc, qu’est-ce que ça peut te faire que je périsse ou non suite à leur décision ? dit-elle avec sarcasme.
_ Tu ferais mieux de changer de ton avec moi. Je pourrais changer d’avis et te laisser pourrir dans ta cellule.
_ Trop aimable.”

Si elle avait pu voir le visage de l’homme sous son masque, elle aurait sûrement vu son regard glacial la fusiller. Le chercher semblait être une très mauvaise idée que la pixie en Delfyn trouvait un peu trop amusante, elle ne pouvait s’en empêcher ni contenir ce côté narquois de sa condition.

“Tu vas très vite regretter ton insolence, Delfyn.
_ Donc tu connais mon nom mais je n’ai pas l’honneur de connaître le tien ?
_ Ashkore.
_ Très bien Ash, qu’as-tu à me proposer ?”

Un sourire amusé sur ses lèvres, Delfyn savait qu’elle jouait à un jeu très dangereux. Provoquer ainsi l’ennemi de la garde était loin d’être une bonne idée, mais la pixie s’amusait énormément. Après tout, elle mourrait dans tous les cas à en croire la réunion de l'Étincelante, et ce Ashkore semblait lui vouloir quelque chose. Peut-être était-il sa seule échappatoire. La garde prendrait-elle une décision si tranchée ? Elle savait que jamais Medea et Valkyon ne la laisseraient tomber, ils avaient vu son état se stabiliser lors du voyage de retour vers Eel, mais deux personnes ne feraient pas le poids contre le reste. Delfyn serra les dents. Les deux voix menaient une bataille incessante dans sa tête, embrouillant son esprit jusqu’à ne plus savoir différencier les bonnes des mauvaises pensées.

“Rejoins-moi. Tu n’imagines pas les atrocités que cette garde à commises, je doute que tu veuilles y rester plus longtemps si tu avais vent de ce qu’il s’est produit par leur faute. Une gentille petite fée comme toi n’a rien à faire ici.
_ Vends-moi du rêve, je t’écoute.
_ Ta chère petite garde que tu aimes tant à été le berceau d’un génocide. Ne t’es-tu jamais demandé ce qu’étaient devenus les descendants des aengels ou plutôt daemons qui n’ont pas prit part au Sacrifice Bleu ? La garde les a traqués jusqu’au dernier, tuant chacun d’entre eux dans l’espoir de rétablir l’équilibre qui a été menacé suite à leur trahison.”

Delfyn écoutait le récit d’Ashkore, interdite. La garde avait-elle vraiment été capable d’une telle atrocité ? Le récit était trop précis, récité avec tant de conviction, craché avec tant de rancœur ; l’homme n’avait pas l’air de mentir, mais pouvait-elle vraiment lui faire confiance ? Son instinct, ou était-ce la voix dans la tête, lui criait que, oui, elle pouvait lui faire confiance. Contrairement à lui, la garde discutait de son exécution. La pixie resta silencieuse quelques instants, scrutant Ashkore de ses yeux dont la couleur inhabituelle rappelait qu’elle n’était pas dans son état normal. L’ennemi misait sur ce changement en pixie et les révélations sur la garde pour la rallier à ses côtés. Il connaissait bien assez ses airs de petite fée parfaite pour savoir qu’il lui serait insupportable de rester auprès de ceux ayant commis de telles atrocités.

“Je n’ai pas ton temps Delfyn, je te siérais de prendre une décision avant que le monchon ne descende t’offrir le même sort que les aengels.”

Les neurones de la pixie s’activaient à toute vitesse. Une part d’elle souhaitait rester fidèle à la garde, elle savait que l'Étincelante trouverait une solution autre que sa fin, que la garde n’était plus ce qu’elle avait supposément été selon Ashkore. D’un autre côté, la pixie en elle la poussait à vouloir suivre Ashkore, à fuir le côté bonne fée qui recommençait à faire surface en elle. Ses oreilles bourdonnaient sous les murmures incessants qui brouillaient son esprit. C’en était douloureux, un tambour sonnait dans son crâne, elle n’arrivait plus à réfléchir, à délier le vrai du faux. Pourquoi ne pas le suivre, après tout elle n’avait plus rien ? Non, c’était faux. Il lui restait la garde, ce lieu était sa maison, chaque gardien sa famille, les abandonner était hors de question. En bas, Ashkore, agacé, s’impatientait clairement devant l’absence de réponse de la pixie. Le temps lui était compté. Chaque fois qu’il s’aventurait dans les murs du QG il ne traînait jamais trop longtemps au même endroit afin d’éviter de se faire repérer.

“Ecoute, je te laisse te noyer dans ton illusion puérile de la sainte garde le temps que tes neurones s’activent sur l’impact de leurs actes passés. Tu me donneras ta réponse à mon retour, si ta tête n’a pas été arrachée de ton corps entre-temps.”

Aussi vite qu’il était apparu, Ashkore s’éclipsa des cachots. Delfyn soupira en s’affalant sur le sol de sa cellule. Il s’en était fallu de peu, la pixie n’avait jamais été si proche de reprendre le dessus. La jeune femme passait ses mains sur son visage, soupirant lourdement. Elle n’était pas encore sauvée, son corps avait toujours cette forme maléfique, et la réunion n’avait toujours pas prononcé de verdict. Delfyn demeura assise, l’arrière de son crâne appuyé contre les barreaux, le regard dans le vide en attendant sa sentence.

