Isaya ©



Ça y est. Je me lance. Enfin !. Après tout ce temps à dire que je publierai bientôt ma fiction sur Moody, je saute finalement le pas. Je présente encore toutes mes excuses à ces personnes qui attendaient, que ce soit en message privé, sur discord ou ailleurs. Des hauts, des bas, des doutes, des hypes, du tri dans la création…
Me voilà prête à vous partager l'histoire de Moody, petite lunienne d'un mètre cinquante-cinq au caractère… Lunatique.


Disclaimer : L'histoire de Moody contient des scènes pouvant heurter la sensibilité de certain.es. Sachez que l'histoire présentée sur le forum d'Eldarya a été retravaillée et censurée pour qu'elle puisse répondre au règlement. Pour les plus avides et dévoreurs de scène nsfw, la version originale de son histoire est publiée sur mes réseaux (Wattpad, Discord et AO3).

NB : La fiction est quelque peu… Interactive. Il est possible que vous débloquiez des souvenirs en même temps que Moody, par des textes, des illustrations personnalisées ou des dessins.
Enfin veillez à être à jour sur le jeu Eldarya, il y a de nombreux spoils concernant The Origins et A New Era.

À tous les enfants d'Eldarya
Avant de poster un message :
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LA FACE CACHEE DE LA LUNE
Quel genre de fiction ? Quels personnages ? Les relations ? Etc.

Personnages principaux : Moody - Nevra - Lance
Genre de la fiction : Drame - Aventure - Fantastique
Relations : Romantasy - Lemon - Lime - Polyamour - Slowburn - Ennemi to lover - Friend to lover - Reverse Harem - MMF

Classification : A partir de 15 ans sur le forum d'Eldarya. 18 ans sur les autres plateformes.
Statut: En cours d'écriture
Nombre de chapitres :
- Tome 1 : Séquelles lunaires 22/25 chapitres publiés
- Tome 2 : Préquel lunaire 3 / ... chapitres

Résumé :

Son regard se leva vers l’astre nocturne, s’agenouillant sur le sol en pierre dans un silence religieux. Un soupir s’échappa de ses lèvres. Le bas de son kimono caressait la peau de ses fesses opalines. Entre ses mains dansaient une pluie d’étoile qu’elle finit par contempler, l’air absent.

« Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça faisait de vivre une vie qui ne semble pas être celle que vous vivez ? Comme si vous ne faisiez pas partie de la réalité ? Vous êtes là, à contempler la vie, et vous agissez comme vous l'impose les autres. Mais dans le fond, vous vous sentez si décalé. Dans un univers parallèle. Vous assistez à un spectacle. Vous n'êtes qu'un personnage extérieur. Un narrateur à la fois omniscient, omnipotent mais dans le plus profond déni et amnésique. » demanda la lunienne aux étoiles.

Elle tomba à pleine fesse sur ses talons. Les traits de son visage faisaient place à un air froid. Les étoiles se transformèrent en mini boule noire, entourée d’un volute violine.

« C’est ce que je vis. Qui suis-je ? Aucune idée. Ici-bas, on m’appelle Moody. Ce qu’on pense de moi ? Tout et rien. On m’aime. On me déteste. Et rien ne me fait d’effet. Je ne sais pas vraiment quelle vie je vis. Je ne sais pas qui je suis réellement, ce que je fais ici, ce qu'on attend de moi. Alors je passe mon temps à devenir celle que je ne suis pas, celle que j'aurais voulu être jusqu'au jour où... »

Moody fit disparaître d’un geste vif le mini trou noir dans le creux de sa paume, relevant un regard vers l’astre nocturne.

« Tu décides enfin à me révéler les secrets sur ma personne. J’étais mieux dans l’ignorance. Comment dois-je interpréter tes flashs ? Pourquoi t’amuses-tu à me tirailler, Lune ? »

En cliquant sur la lune ci-dessous tu trouveras la petite fiche de présentation de Moody afin de te faire une petite idée:


En cliquant ici, tu trouveras la petite galerie dédiée à Moody. (écrits, dessin et illustrations)





NB: Sur le lien discord, vous tomberez sur des exclusivités au sujet de Moody : des premières ébauches de son histoire, des scénettes écrites à la demande des lecteurs, une galerie de dessin. Il y a aussi quelques anecdotes sur les personnages, les musiques que j'ai utilisé pour l'histoire, les tenues etc. Mais aussi la découverte de mes autres OC's qui pourraient, peut-être, un jour avoir eux aussi leurs propres histoires. Certains peuvent interagir avec Moody…





Pour être prévenu.e, rien de plus simple, fais moi en part en MP ou dans un commentaire.

Les nouvelles luniennes et luniens qui repeuplent Luna

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Merci à vous qui me soutenez depuis le premier jour et qui me poussent à publier cette fiction.

A Nephrys pour son travail sur le bbcode.

Pour Isaya qui a créé la couverture de la ficiton.

A ces bêtas-lectrices souvent en pls par mes étourderies. Gaianee, Nox, Nessuna et Noraangel pardonnez-moi s'il vous plaît.

A celles et ceux qui prennent le temps de laisser des commentaires constructifs pour m'aider à m'améliorer.

A tous ces artistes qui ont illustrés la fiction sans s'en rendre compte, les dessinateurs/dessinatrices, illustrateur/illustratrice. Chrystale, Wounw, Volute, Ahekida, Isaya, Euphy, Mawël, Celexia, Nessuna, Nanami, Hadaes, tout.e ceux/celles que j'oublie (parce que j'ai quand même passé beaucoup de commandes...)


Et à toi, petit.e lecteur/trice de l'ombre.

Dernière modification par Moody (Le 02-12-2023 à 07h47)

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commande d'os : on • La Face Cachée de la Lune •  Les OS eldaryen • Dessin par Chrystale

"Si aimer deux hommes est un crime alors je plaide coupable avec plaisir."

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Prêt.e à te plonger dans la lecture des aventures de Moody ?
Clique sur le titre et embarque pour Luna pour les précédents chapitres.

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Chapitre 20 - Le Bras droit de l'Ombre

« Alors ? Tu as l’impression de revenir d’outre-tombe ? ironisa Ezarel.
- Ez ! N’ajoute pas une cause supplémentaire à sa tachycardie, s'agaça Eweleïn à ses côtés. »

Moody sentit son cœur s’emballer. Son souffle s’accéléra et elle se redressa avec un bruit de stupéfaction, la main sur la poitrine. Elle eut l’impression qu’on lui insufflait de nouveau la vie. Où était-elle ? Son corps eut du mal à suivre ses mouvements. Son regard balaya la pièce autour d’elle, l’air effaré avant de s’exclamer en voyant la mine narquoise d’Ezarel.

« Qu’est-ce que vous m’avez fait ?!
- Tu es devenue une morte-vivante, surenchérit l’elfe aux cheveux bleus, hilare. Ça te fait un point commun avec ton mec ! »

Moody le foudroya du regard en se tournant vers lui. Prise d’un regain d’énergie, elle s’acharna à lui frapper le bras avant qu’Eweleïn ne la retienne en levant les yeux au ciel.

« Ça suffit ! Ne va pas t’épuiser. » ordonna-t-elle.

La mine boudeuse, la lunienne croisa ses bras sous sa poitrine en dardant un regard noir sur son compère absynthe. L’elfe infirmière fit signe à Ezarel de sortir de la pièce, ne supportant pas l’agitation dans son espace. Elle soupira et se tourna vers la femme aux cheveux mi-blanc mi-argenté.

« Ne nous remercie pas surtout. » s’indigna-t-elle.

Moody pinça les lèvres et baissa le regard.

« Merci de m’avoir sauvé de cette narcolepsie. » marmonna-t-elle.

Eweleïn leva les yeux au ciel, exaspérée par son manque d'entrain. Elle reprit :

« Une dose de plus inspirée, et tu aurais dû attendre un baiser sincère de la part de ton âme-sœur pour te réveiller. »

La lunienne grimaça. Salaud. Plutôt rester endormie que d’embrasser ce vicieux lézard. Elle écarquilla les yeux et se racla la gorge. A vrai dire, elle s'était surprise à penser à lui comme sa potentielle  âme-soeur.

« Merci énormément, dit-elle d'une voix claire avant de faire la moue. Est-ce que je peux maintenant quitter l’infirmerie ?
- Non. Tu es sous surveillance jusqu’à ce soir.
- Mais…, commença à contrer la lunienne.
- Il n’y a pas de mais qui compte. Il faut laisser le temps à ton corps de purger ce poison à l’aide du catalytique que je viens de te donner. Leiftan va t’apporter ton repas. Commandé par mes soins pour te remettre sur pied rapidement. Un régime qui te sera en plus ajouté à ton traitement pour au moins un mois, il est hors de question que tu me fasses à nouveau des chutes de tension et des malaises alarmants. » trancha l’infirmière en tournant les talons.

Moody soupira comme une enfant en se laissant retomber contre les oreillers moelleux de son lit d’infirme. L'elfe serait intransigeante avec elle et la lunienne ne suivait pas toujours à la lettre ce qu'on lui disait, même pour son bien-être. Elle croisa les bras d'un air renfrogné sous sa poitrine.

« Je peux au moins avoir un livre ? quémanda-t-elle.
- Bien sûr, lui sourit malicieusement Eweleïn. Tu vas apprendre ce qu'est un catalytique comme ça et peut-être comprendre que tu dois rester alitée. »

L'infirmière déposa un livre d’alchimie sur les jambes de l'infirme qui geignit, capricieuse. Elle n’aurait pas ce qu’elle voulait, l’elfe ne lui céderait rien. Obtempérant, la jeune femme se plongea dans la lecture du grimoire qui lui semblait être plus que rébarbatif. Comment pouvait-on trouver un quelconque intérêt dans ce genre de science ? Elle soupira assez fort pour agacer l’elfe médecin. La lunienne ne comprenait pas tout à sa lecture, mais elle savait qu'il était important d'éliminer le poison ingéré à l'aide de son métabolisme, et surtout par son foie. Il était en grande phase de désintoxication. Instinctivement, la jeune femme passa une main sur son ventre.  Bien qu'elle soit guérie, elle ne serait pas capable d'attaquer un dragon à main nue. La fatigue l'accablait toujours et elle ne tarissait pas de bâillement larmoyant. L'épuisement n'était que passager et les premiers soins lui permettraient de se revivifier pour reprendre le cours normal de sa vie. Un cocktail de vitamine, une dose raisonnable de sommeil et d'activité la remettrait sur pattes en un rien de temps.

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Leiftan franchit le pas de la porte en milieu d’après-midi, un plateau en main et le déposa sur la tablette à côté du lit de l’infirme.

« Sauve-moi, déclara la lunienne pour toute salutation. Ewelein est un tyran ! »

Le blond eut un rire en tapotant affectueusement la cuisse de son amie qui se faisait tuer par le regard de l’elfe.

« Ça ne va pas durer longtemps, dès que la lune se lèvera tu seras autorisée à sortir, dit-il.
- C’est si long.
- Au moins tu n’as pas à supporter la réunion d’urgence à la salle de cristal, tenta-t-il de la rassurer.
- Je préfèrerai supporter ça que d’être clouée au lit, j’ai assez dormi ! » rétorqua Moody.

Un rire silencieux secoua les épaules du blond et il lui tendit, à deux mains, sa bolée de petits légumes et de morceaux de viande. Moody mangea à la becquée sans rechigner, le regard baissé vers le grimoire. Elle se fichait d'être infantilisée si cela lui permettait d'être cajolée comme elle le souhaitait.

Le reste de l’après-midi sembla être une éternité. Eweleïn lui fit boire une infusion infâme composée d’épinard et de ginseng, et l’obligea à suivre ce traitement trois fois par jour pendant une semaine. L'elfe lui remit entre les mains un planning de repas et activité à faire pour mener à bien sa convalescence. Elle ne lésina pas sur l'importance de suivre chaque instruction consciencieusement. Moody se contenta d'opiner du chef et de lui assurer son prompt rétablissement, bien qu'elle n'en ferait qu'à sa tête. Libre, la lunienne s’engagea hors de la pièce maudite et dévala les escaliers, son sachet de thé et ses feuilles de soin contre sa poitrine. Nevra l’attendait patiemment en bas des marches et l’observa avec un léger sourire.

« Tu as repris du poil de la bête. » constata-t-il.

La lunienne se stoppa dans sa course et releva son visage, une légère surprise dessinée sur ses traits. Elle ne s’attendait pas à le voir ici.

« On ne m’endort pas aussi facilement, voyons. J’ai de l’énergie à donner. » rétorqua-t-elle avec un petit sourire malicieux.

Le vampire eut un sourire narquois en passant un bras derrière ses épaules pour la serrer un instant contre son torse. Elle se laissa faire, déroutée. C’était la première fois qu’il se montrait autant affectueux, en public, avec elle. La lunienne ne savait pas si elle se sentait mal à l’aise ou si elle appréciait cette proximité soudaine. Moody jeta un regard circonscrit à l'endroit où ils se trouvaient, il y avait très peu de passage et de personnes qui leur portaient de l'attention. Elle passa un bras autour de lui.

« J’ai eu peur. » confessa-t-il à son oreille.

Son cœur loupa un battement. Elle sentit le sourire moqueur du vampire contre son oreille. Moody resserra sa prise autour de sa taille, sans rétorquer. C’était sa manière à elle de le rassurer. Ils restèrent dans cette position quelque instant avant que la lunienne ne s’échappe de son étreinte avec le rose aux joues. Nevra se pencha pour embrasser le sommet de son front et Moody rentra la tête entre ses épaules en levant un regard à la fois tendre et suppliant vers lui. Il leva les paumes en signe de reddition.

« Tu devrais aller te reposer, lui conseilla-t-elle à voix basse.
- Tu me rejoins ? demanda-t-il.
- Plus tard. Laisse ta porte ouverte. » promit-elle.

La lunienne remarqua son sourire moqueur. Et il avait de quoi le faire, elle semblait prise de panique par le moindre rapprochement. Ses yeux jetèrent des coups d’œil furtif à son épaule toujours blessée et marquée par cet homme. Son cœur loupait plusieurs battements, et son corps se réchauffait à l’idée de se blottir contre lui. Elle couina en écarquillant les yeux, frappant du plat de sa main le ventre du vampire pour le dégager de son chemin avant de tourner les talons, le visage cramoisi. Il éclata de rire en la laissant partir. Il n'y avait rien de plus adorable à ses yeux qu'une lunienne peu assurée.

« J’entends toujours ton cœur ! taquina-t-il.
- Alors tu sais que je suis au bord du malaise ! Que dis-je ? De l'infarctus ! Je ne veux pas mourir maintenant, je suis trop jeune ! » railla-t-elle en s’enfuyant.

Par la Lune, jura-t-elle intérieurement en marchant d’un pas rapide vers la cité qui commençait à doucement ranger ses commerces. Elle secoua son visage, les rires de ses Zodiaques résonner dans sa tête.

« Laissez-moi faire comme je veux ! railla-t-elle.
- Je te rappelle que c’est absolument le but de mon influence, s’amusa Sagittaire.
- Scorpion… Prends ma défense, s’exaspéra-t-elle.
- Ma déesse, nous sommes beaucoup trop passionnés pour ne pas le laisser faire. »

Moody grogna faiblement en tournant dans une rue, gravissant un petit pavillon pour rentrer dans l’échoppe de Purroy. Elle salua d’une main le félin.

« Oh tu es de retour ! Comment te sens-tu ? » s’enquit-il.

Elle haussa les épaules et se contenta de lui sourire pour toute réponse.

« Je vois, je vois ! » commenta-t-il en se penchant à nouveau vers un tube d’essai, replaçant son monocle loupe sur son œil.

Moody jaugea le laborantin avec un sourire amusé et se dirigea dans le fond de la boutique, vers le matériel herboriste et ésotérique. Purroy avait tout pour subvenir au besoin de ses clients, qu’ils soient simple membre de l’Absynthe, magicien, sorcière ou druide. La lunienne eut un faible soupir en effleurant du bout des doigts les pierres de lune et de nuit avant de s’approcher du grimoire posé sur un pupitre. Son ongle glissa sur le parchemin alors que ses yeux lisaient en diagonal les lignes ancrées, à la recherche de ce dont elle avait besoin. Ses doigts serrèrent ses feuilles de soin contre elle.

« Tu as l’air d’une Absynthe ainsi penchée sur ce vieux livre. » commenta le Purrekos depuis son comptoir.

Moody eut un sourire amusé.

« Je pense que pour mon bien et celui d’Ezarel, il n’aurait pas fallu que je sois dans sa garde. - Et pourquoi pas ? Tu as l’air de te plaire dans ma boutique. Tu es entrée complètement bouleversée, et te voilà plus calme. » souligna Purroy.

Elle pinça ses lèvres en levant les yeux vers le félin avant de reporter son attention sur les différentes herbes.

« Tes pierres ont de bonnes énergies.
- Et mes herbes non ?
- Je n’ai pas dit ça. Je ne peux pas travailler sans herbe pour purifier mon autel. Mais je suis incapable de l’utiliser pour toute magie. Je suis une sorcière élémentaire, pas… Herboriste. Ou du genre à faire des potions. »

Purroy se mit à ronronner légèrement en retirant son monocle. Il posa son visage dans ses coussinets et scruta la jeune femme qui se hisser sur la pointe des pieds pour prendre une pierre d’ambre et d’hématite, écoutant les pensées à voix haute de sa cliente :

« L’ambre pour la vitalité. Hématite, pierre noire pour se protéger des mauvaises énergies, retrouver la maîtrise de soi et retrouver l’énergie.
- Tu peux toujours avoir ta place dans l’Absynthe. » reprit-il.

Moody lui jeta un regard par-dessus son épaule.

« Après tout, qu’est-ce qui fait que ça te différencie de cette garde ? questionna le félin malicieux.
- Je fais de l’ésotérisme, Purroy. Ce n’est pas assez tangible pour un membre de l’Absynthe, c’est trop… Fantaisiste. Ils n’ont pas les mêmes croyances que moi. Et je voyage sur l’Astral. Tout est symbolique. Eux se basent sur quelque chose de réel. »

Le Purrekos eut un sourire carnassier, ravi de ce débat.

« Pourtant tu utilises l’ésotérisme pour te guérir. Comme le principe de cette Garde. C’est ta science. Tu soignes tes maux par les pierres, l’Absynthe te soigne par des plantes. Quelle est la différence ?»

Moody ouvrit la bouche pour rétorquer et la referma aussitôt. Le félin n’avait pas tort sur ce point. Qu’est-ce que cela aurait changé si elle avait été Absynthe ? Son regard se posa sur les plantes devant elle, l’air absent. Elle secoua la tête. Non, elle ne se voyait pas dans cette Garde. Elle ne ressentait pas le même attachement qu’avec celle actuelle, elle n’avait pas les mêmes affinités. Il y avait quelque chose de plus familial dans son équipe, et cela lui réchauffait le cœur. Cette nouvelle famille temporaire avec qui elle voulait vivre l’instant présent, se créer de nouveaux souvenirs au lieu de courir après ceux perdus. Il lui fallait se rendre à l’évidence : elle devait se reconstruire dans une nouvelle vie.

« Mh. Je préfère être une femme d’action. La Garde de l’Ombre me correspond bien. Je peux manipuler, changer de facette, surveiller tout en étant indépendante. J’aime le terrain, la discrétion malgré ma provocation, user de stratège pour infiltrer… Être au courant des derniers ragots, sourit-elle. J’ai peur que les vapeurs des fioles et les puanteurs d’onguent affectent mon cerveau comme Ezarel. »

Purroy eut un léger rire en descendant du tabouret où il était assis pour rejoindre la lunienne afin de l’aider à tresser un bouquet de plantes à brûler.

« Qu’est-ce qu’il te faut comme plante ?
- Ewelein me drogue avec son infusion immonde. Mais je pense que méditer avec un mélange d’herbe de mer, vétiver et tubéreuse m’aidera tout autant. Peux-tu aussi ajouter des billes de guarana à mastiquer ?
- Un bouquet… Énergisant n’est-ce pas ? » s’amusa le félin qui tressait les plantes entre elles pour en faire un large bâton.

Moody sourit en prenant une pierre de nuit en plus.

« Je voudrais à la fois être vivifiée et dans la capacité de retrouver un sommeil sain, réparateur, pas comme ce genre de paralysie que j’ai pu faire à Balenvia. »

Purroy la sonda avec inquiétude, elle tapota avec douceur le haut du crâne du laborantin entre ses oreilles velues avec un sourire rassurant.

« Ne t’en fais pas. Je pense qu’un après-midi à l’orphelinat m’épuisera comme il faut pour remettre tout dans l’ordre. »

Le félin alchimiste hocha la tête et retourna derrière son comptoir pour préparer l’encaissement des achats. Moody vint à lui et règle sa note avant de quitter l’endroit. La ville s’était endormie, et derrière elle, Purroy baissait le rideau après l’avoir salué d’un signe de la patte. La lunienne se laissa distraire par une marche nocturne sur les pavés exiguës de la cité, le sac de ses achats et médicaments dans sa main. Elle longea une ruelle éclairée par des flammes nocturnes et éternelles. Même le dieu du vent ne pourrait les éteindre. Son regard se posa sur la vitrine de Purrery, stoppant sa marche. Elle observa la nouvelle collection avec un sourire au coin des lèvres, peut-être que demain elle craquerait après avoir reçu sa prime de mission. Pour son anniversaire. Un croassement déchira le silence de la ruelle, faisant relever le nez de la lunienne vers Munin qui se posa sur son épaule meurtrie. Nevra.

« Comment vas-tu ma jolie ? » demanda Moody à son familier.

La Ptérovorcus frotta son crâne contre la mâchoire de sa maîtresse. La jeune femme eut un léger sourire.

« Que penses-tu de cette robe ? Je pensais me la prendre pour mon anniversaire. » confia-t-elle.

L’oiseau sembla juger le choix de la lunienne en scrutant la vitrine, le visage penché sur le côté. Moody porta à nouveau son regard sur la robe avec un sourire amusé. Cette dernière était faite en toile de soie d’araignée, de couleur pourpre et indigo, dévoilant un décolleté en cœur et serré dans un corsage. Les manches partaient à partir des biceps et tombaient jusqu’à cacher les mains. Ses clavicules seraient tout autant dévoilées que sa poitrine généreuse. Le corset ceignait la taille du mannequin en vitrine et le drapé léger qui tombait aux pieds tirait sur le noir.

« Ça sort un peu des mes habitudes, je suis d’accord. Mais c’est un jour spécial, non ? Et puis on s’approche de la Fête des Morts. »

Munin croassa tristement. La lunienne pinça les lèvres et caressa son plumage.

« Pardon, je ne voulais pas te blesser volontairement. J’imagine que toi aussi ta ville te manque… Si tu veux nous irons ensemble au cimetière, l’ambiance devrait te plaire et puis tu participerai à mon rituel. » lui sourit-elle.

La Ptérovorcus sembla hocher du bec et déploya ses ailes pour manifester sa joie.

« Rentrons. Je te prépare ton nid et je vais voir Nevra, je lui ai promis. »

L’oiseau la toisa avec insistance.

« Sans arrière-pensée ! se défendit Moody avant d’éclater de rire. Je n’ai pas envie que ce soit comme avec les autres. Il n’est pas mon défouloir, ni mon mon jouet, même si c’est agréable de le sentir entre mes cuisses. Je veux faire autrement. »

Munin lui donna un coup d’aile et la lunienne rit de plus belle en reprenant sa marche vers le quartier général. Elle passa d’abord par sa chambre pour déposer son sac de course afin de prendre sa médication puis s’offrir une légère toilette et préparer le nid de son familier. Lorsqu’elle fut vêtue de son vêtement de nuit, un peignoir de chambre passa sur ses épaules avant qu’elle ne s’engage dans le corridor des gardes pour rejoindre son Capitaine. Moody vérifia qu’il n’y ait personne aux alentours avant d’actionner la poignée de porte, pénétrant dans la chambre tamisée et à peine éclairée par une bougie. Elle tomba nez à nez avec Sheitan qui s’était redressée au bout du lit du vampire endormi sur qui elle veillait. La lunienne s’accroupit légèrement, paume ouverte vers elle et laissa la Black Gallytrot venir à elle pour la renifler. Elle entrevit  la queue du familier s’agiter avec contentement avant qu’elle ne la délaisse pour retourner se coucher au pied du lit. Moody se releva et scruta la silhouette de l’homme allongé sur le ventre. Il était simplement vêtu d’un sous-vêtement qui mettait en valeur son fessier ferme. Elle laissa son regard dévaler sur chaque muscle finement dessiné de son dos. Il n’avait peut-être pas la carrure imposante de certains guerriers, mais ses épaules carrés et sa grâce masculine ne la laissait pas indifférente. 

Ses iris se posèrent sur ses fesses puis ses jambes légèrement écartées. L'une d'elle était remontée en chien de fusil, au niveau de son abdomen et le drap de soie ne cachait rien, nonchalamment posé sur ses tibias. Un léger ronflement lui fit relever le regard. Elle retint un petit rire attendri en se dirigeant à pas feutré du lit. Le vampire enlaçait son oreiller, les cheveux ébouriffés dessus. Lorsqu’elle retira son peignoir et s’assit à côté de lui, il ouvrit son œil valide, l’autre toujours camouflé par son cache-œil. Il humecta ses lèvres et se décala légèrement pour lui faire de la place. Moody s’allongea sur le flanc, passant ses doigts entre les mèches indisciplinées de l'homme. Nevra la repoussa légèrement pour la faire basculer sur le dos, elle fut surprise mais le laissa faire. Le vampire délaissa son oreiller pour elle, blottissant son visage contre sa poitrine. La lunienne resta interdite, ne sachant pas quoi faire de ses propres mains. Il enlaça sa taille fermement et ferma les yeux en marmonnant :

« Encore.
- Encore quoi ? questionna Moody à voix basse.
- Caresses dans les cheveux. » quémanda le vampire.

Elle fit une moue attendrie et laissa une de ses mains effleurer les mèches brunes tandis que l’autre se posa au creux des omoplates à sa disposition. La lunienne balada ses doigts contre le crâne de l’homme, frôlant par moment ses oreilles pointues. Elle ne faisait pas attention à la fraîcheur de son corps contre sa propre peau. Ça lui était même presque agréable. Moody ferma les yeux en se laissant bercer par les faibles ronronnements qui vibraient contre sa poitrine qui devenaient petits à petits des ronflements légers. Elle sombra contre toute attente dans un sommeil réparateur et réconfortant.

Au réveil, elle cilla légèrement déboussolée par l’endroit où elle se trouvait, gémissant faiblement en sentant de léger rayon de soleil automnal lui caresser le visage. Elle se retourna brusquement et heurta de plein fouet le torse du vampire qui l’observait dormir depuis plusieurs minutes. La lunienne remonta les couvertures sur elle en grognant faiblement alors qu’il ricanait faiblement.

« Tu es une vraie Bériflore.
- Et toi, un Mäulix ! » railla-t-elle à voix basse.

Il rit de plus belle avant de se mettre sous la couette pour la regarder se réveiller tout en prenant son temps. La lunienne s’étira de toute sa petitesse en gémissant faiblement, faisant lever sa nuisette sur son ventre que le vampire effleura du bout des doigts. Elle sursauta et posa ses billes améthystes sur lui. Nevra lui décocha un sourire en coin en laissant le bout de ses phalanges remonter le long de son sternum afin de redessiner le galbe de sa poitrine.

