Voici la première
anecdote rédigée par
AespennNous avons accueilli trois chats, l'automne dernier.
Lorsque je dis "nous", je parle de mon père et de moi-même. Nous vivons dans un bâtiment HLM, en pleine campagne et même s'il est assez vieux, le rez-de-chaussée qui nous a été attribué comporte un grand salon, ainsi qu'un balcon permettant largement à trois petits chats d'avoir un espace de jeu et d'exploration.
Leur venue n'était pas prévue, mais quand des collègues de travail m'ont informée qu'elles avaient des chatons à donner, j'y ai réfléchi et j'ai fini par me décider. Mon père n'y a vu aucun inconvénient puisque de toute façon, il devait déménager dans les semaines à venir, afin de s'installer avec sa compagne, au bord de la mer.
Cependant et avant de partir, il a voulu me faire une surprise en s'attelant à la construction de deux arbres à chats : un petit, simple, et un grand, plus complexe.
Le petit a été le plus rapide à être achevé : un poteau de bois sur une base en métal, avec une plaque vissée et une couverture duveteuse. Rien de mieux pour accueillir trois chatons qui pourront s'y pelotonner. Mais ils grandiront vite, alors mon père s'est remis au travail.
L'autre arbre à chat, le plus grand, est beaucoup plus impressionnant. Il fait deux mètres de hauteur, comporte une large plateforme à son sommet, puis cinq plus petites autour du pilier de bois massif, comme un escalier. De plus, mon père a également construit un large caisson dans lequel il a percé plusieurs trous afin que les chats puissent s'y cacher ou y jouer.
Ainsi et avec cette admirable construction, ces chers félins ont pu élire domicile dans les hauteurs afin de pouvoir scruter chaque centimètre carré de ce salon qu'ils connaissent par cœur.
C'est ce qu'ils ont fait et c'est ce qu'ils font.
Mon père a fini par déménager et je vis désormais seule avec mes chats. Malphas, Kriya et Asmodée.
Malphas et Kriya sont deux frères de type angora avec "la queue en plumeau" comme aime le dire une amie d'enfance qui vient souvent me rendre visite. Leur longs poils leur donnent des airs de peluche et quand ils se roulent en boule, au sommet du grand arbre à chat, ils ressemblent à des nuages gris et blanc.
Asmodée, lui, est beaucoup plus petit, avec une robe d'ébène et de grands yeux jaunes. Quand il miaule, c'est tellement aiguë que mon père le surnommait "la sonnette d'alarme" ou bien "le klaxon de campagne".
Au fil des mois, ces trois charmantes boules de poils ont bien grandis et ont fini par délaisser le petit arbre à chat pour ne grimper que sur le grand. Ils y dorment, se serrant les uns contre les autres, ils regardent. Ils fixent.
Ils font cela depuis un long moment. Leurs trois têtes sont dressées, aux aguets, leurs six yeux sont braqués sur le petit arbre à chat et une bulle de silence les a enfermé, là, dans les hauteurs de mon modeste appartement.
La porte-fenêtre de mon balcon est toujours ouverte et l'extérieur apporte les bruits de la vie pourtant, quand mes chats se mettent à regarder leur ancien perchoir de la sorte, on a l'impression qu'ils ne vivent plus dans le même monde.
Ils ne miaulent même pas. Ils sont silencieux, parfaitement silencieux et s'ils menacent de se transformer en statue de poils, leurs oreilles s'agitent pour les trahir.
Quand ils ont terminé leur contemplation sereine, ils se lèvent, s'étirent en faisant le gros dos, puis descendent de l'arbre à chats afin d'aller remplir leurs estomacs.
Regarder fatigue, c'est évident.
Je ne peux pas les blâmer, il m'arrive de faire la même chose. Cela fait bien quelques mois, déjà que nous l'avons tous remarquée.
La chose qui a élu domicile sur le petit arbre à chat.
Mais nous sommes tranquilles. Tant que nous ne faisons que regarder, nous ne la dérangeons pas et elle se contente de nous ignorer.
Vous aussi.
Quand vos animaux de compagnie se mettent à fixer un coin de votre salon, de votre chambre, de votre salle de bain ou que sais-je, c'est sûrement parce que la chose qui vit dans mon appartement a décidé de changer d'air avant de mieux revenir.
Si vous ne faites que regarder, tout ira bien. Mais si vous troublez sa tranquillité, il se pourrait qu'elle choisisse de ne jamais s'en aller.
Vous la verrez alors du coin de l'œil, vous regardant fixement, en se demandant si elle doit vous déranger comme vous l'avez dérangée.
Elle vous regardera encore.
Encore.
Encore.
Encore…
Ah. Voilà. Elle est partie de chez moi…
A vous de jouer, cette anecdote est-elle
vraie ou fausse?Vous avez jusqu'à
minuit!