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L’écho de plusieurs pas résonnait finalement dans l’escalier menant à sa prison et la fée se redressa. Miiko se présentait en tête du groupe de gardiens ayant participé au débat quant à son sort.

“ Comme tu peux te douter en nous voyant, nous avons pris une décision.”

Silencieuse, Delfyn sentit l’angoisse grimper devant le visage indéchiffrable des membres de l’Étincelante. Elle agrippait les pans de sa robe dans l’espoir de calmer le tremblement de ses doigts. Sans un mot, elle acquiesçait aux paroles de la kitsune, attendant la suite du verdict la concernant.

“Mais avant toute chose je souhaiterai entendre ta version des faits.”

La pixie reprit son souffle qu’elle avait retenu en entendant le verdict. Miiko semblait se faire un véritable plaisir de la laisser ruminer encore un peu sur son sort avant de connaître le verdict. Delfyn laissa un soupir quitter ses lèvres avant d’acquiescer. Ses pupilles nacrées cherchaient le regard de ses amis, cherchant à y déceler le moindre indice sur la suite. Nevra et Medea lui adressaient un petit sourire encourageant tandis que Valkyon l’invitait à parler d’un signe de tête.

“Je suppose que Valkyon vous a déjà rapporté notre discussion.. Mais je vais reprendre depuis le début. Quand je suis arrivée dans la forêt j’étais épuisée par le trajet, et ce malgré la potion d’Ezarel que j’avais pris un peu plus tôt. Et lorsque j’ai vu l’état du village.. Je me suis effondrée. Mes souvenirs sont très flous à partir de ce moment-là. Je me souviens avoir cherché un survivant, pendant combien de temps je n’en ai aucune idée. J’avais l’impression que.. Une force essayait de m’attirer vers le gouffre qui me pousserait à prendre ma forme pixie, mais mon esprit est tellement embrumé que je ne me souviens de rien. J’ai juste quelques images de Medea et Valarian dans la forêt, Valkyon sur le pont. Et depuis notre arrivée je me sens un peu plus.. moi-même ? Je.. Voilà, je ne sais pas quoi dire de plus, mes souvenirs sont vraiment embrumés.”

L’assemblée avait écouté le discours confus de leur prisonnière. La kitsune jeta un coup d'œil à son bras droit et ils échangèrent un signe de tête avant que la cheffe des lieux ne se tourne à nouveau vers Delfyn.

“Bien. Nous en sommes venu à la conclusion qu’une contamination par cristal était peu probable. Tu es libre de te joindre de nouveau à la garde. Cependant, l’utilisation d’armes t’es interdite tant que tu n’as pas retrouvé ta forme normale, Valkyon en tant que chef de ta garde sera chargé de ta surveillance constante jusqu’à lors. Tu passeras également voir Ewelein tous les jours, que ce soit pour surveiller ta condition physique ou mentale.”

La jeune femme n’avait pas les mots, elle avait perdu tout espoir que les choses tournent en sa faveur après les évènements dans la forêt. Des larmes de soulagement se formaient dans ses yeux tandis qu’elle soufflait des remerciements sincères envers l’Étincelante.

“Sais-tu quand ta forme pixie disparaîtra ?” questionna Leiftan qui se tenait aux côtés de leur cheffe.

Delfyn grimaça à la question. À vrai dire, elle n’en avait aucune idée. Jamais elle n’avait eu à se confronter à une transformation en pixie, et si les légendes mettaient en garde les jeunes fées, elles  ne décrivaient jamais ce qu’il se déroulait après. Est-ce qu’il était même possible d’inverser le processus ? Elle commençait à en douter.

“ J’avoue que.. Je n’en ai aucune idée.. Je ne sais même pas si je retrouverais mon apparence un jour. Mais si le prix à payer est ma surveillance constante, je l’accepte, je ferai tout pour trouver comment changer les choses.
_ Je te laisserai faire des recherches dessus, nous avons certainement quelques ouvrages à la bibliothèque.” conclut Miiko avant de faire ouvrir la cellule.

Delfyn remercia une nouvelle fois la kitsune pour cette chance qui lui était accordée. Ezarel, son insupportable sourire moqueur sur les lèvres,  s’avança vers la jeune femme, faisant tourner un épais bracelet autour de son index.

“Ne crois pas que tu vas avoir la belle vie Delchouine. Tu as gagné le droit d’enfiler ce fabuleux bracelet dont l’essence est reliée au cristal. Éloigne toi ne serait-ce qu’un peu trop et la légende raconte que la fumée qu’elle dégage pourrait empoisonner un dragon.”

La pixie serra les dents devant l’attitude de l’elfe. Si elle tolérait sa présence habituellement, il l’irritait bien plus de d’ordinaire. Delfyn soupira pour contenir son agacement tout en tendant son poignet au clown de service qui se sentit obligé d’en rajouter une couche.

“N’hésite surtout pas à aller faire un tour dans la forêt, ça nous évitera d’avoir à nous salir les mains.”