« Merci d’avoir passé la nuit avec moi. » murmura-t-il.

Moody s'arc bouta légèrement tout en soupirant avec aise, se laissant rouler sur le dos, s'enfonçant un peu plus dans le matelas moelleux de son Capitaine. Son corps accueillit volontiers les caresses que lui procurait l’homme, réagissant délicieusement à certains contacts. Un sourire enjôleur se peignit sur ses lèvres pulpeuses tandis que ses bras se plaquaient sur ses yeux fermés.

« A moi, maintenant. Je vais te réveiller pour passer une bonne journée. » souffla-t-il en se penchant sur elle, sa bouche effleurant son ventre plat.

Elle eut un rire nerveux en le sentant descendre dangereusement entre ses cuisses. Elle ne le repoussa pas pour autant. Voire pas du tout lorsque son sous-vêtement se retrouva à ses chevilles et que son amant la stimula à l'aide de sa bouche, de sa langue et de ses doigts. Moody se laissa guider vers ce point de non-retour, non sans exprimer son plaisir par quelques complaintes aiguës, de soubresauts et de soupirs en tirant la tignasse du vampire. L’ocytocine lui offrait une nouvelle énergie dans ses veines alors que Nevra se coucha sur son ventre lorsqu'il eut finit son travail d'orfèvre, sa main caressant le galbe dessiné de la cuisse repliée et tremblante de la lunienne posée sur son épaule.

« Qu’as-tu prévu aujourd’hui ? lui demanda-t-il pour briser le silence d’après extase.
- Mh. Je vais sûrement aller à l’orphelinat et puis m’entraîner avant que mon Capitaine ne me râle après. Il faut que je le rende fière après avoir reçu des félicitations… Orales. »

Le vampire rit avant de se redresser sur un bras, surplombant la lunienne.

« Tu préfères les félicitations tactiles ? » rétorqua-t-il.

Moody gloussa en glissant le bout de son index le long du nez de son amant.

« J’aime toutes sortes de félicitations quand ça vient de toi. »

Il lui adressa un clin d’œil complice avant de se mettre à genoux entre les cuisses de la lunienne, qui avec flegme les laissa entourer la taille de son partenaire qui s’étira après avoir repoussé la couette en soie. Elle scruta son corps en nouant ses bras derrière son crâne.

« Et toi, quel est ton programme aujourd’hui ? questionna-t-elle.
- Une grande réunion m’attend à neuf heures, j’espère en sortir vers midi. On doit parler de ta mission qui fut un franc succès et de la prochaine étape pour attraper Ashkore. Et ensuite, il faut que je fasse quelque rapport à la bibliothèque. Puis je viendrai voir comment se débrouillent mes recrues dans les caves.
- Intéressant, sourit sarcastiquement la lunienne.
- Je préfèrerai passer ma journée dans les draps avec toi. Mais mon devoir de chef de Garde m’appelle.
- Tu m’en diras tant, joli cœur. »

Moody se redressa sur ses coudes avec un sourire amusé avant de se glisser hors des draps de l’homme, ses jambes peinant à la soutenir. Nevra ricana dans son dos en la voyant ainsi recevoir le contrecoup de son réveil. Elle lui tira la langue avant de balancer, d’un air supérieur, ses longs cheveux par-dessus son épaule.

« Le jour où tu arriveras à ne plus me faire marcher, c’est que tu sauras t’y prendre, provoqua-t-elle.
- C’est un défi ? rétorqua-t-il sur le même ton, un sourire au coin des lèvres.
- Tu interprètes ça comme tu veux. » minauda la lunienne tout en remettant son sous-vêtement et son peignoir de chambre.

Elle lui lança un baiser volant du bout de ses doigts avant de quitter sa chambre pour rejoindre la sienne afin de se préparer pour la journée.

✧☽

Ses bottes passèrent à peine le pas de l’orphelinat que les enfants délaissèrent l’homme licorne pour courir vers elle. Moody rit gaiement en s’abaissant à leur niveau pour les accueillir un par un dans ses bras. Le plus jeune d’entre eux réclama ses bras et elle le prit contre sa hanche avec un air satisfait. Keroshane semblait dépasser par la situation et se gratta l’arrière de la nuque.

« Ils ne sont pas décidés à écouter mon cours, déplora-t-il.
- Et pourquoi personne ne veut écouter Keroshane ? » demanda la lunienne à l’assemblée de mini faëliens.

Chacun baissa les yeux, seul Mery bomba le torse et répondit :

« Parce que c’est nul d’apprendre des trucs sur les familiers et de ne pas les voir.
- Je vois…, dit la lunienne à voix basse. Alors, restez là, je vais voir si je peux trouver quelque chose d’intéressant à faire pour ce cours. »

Elle confia le petit garçon à l’homme licorne qui l’interrogea du regard. La lunienne lui adressa un clin d’œil et sortit de l’orphelinat pour se diriger dans la boutique de Purreru qu’elle gratifia de caresse contre ses vibrisses. 

« Qu’est-ce qu-que je p-p-peux faire pour toi, Moo-Moody ? » balbutia le félin, dérouté.

Il resserra ses pattes autour de l’œuf qu’il tenait.

« Serais-tu d’accord pour me confier tes pensionnaires pour mes petits monstres à l’orphelinat ? On doit faire un cours sur les familiers. »

Le Purrekos la regarda d’un œil suspicieux. Le sourire de la jeune femme s’élargit un peu plus.

« Je leur apprendrai à bien les nourrir, les chouchouter, et les élever. »

Purreru soupira et céda à sa requête. La lunienne revint vers l’orphelinat suivi de plusieurs familiers dont des homonculus, sabalis, bécolas et autres corkos. Munin vola et se posa sur l’épaule de sa maîtresse en croassant. Moody ordonna aux enfants de se diriger dans la cour de l’orphelinat avec Keroshane pour donner une leçon sur les familiers. Elle leur expliqua comment les appâter, les nourrir et les aimer. Elle leur posa des questions pour susciter leur intérêt et éveiller leur réflexion. Puis en fin de cours, la lunienne déposa devant elle les mets favoris des familiers dans son dos, créant elle-même des mini-trous noirs sous les regards fascinés de ses élèves.

« Comment tu fais ça ? Moi aussi je veux faire ça ! s’exclama Mery.
- Il faut être grand, sage et bien écouter les cours pour faire tout ça, lui sourit la lunienne. A qui donne-t-on des œufs sucrés ? questionna-t-elle.
- Le Sabali !  s’exclama une enfant.
- Es-tu sûre ? »

La petite fille sembla douter en regardant le familier peu intéressé.

« Non…, confia-t-elle. Je crois que ça le rendrait triste et malade. »

Moody lui sourit avec douceur en hochant la tête.

« Je pense que le Corko préférerait davantage les œufs sucrés.
- Oui, je suis d’accord. »

Chaque enfant vint à la rencontre d’un familier pour le nourrir puis prirent du plaisir à les câliner et les brosser. Moody les observa en silence, un bambin contre sa hanche, le pouce dans sa bouche alors qu’il dormait paisiblement contre son épaule. Elle offrit un sourire à Keroshane et fut surprise de voir Nevra accoudé sur l’entrée de la cour, il lui adressa un clin d’œil.

« Oh ! Un Chef de Garde. » s’écria un brownie.

Tous les enfants firent volte face vers le vampire qui leur adressa un signe de main, Sheitan entre les jambes. Moody s’approcha tout en cantonnant :

« Qui est le familier de la Garde de l’Ombre ?
- L’homonculus de minuit ! répondit une petite voix.
- Quel est le familier du Capitaine de l’Ombre, Nevra ? »

Le vampire ricana doucement en observant la jeune femme avec un poupon entre les mains. Cela attendrit un peu plus son portrait à ses yeux.

« Un Black Gallytrot, répondit une autre voix.
- C’est comme un Black Dog, mais en plus gentil ! souligna Méry, fier de lui.
- Exactement, sourit la lunienne avant de se tourner vers l’assemblée qui l’avait suivi. Et qu’est-ce que mange Sheitan ? »

Les enfants semblèrent réfléchir alors que Nevra se pencha à l’oreille de la lunienne pour souffler.

« Le vampire mange de la lunienne en dessert. »

Moody gloussa faiblement en lui jetant un regard en coin.

« Du poisson lunaire !  s’exclama une enfant.
- Sheitan est un Maülix ? » rétorqua Moody en reportant son attention sur les enfants.

Le familier interpellé jappa avec dégoût.

« Non mais t’es bête toi ! Ça mange du Gallyflore, s'offensa un autre bambin.
- Et moi je refuse qu’on dise à quelqu’un qu’il est bête. Parce que le plus bête c’est celui qui dit du mal de l’autre. Me suis-je bien fait comprendre Alpa ? » réprimanda doucement la jeune femme.

Le jeune garçon baissa les oreilles avec honte.

« Oui Madame Moody.
- Bien. Bonne réponse: Gallyflore. Et il est temps pour vous d’aller manger. »

Moody offrit sa paume à Sheitan pour la saluer et la caressa entre les deux oreilles. Munin scruta le vampire avant de s’envoler.

« Tu manges avec moi ? » demanda le vampire à sa subalterne.

Elle lui sourit avec douceur et chercha du regard Keroshane pour lui confier le bambin qu’elle avait sur la hanche. Libre, elle appela les familiers.

« Avec plaisir, mais je dois d’abord rendre ces pensionnaires à leur propriétaire. » informa-t-elle.

La lunienne salua chacun des enfants et Nevra ne sut détacher son regard attendri de cette scène, il se racla la gorge et détourna le regard en la voyant revenir vers lui, tout sourire. Le couple s’engagea dans la cité, suivi par la troupe de la familier. Ils pénétrèrent dans l’échoppe de Purreru et la quittèrent aussitôt pour chercher à manger.
Plats en main, les deux amants de l’Ombre s’installèrent sous le cerisier centenaire. Moody préféra se mettre à l’ombre, sous l’arbre, en tailleur. Nevra s’assit sur le banc face à elle, Sheitan à ses pieds. Elle commença à grignoter sa salade avec un léger sourire.

« Tu veux des enfants ? » demanda spontanément le vampire.

Elle releva son regard surpris vers lui, sa fourchette levée à hauteur de sa bouche ouverte. Moody cilla et reprit contenance en enfournant sa bouchée afin de la machouiller, la main devant sa bouche avant de répondre :

« Difficile à dire. Je suis encore… Jeune. Je vais à peine avoir vingt ans dans quelques jours. J’ai du temps devant moi. Et puis… Même si j’adore les enfants de l’orphelinat, que je les chéris énormément, seule Lune peut me donner la possibilité de concevoir. »

Nevra pencha son visage sur le côté. La lunienne lui adressa un sourire timide.

« Je suis techniquement… Stérile. Je n'ai pas de menstrues. Si je veux un jour enfanter, alors je dois procéder à une prière et à un rituel. Et Lune décidera si oui ou non c’est mon destin de porter un enfant et je le saurai uniquement si je saigne. Dans ma communauté, être une femme ne se définit pas par cette spécificité mais par mon allégeance et mon rôle d'Enfant de la Lune. »

Le vampire hocha la tête, et reprit une bouchée de son propre repas.

« Et toi ? » demanda-t-elle.

L’espace d’un instant, il fut ailleurs et une gêne palpable se ressentit entre eux. Moody pinça les lèvres.

« Tu n’es pas obligé de répondre. » lui suggéra-t-elle d’une voix douce.

Le vampire baissa les yeux vers elle et soupira imperceptiblement.

« J’y pense par moment. Tout comme toi, je suis techniquement stérile. »

Un voile triste passa dans son œil. La lunienne le regarda en silence et baissa le nez dans son propre plat. Nevra sembla un peu plus renfermé. Il n’avait pas le droit de rejeter cette question intrusive qu’il avait posé plus tôt à la jeune femme. Son œil se baissa sur l’herbe.

« Stérile, mais pas avec celles de mon espèce. Je ne suis pas encore décidé à en avoir, je trouve ça beau. Je ne me sens pas prêt à me créer une descendance, pas après avoir fuit ma région natale. Je ne veux pas que mon enfant ait ce fardeau sur les épaules. Donc je ne me vois pas en avoir avec une vampire de bon rang. Et en concevoir avec des personnes hors de mon espèce me semble impossible. Un enfant non-vampire… Je serai dans l'obligation de… Mh. »

Il se tut. Elle releva son visage et osa dire :

« La transformer en vampire ? »

Il se gratta la nuque avec gêne et opina du chef avant de reprendre:

« Il n’y a pas que ça. C’est aussi perdre un de tes êtres chers, ou les deux ensemble. Une femme déjà vampire portera mieux le fœtus qu'une non vampire. Elle peut mourir en couche, le bébé peut mourir dans son ventre ou naître complètement mort… Il y a beaucoup de paramètres négatifs et dangereux. Et je refuse de transformer ma compagne en vampire pour ce simple souhait. L'adoption est aussi une option et avec contradiction je voudrais que ce soit la chair de ma chair… »

La lunienne sembla le sonder pour comprendre la peine qui le traversait mais elle n’était pas du genre à insister. Si les gens qui l’entouraient voulaient se confier, alors ils le feraient mais ce n’était pas à elle de les obliger. Bien que Nevra parlait à mi-mot, elle perçut cette blessure profonde qu'il ne voulait pas partager.

« Je te comprends. Ce n’est pas quelque chose de facile. » conclut-elle.

Le vampire approuva d’un signe de tête et se mura dans un silence anxieux. Moody se pencha vers lui afin de poser sa main sur sa cuisse.

« Il y a peut-être un moyen que la future mère puisse porter ton enfant sans aucun danger. Que tu ne sois pas obligé de faire tout ça. Et je suis sûre qu’Ezarel prendrait plaisir à t’aider pour ce geste. Il y a toujours une solution au problème. Je pourrais prier Lune pour toi ! »

Il lui sourit légèrement et prit sa paume pour lui offrir un baise-main avant de lui adresser un clin d’œil.

« J’accepte alors. J’espère que nos enfants auront tes yeux. »

Elle éclata de rire en secouant son visage. Ses joues avaient pris une teinte légèrement rosée.

« C’est la pire phrase de drague que tu m’aies sorti.
- Et pourtant ça te fait craquer, rétorqua-t-il, la fossette dessinée au creux de sa joue.
- Peut-être que ça me plaît en effet, concéda-t-elle en se rasseyant à l’ombre pour finir son repas. Mais ne mettons pas les Chiromagnus avant la charrue.
- C’était simplement pour te faire la discussion et m’intéresser à toi, souligna-t-il pour la rassurer. J'ai aimé te voir avec les enfants. Je voulais simplement comprendre ton instinct. »

Elle se contenta de lui sourire sans perdre ses rougeurs aux joues. Le couple continua de manger tout en discutant jusqu’à devoir se séparer. A l’abri des regards, Nevra se pencha vers la petite femme pour la serrer dans ses bras, ses lèvres posées contre sa tempe. Moody glissa son bras le long de son dos et s’accrocha à son épaule en fermant les yeux. Cette simple étreinte lui fit fondre le cœur. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un bref baiser au coin de ses lèvres avant de s’enfuir à travers la cité pour le reste de la journée sous le regard amusé du vampire.

✧☽

Le soleil se coucha lentement sur Eel et Moody poussa un soupir de soulagement en sortant de l’orphelinat. S’occuper d’autant d'enfants et de différent âge l’avait drainé. Elle rêvait d’un bain chaud et de se coucher dans les draps de son amant. A cette idée, elle écarquilla les yeux, surprise de baisser ses barrières. La lunienne posa ses mains contre sa poitrine, un sourire idiot retroussa ses lèvres. Elle en ressentait vraiment le besoin. Moody descendit du porche pour remonter vers le quartier général, le pas léger. En passant les grandes portes, la lunienne leva les bras en l’air pour s’étirer tout en marchant vers les caves, ce n’était pas parce qu’elle avait l’esprit ailleurs qu’elle devait éviter son entraînement. L’avantage, se dit-elle, c’est que la mauvaise humeur et l’acharnement de Karenn ne m’atteindront pas. Elle troqua sa tenue de travail pour celle de combat. Le pantalon noir glissa aisément sur ses cuisses, tout autant que le débardeur sur sa poitrine. Elle enfila ses bottes à talons et se dirigea dans la grotte. Elle s’arma de deux poignards en bois et rejoignit son équipe pour l’entraînement. Il lui arrivait de reprendre certains de ses camarades sur leur position de défense puis leur discrétion. Elle offrit quelques conseils de séduction aux femmes de l’assemblée.

« Une œillade, des caresses bien placées…, susurra-t-elle d’une voix douce en remontant ses doigts le long du torse d’un loup-garou. Et il remuera la queue. »

Une partie des membres riaient de bon cœur à la blague ambiguë de l'ombrette, puis un peu plus quand ils virent le lycanthrope agiter sa queue dans son dos. Moody lui adressa un clin d'oeil amusé et tapota son épaule amicalement. Elle se baissa pour ramasser ses armes et se tourner vers ses autres coéquipiers muets. La plupart croisèrent les bras ou exprimait leur mécontentement en levant les yeux au ciel. Comme Karenn. La vampire était excédée par le comportement lubrique de la lunienne et ne comprenait pas l'intérêt que pouvait lui porter Nevra. Moody n'avait rien de bon pour lui. À en voir ses attitudes, jamais elle ne répondrait aux attentes de son frère. Pour Karenn, la lunienne n'était pas fiable, ni fidèle et passait le plus clair de son temps à flirter avec tous les hommes disponibles. Elle contracta les mâchoires et tourna le dos à sa coéquipière pour quitter l'attroupement autour d'elle. Cette dépravée ne méritait pas autant d'attention.

Moody arqua un sourcil et se contenta d'hausser les épaules d'un air las. Elle ne faisait pas l'unanimité au sein de sa garde et cela lui importait peu. Ça ne l'atteignait pas. Ne lui procurait aucune peine ou questionnement. Elle ne se remettrait jamais en question pour les autres. Soit on l'appréciait, soit on la détestait. Moody était ce qu'elle était et elle ne changerait pas pour plaire à autrui. C'était à prendre ou à laisser. Sa main balaya habilement sa queue-de-cheval derrière son épaule et elle se dirigea au centre du terrain de combat. Ses bras se croisèrent dans son dos, attendant patiemment son adversaire pour l'entraînement au combat au corps à corps. Elle ne fut pas surprise d'avoir Karenn comme concurrente, ni de ressentir son acharnement dans ses coups.  La lunienne ne se laissa pas faire, encaissant en premier lieu les coups sournois de la vampire avant de se rebeller en grognant. D'un balayement de jambe, Karenn s'écroula au sol et Moody se jeta sur elle pour la maintenir au sol. Une gifle s'abbattit sur sa joue et la femme aux cheveux gris ne démordit pas en retournant son attaquante à plat ventre. Le corps de la vampire claque bruyamment sur le sol humide de la cave et un silence morbide s'installa parmi les soldats qui les fixèrent. Moody bloqua de son assaillante dans son dos, au point de disloquer ses épaules. Karenn feula après la lunienne qui lui décocha un sourire narquois, se penchant légèrement sur elle pour souffler à son oreille :

« Ton acharnement est respectable. Une telle ardeur est remarquable et exemplaire au sein de notre Garde. Mais garde bien en tête qu'elle serait plus efficace contre un ennemi que contre tes propres alliés. Tu ne m'aimes peut-être pas, et je m'en fiche, mais je ne mérite ni ta haine ni ton animosité. Je ne t'ai rien fait. Je ne t'ai pas volé ton goûter. Ni ton mec. »

Moody se redressa avec souplesse, un rictus amer au coin de ses lèvres pleines, puis elle adressa une révérence à son adversaire. Son regard pétilla de malice quand elle comprit qu'elle était la source principale de ses actes fougueux en combat. Karenn la toisa d'un regard noir en se levant à son tour, les mâchoires contractées. Pourtant, elle ne chercha plus à attaquer la petite femme parce que Nevra était dans les parages.

« Soldats de l’Ombre. »

Comme un, les fantassins se mirent au garde à vous à l’appel de leur chef. Nevra les salua d’un signe de tête, un léger sourire au coin des lèvres.

« Rapport d’entraînement, ordonna-t-il.
- Combat avec petites armes de main, parade de séduction et combat rapproché. » répondit la lunienne, ôtant les mots de la bouche de Karenn qui avait à peine ouvert la bouche.

La vampire fulmina silencieusement tandis que la lunienne souriait à son capitaine. Nevra hocha la tête, satisfait.

« Parfait. Demain nous nous concentrerons principalement sur les entraînements physiques. Je veux vous voir plus transpirants que ça. Je veux sentir vos muscles pulser sous vos hauts et voir des bleus se former sur votre peau.
- Oui, Chef, cantonna la troupe en chœur.
- Disposez. Moody tu restes. » ordonna-t-il d'une voix sèche.

Elle l’interrogea du regard et opina sans rétorquer. Les soldats disposèrent et disparurent hors de la cave en un temps record. Seule Karenn était restée dans un coin de la pièce à les toiser avec colère. La lunienne rompit son garde-à-vous et pencha sa tête sur le côté. Nevra ne lui montra aucun signe d'affection et elle en fut satisfaite. Il n'était pas question de cela à cet instant. Elle arqua un sourcil interrogateur. Le vampire posa son œil valide et pétillant de malice sur sa subalterne.

« As-tu encore assez d’énergie pour venir au Conseil ? Je tiens à ce que tu viennes pour une bonne raison.
- Vraiment parce que c’est mon Capitaine qui me l’ordonne, maugréa-t-elle. Je rêve d’une douche chaude et de me faire masser la nuque. »

Nevra eut un léger rire, ce qui fit froncer les sourcils de sa sœur. Il invita la lunienne à passer devant lui pour se diriger vers l'escalier. Moody passa la première et le vampire jeta un regard par-dessus son épaule pour soutenir le regard de sa sœur qui comprit de suite que ce qui allait se passer n'allait pas lui convenir. Karenn contracta les mâchoires et se détourna sans rien ajouter.


Le couple de soldat de l'Ombre s'engagea dans les corridors que Q.G jusqu'à la salle du cristal. Tout le comité y était présent, comme à son habitude. Mais ils n’étaient pas installés sur leur chaise respective, ils étaient même plutôt prêts à s’en aller. Miiko se tenait à l’avant des hommes et se tourna quand le couple de l’Ombre pénétra dans la pièce.

« Parfait, on va pouvoir clôturer cette réunion et aller nous reposer. Contrairement à d’autres, nous n’avons pas eu le privilège de dormir plus de trois jours d'affilée. » dit la kitsune pour toute salutation.

Moody leva les yeux au ciel, puis fit rouler sa tête entre ses épaules en soupirant avant de rétorquer :

« Il aurait fallu aller soi-même au front pour profiter de cette chance. Mais qui t’aurait sauvé de ce sommeil éternel de toutes manières ? »

La cheffe de la cité contracta les mâchoires, ses queues se mirent à fouetter le sol avec colère.

« Ne t’énerve pas alors que c’est toi qui commences à la provoquer, fit remarquer Lance avec flegme en croisant ses bras sur son torse. Tu devrais lui témoigner un peu plus de respect. »

Moody ne camoufla pas sa surprise à sa prise de partie. Elle jeta un regard vers Leiftan qui se contenta de lui sourire avec douceur.

« C’est l’infirmerie qui se fout de la charité ! s’indigna Miiko. Tu es de son côté ?
- Je n’ai pas donné favorablement ma voix. Elle n’est pas encore assez puissante. Cependant je salue son implication dans sa mission et ses plans. Tu devrais la remercier d’avoir sauvé ton amie et d’avoir soulevé un nouveau problème concernant notre ennemi. » souligna-t-il.

La lunienne haussa un sourcil suspicieux. L'Étincelant prenait un peu trop sa défense ces derniers temps et elle n’en comprenait pas l’intérêt, malgré leur semblant d’alliance. Elle se racla la gorge.

« On peut me mettre au courant de ce qu’il se passe ? Je vous rappelle que j’ai dormi entre-temps. »

Nevra se posta à sa gauche et lui adressa un sourire en coin. Il posa une main délicate sur son épaule, son œil la scrutant avec fierté. Elle le toisa en fronçant légèrement les sourcils.

« Rien de bien spécial, Seconde de la Garde de l’Ombre. »

Il avait dit ses derniers mots d'un ton fier et enjoué. Elle écarquilla les yeux, interdite. Ses bras lui en tombèrent.

« Qu-quoi ? » bégaya la lunienne.

Le vampire rit doucement tout en ôtant sa main de son épaule blessée. Il reprit d’une voix calme :

« Je t’annonce qu’en ce jour: tu es devenue mon bras-droit. Tes efforts ont été récompensés. Tu fais preuve de bonne volonté et de loyaux services. Tu réponds aux attentes des commandements de la Garde. Et aux aspirations que j’ai pour notre faction.
- Mais… Je ne mérite pas cet honneur. Pas maintenant, bredouilla-t-elle, décontenancée.
- Quatre voix sur six sont pourtant d’accord pour te voir dans ce nouveau rôle. » souligna le capitaine de l'Ombre.

Elle jaugea les différents chefs de la cité, à la fois avec bienveillance et déroutement. Pourquoi lui faire un tel honneur ? La question dut se lire sur son visage car Valkyon intervint :

« Nous avons tous besoin d’un bras droit. Ezarel a Ewelein, Miiko a Lance, je suis celui de mon frère, Leiftan l’est avec Keroshane et Yhkar. Je n’ai pas encore trouvé le mien, alors mon frère m’assiste.
- Et ta sœur ? Chrome ? s’étonna la lunienne, levant ses yeux larmoyants vers son capitaine. Ils sont tout aussi dévoués que moi pour notre garde. Je viens à peine d'arriver. Ils sont là depuis toujours… Je ne mérite pas ce rôle. »

L’émotion et sa sensibilité post pleine lune manquaient de la faire pleurer de joie. Elle était émue, bouleversée, car à cet instant-même, elle se sentait enfin acceptée. Ses lèvres se pincèrent, son corps se mit à trembler imperceptiblement. Leiftan eut un sourire tendre et s’approcha d’elle en voyant la détresse dans son regard, elle ne comprenait pas les sentiments joyeux qui la secouaient. Il passa un bras autour de ses épaules pour l’approcher de son torse.

« Tu le mérites. Moody, ne te dénigre pas. Tu as autant de mérite que n'importe qui. Et l'ancienneté n'a aucune importance tant que tu as les compétences pour. Je te fais entièrement confiance pour ta nouvelle prise de poste. » lui sourit le vampire en la couvant de son regard fier.

Moody cilla, interdite. Elle tombait des nues. Ses yeux se levèrent vers son chef, puis l'Etincelant qui la tenait. La lunienne dévisagea l'assemblée pour déceler une once de mesquinerie, de trahison, de mensonge. Rien. La kitsune croisa les bras d'un air contrarié et soupira. Miiko n'appréciait pas sa montée de grade en moins d'un an à Eel mais ne pouvait aller à l'encontre du suffrage. Elle se racla la gorge pour ramener l'attention sur elle. Rien n'y fait, Moody posa une question avec crédulité, faisant sourire ses acolytes :

« Je pourrais toujours travailler avec les Purrekos malgré mon nouveau statut ? » s’inquiéta-t-elle.