Le chef de l’absynthe quitta les geôles après un clin d'œil, suivi par Nevra qui adressa tout de même un sourire à son amie. Ykhar qui avait également assisté à la réunion s’avança vers la chaperonnée.

“ Si tu as besoin d’aide pour ta recherche n’hésite surtout pas Delfyn, je dois filer là mais passe quand tu veux ! “

Ykhar lui adressa un clin d'œil suite à sa proposition avant de quitter la pièce de sa démarche sautillante habituelle. Les réactions de ses amis lui réchauffaient le cœur, elle qui pensait être traitée telle une paria malgré sa libération. Andromedea passa également la voir avant de partir, elle avait l’air soulagée.

“ J’espère ne pas avoir à te mettre au tapis encore une fois, taquina la lorialet avec un petit sourire.
_ Attends que je retrouve mon arc, c’était pas du jeu.”

Miiko ne sembla pas apprécier la réponse de la pixie et lui adressa un regard noir, tel un avertissement.

“ Je plaisantais pardon...”

Les lieux finirent par complètement se vider et Delfyn rejoignit Valkyon qui était désormais son chaperon pour une durée indéterminée. La situation la ramenait à ses débuts sur les terres d’Eel, lorsque l’obsidien l’avait eu à sa charge à son arrivée dans la garde Obsidienne. Le léger sourire amusé qu'elle devinait sur les lèvres de son chef indiquait qu’il s’était fait la même réflexion.

“ Tu ne peux vraiment pas te débarrasser de moi, hein ?
_ Il faut croire que non. Au moins cette fois tu ne seras pas autant un poids que lorsque j’ai dû t’apprendre à tenir une épée.”

Après avoir tiré la langue à son ami, Delfyn le suivit hors de la prison dans laquelle elle espérait ne jamais remettre les pieds. Cela faisait longtemps que la jeune femme ne s’était pas si bien sentie, avoir le soutien de ses amis semblait avoir fait taire un peu les murmures de la pixie qui essayait de la faire sombrer de nouveau. Être aux côtés de Valkyon l’aiderait grandement à garder la tête hors de l’eau. Delfyn avait l’impression de ne pas l’avoir vu depuis si longtemps, le prendre dans ses bras la démangeait mais au vu de sa condition ce n’était pas la meilleure idée. Elle sentait également la frustration de son meilleur ami à l’idée de devoir laisser cette barrière entre eux tant que les choses n’auraient pas repris leur cours normal. Ils n’avaient pas pour habitude d’être aussi loin l’un de l’autre. Depuis son arrivée à la garde trois ans auparavant, les deux obsidiens s’étaient rarement quittés aussi longtemps. Si la carapace de Valkyon avait au début donné du fil à retordre à la fée, son insistance et sa bonne humeur avait eu raison de son mentor. Petit à petit, il avait appris à s’ouvrir à la jeune femme et il était rare de les trouver l’un sans l’autre. Delfyn était devenue l’une des rares personnes à faire aligner plus de quelques mots au chef des obsidiens, et d’autant plus ces derniers temps.

“ Je sais qu’il est encore relativement tôt et j’imagine que tu dois avoir des choses à faire, mais mes mésaventures et mon passage en prison m’ont fatigué, j’aimerai bien me reposer sur un matelas un peu...
_ Je comprends, allons-y. Nous avons prévu des tours de garde devant ta chambre donc j’ose espérer qu’il ne te prendra pas l’idée de faire de nouvelles folies.”

Les lèvres pâles de Delfyn laissaient échapper un rire tandis qu’ils prenaient la direction de la chambre de la jeune femme. À l’extérieur, le soleil commençait à peine à décliner, mais la jeune femme était épuisée. Il lui semblait ne pas avoir eu une vraie nuit de sommeil depuis une éternité et rien ne la faisait plus rêver que ses draps à l’heure actuelle.

Les deux amis se quittèrent sur un sourire. La jeune femme referma la porte de sa chambre derrière elle, tandis que l’obsidien s’y postait pour le début de la garde. Elle quitta ses vêtements qui ressemblaient plus à des haillons qu’autre chose pour enfiler une tenue plus confortable pour dormir. La douche attendrait le lendemain, elle était si épuisée que chaque geste lui demandait un effort insoutenable. À peine la tête posée sur son oreiller, la fée sombra dans le sommeil.

꧁꧂

Sa nuit fut sans rêve, Delfyn se réveilla avec l’augmentation de la luminosité dans la pièce dont les rayons du soleil étaient les seuls coupables. Des affaires propres sous le bras, Delfyn ouvrit la porte et fut surprise de tomber sur un braukwin qu’elle reconnaîtrait entre mille. La dynnienne s’accroupit à hauteur du familier qui la regarda suspicieuse dans un premier temps, mais son odorat ne trompait pas, malgré l’apparence étrange qu’elle avait, il s’agissait bien de sa maîtresse. La bête frotta sa tête contre la main de Delfyn, un ronronnement résonna dans son thorax tandis que la jeune femme offrait quelques gratouilles entre ses oreilles.

“Blumm viens-là.”

Aussitôt la bête quitta sa maîtresse pour se ranger aux côtés de la voix qui l’avait appelée. Delfyn se redressa, elle avait sans aucun mal deviné qui était de garde devant sa porte. La présence de son braukwin, mais surtout l’obéissance du familier à une autre personne qu’elle ne laissait pas de place au doute. La jeune femme adressa un sourire à Valarian qui caressait à son tour la tête de Blumm.

“Tu m’excuseras, tu n’es pas autorisée à rester trop près d’elle pour l’instant, mais je n’avais pas le cœur d’empêcher vos retrouvailles.
_ Merci.. Et merci d’avoir pris soin d’elle, elle a l’air en forme.”

Bien que libérée de sa cellule, Delfyn avait toujours l’impression d’être enfermée. La réticence de la garde était compréhensible, mais devoir se tenir aussi loin des personnes auxquelles elle tenait n’était pas chose aisée. La garde n’avait plus aucune confiance en elle. La pixie serra les dents, les murmures avaient de nouveau fait irruption dans son esprit, appuyant sur le fait que tous se méfiaient d’elle. Ses doigts se mirent à trembler ; de crainte, d’angoisse, de colère, elle ne savait plus. Devinant ses troubles en voyant sa mâchoire crispée, Valarian posa une main rassurante sur son bras.

“ Ne t’en fais pas, cette situation ne durera pas longtemps.
_ J’inspire la crainte maintenant, j’ai été naïve de croire que je pourrais facilement retrouver ma place au sein de la garde.
_ C’est vrai qu’à t’avoir vu à l'œuvre, ça n’a rien de rassurant. Mais ça passera. On a tous nos mauvais côtés qui finissent par ressortir. Personne au sein de la garde ne peut se vanter d’être tout blanc. Maintenant qu’ils se sont rendu compte qu’aucun morceau de cristal ne t’a corrompu, ta tête sur un piquet n’est plus leur principale préoccupation. La confiance reviendra.”

Delfyn resta un instant silencieuse. Les paroles de l’obsidien avaient aidé à faire taire la migraine de murmures qui avait commencé à embrouiller son crâne. Parler avec Valarian lui faisait du bien. Il avait toujours été réfléchi et de bons conseils quand elle en avait besoin. Jamais il ne l’avait jugé, et elle savait qu’aujourd’hui encore elle pouvait compter sur lui, malgré tout ce qui avait pu se produire.

“ Merci Valarian, encore une fois je peux remercier tes 60 ans pour m’apporter sagesse et réconfort.
_ T’es vraiment irrécupérable, je n’en ai que 38.
_ Oui oui, ça c’est ce que tu veux bien nous faire croire.”

Rassurée, la fée se dirigea finalement vers les douches. Rester impuissante ainsi allait s’avérer compliqué pour elle. Il y avait bien quelque chose qu’elle pourrait faire pour aider, pour se rendre utile malgré sa surveillance rapprochée. Delfyn cherchait une solution tout en frottant sa peau d’une blancheur presque translucide. Si seulement cette horreur qu’elle était devenue pouvait disparaître, les choses redeviendraient comme avant. Personne ne semblait lui accorder pleinement sa confiance hormis… Ashkore. La jeune femme, frappée par une révélation comprit soudainement comment elle pourrait se rendre utile. Il fallait absolument qu’elle parle à Miiko. La présence constante de Valkyon à ses côtés n’allait pas l’aider, s’il avait vent du plan qui se montait petit à petit dans son esprit il serait fermement contre. La fée soupira tout en démêlant sa longue chevelure de ses doigts tout en la rinçant sous l’eau chaude. Elle poussa une longue plainte tout en éteignant le jet. Elle se sécha et s’habilla avec empressement. Lorsqu’elle sortit de la pièce, elle tomba nez à nez avec son chef qui avait pris le relais de Valarian.

Delfyn lui adressa un petit sourire. Tactile comme elle était, la fée n’avait vraiment pas l’habitude de maintenir une telle distance entre eux et elle en était grandement attristée. Silencieusement, ils traversaient le corridor et la jeune femme se stoppa devant la salle du cristal.

“J’aimerai parler à Miiko, seule. C’est important...”

Chapitre 5 : Opportunité

    Valkyon ne cachait pas sa réticence à l’idée de laisser la kitsune seule avec la menace potentielle qu’était Delfyn. Miiko avait de quoi se défendre mais, peu importe la confiance qu’il avait en son amie, sous cette forme elle restait instable. Valarian lui avait fait des retours sur le trouble qui avait plus tôt animé la jeune femme.

“Ecoute, je sais que tu ne me fais pas confiance.. J’aimerai te promettre que je ne lui veux pas de mal mais tu ne le croiras pas non plus. S’il te plaît Valkyon, j’en ai pour cinq minutes, même pas, trois minutes. Si je ne suis pas de retour dans trois minutes, viens me chercher.”

Le chef de l’obsidienne réfléchit longuement avant de valider le plan de son amie, il se posta près de l’entrée de la salle, signifiant d’un geste de la tête à Delfyn d’y aller.

“Trois et pas une de plus.
_ C’est promis.”

La fée s’empressa de rejoindre la salle où Miiko faisait les cent pas. La kitsune était grandement troublée depuis la destruction du cristal. Elle avait tant de choses à gérer qu’elle n’en trouvait plus le sommeil. À l’entente de bruits de pas pressés, elle tourna la tête, une expression de surprise sur son visage en voyant leur ancienne prisonnière se présenter à elle. Celle-ci resta à distance de la kitsune, Delfyn ne voulait pas qu’elle pense à une attaque.