Miiko leva les yeux au ciel, exaspérée et irritée. Le blond hocha la tête positivement.

« Tu es libre de faire ce que tu veux. Tu n’es plus notre prisonnière. Tu n’es plus une inconnue. Tu as ta place au sein de la Garde, auprès des Purrekos, des Ombres…
- Et je tiens particulièrement à ce que tu sois épanouie dans ton nouveau rôle. Alors oui, tu pourras continuer à travailler pour les Purrekos pendant ton temps libre et si tu n'es pas en mission, lui promit Nevra. Mais tu devras faire face à de nouvelles responsabilités au sein de notre garde. En m'assistant, naturellement. Je me chargerai de te faire suivre ces nouvelles formations.
- Et j’évaluerai. » dit Lance.

Moody grimaça et se contenta d’hocher la tête. C’était un mal pour un bien.

« Et nous commencerons dès demain, pour que tu sois prête pour la semaine prochaine, informa le vampire.
- Pourquoi ?  s’étonna-t-elle.
- Je dois retourner à Balenvia avec Miiko et Lance pour mener l’enquête sur Ashkore. » dit brièvement le vampire.

L'annonce résonna comme un coup de massue et le temps d'un instant, Moody retint son souffle, un vide étrange s'installant dans sa poitrine. Il eut un flottement tandis qu'elle fixait son chef. N’était-ce pas précipité ? Trop rapide ? Trop dangereux ? Shiro était capable de tout et pourrait nuire au vampire. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait. Elle ne voulait pas être séparée de lui, pas tout de suite. La lunienne n'était pas prête à ressentir cela. Son humeur se rembrunit et ses sourcils se froncèrent. L'euphorie laissait place à la morosité. C'était une mauvaise idée et son instinct lui murmurait que cela allait mal finir. Elle soupira et ses épaules s'affaissèrent.

✧☽

Moody jaugea ses équipiers en silence, les mains dans le dos. Nevra allait et venait devant elle en apportant la nouvelle à ses troupes. Elle était devenue son bras droit. Elle avait autant de pouvoir sur eux que le vampire. Les rangs de la garde de l'Ombre ne furent pas unanime à sa nouvelle position. Les avis étaient divisés, comme à chaque fois. Elle se désintéressa des regards assassins et jaloux de Karenn lorsque son frère officialisa son statut. Moody s'inclina respectueusement sous les timides applaudissements de ses sœurs et frères d'armes à la fin du discours du Capitaine de l'Ombre. La lunienne essuyait les critiques d'un regard en coin et ignora les remarques cinglantes faites lorsqu'elle passait d'un couloir à un autre. Cravacheuse de pine, entendit-elle. Il paraît qu'elle a couché avec Leiftan et sucé Nevra pour avoir un meilleur poste, murmuraient les rumeurs. On percuta son épaule volontairement lorsqu'elle pénétra dans la cantine. Elle accusa, la tête haute, le regard dédaigneux des femmes et avides des hommes. Moody s'installa seule à une table de la cantine, stoïque, imperturbable aux ragots qui glissaient le long de son dos. Elle n'était pas totalement acceptée. Un soupir passa la barrière de ses lèvres tandis qu'elle découpait soigneusement son bout de viande. Jamais on ne vint la déranger. Sauf les plus téméraires et bienveillants qui venaient la féliciter. Ils étaient peu mais toujours les bienvenus pour entretenir une discussion. Ce petit comité rassurait Moody sur sa place dans la garde et elle les remerciait toujours chaleureusement quand ils lui tenaient la porte. Elle répondait avec passion à leur demande de conseil pour un combat, une infiltration ou une consultation pour leur familier. Ils étaient fiers d'elle et cela lui mettait du baume au cœur.

En quelques jours à peine, les rumeurs avaient gonflé. Sa réputation de fille facile s'était ternie. On pensait toujours qu'elle s'était mise à genoux devant Nevra, tous les soirs, et cela l'avait presque fait sourire. Qu'il en soit ainsi, pensa Moody en s'avançant vers la salle des portes. À sa droite se tenait un groupe d'ombrettes, menée par Karenn.

« C'est tellement honteux. Ça aurait dû être toi le bras droit de Nevra. C'est ton frère. Je ne le comprends vraiment pas, dit l'une d'entre elles.
- Je ne sais vraiment pas ce qu'il lui trouve, se plaignit la vampire à voix haute, l'air faussement triste.
- J'espère qu'il n'a pas attrapé une quelconque maladie. Il paraît qu'elle couche avec n'importe qui et qu'elle ne se nettoie pas. »

La lunienne passa à côté du petit groupe et marqua un arrêt. Par dessus son épaule, elle lança avec flegme :

« Mesdemoiselles. La vie a fait en sorte que nous allions nous côtoyer puisque, apparemment, vous avez un quelconque talent et celui-ci semblerait être utile dans la Garde de l’Ombre. Faire partie de cette Garde symbolise beaucoup de choses, mais d’abord et avant tout, d’acquérir des informations véridiques, vérifiables et fiables. Laissez-moi donc vous conter quelque chose. Une histoire qui vient de la racine. »

Moody marqua une pause et se tourna lentement vers le petit groupe d'écervelés. Son regard se posa dans celui de la cadette de Nevra et elle reprit d'un ton posé :

« J’ai prêté serment à la Mère Lune. Mère de toute séduction et de mystère. Nous n'aimons pas ce que l'on ne sait pas contrôler. Au fil du temps, on a utilisé divers qualificatifs pour me décrire : salope, séductrice, passionnée, dangereuse, tordue, monstre… Mais en réalité, les filles, je suis juste une demi-déesse qui aime sa magie, son sang-mêlé, et ses amants. J’estime que ceux qui me critiquent sont… Envieux. Vous pouvez critiquer ma garde-robe -mélange d’élégance et de sexualité assumée- ou mes amants -multiples et consentants- ça ne me fait rien. Vous n'êtes pas à ma place, vous ne savez rien de ce que je vis. Alors votre opinion, vous pouvez bien vous la mettre où je pense. Je suis une sorcière de la Lune, l’une de ses enfants. J'y puise ma magie la plupart du temps. Je suis accro aux plaisirs charnels et au combat. Je ne suis ni la plus forte ni la plus diplomate de ses terres. Mais je suis comme je suis, et si cela vous déplaît, alors allez vous faire foutre. Et quitte à choisir entre être appelée « connasse » ou « traînée », je préférerais que vous m'appeliez « Moody » qui est un synonyme. »

Un sourire mutin étira les lippes de la lunienne. Ses homologues semblaient l'espace d'un instant hébétées et aucune n'osa rétorquer. Karenn écarquilla les yeux et eut un faible feulement. Moody posa sa main sur sa propre hanche et arbora une posture décontractée en remettant de ses doigts libres, une mèche derrière ses oreilles. Le silence pesa dans la salle des portes. Des curieux osaient quelques regards et faisaient des messes basses depuis la balustrade du premier étage. Nevra apparut au détour d'un couloir et croisa les bras. La lunienne arqua un sourcil condescendant et claqua sa langue à son palais avant de reprendre sans perdre de sa superbe :

« Voyez ? Ce que je viens de vous dire sont des faits, ce qui devrait normalement vous servir davantage en tant que membre de l’Ombre, plutôt que des ragots. Après tout, on vous a engagé en partie pour récolter de vraies informations, et non pour en créer des fausses, n’est-ce pas ? On ne voudrait certainement pas se construire une réputation de vulgaire bouche à nourrir dans la Garde. »

La fin de sa phrase fut dite avec une pointe de sarcasme, une main sur le cœur et la mine faussement dramatique. Moody eut un léger rire et croisa ses bras sous sa poitrine. Lorsque la vampire ouvrit la bouche, la lunienne lui coupa aussitôt la parole :

« D'ailleurs, puisque vous trois semblez entretenir une certaine préoccupation pour la propreté, voici votre mission du jour :  Karenn, comme tu es la meneuse de cette joyeuse assemblée, je te laisserai annoncer à tes amies avec des termes qu'elles comprendront qu'il faudrait penser à nettoyer le sol de la cave, à l'aide de petites brosses. Je crois que certains de nos collègues ont des petits problèmes pour viser les pots. Ordre du Bras-Droit de la Garde de l'Ombre. »

Le silence fut méprisant et la lunienne pencha innocemment son visage sur le côté, contemplant le dépit sur le visage des adolescentes. Lorsqu'elle tourna les talons, son regard croisa celui de Nevra et elle haussa les épaules d'un air désinvolte, un sourire narquois au coin des lèvres.

« Vous exécuterez les ordres de votre Seconde dès que nous en aurons fini en bas. Quant à toi, Karenn, nous nous entretiendrons dès que possible pour discuter de ton comportement. Tu sais que je hais les ragots quand ils ne sont pas fondés. Je t'ai connu meilleure dans ce domaine. » dit le vampire d'une voix froide en fixant le petit groupe tout en ouvrant la porte de la cave à sa subalterne.

Karenn baissa les yeux et pinça les lèvres. Elle camoufla sa gêne en se détournant du groupe pour se diriger vers l'extérieur du Q.G. Nevra soupira et suivit Moody dans la cage d'escalier qui menait vers la cave. A l'abri des regards, il passa une main sur la nuque de sa maîtresse pour la masser avec douceur et elle lui sourit faiblement. Bien que ce genre d'histoire la lassait, Moody ne se laissait pas atteindre aussi facilement. De toutes manières, ça ne les approchait pas plus de son poste. Elle finit même par sourire avec sarcasme à ses harceleurs, le visage lové dans une paume. Et ils se sentaient un peu plus mal lorsqu'on venait prendre sa défense sans qu'elle le demande.

Chapitre 21 - Le baiser du vampire

★ TW: Viol

Elle se devait de passer la semaine dans les caves du Q.G pour suivre l'entraînement intensif du vampire jusqu'à parfois tard le soir. Quand ce n'était pas la théorie, c'était la pratique qui la tenait éveillée. La lunienne ne voyait pas le temps passer à ses côtés et cela semblait l’agacer plus qu’à l’accoutumée. Nevra profita de sa déconcentration pour frapper sa côte de son tibia. Elle couina et le foudroya du regard tout en lançant sa jambe à hauteur de son visage. Il lui attrapa la cheville, son pied à deux centimètres de son nez.


« Tu ne voudrais pas abîmer ce joli nez, quand même ? » provoqua-t-il, un sourire au coin des lèvres.


Moody fronça les sourcils en sautillant sur sa jambe libre pour tenter de dégager sa cheville. Comprenant qu'elle n'y arriverait pas, elle usa d’une autre tactique en se jetant au sol. Surpris, le vampire tomba avec elle et lâcha sa prise. Moody en profita aussitôt pour inverser leur position et écraser son fessier sur son torse. Un grognement sourd échappa au brun entre ses cuisses. La lunienne arqua un sourcil, un air condescendant dessiné sur les traits de son visage. Elle croisa les bras sous sa poitrine opulente.


« Non ce serait plutôt dommage, en effet. » déclara-t-elle, d’un ton presque froid.


Nevra claqua ses paumes sur son fessier et une expression de surprise traversa le faciès de Moody qui se fit renverser à son tour. Le vampire tenta de décroiser ses bras avec un sourire amusé mais elle résista en se tortillant sous lui avant de pousser un cri frustré. Le vampire éclata de rire en se mettant à genoux tout en tirant la jeune femme contre son torse pour l’enlacer.


« Ma petite lunienne est bien frustrée. » murmura-t-il à son oreille.


Elle fit la moue en gonflant ses joues comme une enfant boudeuse. Sa tête se blottit contre ses pectoraux en soupirant. Ses bras se posèrent mollement sur les cuisses fines de l’homme en justaucorps et elle ferma les yeux.


« Ne te mets pas trop de pression sur tes épaules, lui dit-il d’une voix calme.
- Tu pars dans trois jours et je vais me retrouver toute seule. » rétorqua-t-elle à voix basse.


Le vampire baissa son œil valide vers elle et pinça ses lèvres en caressant l’épaule dénudée et toujours marquée par ses crocs.


« Je vais faire quoi moi, sans toi ? » demanda la lunienne.


Nevra cueillit le visage de la jeune femme entre ses paumes et le leva vers lui.


« Tu ne seras pas toute seule. Ezarel et Valkyon seront là pour t’aider. Et je suis sûre que tu surmonteras notre première séparation. » la rassura-t-il en caressant ses joues de ses pouces.


Elle soupira pour toute réponse. Nevra lui adressa un sourire en venant frotter son nez au sien avant de le pincer et se relever. Il tendit sa main vers la lunienne pour l'aider à en faire de même et une fois sur pied, Moody le contourna avec son air bougon pour aller boire.


« Quand est-ce que tu ne boudes pas ? » taquina Nevra en la suivant du regard, croisant ses bras sur son torse.


Elle lui jeta un regard circonspect tout en avalant une gorgée. Elle essuya d’un revers de main sa bouche et rétorqua :


« Quand tu dors. »


Il soutint son regard avec un sourire en coin.


« Avec moi, marmonna-t-elle.
- Ah oui ? minauda le vampire en s’approchant de la petite femme. Est-ce que je peux en juger par moi-même ce soir ? »


Nevra glissa ses mains le long du cou en porcelaine, remontant ses doigts à l’arrière des cheveux violets pour masser son cuir chevelu. Moody ferma les yeux dans un soupir d’aise, laissant son visage se pencher en arrière. Elle offrait sa chair aux lèvres du vampire. Son corps se mit à frémir de toute part lorsqu’il pourlécha lentement sa peau suante. Sa bouche remonta vers sa mâchoire.


« D’accord. Chez moi. » murmura la lunienne quand il lui mordilla le lobe.


Nevra sourit contre sa peau, son nez humant le parfum à l’arrière de son oreille.


« Je te montrerai le baiser du vampire pour que tu ne m’oublies pas pendant mon expédition à Balenvia. »


Son sourire s’élargit un peu plus lorsqu’il entendit le cœur de la jeune femme manquait un battement. Moody se dégagea doucement et le jaugea avec suspicion. Le vampire lui adressa un clin d’œil en écrasant son pouce contre sa bouche.


« Et je ne parle pas de ses lèvres là. »


La lunienne eut un soupir de soulagement et lui frappa en douceur le bras.


« Mon épaule n’est pas encore guérie. Tu as plutôt intérêt à ne pas toucher cette bouche, le gronda-t-elle avant de se dérober de son étreinte.
- Oh mais quand ce sera le cas, très chère, crois-moi qu’elle ne m’échappera pas et que je ne te laisserai aucun répit. » minauda le vampire en humectant ses lèvres.


Moody se mit aussitôt à rougir et se détourna pour ranger leurs dégâts. Elle ne répondit rien, de peur de balbutier comme une adolescente. Le couple quitta la cave quelques minutes plus tard pour aller se restaurer. Elle se laissa tomber sur sa chaise, face à Lance et Nevra. Le vampire lui fit le rapport de l’entraînement, omettant volontairement leurs quelques rapprochements et distractions. L'Étincelant hocha la tête. Le silence s'installa entre les trois soldats et Moody préféra plonger son nez dans la bouillie préparée par Karuto. Quelque chose d'insipide et fade mais qui comblerait son estomac affamé. Ou alors irait-elle voler une sucrerie dans le garde-manger quand tout le monde aura le dos tourné ? Au pire des cas, elle trouvera Ezarel dans la même position et ils feront un nouveau pacte idiot pour partager du miel et des fruits.


«La règle est pourtant simple Nevra. Le combat entre ta seconde et moi durera jusqu'à la première goutte de sang. Elle doit se battre au péril de sa vie pour la cité, dit la voix caverneuse de Lance. Il aura lieu dans trois jours, alors assure-toi qu'elle ne tombe pas à genoux devant moi.»


Lorsque la lunienne releva les yeux de son plat, les deux hommes se toisaient comme deux Black Gallytrot en furie. Elle leva les yeux au ciel. Nevra ne digérait toujours pas ce qu'il s'était passé à Balenvia et le lieutenant d'Eel prenait un malin plaisir à exploiter la faiblesse, et jalousie, du vampire concernant Moody.


« Tu ne la toucheras pas d'un cheveu, siffla le Capitaine de l'Ombre
- Pourtant, dans les montagnes j'ai réussi à lui en attraper une poignée, provoqua l'Etincelant.
- Je vous demande d'arrêter de parler de moi en ma présence, intervint-elle avec lassitude. »


Elle ne souhaitait pas que la situation explose une nouvelle fois entre les deux hommes. Sa médiocre diplomatie l'étonna autant que ses deux interlocuteurs qui la fixait. Moody haussa les épaules avec désinvolture. Elle était prête à les désarmer à coup de joute verbale. Lance trouverait toujours une excuse pour pouvoir la malmener comme bon lui semblait. Elle l'avait appris à ses dépends. C'était un vrai tortionnaire et il aimait la voir en position vulnérable. Elle ne lui laisserait pas ce loisir. Son regard se posa sur lui, un sourcil arqué avec condescendance. Sa capacité à être diplomate s'écroula comme un château de cartes quand elle ouvrit sa bouche pour railler :


« Je ne vous donnerez pas le plaisir de me mettre à genoux devant vous. Je vous ferais ployer avant et je n'hésiterai pas à ajouter une nouvelle cicatrice saignante sur votre nez. »


Il la toisa avec intensité, un rictus mauvais au coin des lèvres. Une tension certaine s'installa à leur tablée. Nevra fit balader son œil d'elle à son lieutenant, et vice versa. Moody ne baissa pas le regard face à celui de l'Etincelant. Le vampire ne serait pas toujours là pour la défendre des sales coups de son supérieur. Lance se pencha imperceptiblement vers elle.


« Et moi je n'hésiterai pas à vous mettre à genoux devant moi en vous attrapant les cheveux et la gorge afin de faire taire cette jolie bouche, promit-il d'une voix rauque.
- Modère tes propos, Lance, persifla Nevra d’un ton froid.
- Tu as peur qu’elle me suce et qu’elle y prenne plaisir ? » provoqua l’homme aux cheveux blancs


Moody bondit sur ses pieds pour stopper le geste impulsif du vampire, courbée sur la table qui les séparait. Le vampire assassina du regard son supérieur et la lunienne l’obligea à détourner son attention vers elle.


« Ça ne vaut pas le coup. Ne rentre pas dans son jeu pervers. » murmura-t-elle.


Elle posa son regard dédaigneux sur le lieutenant et dit d'un ton agressif :


« Et vous, arrêtez de vous comporter comme le dernier trou du cul qui se dit mâle alpha. »


Lance se leva avec paresse pour souffler à son oreille.


« Un alpha a toujours l’oméga d’un bêta, princesse. »


Moody le regarda partir, quelque peu hébétée et secoua son visage en soupirant. Le vampire bouillonnait entre ses mains. Elle se rassit en frôlant sa dextre tremblante du bout de ses ongles, cherchant à établir un contact visuel avec lui. Il posa son œil noir de colère sur elle et elle pinça les lèvres. Nevra rêvait à cet instant de tuer cet homme à mains nues, par pur égo. Par pure possessivité et jalousie. Un silence s’installa entre les deux. Moody baissa les yeux sur son repas à moitié fini et soupira faiblement. Un étrange mal être la fit remuer sur sa chaise. Elle se sentait fautive pour une raison inconnue. Elle ne voulait pas que le vampire pense qu'elle jouait encore avec ses sentiments. Lance ne l'intéressait vraiment pas et elle le repoussait volontiers, du mieux qu'elle pouvait. Ses yeux se levèrent vers le vampire, elle ouvrit une première fois sa bouche et se ravisa. Nevra la regarda, penchant son visage sur le côté. Elle se râcla la gorge et dit :


« Je dois prier la Nouvelle Lune avant que tu ne viennes dans ma chambre… »


Il hocha la tête et eut un faible sourire. Cette déclaration sembla l'apaiser. La lunienne voulut se gifler. Sa culpabilité soudaine la rongerait plus que de nature. Elle devait prouver à Nevra ses sentiments et pourtant, elle n'arrivait pas à repousser cette stupide attirance pour Lance. Un haut de cœur lui prit. Quelle attirance ? La Nouvelle Lune la rendait complètement fébrile et stupide. Il n'était rien de tout ça.


« D’accord. Je viens après minuit, répondit-il.
- Merci. La porte sera ouverte. » s’empressa-t-elle d’ajouter avant de se lever.


Il attrapa sa main furtivement et déposa un baiser sur ses doigts manucurés. Elle lui sourit timidement avant de quitter les lieux pour rejoindre ses quartiers. Elle profita de son moment de solitude pour se détendre dans les bains des gardiens puis rejoignit ses quartiers. Une fois dans sa chambre, elle releva ses cheveux violines en un chignon déstructuré et passa sur son corps nu son kimono de prêtresse où était dessiné, à l'avant, des lunes rendues argentées par des fils. Le tissu du vêtement était fait de tulle et laissait entrevoir sa nudité. Cela n'incommoda aucunement la lunienne qui s’installa face à son autel, à genoux, pour y allumer sa bougie noire. Elle avait fait exprès de la choisir dans le magasin de Purroy pour ses capacités purifiantes. Moody se saisit de son bouquet de sauge pour l'embraser légèrement. Elle approcha son bol de rituel au bord de l'autel et de sa main gauche, prit son athanée pour blesser le creux de sa paume droite d’un coup sec. Son regard suivit le chemin du filet vermillon qui tombait à petite goutte dans son récipient tout en psalmodiant :


« Nam tu Hecaten. Kalendae. Accipe sanguinem meum et duc me ad Dianam, deinde Selene.  O Luna ad hanc orationem adiuva me. »
Pour toi Hécate. Nouvelle Lune. Accepte mon sang et guide moi vers Artémis, puis Séléné. Ô Luna aide moi pour cette prière.[/i]


Moody inspira lentement en fermant les yeux. Ses mains se firent lentement étreindre par des volutes violettes qui remontèrent le long de ses bras. Sa paume ensanglantée s'éleva vers sa gorge blanche afin de la peinturlurer. Sa voix chantonna à voix basse une mélodie envoûtante. La lunienne laissa sa transe prendre possession de son corps puis de son âme. Ce rite était différent de celui de l’Astral. Moody ne courrait pas après Lune. Lune venait à elle pour régénérer ses pouvoirs et lui permettre de continuer à vivre. La lunienne se tint tête basse aux côtés des autres enfants de la Lune, parmi les autres prêtresses. Il n’y avait aucun bruit. Seule la pâleur de leurs corps se reflétaient dans l'immensité abyssale.
La Mort les frôla. Les Sorcières du Destin choisissaient l’équilibre parfait au cours d'une Nouvelle Lune. Ces magiciennes étaient élues par Lune et Soleil. On leur conférait des pouvoirs puissants et des missions de la plus haute importance. Elles étaient régies par les Divinités et étaient supérieures aux Déesses et Dieux de l'Univers. Elles avaient le droit de mort et de vie. Moody n’avait pas peur de mourir. Elle était effrayée de se faire avaler dans les oublis. Elle ne voulait pas être seule. Elle ne voulait pas tout perdre, encore une fois. Une larme roula sur sa joue puis une chaleur caressa le creux de ses paumes. Son corps scintilla comme un ciel étoilé d'été. Moody n'osa pas lever le regard vers la Sorcière du Destin ou s'aviser de chercher Lune autour d'elle. Un soupir de soulagement quitta la barrière de ses lèvres. Ce n'était pas son heure. Elle menait à bien sa mission de prêtresse. Moody était sauvée et fut autorisée à se lever pour saluer celles qui étaient parties du côté de la Nouvelle Lune qui n'était autre qu'Hécate, la cousine de Séléné. Elle lui tendit la main et la lunienne osa regarder la femme qui se tenait devant elle.


« Où est la femme qui m'a donné le sein ? » demanda-t-elle à voix basse avant de jeter un coup d'œil furtif vers Lune.


La Nouvelle Lune se contenta de murmurer :


« Dévorée par un dragon. »


Moody n'eut pas le temps de rétorquer qu'Hécate la guida vers son enveloppe corporelle.


Un soupir s’échappa de sa bouche lorsqu’elle rouvrit les yeux, son cœur tambourina dans sa poitrine et elle referma ses paumes, l’air ahuri. La lunienne posa sa main ensanglantée contre son sein gauche en murmurant :


« Merci de m’avoir laissé continuer mon aventure. Je vous rendrai fières. »


Son regard améthyste se leva vers le ciel démuni de lune et soupira faiblement.


« Dévorée par un dragon… Est-ce une nouvelle mission qui m'a été confiée ? questionna la jeune femme.
L'équilibre n'est plus. Tout repose sur toi, fille de Séléné. Rétablis-le, souffla Lune.
- Comment ?
- Les dragons sont connus pour protéger leurs trésors. Trouve la porte et engouffre toi.
- Ça n'a aucun sens… »


Son astre ne lui répondit pas et Moody ferma les yeux avec lassitude. Les volutes violettes étaient devenues blanches d’un côté et la lunnienne résorba sa magie en fermant les paumes. Ses paupières se rouvrit. Elle avait l'impression de ne pas avancer dans sa quête et qu'est-ce qu'elle haïssait les énigmes de Lune. La prêtresse se pencha sur son autel pour panser sa plaie, plaçant une feuille d’aloès contre sa blessure. Séléné, bien qu'elle soit dévorée par un dragon, n'en était pas morte pour autant, sinon Moody aurait rejoint la sainte trinité lunaire pour parfaire l'équilibre. Hécate lui avait soufflé une information importante et Artémis lui avait permit de fuir la Mort et continuer sa Chasse. Nevra pénétra à cet instant dans la pièce, il plissa les yeux en sentant l’odeur de sang dans la pièce et gronda avec bassesse. La lunienne sortit de sa torpeur et jeta un regard par-dessus son épaule afin de jauger son compagnon.


« C’est très enivrant… Je peux aérer ? » demanda-t-il d’une voix rauque, les poings serrés.


Le vampire ne voulait pas céder à ses pulsions sauvages, ni blesser la jeune femme vulnérable au sol. Elle hocha la tête. Il se précipita vers la fenêtre pour l’ouvrir en poussant un soupir. Il inspira l’air frais de la nuit. Moody se pencha en avant lorsqu'elle fut panser afin de souffler sur sa bougie et plonger sa sauge dans son récipient pour stopper la fumée. Elle jeta un rapide coup d’œil à Nevra.


« Tu veux boire ? » questionna-t-elle en montrant le petit bol rempli de son sang.


Elle vit l’œil de l’homme s’assombrir et hocher imperceptiblement la tête.


« Je ne devrais pas. » répondit-il en serrant ses doigts sur le rebord de la fenêtre.


La lunienne se leva avec l’objet pour le poser doucement au côté du vampire en proie à ses sentiments contraires. Il ne devait pas laisser son addiction revenir. Il ne pouvait pas redevenir aussi sauvage qu'avant.


« Tu sais que je ne peux pas me contrôler si je bois…, déplora-t-il d’une voix triste. Ton geste est très fort, et je serai honoré de boire ton sang après un rituel. Mais, je ne peux pas, pour ton bien.
- Ne tais pas qui tu es dans le fond. Je ne t'en voudrais jamais. »


Elle passa sa main non blessée contre le dos de son amant avec douceur.