“S’il te plaît Miiko ne me pose pas de questions, Valkyon m’a autorisé à monter mais seulement quelques instants. Je voulais absolument te parler seule.”

La kitsune dressa tout de même son arme entre elles en tant que protection, et ce malgré la distance qui les séparait déjà. Elle ne prendrait jamais trop de précautions face à l’instabilité de son état.

“ Je t’écoute.
_ J’ai croisé Ashkore lorsque j’étais dans ma cellule.
_ Ashkore ? répéta Miiko.
_ L’homme qui a attaqué le QG et détruit le cristal.
_ Merci je sais qui est notre ennemi, répliqua sèchement la kitsune.”

Delfyn soupira, sentant l’agacement grimper en elle à grande vitesse. La jeune femme tenta de calmer ses émotions négatives, ce n’était pas la première fois que l’hostilité de Miiko envers elle ressortait, mais la dynnienne semblait s’irriter pour un rien en ce moment.

“Je ne sais pas ce qu’il veut de moi exactement, mais il venait me convaincre de le rejoindre. Je n’ai aucune idée de ce qu’il a en tête mais je... Je suis prête à prendre le risque, de profiter de ma forme pour gagner sa confiance et m’infiltrer. Je sais qu’il compte revenir me voir bientôt pour avoir ma réponse.”

La cheffe de la garde d’Eel arrêta Delfyn d’un geste de la main. Cela faisait bien trop d’informations en même temps. Elle avait rapidement compris où la jeune femme voulait en venir, mais nombreuses hésitations venaient l’assaillir. Était-ce un plan de la pixie pour fuir la garde et rejoindre leur ennemi ? La noirceur qui résultait de l'état actuel de Delfyn pourrait la pousser à vouloir rejoindre Ashkore. Mais était-elle stupide au point de venir presque dévoiler ses plans ainsi si c’était le cas ? Le plan que venait lui proposer la dynnienne était intéressant et pourrait se révéler un véritable atout pour la garde s’il réussissait. C’était un pari dangereux. Pour la garde et pour Delfyn, mais Miiko ne pouvait se passer d’une telle occasion de percer à jour leur ennemi. La kitsune regrettait de ne pas avoir son bras droit sous la main, son avis était toujours réfléchi, mais ce dernier avait quitté le QG quelques heures auparavant pour une mission. Ashkore ne serait pas patient, il lui faudrait très certainement une réponse la prochaine fois qu’il essaierai de joindre Delfyn, ils ne pouvaient pas le laisser filer entre leurs doigts.
“ Même si je me mets en danger pour cette mission, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la garde. Mais... Ne préviens pas Medea et Valkyon s’il te plaît, je ne veux pas que leur inquiétude se mette en travers de la mission.”

Miiko fit rouler ses yeux vers le ciel, peinant à masquer l’irritation que lui procurait la présence de la jeune femme à ses côtés.

“Ils ne sont pas membres de l’étincelante pour rien. S’ils ne sont pas en capacité de mettre leurs sentiments de côté pour le bien d’une mission, ils n’ont rien à faire dans la garde. Toute l’étincelante sera mise au courant que ça te plaise ou non Delfyn.”

La mâchoire de la pixie se contracta. Si elle maintenait son niveau d’agacement au minimum face à Miiko depuis son retour, Delfyn se sentait sur le point d’exploser devant le dédain et l’air satisfait de la kitsune face à elle. La subordonnée n’eut le temps de répliquer, Valkyon les rejoignait dans la pièce, ses doigts serrant le pommeau de son arme.

“Tout va bien Miiko ?
_ Très bien, fais réunir l’étincelante s’il te plaît Valkyon.”

L’obsidien scruta un instant les deux femme d’un oeil interrogateur avant d’acquiescer. Cette interruption eut pour effet de remettre les idées à en place à la fée qui secoua la tête un instant pour chasser la brume qui avait enveloppé son esprit.

“La décision de t’attribuer cette mission sera décidée par l’étincelante au complet. Je te demanderai de rester avec nous le temps que notre choix soit fait.”

Delfyn se contenta d’opiner, elle ne voulait pas que les répliques sèches qu’elle rêvait d’adresser à sa supérieure mette en péril son plan et sa chance d’enfin avoir de nouveau une utilité au sein de la garde. Lorsque le comité de décision fut réuni, Miiko expliqua sa discussion avec Delfyn. La dynnienne poursuivit ensuite sur sa rencontre avec Ashkore et ses grands discours sur les horreurs de la garde afin de la convaincre de se joindre à lui.

“Je ne sais pas si je dois être exaspéré qu’on lui fasse confiance ou agréablement surpris que Delchouine ait de bonnes idées.
_ Tu n’as pas le monopole des bonnes idées Ezarel. Ce n’est pas une question de lui faire confiance, je ne pense pas qu’on devrait tant qu’elle a cette forme, du moins pas complètement. Mais c’est l’occasion de nous infiltrer chez l’ennemi et on ne devrait pas laisser filer cette chance.” argumenta Medea.

Delfyn manqua de se froisser face au manque de confiance de son amie, mais elle se remémora qu’elle avait bien failli sauter à la gorge de Miiko un peu plus tôt. Leurs regards se croisèrent un instant et la lorialet soupira. Plusieurs paramètres faisaient que l’enfant de la lune n’était pas sereine. D’un côté, son affection pour la fée poussait pour influencer son avis, d’un autre côté elle percevait le combat que menait la fée contre l’influence de la pixie. Delfyn n’était pas stable, c’était un fait. Valkyon en était également conscient, d’autant plus après l’avertissement de Valarian quelques heures plus tôt. Et malgré l’amitié qui tendrait les deux gardiens à vouloir protéger Delfyn, une chose était sûre : ce plan était une occasion en or qu’ils ne pouvaient laisser passer. L’obsidien serra la mâchoire, réfléchissant à toute vitesse tandis que les arguments filaient à travers la salle du cristal. Encore une fois, il se devait d’agir comme un chef de garde et prendre les meilleures décisions pour Eel.

“Je suis d’accord, nous devons mettre toutes les chances de notre côté contre Ashkore.” se manifesta finalement Valkyon.

Si la réponse tranchée du faelien surpris la moitié de l’assemblée, Jamon soutint rapidement son avis suivi par Ykhar. Le visage de Keroshane était déformé d’une grimace, ses doigts tremblaient d’énervement.

“Non mais vous vous entendez ? On parle de l’ennemi de la garde, celui qui a détruit le cristal. Et vous voulez envoyer l’un des nôtres au bûcher ? Peu importe les torts que Delfyn a, je ne pensais pas la garde capable de sacrifier l’un de ses gardiens.”

L’hybride qui ne s’énervait que rarement n’avait pu contenir l’agacement qui grimpait en lui devant tant d’injustice. La concernée adressa un petit sourire à la licorne qui prenait sa défense avant de faire un pas en avant pour prendre part à l’échange à son tour.

“C’est ma décision Kero, c’est moi qui en ai parlé à Miiko, et j’effectuerai cette mission en connaissance de cause. Et ça compterait beaucoup pour moi d’avoir ton aval.”

Avec un soupir, le lunetteux capitula. Le chef de l’ombre qui avait jusqu’à présent écouté attentivement les avis de chacun en silence se manifesta à son tour.

“Bien que je sois grandement déçu de ne pas avoir le droit d’être pris par les sentiments comme notre cher Kero, j’en viens à la conclusion que cette stratégie est une bonne idée.”

L’alchimiste, qui n’avait pas prononcé un mot après que son collègue de l’ombre l’ai stoppé dans son intention de répliquer suite à l’intervention de Medea, ouvrit finalement la bouche.

“Et personne ne se demande pourquoi il la veut ?
_ Dans ce cas, si tu es le seul à t’y opposer Delfyn sera désormais sous ta responsabilité. Trancha Miiko.
_ ... Adieu Delfyn amuse-toi bien avec Ashkore, conclut l’elfe après une courte pause.
_ Bien, tout le monde semble favorable à ce plan. J’ose avoir la bonne foi de te croire. N’essaie pas de nous la faire à l’envers, tu ne veux pas non plus avoir la chance d’être l’ennemie de la garde à ton tour n’est-ce pas ? Je ne serais pas si clémente quant à ton sort la prochaine fois.”

Delfyn n’osa broncher. L’idée que la jeune femme les trahisse réellement semblait faire bouillir Miiko. Elle ne décevrait plus sa cheffe, ni aucun membre de la garde, elle se le promettait.

“Cependant je n’accepterai que si j’ai la certitude d’avoir des nouvelles de toi régulièrement.”

Satisfaite, Delfyn ouvrit sa main. Entre ses doigts, au creux de sa paume se déploya un papillon noir. La couleur, loin de lui plaire, la fit grimacer. Certainement un autre effet secondaire de sa condition de pixie. La créature voleta dans la salle de cristal, Miiko le scruta suspicieusement.

“C’est inoffensif, tu peux demander à Medea ou Valkyon. J’avais également ce pouvoir avant, même si mes papillons étaient plus jolis que... ça. Je peux les envoyer où je le souhaite.”

La kitsune jeta un regard aux deux gardiens concernés qui confirmèrent les propos de la fée d’un signe de tête. Delfyn n’eut qu’à claquer des doigts pour faire disparaître l’insecte noir qui tournoyait toujours dans la pièce à battement d’ailes. Une dernière fois, la kitsune sembla dans ses pensées, semblant peser le pour et le contre. L’occasion était trop belle pour la râter.

“Je veux voir un papillon ici matin et soir, pour m’assurer que tu ailles bien malgré tout. Si c’est possible, c’est d’accord.”

La fée confirma que la condition posée par sa supérieure était réalisable, ce qui conclut la réunion de l’étincelante quant au plan se profilant contre Ashkore.

“C’est bon, vous pouvez disposer. Delfyn je veux voir un papillon dès que ça commence.”