« Et tu sais que je te fais confiance, lui murmura-t-elle. Si… On se met en couple, un jour. Il faut que tu saches que j’ai souvent ce genre de rituel. Je ne veux pas que tu te vois comme un monstre ou une bête à sang. Tu ne me feras pas de mal. »


Nevra baissa la tête et confia d’une voix serrée :


« J’ai déjà fait du mal auparavant.
- Et c’était auparavant. »


Moody passa en douceur ses bras autour de la taille de l’homme, posant délicatement sa joue contre le peignoir en soie qu’il portait. Il lui fallut plusieurs instants de réflexion silencieuse pour prendre le bol et en boire son contenu. Elle resserra sa main autour du tissu et leva ses yeux innocents vers lui quand il la regarda par-dessus son épaule. La lunienne sentit son bas ventre se contracter quand il se tourna lentement vers elle. Nevra glissa une main contre sa joue. Inconsciemment, Moody sentit son souffle devenir plus chaud, plus court. Le vampire fixait de son œil la couleur vermillon sur le cou opalin et posa ses mains sur les hanches de la lunienne. Elle se hissa sur la pointe des pieds, nouant ses bras à l’arrière de sa nuque. D’un coup, Nevra la souleva sans difficulté et la plaqua avec force sur son bureau. Moody remonta ses doigts à l’arrière du crâne de l’homme en soupirant lascivement alors qu’il la surplombait légèrement, les mains à plat sur le bois massif. Il se pencha vers son visage, frôlant son nez au sien avant de souffler contre ses lèvres :


« Je meurs d’envie de t’embrasser sauvagement.
- Je sais…, répondit-elle d’une voix suave.
- Laisse-moi faire. » supplia-t-il.


La lunienne cilla faiblement en plongeant son regard dans le sien, glissant ses doigts contre la bouche charnue de son amant.


« Offre-moi le baiser du vampire avant.
- Tu vas devenir accro, prévint-il avec un sourire narquois au coin des lèvres.
- Je m’en contre fou. J’ai déjà commencé à déclarer forfait pour notre stupide jeu. » souffla la jeune femme.


Nevra saisit avec force les cuisses de sa partenaire pour les écarter sèchement et la plaquer contre lui en grognant. Moody ne put contrôler le gémissement qui s’échappa de sa gorge, se cramponnant à la nuque du brun qui plongeait dans son cou pour lécher avidement le sang séché sur sa peau. Il laissa une traînée de baisers rouges sur son passage. Avec dextérité, il fit glisser le kimono de la jeune femme sur ses épaules nues et embrassa celle qui était encore légèrement blessée. Ses lèvres étreignirent chaque parcelle de peau avec affection, revenant lentement dans le creux du cou de la lunienne pour passer sa langue sur le sang qu'il restait. Moody resserra sa prise autour de la tignasse brune, les yeux fermés, le visage en arrière pour lui donner tout l’accès dont il avait besoin. Le vampire lapa sa peau opaline jusqu’entre ses seins, ne laissant aucune trace vermillon après son passage. Elle l’écoutait grogner avec contentement contre sa peau, se délectant de sentir sa présence entre ses cuisses. Il serpenta le long de sternum tout en s'asseyant sur la chaise face à elle. Une bouffée de chaleur s’empara du corps de la lunienne quand elle le sentit embrasser ses cuisses écartées. Sa main n’avait pas lâché sa prise de ses cheveux. Les crocs du vampire frôlèrent les boursouflures entre ses cuisses et elle retint son souffle, le cœur battant. Il plaça ses mains au creux de ses reins et elle brûla d’excitation en sentant ses doigts presser sa cicatrice en forme de croissant de lune.


« Nevra, murmura Moody, les yeux à moitié clos.
- Retiens bien mon prénom, jolie lunienne. Parce que je vais encore marquer ton corps. » souffla-t-il, le visage niché entre ses cuisses.


Sa bouche épousa son adducteur tendu. Ses crocs cherchèrent l’artère fémorale pour s’y planter férocement. Elle poussa un cri d’extase en sentant son corps exploser de plaisir. Son entrejambe pulsa, son bas ventre se crispa comme lors d’un orgasme, sa féminité s'humidifia d'excitation. Une lumière aveuglante passa devant ses yeux et elle eut à peine le temps de geindre que son passé la rattrapa.


La lunienne s’approcha de sa fenêtre pour jauger la hauteur de son saut. Elle jeta un coup d'œil en arrière. La masse qui se dessinait dans ses draps donnait la parfaite illusion qu’elle dormait paisiblement. C'était la première fois qu'elle osait faire le mur et désobéissait aux ordres de sa gouvernante, Claire. Sous le regard courroucé de la demi-lune, l’adolescente enjamba le rebord de sa fenêtre et descendit souplement le long de la paroi en pierre de son palais avant de tomber à pied joint dans l’herbe moelleuse. Elle avait revêtu sa plus belle nuisette pour son premier amour. Prise d’une euphorie soudaine, la jeune femme aux cheveux à demi-argentés laissa un rire gai s’extirper de sa gorge alors qu’elle se mit à courir vers la forêt où l’attendait Haru. Il n'y avait rien de plus magique que la fougue du premier amour.
Haru était un prince héritier. C'était un kitsune de grande stature. C'était son premier petit ami. Ses bras musclés et son torse bombé n’avaient pas laissé indifférente la jeune Moody aux premiers regards. Ses sourires éclatants et ses caresses discrètes avaient su lui faire baisser toutes ses barrières. Ses promesses au creux de son oreille. Ils avaient commencé à se côtoyer lors de réunions importantes durant lesquelles les plus grandes races d’Eldarya se retrouvaient: dragons, aangel, fenghuang, lunien, humain, kitsune… La lunienne savait qu'elle devait se marier jeune et assurer la survie de son peuple ainsi que ses bonnes alliances politiques. Quinze ans semblait être un bon âge pour penser à un tel avenir. Elle avait déjà la forme d'une vraie femme, avait été élevée et éduquée par les meilleurs membres de la cour lunaire. Et Haru répondait favorablement à tous les critères pour régner avec elle. Mais pas aux yeux de leurs parents.

Elle vit au loin son amoureux, sa silhouette sombre éveilla quelque chose de particulier dans son cœur. Il se serra agréablement et battit la chamade au fur et à mesure qu'elle s'approchait de lui. La lunienne se jeta à son cou pour l’embrasser amoureusement. Haru répondit de façon plus langoureuse en faisant glisser ses mains sur ses hanches rondes. La jeunesse, l’effervescence du premier amour, la passion soudaine éveillèrent chez eux des instincts primaires. Quelque chose qu'ils ne contrôlaient pas et qu'ils voulaient absolument goûter. Comme une envie de franchir une ligne interdite, d'avoir un secret… Haru la tira un peu plus à l'orée de la forêt. Il l’allongea sur la mousse molle et humide puis la surplomba avec un sourire carnassier. La folie du premier amour. Moody leva ses améthystes vers le regard envoûtant de son amant qui remuait paisiblement ses queues dans son dos.


« Es-tu prête ? » demanda-t-il d'une voix douce en levant les pans de sa nuisette sur son ventre.


La lunienne parut hésiter. Et si elle ne lui plaisait pas ? Il fallait qu’elle soit irréprochable pour susciter son envie. Ça ne devait pas faire si mal de faire l’amour pour la première fois. Si ? Ses lèvres se pincèrent et elle hocha timidement la tête en cachant sa poitrine voluptueuse de ses bras. Haru s’écrasa entre ses cuisses, sans douceur et se pencha à son oreille tout en lui bloquant les bras au-dessus de la tête.


« Tant mieux… J’ai amené quelques amis. » murmura-t-il à son oreille.


Elle écarquilla les yeux, son cœur s'emballa légèrement.


« Co-comment ça ? » bredouilla la lunienne.


Des rires jasèrent derrière le rocher où le jeune couple s’était allongé. Haru pressa un peu plus son corps sur celui de la jeune femme paniquée qui tenta de se redresser. Le kitsune resserra un peu plus sa prise autour de ses poignets.


« Ne t’en fais pas… Nous allons juste te montrer ce que te feront les méchants dragons quand ils profiteront de ton corps. Tu nous remercieras plus tard.
- Non. NON. » cria Moody en tentant de se débattre.


Rien n’y faisait. Elle n’arrivait pas à se libérer de cette emprise. Des visages inconnus se penchèrent sur elle. D’autres mains la caressèrent brutalement, la palpèrent violemment, la bloquèrent avec véhémence. La panique céda et elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Avec désespoir, la lunienne tenta de blesser ses assaillants avec sa magie. Elle chercha à se faire entendre en poussant des cris plus forts, plus aiguës.. On la gifla. On écrasa un poing contre sa mâchoire. On aplatit une main féroce sur sa bouche pour la faire taire, on serra sa gorge pour lui briser les cordes vocales.


« Pauvre idiote que tu es. Si tu ne le sais pas encore, tu vas devoir te taire ma douce et subir gentiment le châtiment qu’on donne aux gens liés au dragon. Aux monstres. Tu vas voir on va jouer à un jeu amusant. Tu vas y prendre du plaisir. Et nous aussi. » lui souffla Haru d’une voix rendue rauque.


Elle sentit une lame contondante entre ses cuisses et ses yeux s'écarquillèrent avec effroi. Des mains lui maintinrent les chevilles puis les poignets. On ne desserra pas l'emprise sur sa gorge, ni sur sa bouche. Un instant qui parut une éternité, on lui cacha la vue. Elle sentit la lame l'écorchait, la charcuter à vif. La chaleur de son sang n'avait rien pour l'apaiser. On essayait de la détruire. Elle hurlait à l’agonie dans le creux de la paume qui lui maintenait la tête. Moody recouvra la vue et les larmes inondaient son visage de porcelaine souillée par son léger maquillage. L’intérieur de ses jambes la brûlaient d’un feu ardent. Du poison solaire. Le kitsune appuya sur les cicatrices à vif, prenant un plaisir pervers à observer son tableau morbide. Ses amis maintinrent la lunienne en larmes. Elle n'avait plus la force d'appeler au secours. Ses yeux se levèrent vers la demi-lune qui se cachait derrière d'épais nuages noirs. Elle était seule.


« Oh, pauvre bébé… Tu as mal mon amour ?  dit Haru avec un sourire amusé. Ce n’est que le début de ta nuit. Je vais continuer à te faire saigner, je vais te marquer jusqu’à ce que la douleur te rende folle. Puis je vais te baiser. Et mes amis aussi parce que je suis quelqu’un qui aime partager. Nous le ferons dans toutes les positions, dans toutes les cadences et tu nous supplieras de te tuer. Puis je te montrerai combien un corps peut résister à la souffrance sans mourir. Je me demande ce qu’en pensera ton Père. Tu paieras pour les conséquences de ta Mère. Et tu n'auras plus aucune valeur, comme ton peuple. Tu seras inutile. Oubliée. »


La lunienne baissa son regard terrifié vers lui, ne comprenant pas ce revirement de situation. Qu'avait-elle fait pour mériter cela ? La paume étouffa ses narines et sa bouche. Moody supplia son petit-ami du regard. Le kitsune la fixa de son regard sombre et sourit avec folie.


« Tu as raison. Je ne devrais pas te tuer. Je vais te briser. Toi, ton âme et toute ta vie, à tel point que tu ne pourras pas te reproduire. »


A ses mots, il planta son couteau une première fois dans le bas du ventre de la lunienne puis la retira aussitôt pour recommencer. Quand Haru fut lassé, il lacéra ses cuisses. Tout s’écroula autour d’elle. Comme un fil trop tendu qu’on brisa. Un trou béant s’était ouvert dans sa poitrine, son cœur lui faisait mal. Sa vue se brouilla. Elle n’avait pas compté le nombre de coups qui l’avait déchiré, ni sentit la colère et le dégoût des cinq adolescents qui avaient fait de son corps leur terrain de jeu. De lourdes larmes roulèrent sur ses joues rouges. Sa gorge n'avait plus la voix pour appeler à l'aide. Elle était salie. Détruite. Impure. Elle était épuisée et démunie. Rien ne sera plus jamais pareil. Nue et ensanglantée au milieu de cette forêt froide, elle resta inerte au sol en sanglotant. Elle priait Lune pour qu’on la retrouve. Qu’on la sauve.


Un hurlement passa la barrière des lèvres de la lunienne. Un cri qui fendit l’âme du vampire tant la souffrance s’en dégageait. Nevra lâcha sa prise avec effroi, se redressa brusquement de la chaise et prit le visage en larmes de sa maîtresse. Il cherchait, dans l'urgence, à capter son regard pour comprendre ce qui lui arrivait. Lui avait-il fait du mal ? Le baiser du vampire n’était pas censé la mettre dans un tel état. C’était un acte de possession et de tendresse. De partage et d'intimité.


« Ça me brûle. Ça me brûle, bredouilla Moody entre ses larmes.
- Où ça ? » demanda-t-il d’une voix calme, caressant ses joues humides.


D’un mouvement sec, la lunienne se dégagea de son emprise.


« Ne me touche plus. » ordonna la jeune femme prise d’une colère soudaine.


Pris au dépourvu, le vampire regarda la lunienne s’enfuir dans un recoin de sa chambre, une alvéole incrustée dans le mur, où seule elle semblait pouvoir s'introduire avec sa petitesse. Il pinça les lèvres en l’entendant sangloter. A pas de Maülix, Nevra s’approcha de l’embrasure et s’accroupit. La lunienne s’était recroquevillée dans le fond de l'alcôve, les mains entre les cuisses. Elle tentait, par sa magie, de soigner la douleur invisible qui lui traversait les cicatrices. Son autre main tenait son kimono, contre son cœur. Ses yeux étaient exorbités. Son regard semblait troublé, vide et ailleurs. Elle revivait son flash. Son viol. Comment pouvait-on lui faire ça ? Pourquoi avait-elle mérité cela ? Prise d’une angoisse soudaine, son souffle se fait plus court. Elle haletait bruyamment. Nevra tenta d’approcher.


« Ne me regarde plus ! » balbutia-t-elle en tentant de s'enfoncer un peu plus dans sa cachette.


Elle sanglota, étouffant ses plaintes entre ses mains tremblantes. Le vampire se recula d’un pas en levant les mains en signe de paix. Son œil se détourna ailleurs comme elle l'avait demandé, les lèvres pincées. Avait-il fait quelque chose de mal ? Qu'est-ce qui la rendait aussi vulnérable ?


« Je suis un monstre. » bredouilla-t-elle.


Moody avait entièrement caché son corps de ses bras. Elle tremblait comme une feuille morte. Sa tête s’était baissée, honteuse. Le vampire haussa les sourcils avec surprise et reporta son attention sur elle.


« Quoi…? murmura Nevra, surpris. Non tu n’es pas un monstre, Moody. »


Il était désarmé face à son agonie mais il ne bougea pas de sa place. Lentement, il s'accroupit pour se mettre au niveau de la lunienne paniquée au fond de son alcôve. Il attendit patiemment qu’elle se calme. Nevra se sentit frustré d’être impuissant dans une telle situation. Sa peine l’affectait plus que de raison. Le vampire se mit à genoux.

Une heure passa. Moody n’avait plus de larmes à offrir, seuls ses sanglots secouaient sa poitrine alors que sa bouche expirait des bruits spasmodiques. Sa voix déchirante brisa le silence :


« Sauve-moi. » supplia-t-elle.


Nevra la fixa puis s’approcha en douceur du bord de l’alvéole pour ne pas la brusquer. Il tendit sa paume vers elle, le regard bienveillant.


« Tout ce que tu voudras… Mais sors d’ici. » lui répondit-il à voix basse.


Elle releva à peine les yeux vers lui et se contraignit à lui obéir. Son corps parcourut la distance qui les séparait et s'assit au bord du matelas. Nevra leva doucement sa main et la passa contre sa joue pour tenter de l'apprivoiser. Moody cacha ses cuisses balafrées avec son kimono. Le vampire croisa le regard perdu de la lunienne.


« Est-ce que tu veux m’en parler ? » lui demanda-t-il en gardant un ton bas.


Elle serra les poings autour des pans de son kimono transparent. En voyant qu’elle était réticente, il ajouta :


« Loin des oreilles indiscrètes, sous la couverture ? Tout ce qui se dira en-dessous restera entre nous, je te le promets. »


Elle pinça les lèvres en hochant faiblement la tête. Nevra lui sourit pour lui apporter du réconfort et prit délicatement sa main dans la sienne pour se diriger vers le lit. Il souleva la couette et l’invita à s’y coucher avant de la rejoindre. Il rabattit le tissu au-dessus d'eux. Moody lui tourna le dos et se mit en position fœtale. Le vampire fixa sa nuque en pinçant ses lèvres, sans s’approcher.


« Je suis là et je suis désolé si je t’ai fait du mal… Je te demande pardon. » murmura-t-il.


Un spasme secoua les épaules de la jeune femme qui cacha à nouveau son visage entre ses bras.


« Ce n’est pas toi… C'est eux… »


Nevra fronça les sourcils avec incompréhension. Il ne la brusqua pas, attendant qu’elle daigne à reprendre la parole entre deux reniflements.


« C’était mon premier amour. Un kitsune. C’était ma première fois. Il… »


Moody resserra un peu plus ses cuisses. Il ne la quitta pas du regard et osa s'approcher légèrement d'elle.


« Ils m’ont… Détruite. Ils m’ont touché alors que je ne voulais pas. Ils ont souillé ma pureté. Ils ont sali ma réputation. Plus je hurlais, plus il me blessait, plus il charcutait mes jambes, plus il enfonçait son poignard au niveau de mon système de reproduction. »


Joignant le geste à la parole, la lunienne donna des coups contre son pubis et son ventre. Des larmes brouillèrent sa vue, elle ferma les yeux et porta une main à sa bouche pour étouffer un sanglot avant de reprendre d’une voix tremblante :


« Ils ont fait de moi un monstre, une paria dans ma propre ville. J’ai été incapable de marcher pendant des semaines. Incapable de voir quelqu’un, de me regarder dans un miroir, de parler... Je voulais juste mourir. Disparaître parce que j’étais une honte vivante. Parce que je devais payer pour les erreurs de ma mère et de mon père. Parce que je n’étais pas comme eux. »


Nevra se pencha légèrement vers elle. Moody se tendit légèrement mais relâcha la pression de ses épaules lorsqu’il lui caressa les cheveux en silence.


« Je viens de tout revivre. Ils étaient cinq. Ils me tenaient de force, me bâillonnaient, me bandaient les yeux. Je sentais juste la douleur Nevra… Je sentais mon sang entre mes cuisses, je sentais le poison d’Hélios me traverser les veines et m’affaiblir. Tout mon corps brûlait. J’avais mal. Et ils m’ont laissé pour morte dans cette forêt, je priais Lune pour que Claire me retrouve. Je savais que j’allais me faire tuer. La princesse de Luna ne devait pas faire le mur. La princesse de Luna devait être pure pour son futur mari. La princesse de Luna devait être puissante. La princesse de Luna avait des devoirs à accomplir pour protéger son peuple. Et je ne suis rien de tout ça… Je suis répugnante. » sanglota-t-elle.


Nevra sentit son cœur se fendre. La confession de la lunienne le laissa interdit. Il posa sa main sur son épaule et elle sursauta sans pour autant le repousser.


« Tu n’es pas répugnante, lui murmura-t-il. Tu es forte, puissante. Et même si tu te sens détruite, je te promets que si ça ne t’a pas tué, ça t’a rendu incroyable. Tu es une femme pleine de surprise, froide aux premiers abords, comme la lune. Mais plus on te regarde, plus tu es rayonnante et réconfortante. N’ai pas peur de tes cicatrices, de tes choix, de ton passé car ça fait de toi la femme que tu es aujourd’hui. »


Il remonta ses doigts contre sa mâchoire inondée par ses larmes et l’obligea doucement à le regarder.


« Regarde-moi… Je ne te fuis pas. Et je n’ai pas raison de le faire. Tu n'es pas celle que tu crois être après cet événement tragique. Je suis là pour te soutenir, t’épauler et te réconforter. Je ne comprends peut-être pas la peine et la rage qui naît dans ton cœur à cet instant. Je ne saisis peut-être pas toute la souffrance à laquelle tu as su faire face, ni le désespoir qui t'inonde mais il y a une chose en laquelle je crois et c'est toi. Toi toute entière, avec tes forces et tes faiblesses, ton passé, ton présent et ton futur. Tu mérites qu’on te chérisse et qu’on t’aime comme la déesse que tu es. »


Moody le fixa avec souffrance alors qu’il passait ses pouces sur ses joues et au coin de ses yeux pour essuyer ses larmes.


« Sèche tes larmes car ta fierté est ta plus belle arme, lui dit-il. Tourne-toi vers moi. Je vais te confier un secret. »


La lunienne lui obéit, tout aussi recroquevillée. Il retira son cache-œil et s’allongea à sa hauteur sans la toucher. Elle regarda la balafre à son œil et le vampire prit sa main pour la porter contre. Moody l’effleura avec douceur et Nevra murmura :


« Nous sommes tous des monstres. Ne t’excuse pas de l'être parce que jamais personne ne s’excusera de t'avoir rendu ainsi. Tu es incroyable. Un petit bout de femme qui devrait me fuir si elle écoutait les rumeurs à mon égard. Tu m'acceptes comme je suis. Et je t'accepte comme tu es. Tu n'as pas besoin de te cacher, d'avoir honte de ce que tu as traversé. Ta plus belle revanche c'est d'être là où tu en es aujourd'hui. Et je sais que si là c'est épuisant, ça ne le sera plus dans quelques temps. Tu es forte. »


Elle secoua son visage comme si cela était idiot. Il reprit d’une voix calme :


« Pendant… La Lune de Sang, enfin, plutôt après, je m’en suis affreusement voulu de t’avoir mordu. Je me suis senti honteux d’avoir bu ton sang ce soir-là et aujourd’hui. Non pas parce que je ne le voulais pas mais parce que je ne devais pas. Ça a réveillé de mauvais souvenirs. Ça a réveillé une plaie béante en moi. C’est quelque chose que je fais quand… Quand je suis avec quelqu’un. Pour marquer mon territoire, pour lui offrir des sensations aphrodisiaques, c'est quelque chose de très intime. Je mords et m'abreuve aussi pour tuer, pas seulement pour lier un quelconque lien avec ma proie. »


La lunienne haussa un sourcil, quelque peu surprise par cette déclaration. Elle finit par lever les yeux vers lui, laissant sa main dévier contre sa joue.


« Ne me mords plus alors… » proposa-t-elle à voix basse.


Il secoua le visage avec un faible sourire.


« Tu ne comprends pas. Tu étais mon plan cul. Je n'avais aucune raison de te mordre. J’ai merdé. Je craignais que tu me rejettes. Je craignais de devenir à nouveau dépendant au sang de faëlien parce que je ne me contrôle pas quand la prise est bonne. Tu en es une, et je ne sais pas par quel miracle je ne t’ai pas vidé de ton sang. Peut-être parce que je voulais marquer mon territoire, parce que je voulais te faire vivre autre chose, te donner de nouvelles sensations pour que tu deviennes dépendante de moi. Le jeu en valait la chandelle mais c'était tout à fait malsain de ma part. »


Il baissa un instant les yeux avant de poser son œil valide dans les améthystes de la lunienne. Elle l’écoutait attentivement sans se braquer ou se sentir rejetée, il vit même son visage se pencher sur le côté, curieuse. Nevra reprit :


« J’ai fait des choses horribles avant. Je regrette certains de mes gestes… Je déteste le vampire que j’étais avant. Je ne veux pas être ce vampire, pour toi. Parce que tu ne mérites pas ça. »


Nevra détourna l'œil, en proie au regret. Moody entrevit un voile triste passer dans son regard, elle cilla légèrement et s’approcha légèrement de son corps.


« J’ai tué la personne qui m’était la plus chère au monde, parce que je n’ai pas su me contrôler. J’étais épris d’elle, comme jamais je ne l’avais été. Mon premier amour aussi… Je l’ai tué parce que je n’étais pas capable de me défaire de mon addiction au sang, parce que j’avais choisi la mauvaise manière en me privant. Je m’assoiffais et m’abreuvais de sang peu nutritif. Et un soir… Alors que la soif me tiraillait je n’ai pu me retenir, je suis devenu cette Bête. Je l'ai vidé de son sang, et par désespoir,  j’ai ordonné à Sheitan de me blesser de façon stupide et romanesque parce que sans elle je ne voyais plus rien. »


Il eut un rire cynique et fixa l’épaule blessée de la lunienne, l’air absent. Moody sembla s’être calmée à cette confession et soupira faiblement en fixant le brun devant elle.


« Je ne veux pas te faire du mal à toi aussi. Je refuse de perdre à nouveau quelqu’un que j’apprécie sous mes crocs. Et je suis désolé de t'avoir fait souffrir. »


Elle le toisa, le jaugeant en silence. Sa déclaration ne provoqua aucunement sa peur, la lunienne avait étrangement confiance en lui. La petite femme glissa une main chaude contre sa pommette froide, le laissant se blottir contre en fermant les yeux.


« Tu ne me feras pas de mal Nevra. J’ai confiance en toi, tu sauras te contrôler. Tu as cédé parce que je l’ai demandé. Et aujourd’hui tu es bien entouré et nourri par le sang que te fait Ezarel. La Bête que tu peux être ne m’effraie pas. Tu ne me fais pas souffrir… » murmura-t-elle.
- Et tu n’es pas répugnante à mes yeux, même après ta confession. Tu es magnifique. » lui répondit-il sur le même ton.


Elle caressa sa joue de son pouce tandis qu’il posait son œil valide dans son regard. Moody lui sourit timidement, la mine fatiguée. Elle n’avait plus la force de parler. Lorsque la fossette du vampire se creusa par un sourire attendri, la lunienne y passa son pouce avec douceur avant de se hisser pour y déposer un baiser. Nevra laissa sa main dévaler le long de sa taille pour venir tenir sa hanche. Moody lui sourit doucement en posant son index contre ses lèvres. Puis elle le fit glisser le long de son nez d’un air rêveur avant de venir nicher son visage dans le creux du cou de son amant en fermant les yeux.


« Reste avec moi, dit-elle sur le ton de la confession.
- Je suis là. »


Lentement le vampire remonta son bras à l’arrière des omoplates de la lunienne pour la bercer contre son torse nu, posant sa joue contre le sommet de son crâne. Il fredonna en douceur une berceuse pour apaiser ses craintes et l’endormir paisiblement. Nevra veilla toute la nuit sur elle et la rassura quand elle se réveilla en panique de son cauchemar.


« Ton combat va être long pour accepter ce drame et tu te dois de le revivre pour te sentir mieux. » lui murmura-t-il en posant une main contre ses balafres.


Moody s'accrocha à lui avec désespoir. Le vampire déposa ses lèvres contre sa tempe.