La concernée acquiesça, remerciant sa supérieure pour son écoute. Le groupe d’étincelants se divisa pour repartir vers leurs occupations. Andromedea, Nevra et Ezarel s’étaient dirigés vers la cantine tandis que Delfyn avait dû accompagner Valkyon qui avait un souci à régler à la forge avec Jamon. Lorsque les deux géants eurent fini, Delfyn mena la marche jusqu’au réfectoire où Karuto l’accueillait d’un œil suspicieux. Lui aussi se montrait relativement hostile face à sa forme de pixie, ce qui expliquait sûrement la baisse de qualité des plats qu’il lui servait. Elle lui adressa tout de même un sourire amical en le remerciant pour la bouillie difforme qui constituait son assiette. Suivie de Valkyon, la jeune femme rejoignit la table qu’occupaient déjà Andromedea, Nevra et Ezarel.

“Et voici la plus belle, l’accueilli la lorialet avec un sourire.
_ Tu devrais te renseigner auprès de Kero pour savoir où il a eu ses lunettes, commenta l’alchimiste après avoir observé Delfyn, l’air révulsé.
_ C’est ce que je m’évertue à lui dire !” s’exclama le chef de l’ombre.

Si les piques de l’elfe bleu ne touchaient plus Delfyn, elle lança à Nevra un regard interloqué. Pour toute réponse, le vampire désigna son propre corps à l’aide de vifs gestes de ses mains pour appuyer ses propos. La fée rit en comprenant qu’il parlait de la vigueur avec laquelle Medea repoussait ses avances. Elle s’assit aux côtés de la lorialet, reportant son attention sur l’insupportable elfe bleu qui la jaugeait toujours.

“Bon appétit à toi aussi Ezarel, j’espère que mon apparence t’as assez retourné l’estomac pour que tu n'aies plus faim.”

Leurs chamailleries firent rire la tablée, ils avaient presque l’impression que tout redevenait comme avant. Delfyn se tourna vers son amie, un sourire sur les lèvres.

“Petite cachotière, je m’attendais pas à te voir parmi les grands de la garde hier. Félicitations ma Medi, c’est sûrement une des meilleures décisions que Miiko ait pris !
_ Eh oui, mon sabali s’en sort très bien !  poursuivit Nevra en passant son bras autour des épaules de la lorialet.
_ Une fois encore grâce au merveilleux Ezarel, s’auto-complimenta le concerné.
_ Ô grand Zaza, que ferait le monde sans toi, la garde serait perdue.”

L’ironie utilisée braqua l’elfe qui lui jeta un regard noir, auquel Delfyn répondit par un clin d’oeil. Valkyon, silencieux, observait la querelle avec un sourire amusé. Ce genre de scène était depuis longtemps leur quotidien.

“En attendant c’est moi qui ai le plaisir d’être son mentor vu que tu n’en voulais pas. La gloire me revient donc.
_ C’est ça, battez vous pour la palme du meilleur chaperon. Enfin, vu qu’Ez m’a jetée, Nevra gagne d’office. C’est un exploit en soi.” soupira dans un rire Andromedea.

La conversation suivait son cours, Delfyn s’était tue. Retrouver ce qu’elle aurait cru avoir perdu la touchait, elle observait ses amis avec émotion.

“ Et du coup maintenant que tu fais partie des grands.. Tu ne peux pas me chaperonner toi ?
_ Ça aurait été avec plaisir..”

Valkyon lui lança un regard interrogateur, posant ses deux coudes sur la table pour observer son amie qui détourna rapidement le regard.

“Ma compagnie est si déplaisante ?
_ Non ! Au contraire… C’est juste que ça fait si longtemps que je n’ai pas vu Medi, elle me manque, se justifia Delfyn non sans difficulté.
_ Vous êtes trop imprévisibles pour qu’on vous laisse toutes les deux, surtout toi, intervint Nevra en fixant son œil sur Delfyn.
_ La véritable raison c’est que j’ai demandé à Ezarel s’il était stupide en pleine réunion, corrigea la jeune femme aux cheveux d’argent.
_ Pas que pour ça, mais oui aussi. Je pense que l’ordre de ne pas échanger plus de deux mots avec Leiftan est largement suffisant. On va pas te mettre une muselière.
_ Essaye même.” fit semblant de le menacer Medea.

Delfyn fut prise d’un rire incontrôlable en voyant le regard de Nevra changer. Une lorialet qui menaçait de mordre un vampire, il était plus que prêt à se porter volontaire pour l’expérience et s’exposer au risque. La fée éprouvait une grande fierté alors que son amie se faisait réprimander gentiment par ses collègues, Medea méritait sa place au sein de l’étincelante à ses yeux.