« Tout va bien. »

✧☽

Le combat allait être laborieux, comme l'avait annoncé Nevra mais Moody n’était pas du genre à se morfondre pendant des jours sur sa situation. Surtout aux côtés du vampire qui la soutenait. C'était l'un de leur secret. Elle n'avait plus honte de s'épancher sur ce qu'elle ressentait, ni d'affronter le regard de son amant compatissant. Nevra lui avait appris à essayer d’en tirer du positif en répétant sans cesse que ce qui ne la tuait pas la rendait plus forte. C’était une fatalité qu’elle tentait d’accepter, une colère qu’elle évacuait lors de ses entraînements quotidiens dans les caves de la cité. La lunienne essayait d'en faire le deuil, acceptant tant bien que mal ce traumatisme, mais il était encore difficile pour elle d'aller plus loin dans ses caresses avec Nevra. Cela mettait un certain frein à leur relation charnelle et elle le regrettait à chaque fois qu'elle se braquait. Il n'était pas ses agresseurs. Le vampire ne lui en tenait pas rigueur malgré sa frustration, lui promettant qu'ils iraient à son rythme, qu'ils limiteraient ensemble ce qu'elle appréciait et ce qu'elle voulait redécouvrir. Il ne fit plus allusion au baiser du vampire et cajola ses cicatrices entre les jambes, les embrassant avec douceur. Moody avait été ému par ce geste et n'avait pas caché ses larmes.  Nevra ne mettait aucune distance entre eux. Il était patient et conciliant. Il prenait du plaisir à la couver tendrement, la faire se redécouvrir, à la protéger et la soutenir avec bienveillance.

Chapitre 22 - S'appartenir

Le départ du vampire approchait à grand pas. Ce qui signifiait que son examen avec Lance aussi. Le temps d'un instant, un mélange contradictoire de sentiment naquit dans sa poitrine. Elle était à la fois craintive et pleine d'excitation. Elle avait peur d'être séparée de Nevra et était excitée de montrer à Lance de quoi elle était capable. Moody roula sa tête entre ses épaules et se mit à frapper avec force dans le sac de sable. Ses jambes tapèrent avec agilité l'objet avant de se jeter à terre pour mieux apprendre à amortir les chocs et rouler afin de se relever plus rapidement. A nouveau, la lunienne fonça contre l'adversaire inactif qu'était le sac et sauta dessus, décrochant d'une main habile le poignard à sa cuisse pour le planter dans le cuir. Un grognement victorieux lui échappa lorsqu'elle retira abruptement sa lame pour la lancer au centre d'un panneau de bois dédié au tir à l'arc.  La lunienne remit pied au sol et récupéra son arme dans la cible avec un sourire satisfaite avant de s'asseoir en tailleur au centre de la cave pour écouter les bruits environnants. Elle devait à tout prix entretenir son ouïe pour déceler la moindre approche discrète. Ce fut une action inutile lorsque Nevra la cueillit d'un coup et qu'elle cria par surprise tandis qu'il éclatait de rire. Elle n'avait décemment aucun instinct pour sentir la présence d'autrui sauf si il ou elle avait un parfum entêtant comme celui des jumeaux.

✧☽

Le lendemain, elle se tenait face aux troupes de l'Ombre pour écouter les dernières missives dictées par Nevra avant son départ. La lunienne scrutait chaque membre en silence, écoutant d’une oreille distraite le vampire qui marchait de long en large devant ses recrues. Perdue dans ses pensées, Moody se demanda combien de personnes lui souhaiteraient son anniversaire. Lune et ses Zodiaques le lui avaient déjà souhaité sur l'Astral, mais sur le plan physique, personne ne semblait s'en soucier. Elle pinça les lèvres. La lunienne espérait au moins que Leiftan et Nevra ne l'avaient pas oublié, le reste lui importait peu. Ce n'était pas comme si elle n'y avait jamais fait allusion. Elle redressa son visage et inspira légèrement avant de se figer.

Il y avait quelque chose qui n'allait pas. Ses sens se mirent en alerte et un mouvement attira son attention. Ses jambes se tendirent, une odeur mentholée parvint à ses narines et elle bondit hors de la trajectoire de l'attaque surprise. Les yeux écarquillés, elle fit volte face pour affronter son adversaire qui n'était autre que Lance. Les soldats se reculèrent sous la stupeur, tout aussi interdit que la lunienne qui se mit en position offensive. Nevra croisa les bras avec nonchalance et s'accouda à l'un des murs pour observer la scène. Il n'interviendrait qu'en cas d'extrême nécessité. Moody posa sa main contre l’arme accrochée contre sa cuisse, toisant son adversaire.


« Pas mal. » félicita-t-il de sa voix caverneuse.


Elle fronça les sourcils et se rua vers le géant avec pour seul objectif en tête: lui faire tomber la première goutte de sang. Elle n'appréhendait pas son combat et elle se satisferait de pouvoir au moins de le blesser une fois, si l'issu du combat ne lui était pas favorable.  A chaque lancer de jambe, le guerrier se défendait en parant les coups avec ses avant-bras. Sans crier gare, il s'était approché d'elle pour lui saisir la gorge à pleine main. La lunienne hoqueta de surprise en battant des pieds à quelques centimètres du sol. Un faible grognement lui échappa et son pied fendit l’air pour heurter le menton de l'Étincelant qui lâcha sa prise. Lance lui lança un regard assassin en passant une main sur son visage. Il jeta un bref coup d'œil à sa paume : pas de sang. Un rictus étira les lèvres du soldat. Il ne se laisserait pas être humilié devant les soldats de l’Ombre, et Moody le lut dans son regard glacial en lui décochant un sourire en coin.


« Dommage. Je n’y suis pas allée assez fort pour vous faire perler une goutte de sang.
- Votre chef ne vous a jamais dit de cesser de vous vanter ? rétorqua Lance.
- Je ne me vante pas. Je provoque, souligna la lunienne en haussant les épaules d'un air innocent, presque condescendant.
- Petite insolente. » lâcha-t-il.


Dans le fond, cela lui plaisait. Lance n'était pas insensible à son côté impudent et provocateur. C'était ce qui animait le plus son désir pour elle. Il humecta ses lèvres, l'air songeur. Il imaginait déjà lui faire regretter son impudence, faire taire sa jolie bouche… Un talon de chaussures s'enfonça dans son ventre et l'Étincelant se surprit avoir baissé sa garde. Il redoubla d'ardeur quand elle claqua sa langue à son palais tout en balançant en arrière, d'une main, sa queue-de-cheval. Le parfum de ses hormones, mélange de fleurs et de minéraux, parvint aux narines de l'homme qui gronda en se jetant à nouveau vers sa petitesse.

Nevra jaugea sa subalterne et s’amusa de la voir échapper au géant en lui glissant entre les jambes. Au sol, elle fit balayer sa jambe pour déséquilibrer l’homme aux cheveux blancs puis le poussa d'un coup de talon dans l'arrière-train. L'assemblée de spectateurs ne manqua pas de glousser à ce geste, faisant enrager le lieutenant de la garde. Lance tomba lourdement en avant puis attrapa d'une main de fer la cheville de son assaillante. Prise en étau avant d'avoir pu s'échapper, la lunienne grogna en glissant à son tour sur le sol humide de la cave. Il la tira sèchement et avec force vers lui. Furtivement, il la plaqua dos au sol, la surplomba avec un sourire vengeur et attrapa sa queue-de-cheval pour la nouer autour de son poignet. 


« Comme une impression de déjà-vu, non? » provoqua Lance au creux de l'oreille de la lunienne qui tentait de se débattre.


L'Étincelant se remit sur pied sans lâcher sa prise et traîna la jeune femme sur les cheveux sur environ deux mètres. D'un geste sec, il la redressa par les cheveux, attrapa sa gorge de son autre main et la cogna contre une roche. Son étreinte se resserra autour de la gorge diaphane, observant d'un air mesquin le visage de la lunienne prendre une teinte de plus en plus rouge. Il la leva à bout de bras, comme un poids plume, à hauteur de son visage. Moody battit des pieds dans le vide, tentant du bout de ses doigts de desserrer son emprise sur sa gorge puis tapa du plat de sa main sur son poing.


« Lance. » gronda le vampire en décroisant les bras, prêt à intervenir.


Les soldats restaient médusés par le combat et inspirèrent en même temps lorsque le Second de l'Étincelante prit le poignard à la cuisse de la lunienne pour le plaquer à sa joue et l’écorcher légèrement pour qu’une goutte vermillon glisse le long de sa pommette. Moody ragea en poussant un cri frustré et étouffé. L’homme rit bassement et gravement à son oreille en relâchant sa prise autour de son cou. Elle inspira brutalement et haleta bruyamment lorsqu'il la reposa avec douceur sur le sol.


« J’ai gagné. » se vanta-t-il.


Moody frappa contre le poignet pour lui faire lâcher son arme. Mauvaise perdante, elle tourna les talons et releva le menton d’un air suffisant.


« Vous devriez baiser mes pieds pour cette victoire. » provoqua l’Étincelant.


Inopinément, la lunienne pivota et balança une forme blanche au travers de la cave, heurtant de plein fouet le poitrail de l’homme qui vola sur quelques mètres avant d’heurter lourdement la cavité de la grotte dans un grondement furieux. Les étoiles crépitèrent autour de lui. Elle claqua sa langue à son palais en posant son regard sur lui, le sourcil arqué avec condescendance.


« La prochaine fois je ferai de votre tête une décoration dans la salle des Ombres. » railla-t-elle en se mettant dans un coin de la pièce, rangeant son poignard.


Elle essuya d’un geste rageur sa joue ensanglantée, les sourcils froncés. Nevra soupira avec exaspération mais ne commenta pas la situation. Lance se releva avec rage, balayant d’un geste de la main la pierre qui lui entravait le chemin. Tous les fantassins tournèrent la tête vers lui, les yeux écarquillés. Allaient-ils enfin assister à un vrai combat de la part du plus grand combattant d'Eel ? L'Étincelant fixait d’un regard assassin la lunienne à l’opposé de la pièce qui osa l’affronter avec effronterie. Elle pencha sa tête sur le côté, un rictus sur ses lèvres. Lance gronda. Il lui ferait ravaler son ingratitude. Il fit deux pas vers elle, de la fumée sortant de ses narines. La fureur lui brûlait les veines, d’autant plus quand le vampire, tout croc dehors, lui barra la route d’un bras.


« N’y pense même pas, siffla-t-il d’une voix menaçante.
- Laisse-moi passer. Il faut lui apprendre le respect et à encaisser de vrais coups, ordonna l’homme aux cheveux blancs, le ton tranchant.
- Non. » répondit Nevra sur un même ton.


Bien qu’il soit plus petit de vingt centimètres, le vampire ne se laissa pas démonter par l'imposante carrure qui le surplombait. Moody cilla d’un air hébété en trouvant la situation quelque peu… grisante. La lunienne trouvait ça très enivrant de voir son vampire tout croc dehors pour la protéger. Ce côté possessif ne l'avait pas laissé de marbre. Elle déglutit et détourna le regard ailleurs. L'Étincelant toisa avec froideur le Capitaine de l’Ombre. Karenn s’interposa aussitôt entre les deux hommes d’un rire nerveux :


« Vous n’allez tout de même pas vous prendre la tête pour ça quand même. Des grands hommes comme vous… Vous valez mieux que ça. Surtout pour ce genre de personne. »


Nevra lui jeta un regard torve et courroucé. Comment sa petite sœur osait tenir de tels propos après son altercation avec Moody à la salle des portes, après avoir discuté avec lui et en étant tout à fait au courant de ce qu'il se passait entre lui et la lunienne ? Il sentit une colère soudaine naître dans sa poitrine et lui montra les crocs sans rien dire. Karenn eut l'air choquée et ne rétorqua pas. Le Capitaine de l'Ombre reposa son œil dans le regard glacial de Lance, l’intimant de quitter les lieux sans faire de houle. Tout le monde retint son souffle quand il se pencha vers son subalterne pour murmurer quelque chose à son oreille. La mâchoire de Nevra se contracta et Moody se redressa aussitôt. Lance assassina du regard la jeune femme avant de se diriger vers les escaliers pour les gravir sans un regard en arrière. La lunienne chercha un contact visuel avec son supérieur, mais il l’ignora volontairement. Karenn feula doucement à l’égard de son frère et posa un regard haineux vers la lunienne. C'était de sa faute si la situation avait pris de telles proportions. Les soldats se jetèrent des regards dubitatifs et emplis de malaise. Nevra ne se laissa pas démonter et les obligea à reprendre leur séance d’entraînement d’un geste de la main. Moody revint vers lui, elle ouvrit la bouche, il la coupa aussitôt d’une voix tranchante :


« L’entraînement vaut aussi pour toi. Ton sang a coulé. Tu as perdu contre un chef de l'Étincelante. J’en attendais mieux de ta part en tant que Seconde de la Garde de l’Ombre. Améliore-toi quand je ne serais pas là. »


La lunienne fronça les sourcils, c’est un coup bas et mesquin. Elle essuya ses paroles blessantes d'un regard mauvais et tourna les talons pour rejoindre les autres sur le terrain. Sa frustration s’évacua quand elle réussit à mettre au tapis les plus entreprenants. Elle enjamba les corps inertes et gémissants pour frapper vivement le sac d’entraînement, ses oreilles bourdonnant de colère. Elle aurait dû réussir à faire saigner Lance. Elle en était capable, elle le savait. Un râle enragé lui échappa alors qu’elle assenait un dernier coup au pauvre objet. Moody baissa ses pupilles vers ses jointures martyrisées et soupira en remuant ses doigts meurtris. Super le cadeau d’anniversaire, pensa-t-elle. Ses yeux se posèrent vers le vampire qui parlait à sa sœur à voix basse, les sourcils froncés. La lunienne sentit ses mâchoires se contracter alors qu’elle balançait sa chevelure violine par-dessus son épaule. Soit il faisait exprès de l’ignorer soit il avait oublié ce jour spécial. Il ne lui avait rien dit au réveil. Et encore moins jusqu'à cet instant. Elle commençait déjà à fulminer et claqua des talons d’une façon tempétueuse vers l'escalier, les poings serrés. Elle se jura de lui faire regretter s’il ne faisait rien. Moody gravit les marches jusqu’à rejoindre la salle des portes où Leiftan apparut, un sourire chaleureux sur ses lèvres. Elle le toisa et croisa ses bras sous sa poitrine, la moue blasée. Le blond s’approcha de son amie et l’enveloppa de ses bras pour la serrer contre son torse, amusé. Il murmura à son oreille :

« Bon anniversaire.
- Tu parles, railla-t-elle avant de soupirer en enlaçant sa taille. Je viens de me faire mettre au tapis par Lance, j'ai ruiné ma manucure et mes mains en évacuant ma frustration sur un sac, mon propre chef m'ignore et a oublié de me fêter mon anniversaire. C'est une putain de belle journée !
- Alors mon cadeau tombe à pique. » constata-t-il avec un sourire amusé.

La lunienne lui jeta un regard suspicieux en levant le visage vers lui. Leiftan secoua une enveloppe sous son nez sans perdre de sa jovialité. Elle lui arracha précipitamment des doigts et l’ouvrit d’un coup d’ongle.


« Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
- Quelque chose que tu m’as supplié d’avoir, une fois. »


Moody déplia la lettre en marmonnant dans sa barbe. Ses yeux s'attardèrent à la lecture de l'invitation et fut d'un coup moins tempétueuse.


« Un massage ! » s'enthousiasma-t-elle en se jetant au cou de son ami pour s'y pendre de tout son poids.


Ses lèvres se déposèrent bruyamment contre sa pommette et son étreinte se resserra autour du blond.


« Merci, murmura-t-elle à son oreille. C’est le meilleur cadeau d’anniversaire qu’on puisse me faire. »


Et le seul, rétorqua sa conscience. La lunienne repoussa cette pensée insidieuse et triste en se détachant de son cou. Nevra apparut à cet instant au côté des deux amis, et Moody renchérit, en ignorant soigneusement le vampire.


« Tu m'accordes ton temps ce soir ? On mange ensemble ?
- Tout ce que tu voudras. »  lui sourit Leiftan.


Elle embrassa le coin de ses lèvres aussitôt et disparut sans un regard vers son Capitaine qui resta hébété, et blessé, le temps d’un instant. Que se passait-il ? Il se rembrunit en voyant Ezarel sortir du garde-manger et s’élancer derrière la lunienne. A cet instant, un rien pouvait l’agacer, encore plus quand son meilleur ami était mêlé à une histoire dont il n'était pas informé au préalable. Le vampire le suivit à pas de Maülix et observa le couple dans l’ombre. Moody fut surprise de voir l’elfe mais l’accueillit d’un léger sourire et rit gaiement en le voyant tendre un petit pot de miel.


« Spécialement volé pour ton anniversaire et tu devrais vite le cacher si tu ne veux pas que Miiko t’offre un séjour en prison. » dit l’homme aux cheveux bleus.


La lunienne gloussa en tapotant tendrement sa joue.


« Ce ne sera pas un séjour désagréable tant qu’elle ne m’accompagne pas ou me met comme compagnon de cellule Lance. »


Le Capitaine de l’Absynthe rit et frotta le sommet du crâne de la lunienne avec affection, pour marquer toute salutation avant qu’elle ne s’enfonce dans sa chambre. Nevra soupira et passa une main sur son visage avec lassitude. Il avait complètement oublié et savait pertinemment que Moody lui ferait regretter s'il ne rattrapait pas le coup d'une façon grandiose. Le vampire s’éclipsa pour accomplir cette mission de dernière minute.

✧☽

La lunienne était assise devant son miroir à coiffer ses cheveux ondulés en deux tresses de part et d'autre de son visage, accrochant à leur bout des bijoux en forme de croissant de lune. Elle ceignit son front d’un diadème. Ce soir, elle serait la reine de la soirée. Quand elle eut fini sa coiffure, elle serra le corset qui lui enserrait la taille afin de faire pigeonner sa poitrine opulente. Moody avait choisi de remettre la première robe qu’elle avait achetée et utilisée pour la soirée des nouveaux membres de la garde. Ses pieds se glissèrent dans de hauts escarpins tandis qu’elle passait à son doigt une bague en forme de griffe. Sa bouche fut peinte de pourpre sombre, ses yeux étirés d’un fin trait d’encre noir. Moody contempla une dernière fois son reflet avant de se diriger vers la porte de sa chambre et de l’ouvrir. Elle fit un pas et se stoppa dans son élan en voyant une masse noire à ses pieds. Ses yeux observèrent les alentours du couloir. Personne. Ses sourcils se froncèrent alors qu'elle s'accroupissait à hauteur de l'amas qui n'était autre qu'un bouquet de roses pourpres et noires. Un sourire étira le coin de ses lèvres alors que son nez plongea dans les pétales pour humer le parfum qui s'en dégageait. Elle vit du coin de l'oeil une carte blanche et s'en saisit du bout des ongles pour découvrir le mot caché : 

Rejoins-moi, à l’abri des regards dans le labyrinthe de nos secrets, à l’ombre des conifères.

La lunienne secoua son visage d’un air amusé et retourna dans sa chambre pour glisser l’imposant bouquet dans un récipient en argile. Elle y ajouta de l’eau et le fit trôner fièrement sur son autel. Munin croassa près de la fenêtre ouverte, un paquet entre les pattes. Moody pencha le visage sur le côté, incrédule.


« Qui a réussi à t’amadouer au point de t’ordonner de me donner ça ? » demanda-t-elle à son familier.


La Ptérovorcus lâcha sa prise sur le bureau et s’envola à tire d’aile, l’air contrarié. La lunienne ricana faiblement en s’approchant du paquet qu’elle déballa soigneusement pour y découvrir un poignard à la lame translucide. Elle y fit glisser ses doigts et fut prise d’un frisson agréable.


« De la sélénite. » murmura-t-elle en effleurant le manche du poignard fait d’obsidienne où y était incrusté un morceau d’ambre et de saphir sur le bout du manche.


Aucun mot n’accompagnait le présent, mais elle se doutait que cela venait du plus taciturne des Capitaines de la Garde. Moody s’empressa de déposer son nouveau cadeau à côté du bouquet et quitter sa chambre pour rejoindre d’un pas rapide la forge où elle était sûre d’y trouver le Chef de l’Obsidienne. Son odeur boisée envahit le nez de la lunienne lorsqu’elle s’en approcha. Sa tête passa l’encadrement de la porte pour observer l’homme torse nu qui martelait une lame en fusion. Il releva le visage en sentant l’odeur propre à la jeune femme et posa son regard d’ambre sur elle.


« Comment as-tu apprivoisé Munin ? » lui demanda-t-elle.


Valkyon eut un sourire énigmatique en se redressant. Il fit rouler ses larges épaules musclées après avoir posé l’épée qu’il forgeait pour s’approcher d’elle en essuyant ses mains dans un bout de tissu accroché à sa taille. Moody ne se priva pas de reluquer la stature imposante de l’homme qui s’approchait d’elle. Sa peau, plus dorée que celle de son frère, brillait sous une couche de transpiration et laissait entrevoir chaque détail de ses muscles sculptés. Elle humecta ses lèvres en remontant ses yeux vers le visage vers l’homme qui lui tendait sa paume calleuse dans laquelle elle déposa sa petite main. Il déposa un baiser chaud contre le dos de cette dernière et elle frémit doucement.


« Bon anniversaire à toi, petite lunienne.
- Merci, grand chef de l’Obsidienne. » rétorqua-t-elle avec un sourire malicieux.


Valkyon était aussi grand que son aîné et devait à peine avoir deux centimètres d’écart.


« Sache que ce cadeau est en commun avec Lance. Il a eu l’idée de la lame en sélénite. »


Moody lui sourit, avec plus de tendresse en glissant ses ongles contre sa paume.


« Je me suis douté en voyant les petits morceaux de saphir et d’ambre. J’irais le remercier. Et je te suis reconnaissante d’avoir pris le temps de forger cette arme pour mes rituels. »


Il lui embrassa à nouveau le dos de la main avant de déclarer :


« File avant d’être en retard pour ton rendez-vous. »


Elle allait lui demander comment elle savait, mais se ravisa en se rappelant de sa tenue élégante.


« Suis-je belle ? » lui demanda-t-elle d’un air taquin.


Valkyon écarquilla les yeux, prit au dépourvu et ricana en se reculant.


« Tu es la femme la plus vaniteuse que j’ai croisé au cours de toute mon existence.
- Et ta meilleure partenaire, assura la lunienne, pleine de malice.
- Va t’en de cette forge ! » ordonna l’homme amusé.


Moody laissa son éclat de rire briser le doux chant des flammes du four en fusion avant de refermer la porte. Elle se dirigea vers la cantine où Leiftan l’attendait patiemment, vêtu d’un ensemble blanc et élégant. Il lui tendit son bras pour l’emmener hors du quartier général, en direction de la cité. Le couple se dirigea vers un restaurant discret et  Moody profita de ce tête-à-tête avec son ami pour se confier ou simplement parler de banalité. Jamais elle ne le quitta des yeux, s’enivrant légèrement du vin mis à disposition sur leur table. Lorsqu'ils eurent fini leur dîner, la lunienne commanda un dernier verre à emporter. Gaie et enivrée, elle remercia Leiftan d’une accolade chaleureuse lorsqu'il la ramena vers la salle des portes. Erika apparut à la porte de la cantine et Moody adressa un clin d'œil complice à son ami. La lunienne disparut des lieux sans laisser le temps à Leiftan de râler. Elle se dirigea vers ses appartements, l'esprit embrumé par ses pensées. Bien que la journée avait mal commencé, elle s'était très bien terminée. Elle avait reçu des cadeaux merveilleux et se satisfaisait de leur faible quantité. Quand elle avait quitté la cave pour rejoindre l'orphelinat, plusieurs enfants lui avaient préparé des dessins, collier de fleurs et bouquet. Son sourire s'élargit lorsqu'elle bifurqua dans un couloir, ravie.

Sur son chemin, elle croisa le lieutenant de la Garde, les cheveux trempés et tirés en arrière, une serviette mollement attachée autour de ses hanches. Moody détourna le regard pour ne pas s’attarder sur la peau mate et encore humide d'un bain récent. Elle déglutit en tentant d’ignorer son odeur plus prononcée et rempli de tension. Lance était tout aussi pudique que Valkyon. Et c'était un doux euphémisme. Combien de fois avait-elle croisé ce grand guerrier dans les bains dans son plus simple appareil ? Un nombre incalculable de fois. A côté de son cadet, l'aîné paraissait timide. Elle soupira, ce n’est pas lui qui lui ferait détourner le regard. Moody redressa le menton et posa son regard sur ses larges épaules congestionnées par l’effort. Elle dû s’armer de sang-froid pour ne pas suivre des yeux une goutte clandestine qui dévalait le long de ses abdos saillants. Moody se gifla mentalement et se racla la gorge en posant ses billes améthystes dans celles saphirs.


« Merci. Pour le cadeau. » dit-elle d’une voix sobre, malgré ses yeux pétillants.


Lance hocha la tête et croisa les bras sur son torse. Le silence s’installa. Le parfum de l’homme commençait à l’enivrer plus que de raison, elle grogna faiblement en le contournant pour reprendre sa route.


« La vue vous plaît ? questionna Lance.
- Bonne fin de soirée, salua-t-elle d'une voix sourde et sèche.
- Je dois dire que vous êtes très résistante. Vous ne cédez pas aussi facilement à vos pulsions. C'est très grisant. »


Elle se retourna, interloquée. Sa bouche s’ouvrît et se ferma aussitôt. Lance la fixait d’un œil ardent, par-dessus son épaule. Moody sentit son bas-ventre se contracter délicieusement et ses yeux dévalèrent le dos sculpté du guerrier pour tomber sur ses fesses rondes. Le temps d'un instant, elle voulut les saisir à pleine main, juste pour tâter la marchandise. Elle déglutit légèrement et ferma les yeux. Sa tête se secoua de gauche à droite pour dégager ses pensées intrusives et sensuelles. Nevra Nevra, Nevra, se répéta-t-elle inlassablement en reprenant son chemin.

« Et toute résistance finit par céder un jour, car il y a toujours une faille. Vous ne pourrez plus vous voiler la face, ni aller contre votre vraie nature. Je vous laisse profiter de votre vampire, mais un jour viendra, Moody, et je vous ferai découvrir tout ce dont vous avez besoin de savoir. » dit Lance d’une voix caverneuse et chaude.

Elle se liquéfia. Était-ce d’horreur ou de désir ? Moody n'en connaissait pas la réponse. Ses yeux s'écarquillèrent. Elle ne savait pas quoi penser de ses avances et préféra prendre la fuite sous son regard intense. Il grogna et secoua son visage. Que venait-il de dire ? Ses yeux se baissèrent lorsque la petite femme disparut de son champs de vision et observa la légère proéminence contre sa serviette. Cette fois-ci, Lance gronda après son dragon intérieur. Tu es faible ! A chaque fin d’automne, lorsque l’année se rapprochait de l’hiver, son dragon était en rut. Et cela prenait le dessus sur ses propres pulsions. Les années précédentes, l'homme savait gérer ses pulsions. Il domptait parfaitement son dragon. Il aimait le sexe, à dose raisonnable, s’il le faisait trois fois par semaine, cela lui convenait parfaitement. Et il se satisfaisait de sa seule compagnie. Mais depuis Moody, il devait trouver un subterfuge pour vider sa frustration et essayer de canaliser son dragon pour ne pas tenter de s’accoupler avec cette femelle qui ne lui était pas destinée. Plus il repoussait l’idée, plus il voulait enfreindre les règles par intrépidité, par égo d’alpha, par envie de posséder du territoire. Et il devait se satisfaire davantage pour ne pas merder. Miiko ne suffisait plus. Elle n'assouvissait plus son besoin. Son désir. La lunienne occupait ses pensées les plus lubriques. Lance fantasmait à l'idée de la prendre quand il était dans les draps de la kitsune. Il l'imaginait à la place, fantasmait sur ses courbes généreuses, son odeur, cette bouche qu'il voulait faire taire de la façon la plus salace possible… Ça ne l’aidait pas. Il gronda un peu plus fort et retourna dans les bains pour se balancer un seau d’eau froide sur le crâne. Ça suffit !

✧☽

Quelque peu déroutée, la lunienne pénétra dans sa chambre et entreprit de verser le reste du contenu de vin dans son verre. Elle soupira fébrilement en repoussant au fond de sa mémoire sa dernière rencontre. Elle ne devait pas y prêter attention, elle y était arrivée depuis le début. Mais sa façon rauque de prononcer son prénom, de lui enserrer la gorge, de le sentir dans son dos… Moody gronda après sa conscience et quitta sa chambre d'un pas déterminé, avec son verre à la main pour rejoindre son lieu de rendez-vous. Elle prit soin de ne pas reprendre le même chemin. L'homme aux cheveux blancs seraient assez fou pour l'attendre de pied ferme pour la torturer à nouveau. Elle fit la moue en buvant une gorgée de son verre une fois à l'intérieur de la salle de bal. Lance ne devait pas la mettre dans cet état. Plus jamais. Ses talons claquèrent au sol tandis qu’elle descendait vers les jardins privés du Q.G. Son pas fut plus léger dans les gravillons, s’avançant dans les dédales du labyrinthe vers les conifères. Un vent automnal caressa sa nuque chaude. Elle crispa ses doigts autour de son verre, la mine insolente à la recherche de son prétendant.

Illustration par @sini.png (Wounw)

Les faibles rayons de la lune caressa la peau opaline de ses cuisses. Ses améthystes pétillantes de lubricité cherchèrent à travers les conifères la présence du vampire. Elle se laissa guider par la voix de Lune. Une chasse était ouverte et elle sentit son cœur pulser d'excitation dans sa poitrine. Un sourire étira le coin de ses lèvres alors qu'elle commençait à accélérer la cadence de ses pas, tentait de se cacher derrière un tronc. Un bruissement de feuilles lui fit tourner le visage. Subterfuge. Nevra apparut devant la lunienne quand elle reporta son attention devant elle. Moody se stoppa net et murmura :

« Je hais ta vitesse, murmura-t-elle.
- Et moi j’adore t’avoir en proie, sourit-il malicieusement en s’approchant d’elle. Et je sais que ça te plaît de chasser, ton cœur palpite. »

Elle arqua un sourcil et eut son petit air condescendant en portant son verre à sa bouche pour s’enivrer un peu plus. Le vampire glissa une de ses mains autour de sa hanche dénudée. Moody but une gorgée de son vin sans le quitter de ses yeux brillants.

« Cette robe me rappelle des choses. Et ton corps est aussi brûlant que cette fois-là. Voir un peu plus. » constata le vampire.

La lunienne gloussa légèrement en passant son bras libre derrière sa nuque.

« Fais-toi pardonner d’avoir oublié quelque chose, plutôt. » recommanda-t-elle d’une voix suave.

Nevra se pencha vers elle, son œil croisa le regard enivré de sa partenaire qui entrouvrit légèrement ses lèvres. Il passa sa langue sur les dernières traces d’alcool qui imbibait ses chairs avant de répondre à voix basse :

« Finis ton verre que je te fasse valser. Puis si ton corps le veut, je lui offrirai une vague de plaisir et je dormirai avec toi. Tu auras toutes les petites attentions que tu voudras, toutes les caresses et autres massages, pour toute la nuit. »

Elle gloussa une nouvelle fois en frôlant ses lèvres aux siennes. Ce qu’elle aurait pu l’embrasser à cet instant. Moody finit d’une traite son verre et le laissa tomber dans l’herbe à leurs côtés. Elle passa son second bras derrière la nuque de son partenaire qui entreprit à nouveau de lui lécher les lèvres tandis qu’elle collait son décolleté pigeonnant à son torse. Nevra entoura sa taille de ses bras, déposa ses mains au creux de ses reins pour l'entraîner dans une danse lente. Moody déposa sa joue réchauffée par l’alcool contre le creux de son épaule, le regard fixé sur la nature qui les entourait intimement. Ses ongles caressaient paresseusement la nuque de son amant. Il resserra son emprise autour d'elle pour la sentir fermement contre lui, de peur qu'elle s'en aille. Son menton se déposa sur le sommet de son crâne en fredonnant un air que lui seul semblait connaître. Quelque chose de doux et d’intime. Cet instant suffit à détendre pleinement la lunienne, à lui faire oublier sa précédente rencontre, sa colère passagère contre le vampire, sa défaite et tous les petits tracas de sa journée. La voix de l’homme se tut et le chant nocturne reprit ses droits. Moody se hissa sur la pointe des pieds pour blottir le bout de son nez retroussé dans le cou froid du vampire.

« Joyeux anniversaire, petite déesse. » murmura le vampire.

La lunienne sourit et laissa ses mains s’accrocher à l’arrière des épaules de son amant.

« Si tu ne l'avais pas dit avant minuit de la même journée, j’aurais pu te planter un pieu dans le cœur pour avoir oublié.
- Tu n’as pas besoin d’un pieu pour me briser le cœur. » lui fit-il remarquer.

Elle leva un regard interrogateur vers lui, cillant légèrement. Il lui adressa un sourire triste en remontant une main à l’arrière du crâne de la jeune femme qui avait levé la tête, le regard insistant.

« Tu es en train de me tuer à petit feu. J’aime ça. Combien de temps je tiendrai avant de lâcher prise ? Je ne sais pas. Tu es comme ces roses que je t’ai offert, pleine d’épines, à la beauté époustouflante. Insaisissable. Tu ne peux pas les cueillir sans te blesser. Pourtant je l’ai fait. Mais, pour quel but ? »

Moody pinça ses lèvres. Sa bouche devint une simple ligne et son regard se détourna, honteuse. Son cœur se serra puis s’emballa en repensant à tout ce qui lui avait offert, ce qu’il avait à lui donner. Elle perdait à son propre jeu. Elle qui ne voulait pas s’attacher et enchaîner les conquêtes chaque nuit, la voilà en train de désirer de rester dans les bras du vampire qui continuait à la fixer, attendant une réponse. Les mots se bloquèrent dans sa gorge. Un soupir s’échappa de ses narines, la lunienne était tout aussi incapable de faire ce geste qui règlerait tout. A croire qu’elle aimait blesser et faire souffrir. Nevra caressa l’une de ses tresses et reprit :

« Tu ne veux peut-être pas être honnête dans tes sentiments ou tes paroles mais il y a quelque chose qui ne ment, qui ne fuit pas comme toi, Moody. Et cette chose…, dit-il en glissant son doigt contre sa poitrine, à l’endroit exact de son cœur affolé. Est la plus sincère que j’entends depuis notre rencontre. Cela vaut tous les mots du monde. Réfléchis bien et quand je reviendrai de ma mission, je ne voudrais pas entendre que ton cœur. Je veux que tes gestes parlent, que les mots sortent de ta bouche et que ton regard reflète la vérité de ton cœur. Je ne veux plus jouer, je n’y trouve plus de divertissement. Laisse-moi te guider. Fais-moi confiance. »

Moody déglutit faiblement et hocha la tête comme une promesse avant de baisser le regard. Elle s’épuisait à se voiler la face. Ses mains glissèrent le long des bras de son amant pour s’y tenir alors qu’elle blottissait à nouveau son visage contre son torse. Le silence régna entre eux et la lunienne le brisa en murmurant :

« Je n’ai pas envie que tu partes demain. »

Il la serra et la berça d’un rythme lent.

« Tu sais que je reviendrai vite.
- Avant les premières neiges ? demanda-t-elle.
- Avant les premières neiges. » promit-il.

Ce soir-là, elle regretta de ne pas l’avoir embrassé à cet instant, de ne pas lui avoir ouvert son cœur à la place de ses cuisses. Nevra la posséda du bout de ses doigts, sous les draps soyeux de sa propre chambre. Moody raffermit sa prise autour de son désir. Et le couple se satisfit de ce simple plaisir. Il ne la força pas à aller plus loin et elle l’en remercia en se blottissant contre lui. La lunienne craignait de regretter ses au revoir, comme si elle n’avait pas su profiter de l’instant. Comme si la mort se présentait à sa porte. Elle s’ancra contre le torse du vampire qui la rassura avec quelques caresses dans les cheveux, puis le long de son dos nu jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
Le lendemain matin, il n’était déjà plus là mais il avait pris soin de glisser son écharpe dans les doigts de la lunienne endormie. Ils s’étaient mutuellement déchiré le cœur en une seule nuit.

Chapitre 23 - Agonie

Moody sentit un vide se créer dans le creux de sa poitrine alors qu’elle se releva dans le lit de son amant. A tâtons, elle effleura les draps encore chauds et tenta de déterminer depuis combien de temps le vampire l’avait quitté. Les couvertures n’étaient pas assez froides pour que cela dépasse une heure, alors la lunienne se tira précipitamment du lit pour s’habiller à la hâte, délaissant l’écharpe à sa place pour quitter la chambre de Nevra. Ses pas martelaient le sol au rythme de sa course effrénée. Il ne pouvait pas déjà être parti. Il n’avait pas le droit de partir sans au moins lui dire au revoir. Se dire au revoir. La veille, ça ne comptait pas. Son souffle lui brûla la gorge. Elle courait à en perdre haleine. Le froid automnal et la brume lui giflèrent les joues. A peine fut-elle aux portes de la cité qu’elles se fermaient lentement sur la silhouette du groupe de soldats en direction de Balenvia.


« Nevra… » dit-elle à court de souffle, une main sur sa poitrine.


Son cœur affolé manqua un battement quand le vampire se retourna pour lui adresser un sourire triste et un dernier signe de la main tandis que les portes le faisaient disparaître. Elle hoqueta doucement, resserrant sa poigne autour de sa nuisette. Le bruit sourd de la fermeture de l'enceinte de la cité fut le même que celui de son cœur qui chuta dans sa poitrine. Un nouveau vide la fit vaciller.


« Non… murmura-t-elle. Reviens. »


Une paume chaude se déposa sur son épaule, la tirant hors de sa torpeur. Moody sursauta et l’odeur boisée de Valkyon l’enveloppa. Elle reprit conscience de l’endroit où elle se trouvait et de la météo ambiante. Un frisson la parcourut de la tête aux pieds, l’obligeant à croiser ses bras autour de son corps pour maintenir le peu de chaleur qui lui restait. Pathétique. Voilà comment elle se sentait à cet instant, en petite nuisette et escarpins aux pieds. Elle aurait pu mourir de honte mais elle s'en fichait. Cette rupture soudaine la faisait vaciller. La lunienne ne réalisa pas l'ampleur de sa douleur.


« Tu devrais retourner au chaud et continuer ta nuit, tu vas attraper froid. » dit la voix du chef de l’Obsidienne.


La lunienne hocha imperceptiblement la tête et il pressa doucement son épaule avant de l’inviter à le suivre jusqu’à la salle des portes après avoir rabattu une cape en velours autour d'elle. Les autres gardiens ne s’étaient pas levés pour saluer la troupe partie. Seule elle et Valkyon l’avaient fait. Moody marqua un arrêt et jeta un regard au guerrier. Avait-elle l'air misérable et pathétique ainsi ?


« Si jamais tu n’arrives pas à te rendormir, viens assister aux entraînements de ma garde dans deux heures, quand la brume se sera dissipée. » proposa-t-il.


La lunienne eut un sourire pincé et prit congé en silence. Quand elle fut de retour dans la chambre de Nevra, son corps se laissa tomber lourdement sur le matelas et sa tête s’enfouit dans l’écharpe qui lui avait laissé. Moody ravala sa peine en s’enroulant dans le bout de tissu et s’assit au milieu des draps, les jambes repliées contre sa poitrine. Le temps lui semblait déjà trop long sans lui alors que le vampire venait à peine de la quitter. Elle n’arriverait pas à continuer sa nuit sans sa présence. Son regard fixa les draps défaits, vides et froids. La lunienne ferma les yeux en pinçant les lèvres quand son cœur se serra dans sa poitrine. Comment allait-elle faire sans la présence de Nevra ? Pourquoi avait-elle été aussi bête la veille ? Pourquoi continuait-elle de se voiler la face ? Moody avait besoin de lui. Il était devenu essentiel à son quotidien. Un équilibre parfait. Et il suffisait qu'ils soient séparés pour qu'elle s'en rende compte. Pathétique.

✧☽

Ses pas foulèrent l’herbe encore humide par la rosée. Son bras leva la lame de l’épée qu’elle tenait fermement et l’abattit de toutes ses forces contre celle de son adversaire. Un grognement sourd lui échappa alors que ses biceps tremblaient de fatigue. Elle n’avait plus la force de se battre mais n'abandonnerait pas pour autant. L’Obisidien la chargea une nouvelle fois et l’Ombrette para son attaque, l’arme au-dessus de sa tête. Valkyon l’obligea à plier le genou en appuyant sur l’épée qui lui faisait face. Moody céda, lâcha son arme et leva les mains en signe de reddition. Les soldats applaudirent autour d’eux et le chef aida la subalterne de la garde de l’Ombre à se relever d’une poignée de main.


« Tu te défends très bien mais il te faudrait une épée un peu moins lourde que celle que l’on propose ici, dit Valkyon.
- Je me défends mieux avec une lame à courte portée. Le combat à distance n’est pas mon point fort, concéda Moody en grimaçant. Je crois que je préfère le combat rapproché ou ceux avec la magie.
- En effet. Bien que tu sois plus faible sur le combat à distance, tu sais utiliser une épée contrairement à d’autres. Observe le prochain combat, analyse et applique pour la prochaine fois. Orion, rejoins-moi, héla le capitaine de l’Obsidienne. »


La lunienne lui sourit doucement avant d’hocher la tête. Ses bras se levèrent au-dessus de sa tête pour les étirer lentement. On lui tendit une poche d’eau lorsqu’elle s’assit en tailleur dans l’herbe. Moody remercia le gardien qui le lui avait donné et porta son regard améthyste sur le combat qui commençait. Valkyon avait l’endurance d’un loup garou, la force d’un ogre et l’esprit aussi vif que des loutruols. Elle avait du mal à suivre ses mouvements d’épée. Il la maniait avec rapidité et légèreté. Le bruit régulier des lames qui s’entrechoquaient l’obligea à se concentrer sur Orion qui était un peu plus lent mais qui savait imiter les attaques de son chef. Son poignet était souple et la manche de son épée virevoltait au creux de sa paume, tournoyant pour parer ou attaquer. Son corps se mouvait comme celui d’un danseur, esquivant les parades de son assaillant. C’est à ce moment précis que Moody comprit l’importance de ne faire qu’un avec son épée et de la voir comme un allongement de son propre bras. Un sourire étira ses lèvres.



Lorsque midi sonna à la cité, la lunienne suivit Valkyon comme son ombre. Il lui paya à manger et l’amena au cerisier centenaire pour déguster leur bouillon de pâtes et de légumes. Moody s’installa avec une jambe repliée sous ses fesses et entoura son corps de sa cape pour avoir un minimum de chaleur. Elle renifla et entreprit de manger en silence aux côtés du chef de l’Obsidienne. Après quelques minutes, il demanda :


« Comment te sens-tu ?
- Un peu… Vide ? J’ai l’impression de ne pas savoir quoi faire. De tourner en rond. D’être incapable de vivre, répondit-elle honnêtement en haussant les épaules. »


Valkyon lui sourit avec douceur et posa son dos contre le cerisier. L’ambre de ses yeux se leva vers les feuilles en train de mourir. Moody posa son regard sur les mains de son compagnon de repas, l’air absent.


« Comment fais-tu pour supporter la séparation avec ton frère ? » demanda-t-elle de but en blanc.


Interloqué, l’Obsidien arqua un sourcil et reporta son attention sur elle.


« Je ne ressens pas de manque à proprement parler. L’avantage d’avoir un jumeau c’est de toujours sentir ce lien étroit entre nous, comme un fil invisible à l’œil nu. Je ne supporterais pas de vivre sans cette liaison si elle venait un jour à disparaître. A nous deux, nous sommes un seul et même être. Son absence serait insoutenable, déclara le guerrier en se rasseyant correctement puis il sourit faiblement à Moody. Je ne saurais te dire comment je supporte notre séparation autrement… Peut-être que tu trouveras du réconfort dans un lieu ou un objet qui te rappelle la personne qui te manque, pour mieux supporter son absence. Ça ne vaut pas sa présence, certes, mais cela pourrait aider. »


La jeune femme se contenta d’opiner et relever ses yeux vers ceux de son homologue, peu persuadée par ses propos. Valkyon reprit alors :


« Ou alors essaie d’imaginer vos retrouvailles ? Change-toi les idées en faisant quelque chose qui pourrait réellement t’accaparer l’esprit ? Les séparations ont parfois du bon pour se recentrer et déterminer ce qui te bloque vraiment. C’est comme reculer pour mieux sauter.
- Tu as raison, souffla la lunienne en lui adressant un maigre sourire.
- Ce que tu ressens est normal, alors ne t'en rend pas malade. Il reviendra plus vite que tu ne le crois. »


L’Obsidien tapota maladroitement la main de sa voisine avant de reprendre son repas. Les deux soldats restèrent ainsi, silencieux, à déguster leur repas jusqu’à ce qu’une petite musarose pointe le bout de son museau entre les herbes de cerisier, un bracelet de fleurs entre ses dents. Valkyon écarquilla les yeux et gratta l’arrière de sa nuque, un rire gêné lui échappa.


« Floppy…, soupira le grand gaillard, remet ça à sa place s’il te plaît »


Le petit familier sembla attristé par cet ordre et baissa les yeux. La lunienne arqua un sourcil interrogateur avant de questionner :

« Il t’appartient ?
- Elle m’appartient oui. Un cadeau de Lance.
- Oh… Floppy te ressemble dans ce cas, dit-elle sans une once de moquerie.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es quelqu’un de sensible dans le fond. »


Un sourire timide étira les lèvres du chef de l’Obsidienne.


« C’est pour cela que mon frère me l’a offert. »


Moody gloussa doucement et tendit par la suite son index vers la musarose pour effleurer en douceur son pelage.


« Moi, je veux bien de ce joli bracelet de fleurs, déclara-t-elle. »


Le familier lâcha alors le bracelet et poussa du bout de son museau ce dernier en direction de la lunienne qui le passa à son poignet opalin. Elle contempla les fleurs violettes et blanches avant de sourire tendrement.


« Merci, Floppy. »


Valkyon la fixa et la lunienne releva la tête pour sourire malicieusement. Une idée venait de lui traverser l'esprit. Il commença à froncer les sourcils, le regard méfiant. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle mijotait quelque chose.


« Dis…, commença-t-elle.
- Je dois m’inquiéter de ce que tu vas me demander ?
- Ça dépend… Si un grand guerrier comme toi a peur de petits êtres turbulents, alors inquiète-toi, minauda-t-elle. »


L’Obsidien eut un rire franc en croisant les bras sur son torse et en secouant la tête. L'invitant d'une main à exprimer son idée.


« Ça te tente de participer à la Fête des Morts avec les enfants de l’orphelinat et moi ? C’est dans trois jours.
- Il faut que je me déguise ?
-Effectivement, sourit la lunienne en battant des cils pour l’amadouer.
- A voir. En quoi vas-tu te déguiser ?
- En chef de l’Absynthe, railla-t-elle. »


Cette fois-ci, Valkyon rit de bon cœur à l’entente de la première proposition.


« Je suis sérieuse ! En plus les enfants vouent vraiment une adoration pour les chefs de garde… Nevra n’est pas là et je ne suis pas sûre qu’Ezarel ait le temps pour ça.
- D’accord. Mais en fin d’après-midi. Pour le goûter. J’ai des choses à faire. »

Ravie, Moody eut un sourire radieux en levant les bras en l’air. Elle déposa un baiser bruyant sur la pommette du guerrier avant de prendre congé.

✧☽

Elle se dirigea vers la bibliothèque afin d’y retrouver Leiftan qui l’attendait sur le pas de la porte. La jeune femme déposa un baiser sur sa joue lorsqu’elle le dépassa et salua Yhkar d’un signe de main. Elle se dirigea vers la section Ombre pour lire les derniers rapports et éditer les prochaines missions avec l’aide de Leiftan.

« Il serait donc mieux que j’envoie ici un loup-garou en compagnie d’une succube ? demanda la lunienne. Mais il serait peut-être plus simple que j’envoie Mirlak…
-        Mirlak n’a pas de garde. C’est un elfe de passage.
-        Un elfe de passage ? rétorqua Moody qui ne cacha pas sa surprise.
-        Oui.
-     Je croyais que l’on n’acceptait pas les longs voyageurs s’il ne faisait rien pour la cité ?
-        Il a sa place ici.
-        Tu es sûr qu’il n’a pas utilisé ses mots contre toi ? demanda-t-elle, l’air suspicieux. »

Le blond secoua négativement la tête. La lunienne soupira faiblement. Qu’est-ce qu’il pouvait en savoir ? Si Mirlak avait usé de sa parole, il pouvait facilement se mettre une cité dans la poche, diffuser une rumeur comme quoi il avait la possibilité d’être ici, librement et tout le monde trouverait cela normal. Comme la fois où il lui avait ordonné d'aller se percer les oreilles. A ce souvenir, elle effleure une de ses boucles où un croissant de lune pendait et effleurait sa jugulaire. Ça avait été si simple. Elle jaugea Leiftan qui était replongé dans les rapports à ses côtés et haussa les épaules. Bien que le comportement de l'elfe noir soit suspect, il n'était pas une priorité pour l'instant. Mais elle finirait par se pencher dessus si jamais l'ennui lui tombait dessus.


Lorsqu’ils eurent fini, deux heures plus tard, Moody déambula entre les allées de la bibliothèque à la recherche du livre qui répondrait à ses récentes interrogations. Ses bouts de souvenirs l'avaient énormément travaillé. Elle avait conclu que les kitsunes, en plus des dragons, lui apporteraient des réponses sur sa vie à Luna.  Ses doigts caressèrent les reliures des grimoires, son visage se pencha sur le côté pour lire les titres. Sa marche se stoppa et son index désigna un ouvrage sur les kitsunes. La lunienne s’en saisit et retourna à sa place, face à Leiftan qui était plongé dans les parchemins. Il releva à peine le nez. Elle inspira profondément en ouvrant le livre devant elle. Son cœur s’emballa. Était-elle vraiment prête à lire et découvrir ce qu’il se cachait entre ses lignes ? Comment elle réagirait si elle voyait le prénom d’Haru ? Une sueur froide glissa le long de son échine et la lunienne secoua la tête. Il était hors de question de le laisser gagner une nouvelle fois sur sa peur, de prendre le dessus sur elle. Moody releva le menton et lut d’un regard dédaigneux les quelques lignes sous son nez. Leiftan lui jeta un coup d’œil avant de se remettre à l’écriture de son parchemin.


« Depuis quand t’intéresses-tu aux kitsunes ? demanda l’homme à la volée.
-        Depuis qu’ils m’ont pourri la vie et fait devenir celle que je suis aujourd’hui. Et j’ai été assez idiote pour me fier à l’un d’eux. Foutus familiers à neuf queues.
-        Tous les kitsunes ne sont pas comme ça, dit posément Leiftan.
-        Tu n’en sais rien, tu ne connais que Miiko.
-        Et toi tu ne la connais pas, fit-il remarquer. »


Moody leva le regard de son livre pour croiser celui de Leiftan. Elle croisa les bras d’un air renfrogné.


« Elle n’est pas celle que tu crois. Miiko n’est pas ce genre de démon. Pour cause, elle n’a que quatre queues.
-        Parce que le nombre de queue décrit leur caractère ingrat et rusé voire machiavélique ? demanda amèrement la lunienne.
-        Non, répondit Leiftan en secouant son visage. Et je pensais sincèrement que tu n’étais pas du genre à juger une personne sans la connaître.
-        Je ne te permets pas. Tu sais très bien que mes rapports avec Miiko sont peu cordiaux et qu'elle a ouvert les hostilités la première. »


Il eut un sourire amusé.


« Vous vous ressemblez… Un peu, s’empressa-t-il de dire avant que Moody n’explose. Je veux dire par-là que vous n’avez pas vécu quelque chose de facile. Ce n’est peut-être pas équitable de ton point de vue. Mais tout comme toi, elle a été rejetée par son peuple.
-        L’avantage c’est qu’elle s’en souvient, elle, rétorqua sarcastiquement la lunienne.
-      Mais elle n’a jamais voulu de cette vie. Tu as la chance de pouvoir choisir ta voie maintenant.
-        Arrête tu vas m’arracher une larme. »


Leiftan leva les yeux au ciel avant de secouer la tête d’un air contrit et de reprendre :


« Miiko n’a jamais choisi d’être ici. On l’a contrainte à prendre le titre de Cheffe de la Garde d’Eel car personne ne souhaitait cette place. Sa formation fut écourtée lors du décès de son mentor et ancien chef Yonuki Kaze. À la base, elle aurait dû prendre la tête des Terres de Jade du Nord, celles qui regroupent les îles des Kappas et Memoria. Mais ces lieux furent remis aux dragons. Qu’importe. Elle en était la princesse. La première. Un bonheur n’est-ce pas ? Jusqu’à ce qu’on la juge peu puissante pour son espèce et qu’on la qualifie de misérable, pitoyable. Qui voudrait d’une kitsune à quatre queues, alors qu’un de neuf queues et au pelage blanc est capable de gérer Genkaku et réduire les dragons à néant ?
-        Pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ?
-        Parce que tu ne me l’as jamais demandé. »


Moody toisa son ami en silence. Il reprit une fois qu’il fut certain d’avoir capté son attention :


« Miiko a une dégénérescence. Elle est incapable d’avoir plus de queues, même après cent ans de vie supplémentaire, comme il est prévu. Définie comme peu puissante et persécutée par sa sœur, Yonuki l’a prise en charge une fois qu’elle fut exilée de ses propres terres. Par honte et ne voulant pas se battre, Miiko s’est laissée faire. Sa sœur l’a accompagnée jusqu’à nos frontières et Yonuki a rompu tout lien avec les Royaumes du Nord. Miiko a dû céder son trône pour que les relations entre Eel et les Terres de Jade restent cordiales.
-        Et aujourd’hui ?
-     Nous n’entendons plus trop parler des autres kitsunes et aucun ne s’aventure ici. Miyuki, la sœur de Miiko, était promise à Tenjin, celui qui règne sur les terres enneigées de Genkaku et le plus puissant des kitsunes. Mais elle a préféré y envoyer sa servante, Koori. Cette dernière, grâce à ce mariage arrangé, a su acquérir de nouveaux types de pouvoirs pour une femelle : lire dans les pensées, prendre possession des esprits et des rêves. Miyuki, elle, se serait mariée à un certain Haru. Un kitsune des Royaumes du Sud. »


La lunienne se crispa au nom de son agresseur et retint son souffle. Leiftan l’interrogea du regard. Elle détourna les yeux vers son manuel sans rien dire. Le bras droit de l'Étincelante attendit que la lunienne se confesse mais elle n'en fit rien. Il posa sa main sur son poing et reprit : 


« Pour en revenir à Miiko. Elle n’est pas aussi terrible qu’elle en a l’air. Elle a beaucoup fait pour la cité. Elle sait déceler le potentiel des personnes les plus souvent rejetées par leur société et n’hésite jamais à donner une seconde chance, même si elle ne l’admettra jamais. Elle est d’ailleurs à l’origine de la création des terres de Xéchnato, à l’opposé de Memoria. Une île pour les « rejetons ». Si elle est aussi dure avec toi, j’imagine que c’est parce qu’elle craint que tu suives ses pas… Si je peux me permettre, tout le monde a le droit à une seconde chance. »


La lunienne ne répondit rien, tentant de retenir sa jambe de trembler avec nervosité. Haru était encore vivant. Savait-il ce qui s'était passé sur Luna ? Savait-il où elle était maintenant ? Elle déglutit faiblement avant de dire :


« Tu savais que les kitsunes étaient à la base destinés aux alliances avec Luna et que depuis la décimation de mon peuple, je ne sais rien. Aucun n’a essayé de me chercher pour éventuellement m’aider. Même pas Miiko qui peut me révéler des parties de mon passé. Mettre l’accent sur ce que j’ai pu oublier… Et… »


Moody inspira doucement pour se donner de la contenance avant de reprendre d’une voix tremblante :


« J’ai eu une histoire avec ce Haru. Ce n’était pas un bon kitsune. Et lui, je ne lui donnerai jamais une seconde chance. Je veux bien fournir des efforts pour Miiko. J’ai peut-être agi par instinct ou protection, mais pas avec impartialité, il est vrai. Mais c’est difficile. Miiko ne m’aide pas non plus des masses.
-      Je suis désolé pour ce que tu as dû traverser ou subir récemment, de ne pas avoir été là pour te soutenir, dit Leiftan d’une voix douce en prenant la main de son amie dans la sienne. Et je suis ravi des efforts que tu es prête à accomplir.
-        Je ne t’en veux pas. Nevra a été là pour moi. »


Elle marqua une pause pour jouer avec les doigts de son ami d’un air distrait.