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Assise dans l’herbe de la plaine, Delfyn observait les exercices des dizaines de nouvelles recrues que Valkyon avait à sa charge pour les prochaines heures. Elle constatait avec surprise qu’ils étaient plus nombreux qu’elle ne l’aurait imaginé. Le flot de nouveaux réfugiés avait aidé à recruter. La fée observait longuement les armes s’entrechoquer, les cris des guerriers en formation, et Valkyon qui était toujours un aussi bon mentor. Elle n’en serait jamais là où elle en était sans lui et elle pouvait désormais fièrement clamer qu’elle était une obsidienne.
Les recrues laissaient finalement place à Andranos. Il était membre de l’obsidienne depuis sûrement aussi longtemps qu’elle, Delfyn avait l’impression de toujours l’avoir connu. Ce n’était pas le plus avenant des gardiens, mais ils entretenaient de bonnes relations lorsqu’il s’agissait de travailler. Un entraînement bien plus ardu que celui observé par la jeune femme auparavant se déroulait devant ses yeux. À voir Valkyon à l’action, sa place en tant que chef des obsidiens ne faisait aucun doute. Il était précis, fort et impitoyable. Personne dans la garde n’était de poids à lui faire face. Ses cheveux d’un blanc éclatant volaient en suivant chacun de ses mouvements, et son visage affichait une mine concentrée tandis qu’il parait les attaques d’Andranos à l’aide de son marteau. Le regard de la jeune femme suivait le manche de fer que l’obsidien tenait fermement entre ses mains puissantes. Les manches courtes de son haut laissaient entrevoir les muscles contractés de ses bras dont la peau basanée luisait sous l’effort. Valkyon avait toujours été plaisant à regarder. Aux yeux de Delfyn, il n’était pas étonnant que nombreuses étaient les gardiennes qui souhaitaient passer entre ses bras. L’obsidien était cependant trop concentré sur sa tâche de chef de garde pour s’attarder sur d’autres relations que celles d’un soir, et pourtant la fée n’était pas à son premier essai, elle avait présenté plusieurs demoiselles à son ami qui n’avait pas prit la peine de laisser les choses aller plus loin qu’une nuit. Elle croirait presque voir Lance ; lui aussi venait d’être nommé chef de garde avant que les charmes de la fée ne fassent effet sur lui. La jeune femme laissa ses yeux nacrés dériver une dernière fois sur la carrure imposante de Valkyon avant de s’allonger dans l’herbe pour reporter son attention sur les nuages. Delfyn levait la main en l’air pour protéger sa rétine des rayons du soleil. La pâleur inhabituelle de sa peau la fit soupirer une nouvelle fois. La dynnienne espérait que cette hideuse apparence la quitterait au plus vite, et avec elle le flot d’émotions négatives qu’elle combattait constamment.

Pour le reste de la journée, Delfyn eut l’occasion de passer voir Ykhar à la bibliothèque afin d’entamer quelques recherches sur les fées, les pixies et le processus de transformation. Leur peuple était très mystérieux, et de ce fait il y avait peu d’ouvrages sur le sujet. La fée ne savait pas lire la plupart des quelques livres poussiéreux qu’ils avaient trouvé sur le sujet. La brownie avait pu en déchiffrer quelques lignes, mais les heures de recherches n’avaient mené à rien qu’elles ne savaient déjà.

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Delfyn était sur son lit, une pile de livres sur ses draps. La fée cherchait encore et toujours le moyen de retrouver sa forme naturelle, mais les écrits n’étaient pas d’une grande aide. Dans un soupir rageux, elle refermait l’ouvrage qu’elle avait sur les genoux, le posant à côté d’elle. Le soleil était déjà couché depuis un moment, et la jeune femme avait l’impression de faire du sur place, de n’avancer en rien. Quelques coups toqués la firent sortir de ses pensées, que pouvait bien lui vouloir Andranos qui était de garde devant sa chambre ? De nouveaux coups résonnaient, plus insistants, et Delfyn comprit qu’ils ne venaient pas de la porte, mais de sa fenêtre. La jeune femme reconnut Ashkore en un coup d’oeil. Son plan s'enclenchait enfin. Une main dans son dos, elle profitait de son avancée vers la vitre pour former un papillon noir afin de l’envoyer à Miiko et l’informer de sa future absence. L’insecte se faufila à l’extérieur lorsque la jeune femme ouvrit la fenêtre à Ashkore qui sautait dans la pièce.

“Tu as pris ta décision ?
_ Oh pitié l’attente était intenable j’ai cru que tu ne reviendrais jamais pour me sortir de cette garde d’assassins, se lamenta faussement Delfyn.”

L’homme masqué resta silencieux un instant, semblant analyser la jeune femme face à lui. Son regard se fixa sur son poignet gauche qu’il prit dans sa main gantée. Il esquissa un rire tandis qu’il observait le bracelet.

“ Je vois qu’ils ne prennent pas de risque. C’est tout à mon avantage.”

Delfyn n’eut pas le temps de le questionner, Ashkore arracha le bracelet qui, maintenant ses promesses, libérait une brume ne tardant pas à faire sombrer la pixie dans le sommeil.

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>> Les Bonus

Jusqu'au bout du monde étant une histoire riche, nous avons trouvé sympathique l'idée de vous partager les différents visuels qui nous portent pour l'histoire.
Tenues des héroïnes, certaines inspiration pour les lieux et, je l'espère bientôt, la carte du monde dans lequel elles évoluent.
Si elle n'est pas encore disponible, on fait tout pour que ce soit possible au plus vite pour que vous puissiez découvrir l'univers en même temps que les personnages.

Tous les éléments seront triés par catégorie et par chapitre afin que vous puissiez vous y retrouver facilement.

La carte d'Eldarya

>> En cours de réalisation . . .

Les Tenues

>> Chapitre 1

Bal

>> Chapitre 2

Transformation Delfyn

Les visuels d'inspiration

>> En cours de réalisation . . .

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