« Je suis la première à ne pas accepter les préjugés sur ma personne et je suis prête à défaire ceux que j’ai pour Miiko. Quand elle rentrera de mission, je demanderai une discussion pour mettre les choses à plat.
-        Sage décision, l’encouragea le blond en serrant ses doigts avec affection. »


Moody lui sourit timidement et reprit sa lecture en silence. Elle apprit, en plus de ce que venait de lui confier Leiftan, que les kitsunes avaient été mêlés au Sacrifice Bleu pour exterminer les races les plus faibles, dont les luniens. La fille de Séléné ne pensait pas son peuple ainsi réputé mais après tout… Il y avait peu d'écrits sur eux comme les humains. Ses yeux se relevèrent vers Erika qui s'était installée aux côtés de Leiftan. Moody lui adressa un bref sourire et reporta son attention sur son livre. Le peuple des kitsunes était réputé pour avoir aussi décimé une bonne partie de l’armée draconique et d’avoir tué Ashkore. Le vrai. Le père de Selam. Le grand-père de Shiro. Lentement, quelques pièces s'ajoutaient au puzzle mental de Moody. D'un côté, elle comprenait pourquoi Shiro ne cessait pas de provoquer la kitsune. Si titiller Miiko permettait de faire sortir les autres kitsunes de leurs terres pour faire un génocide, il n’hésiterait pas. La vengeance lui brûlait sûrement les doigts.

✧☽

La lunienne soupira, les bras croisés sous sa poitrine. Cela faisait déjà trente minutes qu’elle attendait qu’Ezarel daigne sortir de l’infirmerie pour l’aider avec l’apprentissage des bienfaits des plantes. Elle grogna faiblement en fermant les yeux, roulant sa tête entre ses épaules. Un bruit de verrou se fit entendre et la jeune femme posa son regard sur la poignée de porte de l’infirmerie. Elle tourna les talons pour avancer vers la salle d’alchimie. Des pas se fit entendre dans son dos et un bras passa autour de ses épaules.


« Alors ! Comment va ma douce Moody ? S’enquit Ezarel d’un ton guilleret. »


La lunienne plissa les yeux d’un air suspicieux et le scruta.


« La prochaine fois que tu as un rendez-vous plan cul avant notre propre rendez-vous, t’es prié de m’avertir que je n’attends pas comme une idiote devant la porte ! railla-t-elle. Je n'ai pas envie d'entendre tes couinements.
- Dit-elle alors que je passe mon temps à attendre un vampire pour un truc entre mecs !
- Oh tais-toi ! Tu es au courant de la situation. Moi je ne le suis pas vis-à-vis de toi ! lui reprocha-t-elle.
- T'es vraiment en train de me faire une scène ? Enfin… Moody, tu viens de découvrir mon petit secret ! Est-ce que ça fait de nous des supers copains ? Ou alors es-tu terriblement jalouse ? sourit-il.
- Tu es en retard, lui reprocha-t-elle en frappant doucement son ventre. »


Elle leva les yeux au ciel en pénétrant dans la salle d’alchimie.


« Quelle humeur de Blackdog ! Tu sais que c’est interdit dans cette pièce ? lui demanda l'elfe, amusé. »


Moody le toisa en arquant un sourcil et croisa les bras d'un air renfrogné.


« Peut-être que si je prenais une potion pour la Fête des Morts et que mes cheveux avaient une teinte un peu plus foncée, et mes canines plus longues, tu pourrais craquer pour moi…, suggéra-t-il. J’ai presque les mêmes oreilles que ton mec.
-        Ce n’est pas mon mec ! Rétorqua-t-elle en faisant la moue.
-        Ça ne saurait tarder…, taquina Ezarel en se dirigeant vers son étagère botanique.
-        Et je te défends de te déguiser en vampire, c’est de mauvais goût ! »


L’elfe ricana et désigna du doigt une chaise où l’Ombrette pouvait s’installer. Moody prit place et croisa les jambes en observant l’étagère remplie de diverses variétés de plantes.


« De quoi as-tu besoin déjà ? questionna le chef de l’Absynthe.
- Quelque chose pour stimuler ma mémoire. Et je voulais qu’on travaille ensemble sur la distillation de racine de Gallyflore et sa création de poudre. »


L’elfe opina du chef en sortant ce dont ils avaient besoin pour la séance. Il prépare un sachet de plantes pour la lunienne avant de le lui tendre :


« Mélange de bacopa, pour la mémoire à court terme et thé vert pour la renforcer, annonça-t-il.
-        Tu n’as rien pour du long terme ? s’enquit-elle.
-     Nous n’avons pas encore de plante miracle pour recouvrer la mémoire… Mais je vais voir ce que je peux trouver quand je retournerai à Xéchnato. »


Moody leva les sourcils et puis les fronça légèrement. Elle se mit plus droite sur sa chaise et se pencha avec intérêt sur la table, les coudes posés dessus, le menton sur ses mains. Ezarel la fixa avec suspicion.


« Je n'aime pas l'air sournois que tu abordes la lunienne, lui dit-il.
- Si tu me ramènes une plante d’oubli, je te jure que je t’arrache tout ce qui t’est de plus précieux au monde, dit-elle pince-sans-rire.
-Ce n’est pas encore mon but, rétorqua l’elfe avec un sourire sarcastique. Quelle idée as-tu derrière la tête ?
- Je pourrais t’accompagner ? demanda la lunienne de but en blanc.
- Nous y voilà. (Il leva les yeux au ciel avant de lui sourire légèrement.) Je n’y vois pas d’inconvénient. J’ai prévu d’y aller d’ici une semaine. J’ai quelques patientes à voir. »


Il marqua une pause et la pointa d'un doigt accusateur.


« Attends. Comment connais-tu cette ville et comment as-tu su m'arracher son nom, sorcière ?
- Parce que je suis une super soldate de l'Ombre, et une sorcière, comme tu l'as dit, sourit-elle malicieusement. »


Ezarel la toisa et n'insista pas plus. Au vu de sa position dans la garde, elle était en droit de connaître quelques secrets. Moody se réinstalla convenablement avec un sourire satisfait. Il semblerait que les étoiles se soient alignées et que Lune ait entendu ses prières inconscientes. Elle pourrait découvrir la ville créée par Miiko et prendre conscience et connaissance de sa bonté. Ou plutôt juger la véracité des propos de Leiftan. Son regard ne quitta pas Ezarel qui déambulait dans son laboratoire pour préparer leur plan de travail avant de détourner son attention sur le grimoire posé un peu plus loin sur un pupitre. Moody attira ce dernier vers elle et tourna quelque page afin de s'intéresser à celle de la Gallyflore. Pendant que la lunienne étudiait consciencieusement les caractéristiques de la plante Ezarel sorti des récipients.

Il lui offrit un cours particulier pendant plus d’une heure sur les vertus et toxicités de la plante étudiée. Avec passion, il en décrit la finalité alchimique. Une poudre parfaite pour faire éternuer les gens en cas d’attaque mais aussi très irritante, ce qui pouvait arrêter spontanément un ennemi dans son élan. En potion, ou poison, la Gallyflore était réputée pour noircir la peau et provoquer des démangeaisons au point d'en arracher le membre touché.


« La bave de Gallytrot est donc un bon antidote ? s’interrogea la lunienne.
- Celle d’un Blackdog est encore plus puissante, lui sourit Ezarel. Nous n’avons pas besoin d’étaler la bave avec sa queue. Le Black Gallytrot soignera volontiers son maître, et ceux avec qui il est proche. Mais il reste très farouche…
- Je vois… Mais si on se fait mordre par un Blackdog, lorsqu’on est en quête de l’antidote, c’est complètement stupide, ça ferait plus de blessé. Donc le mieux serait peut-être d’apprivoiser le Black Gallytrot avec de la Gallyflore…
- C’est toi l’experte en familier ici. »
   

Moody ricana légèrement en lui adressant un clin d’œil avant de l’inviter à poursuivre sa théorie avant qu’ils ne passent à la pratique de distillation. Lorsqu'elle fut libre de partir après cette séance intéressante, la lunienne s'octroya une promenade sous la pluie afin de purifier son corps et apaiser ses pensées. Elle fut reconnaissante d'avoir été entourée aujourd'hui par ceux qui lui étaient proches au sein de la Garde. Une pensée plus mélancolique lui caressa l'esprit, elle ne se sentait pas entièrement satisfaite. La journée aurait pu être mémorable si le vampire avait été là. La lunienne soupira en retournant sur ses pas, se jurant de faire preuve de patience jusqu'au retour de Nevra.

✧☽

C'était une longue agonie. Le temps semblait s’écouler lentement depuis le départ du vampire. Malgré les entraînements, ses nombreuses lectures à la bibliothèque, son travail à l’orphelinat et chez Purreru, Moody ne cessait de penser à lui. A peine deux jours s’étaient écoulés depuis ses récentes activités. La seule chose qu’elle trouva à faire pour occuper son esprit fut d’aider les enfants à préparer l’orphelinat pour la Fête des Morts. Les plus jeunes coloriaient des dessins horrifiques tandis que les plus âgés décoraient les murs avec de fausses toiles de Spadel, mettaient des bonbons gélifiées en forme d’œil de Globulosaurus dans des pots et confectionner leur meilleure boisson aux couleurs du Greifmar.


Le lendemain, la Fête battait son plein dans les ruelles de la cité d’Eel, de nombreux bambins déguisés comme des familiers des contrées d’Halloween, accompagnés de Moody, qui contrairement à ce qu'elle avait annoncé au chef de l'Obsidienne, s'était apprêtée comme sa Ptérovorcus avec son long manteau aux plumes noires, et Valkyon, qui avait pris la peine de jouer le jeu, avait opté pour un costume de Sgarkellogy. Ils gambadaient de porte en porte pour demander une offrande pour les Morts. Ils recueillirent des fleurs séchées, des feuilles d’automne mortes, des fruits moisis, des bâtonnets d’encens… La lunienne resserra sa pélerine sur ses épaules. L’obsidien qui l’accompagnait, maintenait les rangs du bout de sa fausse fourche. Il observa du coin de l’œil la petite femme qui cajolait un jeune enfant fatigué par la marche et dont la tête reposait contre la poitrine de son accompagnante, le pouce dans la bouche. Le petit garçon à la queue pointue, remuait cette dernière d’un air songeur. Moody lui caressa l’arrière du crâne pour apaiser ses craintes silencieuses tout en surveillant le reste de la troupe :


« Non Milo, on ne lance pas les offrandes sur les autres ! Réprimanda-t-elle doucement. Il faut honorer nos morts pour ce soir.
- Vous êtes bizarres vous les Eeliens. Nous à Balenvia, on donne les gens aux sources de nos grottes ! Rétorqua l’enfant myconide, les yeux écarquillés d’étonnement. »


La lunienne prit le temps de lui expliquer dans les grandes lignes ce qu’elle connaissait des coutumes d'Eel et des siennes. Tout semblait symbolique pour elle, mais pour lui…


« Et puis tu sais, moi aussi j’ai besoin que ce soit plus facile pour ce soir. Il faut que les âmes qui se promènent dans le cimetière puissent passer de l’Autre Côté grâce à mon aide, mais pour cela elles doivent se nourrir, dit-elle.
-        Tu es une porte ? Demanda le garçon, captivé.
-     C’est un peu l’idée. » lui sourit la jeune femme en tapotant de sa main libre le sommet du crâne de l’enfant.


Valkyon sentit un sourire étirer ses lèvres. Il trouvait que cet instinct maternel allait plutôt bien à la femelle qu’elle était. Elle était en âge de pouvoir procréer et faire perdurer la lignée de son pays. Qui plus est, des pures races quand elle sera auprès de Shiro. Moody leva le regard vers lui et un sourire ourla ses lèvres avant d’être accaparée à nouveau par des filles qui voulaient absolument comparer et déclarer le meilleur panier d’offrandes récoltées.


Le soir-même, la plupart des citoyens d’Eel se retrouvèrent au cimetière pour continuer les festivités et partager un moment solennel avec leur défunt. Moody se tint à l’écart avec Valkyon. Tous les deux de garde pour cette nuit, ils feraient en sorte que tout se passe pour le mieux. La lunienne prit le temps de faire des offrandes au stèle abandonné et se laissait volontiers effleurer par les fantômes qui passaient près d’elle, à la recherche d’une brèche pour rejoindre l’Astral. Elle s’accroupit près d’une pierre tombale et y déposa un bouquet garni. L’Obsidien l’observa en silence tandis qu’elle psalmodiait à voix basse. Munin se déposa sur son épaule et croassa doucement. La lunienne releva son regard améthyste voilé par quelques éclats plus sombres. Un Bhemoth se posa face à elle.


« Valkyon, tu veux bien prendre mon tour le temps que je fasse passer quelques âmes à minuit ? demanda l’Ombrette sans quitter des yeux le familier. Cela va durer toute la nuit, jusqu’à l’aurore. Et s’il y a un Osstoplasm qui vient perturber la Fête, envoie Munin pour les chasser. Je me chargerai des Greifmar. »


Le chef de l’Obsidienne se contenta d’hocher la tête avec solennité. Quand Moody paraissait ailleurs, il savait qu’elle aidait une âme à passer de l’Autre Côté. Son regard vide et ses paupières qui ne clignaient pas lui permettait de savoir quand elle était disponible pour l’assister. Contrairement à ses différents rituels, elle n’avait pas besoin de quitter son enveloppe corporelle. Elle pouvait la laissait vivre dans l’espace et le temps présent. Il lui arrivait parfois de parler seule, ou plutôt avec un fantôme ou une âme bavarde. Valkyon ne voyait qu’une légère distorsion lorsque c’était le cas. Il avait compris que le Bhemoth permettait aux morts de se diriger vers la porte que représentait la lunienne. Quant aux Greifmars, Moody stabilisait leur envie de donner des cauchemars à toute la population en leur offrant des pierres de lune rechargées à l’énergie de la Nouvelle Lune. Il n’eut aucun désagrément lors de cette Fête des Morts et la lunienne sombra dans un sommeil sans rêve lorsque l’aurore se leva.

✧☽

Les journées passaient et se ressemblaient, les nuitées étaient plus lentes et angoissantes pour la Fille de la Lune qui n’arrivait pas à trouver le sommeil dans sa chambre. Depuis la Fête des Morts, il lui était impossible de s’endormir sans avoir quelque chose qui lui rappelait Nevra. Même Munin n’arrivait pas à apaiser son agitation constante. Moody soupira en se redressant dans le lit beaucoup trop grand pour elle. Ses doigts se resserrèrent sur ses draps avant qu’elle ne les jette par-dessus son corps vêtu d’une simple nuisette en satin. Le froid de la nuit caressa désagréablement ses épaules nues et elle s’empressa de passer l’écharpe de son amant autour d’elle avant d’y plonger son nez pour humer sa faible odeur. Rentrerait-il bientôt ? La saison automnale était bientôt finie et l’hiver approchait. Moody ferma les yeux un instant et les rouvrit aussitôt. Munin lui pinça doucement la peau de la main entre son bec.


« Oui, allons-y. » dit-elle à voix basse en se tirant hors de son lit.


A pas de Minaloo, elle pénétra dans les quartiers de Nevra et s’avança à tâtons vers son lit. Elle enviait presque le vampire d’être nyctalope. Ses doigts heurtèrent une masse enfouie dans les doigts. Cette dernière sursauta alors que la lunienne écarquilla les yeux avec autant de stupeur. Qui osait se blottir dans les draps de son amant ? Moody fut prête à attaquer et laissa ses bras retomber contre son corps quand elle reconnut le grognement singulier de Karenn. La lunienne sentit ses joues chauffaient doucement. Elle se racla la gorge en détournant le regard, reculant d’un pas dans la pénombre de la chambre. Avaient-elles eu la même idée ? Elle n’osa pas demander. Il lui semblait normal que la petite sœur de son amant se réfugie chez lui pour y trouver du réconfort ou un espace plus serein pour accepter son absence. Après tout, la vampire devait se sentir aussi démunie qu’elle face à cette situation. Moody demanda à voix basse, l’index pointé vers la place libre dans le lit :


« Je peux ?
-        Fais ce que tu veux, je m’en fous. Je ne dirai rien, marmonna la vampire en lui tournant le dos.
-        Tu ne diras rien ? répéta Moody, l’air surpris.
-        Je connais votre secret.
-        Notre secret, répéta la lunienne dans un murmure.
-        Oui, soupira Karenn avec exaspération. Votre semblant de relation. Bien que je n’aime pas ça parce que tu me voles la seule chose qu’il me reste ici, je ne t’empêcherai pas de venir ici, dans son lit. Je le fais pour lui, pas pour toi. Je n’ai pas envie qu’il m’en veuille. Alors je ne dévoilerai pas votre secret.
-        Pourtant, tu es du genre à colporter des ragots, fit remarquer Moody en s’asseyant doucement sur le matelas
-        Je n’aime pas ce genre de ragots. »


Le ton fut sec et la lunienne resta interdite quelques instants avant d’hausser les épaules avec indifférence. Elle assumerait sa position et ses choix si la rumeur de son rapprochement avec Nevra venait à se savoir. Elle ne se reprochait rien. Ses doigts prirent le dernier oreiller disponible et y enroulèrent l’écharpe de Nevra avant de se glisser dans les draps. Ses bras enlacèrent le coussin et elle tourna à son tour le dos à Karenn. Sa joue se posa contre le vêtement et son humeur devint plus mélancolique. Elle donnerait cher pour sentir les bras de son amant autour de sa taille. Ses doigts caressèrent d’un air absent l’écharpe, humant le léger parfum qui s’en dégageait et ferma les yeux pour se laisser aller à sa rêverie. Moody imagina sa proximité, ses phalanges contre sa peau nue, ses baisers à l’arrière de son oreille, la sensation de ses crocs qui taquinaient sa chair… Elle resserra sa prise autour de l’oreiller en soupirant tristement.


« Il te manque vraiment ? osa demander Karenn dans un murmure.
-        Oui. » répondit simplement Moody.


Cette réponse sembla convenir au vampire qui n’insista pas.


« Je dirais qu’il me manque terriblement même. C’est une drôle de sensation dans ma poitrine. C’est agréable et déroutant. Ça ne m’est jamais arrivé avec qui que ce soit auparavant. Tu t’en fous peut-être ou tu ne me croiras pas, mais Nevra fait de moi une autre personne. Je ressens des choses… passionnelles pour lui. J’éprouve des sentiments forts à son égard. C’est différent, c’est agréable. Que tu approuves ou non notre relation, je ne m’arrêterai pas de continuer sur ce chemin. Sache que je ne suis pas là pour te le voler ou nuire à votre relation. Le but n’est pas de l’arracher à sa famille. Je ne mettrai pas de distance entre vous et je ne te laisserai pas tout ruiner. Nous devons nous comporter comme les femmes que nous devons être pour lui. Je ne me mettrais jamais entre lui et Ezarel ou toi, ou Valkyon. Je le protégerai et le chérirai du mieux que je peux, le plus longtemps possible. Je n’ai pas non plus besoin que tu répondes à mes paroles, c’était une simple confession sur l’oreiller et j’espère que tu l’entendras, déclara la lunienne sur le ton de la confidence.
-        Tu l’aimes ?
-        Il l’entendra en premier. »

Chapitre 24 - Retrouvailles déchirantes

Le surlendemain, et accompagnée d’Ezarel, la lunienne se laissa guider au travers de la forêt d’Eel pour rejoindre le portail qui leur permettrait de rejoindre Xéchnato. L’elfe avait pris soin de lui bander les yeux pour leur destination, il refusait de lui donner connaissance du chemin pour s’y rendre seule. Seul lui avait la possibilité de se rendre là-bas autant de fois qu’il le souhaitait, avec Eweleïn ou Miiko. Les autres étaient au même stade que Moody, traverser la forêt les yeux bandés jusqu’à ce qu’on lui ôte devant le portail. Sa tête s’inclina sur le côté et ses yeux observèrent le trou vide. Au fond, elle voyait un pêle-mêle de racine. Elle interrogea Ezarel du regard et tourna son visage vers un bruit sur la gauche en même temps que lui.

« Maître Ezarel, salua une voix profonde et gutturale.
-        Cryllis. »

La lunienne cilla légèrement entre les trois, c'était elle la plus petite. Si Ezarel arrivait à peine au poitrail de l’homme ours, elle peinait à atteindre son ventre. Elle adressa un signe de la main. Cryllis était aussi imposant qu’un ogre ou un orc. La race du monstre lui était inconnue et sa gueule d’Ocemas ne l’aidait en rien, ni sa fourrure noire.  L'elfe sentit son regard interrogateur et élucida sa question silencieuse :

« Cryllis est le gardien de ce portail. Chaque bugbears doit surveiller celui qui lui est attitré, de chaque côté. Tu ne peux pas passer sans leur autorisation et sans parchemin de mission de haute garde. (Il se tourna vers Cryllis et d'un geste de la main il désigna son acolyte:) Je te présente Moody, lunienne et bras droit de Nevra, de la garde de l’Ombre, présenta-t-il.
-     Cela doit faire plus de vingt ans que nous n’avons pas rencontré de luniens ici-bas… C’est un honneur Dame Moody, dit l’ours en se grattant derrière l’oreille. Je suis navré pour vos pertes et la destruction de votre portail, ainsi que sa non-reconstruction. Vous avez dû faire un sacré voyage. »

Elle cilla une fois. Puis une autre. Moody se surprit à retenir son souffle, les yeux écarquillés. Elle chercha automatiquement l'éventuel portail qui aurait pu éventuellement l'amener chez elle. Lui donner un nouvel élément de son passé. Elle porta une main fébrile contre sa poitrine. Avait-elle bien entendu ce que lui avait dit le bugbear ?. Son corps se mit à trembler sous le choc et la fille de la Lune fit naviguer son regard de Cryllis à Ezarel, puis de Ezarel à Cryllis en balbutiant :

« Je…, commença la sorcière de la Lune, les yeux pétillants d’émotions.
-        Je suis désolé Moody, mais nous ne pouvons pas tarder. Je suis sûr que Cryllis pourra te donner toutes les informations dont tu as besoin plus tard, coupa Ezarel, la mine contrite, la main sur son épaule. Notre voyage à Xéchnato est limité.
-        D’accord, dit-elle d'une voix chevrotante. Ravie de faire votre connaissance Cryllis. »

Le bugbear hocha respectueusement la tête avant de se tourner vers le tronc de l’arbre. Sa patte plongea dans la besace accrochée à sa ceinture et en sortit des runes qu’il disposa contre le tronc. Un souffle s’échappa du tronc et balaya les cheveux des deux soldats d’Eel. Une lumière bleue naquit en son cœur avant de disparaître et laisser place à un nouveau paysage de forêt. Elle était plus fleurie et en son centre, un chemin de pierre invitait les voyageurs à fouler leur pas dessus. Au bout de l’allée, une jeune femme attendait.

« C’est ton premier voyage. Ça va peut-être un peu te travailler les tripes, prévint Ezarel en prenant la main de la lunienne.
-        Vous avez deux heures, informa Cryllis qui se tenait près du tronc. »

Moody emboîta le pas de l’elfe et traversa le portail. Le temps d’un instant sa vue se brouilla et tout sembla se disproportionner et se distordre autour d’elle. Un son aiguë perça les tympans et quelque chose lui souleva l’estomac. Elle eut l’impression de l’avoir au bord des lèvres et que tous ses autres organes allaient suivre. Quand ils furent de l’autre côté, Moody posa une main contre le tronc, le teint plus pâle que la lune, une goutte de sueur roulant contre sa tempe. Son accompagnateur lui lâcha la main et la regarda la porter à ses lèvres en fermant les yeux. Elle s’autorisa un court exercice de respiration pour se calmer et reprendre contenance. Ezarel attendit patiemment et tourna sa tête vers les bruits de pas qui se dirigeaient vers lui. L’inconnue qui les attendait au bout de l’allée se jeta à son cou en émettant un léger cri de joie.

« Tu es revenu ! Tu m’as manqué, s’enthousiasma-t-elle. Avec qui es-tu venu ? s’empressa-t-elle de demander, le visage penché sur le côté.
-        Moody, dit l’elfe en lui rendant son étreinte. »

Celle qui entendit son prénom rouvrit les paupières et salua l’autre jeune femme d’un signe de tête. Sa beauté candide frappa la lunienne. Elle avait un visage rond et harmonieux, des sourcils peu voyant et fins, un nez plat et une bouche en cœur dont l’arc de cupidon formé un V. Ses yeux étaient aussi étirés en amande que ceux de Moody et pourvu de couleur, la lunienne ne sut discerner ses pupilles de son iris clair. Ses cheveux longs étaient de deux couleurs différentes. Un côté était blond alors que l’autre était brun. Son teint était légèrement bronzé et ne semblait pas avoir d’imperfection. L’inconnue semblait aimer les couleurs pastel à en juger son corset marron et rose. Moody se demanda le temps d’un instant si elle n’était pas une hamadryade, mais au vu des flacons qui pendaient à sa ceinture et un qu’elle tenait entre les mains, les herbes et autres fleurs qui débordaient de sa besace, elle devait être juste de l’Absynthe.

« Je m’appelle Kira ! se présenta-t-elle, un sourire rayonnant sur le visage.
-        Enchantée, dit Moody, contrainte de sourire tout autant qu’elle. »

La lunienne fut impressionnée par sa capacité à la mettre à l’aise. Ses yeux s’écarquillèrent un instant.

« Kira comme… L’amie d’enfance de Huang-Hua ? demanda Moody.
-        Tu connais Huang-Hua ? s’étonna l’autre.
-       C’est une longue histoire, trancha Ezarel. Nous n’avons pas le temps de te raconter l’histoire aujourd’hui Kira, mais à ma prochaine visite, je le ferai.
-        Oh oui, bien sûr, répondit-elle avec une pointe de mélancolie. »

L’elfe lui sourit faiblement et l’invita à passer devant. Moody suivit les deux passionnés de plantes et herbes en silence. Elle écouta leur conversation sans en comprendre un traître mot, excepté lorsqu’Ezarel fit mention de la plante qui lui permettrait de lui faire recouvrer la mémoire. Ils pénétrèrent dans une petit tahu de terre qui faisait office de lieu de vie de Kira. Un lit était dans le fond de la pièce chargée par des fioles, des grimoires et des plantes. Derrière un rideau se tenait un espace de cuisine et un miroir se tenait face à une petite table à manger.

« Pourquoi ne pas tenter de faire une potion à base de ginseng, rhodiole, gelée royale de Spadel et thé vert ? proposa Kira, très sérieusement. Et si tu fais des méditations, te préparer un recueil d’huile essentielle de pin de la région Feng ou de La’Diaygaheim, de la menthe de Genkaku et du basilic de Bäßtēt…
- C’est à prendre en note oui, dit Ezarel. Mais ce sont des ingrédients extrêmement rares et difficiles à trouver pour certains.
- Sauf si on missionne les Purrekos, suggéra Moody.
- Crois-moi, tu ne veux pas être traînée dans les affaires sombres de ces félins, grimaça l’elfe. Et je ne suis pas sûr que Nevra apprécierait que tu mettes ton nez dedans.
Dois-je te rappeler que je travaille quotidiennement avec eux ? railla-t-elle
- N'y pense même pas ! marmonna l'elfe.
- Pourquoi pas ? C'est peut-être un salaire comme un autre…
- Moody… »

Elle lui adressa un sourire flamboyant et carnassier. Le chef de l'Absynthe leva les yeux au ciel avec exaspération, marmonnant quelque chose dans sa barbe. Moody gloussa discrètement.

« Sinon la meilleure solution est de prendre en continue du magnésium, du zinc et des vitamines… En plus de ce que t’as déjà donné Ezarel comme traitement, souligna Kira d'une voix douce.
- Je suis prête à tout essayer pour guérir et recouvrer la mémoire, lui répondit la lunienne. »

Ses sourcils se froncement légèrement lorsqu'elle reporta son attention sur la jeune femme. Son regard semblait absent et Ezarel posa aussitôt sa main sur son épaule. Elle semblait prise dans une torpeur soudaine. Quelque chose remua dans l'ombre de la chaumière et Moody fut sur ses gardes, mais relâcha aussitôt la pression de ses épaules en apercevant une poupée au corps grisé, à la frange droite d'où ressortait une clé dorée pour automate de chaque côté, et aux yeux complètement rouges s'avancer vers Kira. La lunienne plissa les yeux et observa les cheveux noirs et coiffés en deux couettes, levant ses bras cachés par les manches de son yukata violets.

« Eh, reviens Kira, lui murmura Ezarel avec toute la douceur du monde.
- Est-ce que tout va bien ? s'enquit Moody, les sourcils froncés par l'inquiétude.
- Ça dépend, répondit-il vaguement, les yeux posés sur sa consœur.
- Parce qu’ils sont gentils avec moi et essaient de nous aider, dit Kira d'une voix basse et lointaine. (Son visage se tourna vers le miroir et Moody suivit le mouvement afin de contempler leurs trois reflets:)  Ne sois pas méchant s’il te plaît Kiro. »

La lunienne inclina la tête sur le côté et reporta son attention sur Ezarel. Elle l'interrogea du regard en frottant doucement le dos de Kira. La petite poupée émit un léger couinement en regardant l'elfe qui avait dissocié.

« Tu sais ce que sont des döppelgangers ? lui demanda Ezarel.
- Partiellement.
- Les döppelgangers naissent par paire. C'est une ethnie très rare et instable quand la paire est séparée. Ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre, c'est tout un équilibre qui est brisé. Kira a été séparé de son jumeau, Kiro, lors de la prise de pouvoir d'Oth à Fenghuang. Nous avons exilé Kira ici, à la demande de Huang Hua, afin de la protéger elle et son frère. Nous ne l'avons pas encore retrouvé… Nous savons simplement qu'il est encore en vie. Si ce n'était pas le cas, Kira ne serait plus de ce monde. Mais c'est une course contre le temps. S'ils ne se retrouvent pas après dix-sept ans de séparation, ils mourront, afin de ne pas perturber l'équilibre de la vie.
- Avons-nous une quelconque piste ? demanda la lunienne.
- Aucune… Tout ce que l'on sait c'est que Kiro se manifeste au travers de Kira, comme tu peux le constater. Nous devons attendre qu'elle reprenne possession de ses moyens. (Il caressa les cheveux de la doppelgänger avec une douceur que ne lui connaissait pas la lunienne.) Le fait qu'il soit apparu pendant que nous étions là est signe d'un mauvais présage. Kiro annonce la mort ou les malheurs. Nous devrions rentrer dès que possible. »

Moody se contenta d'hocher la tête et observa Ezarel accueillir la jeune femme contre son torse quand elle revint à elle, légèrement déboussolée. Elle bredouilla quelques excuses en attrapant la poupée contre sa poitrine. L'elfe caressa le dos de Kira et attendit qu'elle soit calmée pour la relâcher. La lunienne jeta un regard vers le miroir et se releva à la demande du capitaine de l'Absynthe. Si ce qu'il disait était vrai, alors ils devraient rentrer à Eel pour contrer la prédiction. Elle n'eut pas le temps de visiter les terres de Xéchnato mais la doppelgänger lui promit de le faire quand elle reviendrait la voir. Moody la remercia chaleureusement et le trio, accompagné de la poupée qui était en faite une Bunraku, un familier rarissime, retournèrent sur le chemin du portail où les attendait le bugbear en charge du portail. La lunienne salua Kira avec une accolade amicale et s’enfonça au centre de l’arche après avoir monté les petits escaliers de pierre.

De retour à Eel, Ezarel prit soin de lui bander à nouveau les yeux. Moody attrapa son poignet pour se guider et marcha derrière lui en silence, plongée dans ses réflexions. C'est quand elle trébucha qu'elle reprit conscience de sa présence dans l'espace. Ses doigts serrèrent la main de l'elfe et il lui jeta un bref regard par-dessus l'épaule.

« Oui ? demanda-t-il.
- Merci pour aujourd'hui. Ça m'a fait du bien, dit-elle.
- Vraiment ?
- Oui. Je suis sincèrement touchée que tu prennes part à ma quête personnelle.
- Si je peux aider une amie, alors je le fais tu sais. Je ferais en sorte que tu puisses recroiser Cryllis, je pense que tu as pleins de questions à lui poser.
- Énormément, sourit-elle timidement. (Elle marqua un silence en marchant derrière lui avant de dire:) Je t'aiderai pour la quête de Kira.
- Pourquoi ferais-tu ça ? s'étonna l'elfe.
- Parce que tu es mon ami et que tu n'as pas forcément besoin de parler pour que je te comprenne. Je t'ai observé avec elle. Tu tiens à elle.
- Il faudrait que tu arrêtes de renifler des encens, railla-t-il pour changer de sujet.  »

Et Moody rit de bon cœur en le suivant avec toute confiance.

✧☽

Le temps semblait encore plus long malgré les jours qui raccourcissaient. Eel entamait sa dernière semaine d'automne, les arbres étaient dégarnis de leurs feuilles, la météo n'était plus au pluie diluvienne mais à la fraîcheur hivernale et ses flocons. La lunienne observait le ciel gris et menaçant. L'hiver était au porte de la cité mais ne semblait pas vouloir pointer le bout de son nez. Nevra lui manquait de plus en plus et elle avait l'impression d'agoniser un peu plus chaque jour. Serait-il vraiment de retour dès les premières neiges ? Elle commençait à en douter sérieusement. Moody déglutit doucement et secoua la tête. Elle était trop obnubilée par l'absence du vampire, ce qui parfois lui faisait glisser des doigts un bocal de mini trous noirs ou remplir à ras bord un verre de lait pour un enfant, voire se blesser bêtement et se faire battre par une nouvelle recrue. La lunienne semblait souvent distraite pendant les repas, ce qui valait des railleries de la part de l’elfe à ses côtés. Leiftan et Valkyon préféraient les écouter silencieusement, assis en face d’eux.

« Bah alors, on est dans la lune ? » lança le capitaine de l’Absynthe, tout sourire.

Elle souffla, excédée par son comportement enfantin. Un faible grognement lui échappa alors qu’elle prenait sa tête entre ses mains.

« Ferme-là ! marmonna-t-elle en posant ses paumes contre ses oreilles.
-        Moody ton langage, intervint Leiftan en prenant une cuillerée de soupe.
-        Alors dis-lui de se taire, geignit la lunienne en regardant son plus proche ami.
-        Je me tais si tu réussis un défi. » proposa l’elfe.

Moody lui jeta un regard torve entre ses doigts avant de redresser la tête. Une lueur de curiosité brilla dans son regard améthyste. Valkyon croisa les bras et leva les yeux au ciel. Une moue amusée leva le coin de sa lèvre.

« Ça va mal finir. » commenta-t-il avec lassitude.

Leiftan, qui était le représentant de l'Étincelante, secoua le visage et se contenta de rester muet tandis que le chef de l’Absynthe sourit avec malice, lovant sa joue dans le creux de sa paume, le regard posé sur Moody.

« Si tu veux obtenir mon silence, voici ce que tu dois faire : voler un pot de miel dans le garde-manger sans te faire attraper par Jamon ou Karuto. »

Valkyon étouffa son rire dans son poing alors que la lunienne tendait aussitôt sa main vers Ezarel pour sceller leur pacte. Elle était devenue très vite compétitive et Leiftan pinça l’arrête de son nez, excédé.

« Si tu te fais prendre, je te laisse deux jours dans les caves sans te venir en aide parce que tu l’auras cherché, prévint le blond.
Tu n’as pas à t’en inquiéter, ça n’arrivera pas, fit remarquer la jeune femme, déterminée. »

C’est ce qu’elle avait dit. Et c’était ce qu’elle avait prévu de faire, jusqu’à ce qu'elle se trouve pendue par la cheville de la main de Jamon devant un Ezarel hilare et un Leiftan dépité.

« J’avais dit quoi Moody, s’agaça ce dernier.
Je n’étais pas censée me faire prendre. Les pots de miel étaient trop hauts, bougonna-t-elle comme justification, croisant ses bras sous sa poitrine.
Toi qui me disais que tu avais toujours ce que tu voulais, je crois bien que le destin n’a pas cédé à ton caprice, renchérit l’elfe.
Toi pas voler Moody. Toi être responsable Ombre, réprimanda l’ogre qui ne la lâchait pas.
Mets-la au trou trois jours, Jamon. S'il te plaît, dit Leiftan en tournant les talons.
T'avais dit deux jours ! s'exclama Moody.
Quatre si tu continues à discuter, lui sourit son ami en lui adressant un signe de la main. »

Humiliée, elle décroisa ses bras et accepta sa sentence sans rechigner. Trois jours dans un cachot était surmontable. Sauf quand Nevra envahissait tout le temps ses pensées. Elle se demandait si tout allait bien, si elle lui manquait autant qu’il lui manquait. Ses doigts se posèrent contre sa bouche. La lunienne regrettait de ne pas lui avoir offert un baiser à la dérobée avant qu’il ne la quitte. Ces trois jours au trou lui suffirent pour ne plus recommencer ses idioties et se laisser dépasser par les provocations d’Ezarel. Un soupir passa la barrière de ses lèvres, elle tourna les talons vers la cité pour prendre son poste à l'orphelinat de bon matin. Elle se perdit à nouveau dans ses pensées tandis que son corps la guidait naturellement vers son lieu de travail.
Au départ simple plan cul, Nevra était devenu son obsession. Le vampire lui prêtait toujours son épaule quand elle était dépassée par ses émotions, était le seul à lui procurer des sentiments inconnus et lui donnait envie d’être différente. Elle s’était jurée de ne jamais donner plus que du sexe à un homme ou une femme, de toujours imposer cette règle d’une seule nuit de jeu parce qu'elle considérait que personne ne la méritait. Elle était persuadée de n'être que bonne au sexe et sa réputation lui convenait parfaitement. Mais depuis Nevra… Moody mordit légèrement sa lèvre. Elle voulait être différente pour lui. Ne pas être celle dont ses autres partenaires se souvenaient : une femme qui partait en catimini après leur affaire et qui les ignoraient délibérément en les recroisant. La lunienne avait envie d'être la compagne d'un seul amant. De n'être qu'à lui. Qu'il ne soit qu'à elle. Un sentiment possessif naquit au creux de son ventre et son cœur se resserra. Enfin elle faisait face à ses sentiments naissants. Enfin elle s'en rendit compte. Nevra n'était pas qu'un partenaire de passage. Elle avait besoin de lui. La lunienne était devenue accro à lui, il était le seul à la faire vibrer et à se soucier de son bien-être.
Moody pénétra dans l'orphelinat avec une nouvelle promesse: quand il rentrerait, elle l'embrasserait. Ses joues se mirent à rosir alors qu'elle déposait son gros manteau sur le portant. Était-ce les premiers signes d'un amour naissant ? Elle n'en savait foutrement rien et espérait que Nevra la guiderait sur ce terrain. La lunienne eut envie de taper du pied et de chouiner, elle voulait savoir la réponse maintenant. Ses pensées la torturaient au point de la rendre complètement perdue dans ses sentiments contradictoires. Un foutoir complet. Pourquoi n'était-il pas là, tout de suite, alors qu'elle voulait se confier ? Il lui tardait de le revoir.



Dans le parc de la cité, Moody courrait après les petits garnements excités pour les défouler avant leur repas du soir. Le ciel menaçait à tout moment de laisser tomber quelques flocons et annoncer les premières neiges de l’hiver. Quelques Eeliens commençaient à décorer leur maison de manière festive pour accueillir prochainement Jack, le roi du Royaume du Froid, et ses multiples lutins de Noël. Elle attrapa un bambin en riant et déposa un baiser bruyant contre sa joue alors que Keroshane était encore une fois de plus dépassé par la situation. La lunienne lui vint aussitôt en aide et dirigea la petite troupe vers les tables où étaient disposés des en-cas fruités. Elle les installa à table et les cornes de la ville sonnèrent. Moody s'arrêta dans son geste, en même temps que les enfants et l'homme licorne. Ses yeux s'écarquillèrent et son cœur s’emballa dans sa poitrine. Ses mains se mirent à trembler imperceptiblement. La lunienne jeta un regard affolé vers Keroshane et la purreko qui les avait rejoint pour le goûter des enfants.

« J-je dois y aller, balbutia Moody.
Fais donc ma mignonne, on devrait pouvoir gérer ces petits monstres, dit la féline en faisant un signe de patte. »

Keroshane approuva d’un signe de tête et Moody les remercia en joignant les mains. Elle salua brièvement les enfants avant de se mettre à courir vers l’allée des arches. Elle évita soigneusement les habitants qui se mettaient sur son chemin, et qui se dirigeait eux aussi vers les portes de la cité pour accueillir les revenants. Sa course fut ralentie quand la foule fut plus dense. La lunienne se hissa sur la pointe des pieds pour entrevoir ce qu'il se passait devant elle: rien. Il y avait trop de gens et plus grand qu'elle. Moody soupira et entreprit alors de contourner le peuple pour se frayer un chemin vers les premiers rangs. La liesse retentit dans ses oreilles quand les portes s'ouvrirent. Mais la joie retomba aussitôt lorsqu’elle franchit les dernières lignes, elle trébucha et releva aussitôt la tête. Son regard croisa celui du vampire à l’entrée, la mine fatiguée et fermée. Son cœur s’emballa au point d’exploser et elle se figea en apercevant le cortège de cercueil dans son dos. Le vampire ne resta pas de marbre lorsqu’elle comprit le désastre. La lunienne s’activa aussitôt vers celui qui rompait la distance entre eux.
Son frêle corps heurta brutalement celui de son Capitaine quand il l’attrapa dans sa course. A cet instant, plus rien n’existait autour d’eux, elle n’entendait plus les cris de désarroi et le soulèvement. Nevra l’emprisonna avec force au creux de ses bras. Moody blottit son visage contre son sternum lorsqu’il déposa sa tête au-dessus de la sienne. Elle ressentit sa détresse, son affolement quand elle perçut un faible sanglot. Ses mains se glissèrent le long de son kimono pour le serrer contre elle, ses ongles s’enfonçant dans ses épaules tandis qu’il la serrait au point de lui briser les côtes. La lunienne resta interdite dans ses bras quand un flocon tomba sur le bout de son nez retroussé.

Dessin par Opalescent

Son regard se leva vers lui lorsqu’elle prit conscience que leur étreinte et leur affection étaient étalées sur la place publique.

« Nevra…, murmura-t-elle.
- Il faut retenir Valkyon. Je dois retenir Valkyon, dit-il d’une voix absente.
- Quoi ? Pourquoi ? lui demanda-t-elle avec une pointe d'inquiétude dans la voix. Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Moody se détacha à contrecœur de lui afin d'encadrer son visage de ses mains et tenter de capter son regard. Nevra ne lâcha pas sa prise autour de sa taille. La neige tomba à gros flocons autour d’eux, sur les cercueils qui accompagnaient Miiko. La lunienne écarquilla les yeux en la voyant du coin de l'œil tomber à genoux devant son peuple. Son sceptre heurta le sol. Elle sentit la panique la gagner.

« Je dois retenir Valkyon. Je n’ai pas la force. » répéta le vampire d’une voix sourde.

Tout le monde était là. Miiko, Nevra, les cercueils. Non… Elle recommença à regarder autour d'elle, à tenter de se remémorer les membres partis. Des Ombres, des Absynthes, des Obsidiens. Dirigés par Miiko, Nevra… Moody huma aussitôt l'air, à la recherche du parfum d'eucalyptus. Miiko, Nevra et… Lance. Où était Lance ? Il n’y avait pas une once d’embrun mentholé pour les accompagner. Moody sentit la panique gagner son souffle. Ombre, Obsidien, Absynthe, Nevra, Miiko, des cercueils… La kitsune enfouit son visage dans ses mains pour éclater en sanglots. Une odeur boisée vint aux narines de la lunienne qui se débattit doucement dans les bras du vampire pour échapper à son étau car elle avait compris. Elle avait compris bien trop tard.

« Valkyon est là… Nevra, on doit le retenir. »

Il ne relâcha pas son étreinte. Moody geignit faiblement.

« Karenn. » appela-t-elle d’une voix forte afin de passer au-dessus du brouhaha ambiant et de la panique générale.

La vampire apparut aussitôt à leurs côtés pour prendre en charge son frère. La jeune femme aux cheveux argentés put s’extirper à temps pour repérer le chef de l’Obsidienne. Un grondement effrayant fit taire l’assemblée. Même Moody se stoppa le temps d’un instant, en plein mouvement, tétanisée par ce bruit animal, sauvage qu’elle ne connaissait pas. Elle se remit aussitôt en marche lorsque Valkyon s’approcha d’un pas menaçant vers la kitsune en pleurs.

« Où est-il ? vociféra-t-il. »

La lunienne n'avait jamais vu une telle rage dessinée sur le visage de l’Obsidien. Ni même entendu dans sa voix. Lui qui était de nature si calme. Elle eut une sueur froide et hésita à s'approcher de lui. Son aura était si menaçante. Si brûlante de haine.

« Où est Lance ? Réponds-moi ! hurla-t-il. »

Bien que Moody soit effrayée, elle fit barrage de son corps et s'interposa entre lui et Miiko. Elle posa ses doigts tremblants sur les avant-bras du guerrier et les retira aussitôt en couinant. Sa peau était aussi ardente qu’un feu. La kitsune ne relevait pas la tête et marmonna quelque chose à voix basse.

« Parle plus fort ! OU EST MON FRÈRE ?
S'il te plaît Valkyon…, souffla la lunienne en tentant de capter le regard ambré de son ami. »

Il la toisa avec colère. Moody redressa le menton pour le défier de s'en prendre à elle, malgré les sueurs froides qui lui glissaient le long de l'échine. Jamais elle n'avait tremblé devant les membres de la Garde d'Eel et elle serait capable de le remettre en place s'il s'en prenait violemment à la kitsune effondrée.

«Il est mort. » entendit la lunienne à ses pieds.

Ses yeux s'écarquillèrent. Avait-elle bien entendu ? Moody déglutit péniblement. Elle jeta un bref regard et recompta les gardiens de la mission. Un, deux, trois, quatre… Et les cercueils attirèrent son regard. Que s'était-il passé ? C'était impossible. Lance ne pouvait pas être…

« Mort. Il est mort, répéta Miiko d'une voix serrée. Lance est mort, cria-t-elle en levant la tête vers Valkyon. »

La bouche de la lunienne se mit à trembler. Cette fois-ci elle avait bien entendu et ses yeux se posèrent à nouveau sur Valkyon dont le regard ambré semblait s'éteindre. Elle le vit faire un pas chancelant en arrière et sursauta quand un hurlement lui déchira la gorge. Le silence morbide de la foule acculée autour d'eux se brisa. Le guerrier tomba lourdement à genoux devant elle et la lunienne s'avança aussitôt vers lui pour le serrer contre son ventre. Il éclata en sanglots et s'accrocha désespérément à sa taille. Moody pinça les lèvres et sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses mains passèrent à l'arrière du crâne de Valkyon, son corps se pencha sur lui pour le couver et lui offrir un minimum d'intimité. Miiko répétait inlassablement la terrible nouvelle dans son dos. Mort. Lance est mort.

« S'il te plaît… Tais-toi. » lui intima Moody d'une voix tremblante.

Elle n’arrivait plus à réfléchir. Elle ne réalisait pas la gravité de la situation. Valkyon resserra davantage sa prise autour d’elle comme on s'accrochait désespérément à un rocher en pleine tempête. La lunienne sentit les larmes lui monter aux yeux. Ce fut l’effet d’un couteau dans le ventre. Les épaules de Moody s’affaissèrent, en état de choc. La nausée lui frôlait les lèvres mais elle préféra resserrer la prise autour du corps du guerrier en détresse. Elle ne devait pas le laisser seule dans cette épreuve difficile, parce qu’elle savait à quel point il était horrible de se retrouver abandonnée. Ses doigts caressèrent affectueusement les cheveux blancs de Valkyon qui s’agrippa à elle en pleurant.

« Je suis désolée, souffla Moody en le berçant, je sais à quel point ton cœur hurle de souffrance. Tu n’es pas seul, je suis là. On est tous là pour toi, Valkyon… »

Lui dire que ça irait n’était qu’un mensonge, un pansement qu’on posait sur une plaie béante et qui n'arrêtera pas le saignement. Leiftan traversa la foule pour s’approcher d’eux et sa main, illuminée d’une lumière blanche, se posa sur l’épaule du chef de l’Obsidienne dont le poids se fit plus lourd contre elle. Ezarel les rejoignit aussitôt, en compagnie de Nevra. Moody les regarda avec stupeur. Ils soulevèrent sans difficulté leur ami évanoui.

« Qu’est-ce que tu as fait…, reprocha la lunienne à Leiftan.
- Ce qu’il fallait pour accuser le coup, déclara-t-il.
- Tu le prives de deuil et de chagrin ! s'énerva-t-elle.
Non Moody. (Il posa sa main illuminée contre Miiko qui s'effondra à son tour dans ses bras.) J’ai simplement repoussé leur douleur le temps d’une nuit pour comprendre ce qu’il s’est passé.
- C’est injuste et dégueulasse…, souffla-t-elle. Vous n’avez pas de cœur ni de morale.
- Je te promets que je n'ai pas éteint leur peine… Nous avons besoin de faire une réunion d'urgence.
- Mais tout le monde est en état de choc Leiftan ! On ne peut pas faire ça… On ne peut pas les insensibiliser, dit Moody les mains dans les cheveux.
- Je sais que c'est compliqué mais il faut mettre son empathie de côté, déclara-t-il avec un sourire pincé. »

Leiftan releva la kitsune avec facilité, passa son bras autour de sa nuque tandis qu'il enlaçait sa taille. Miiko semblait sonnée mais lui emboîta le pas jusqu'au Q.G, suivi des trois autres gardiens. Moody resta pantoise en les regardant. La foule se dispersa autour d'elle quand les hautes têtes de la cité disparurent. La lunienne se devait de les rejoindre mais détourna son attention vers les cercueils que les nécromanciens commençaient à pousser. Ils évitèrent soigneusement en passant de part et d'autre d'elle. Son corps frémit quand elle sentit les âmes la frôler.

« Je vous offrirai la paix dont vous avez besoin, promit-elle à voix basse. »

La lunienne était incapable de discerner les spectres perdus autour d’elle et il lui était impossible d’entrer en contact avec l'âme de Lance. Parfois certaines se perdaient sans raison dans les entrailles de l'Astral. Moody leva les yeux vers le ciel enneigé et lança une prière à Lune pour le retrouver et le guider vers les terres bénites.

« Suivez vos cercueils… Vos familles ont besoin d’un dernier moment avec vous, murmura-t-elle. Lance… Suivez ma voix. Et quand vous aurez retrouvé le chemin, manifestez-vous s’il vous plaît pour que je vous aide. Valkyon et vous… »

Seuls les flocons firent écho à sa demande. Les spectres se regardaient entre eux, interloqués et reprirent leur route près de leur cercueil respectifs. La lunienne pinça les lèvres.

« Lance… souffla-t-elle avec désespoir. Votre frère ne doit pas être ainsi abandonné lâchement. »

Même les provocations restèrent sans réponse. Elle baissa le regard et tourna les talons quand elle fut la seule sur la place. Elle ne sait pas combien de temps s'était écoulé et ses pas la menèrent à son tour au cœur de la salle des portes. Les différents soldats de la Garde s’étaient amassés dans cet espace restreint et Moody se sentit compressée, oppressée. Son regard se posa vers la kitsune au centre des marches de la salle. Elle semblait fébrile et la lunienne eut une bouffée d'empathie pour elle. Miiko venait de perdre son ami, son amant et son bras droit en un claquement de doigt. Son cœur se serra. Qu’aurait fait la lunienne si cela était arrivé à Nevra ? Son regard se baissa quand Miiko prit la parole d'une voix à peine audible, lointaine :

« Gardiennes. Gardiens. Nous avons failli à notre mission. Nous revenons avec des morts dans nos rangs. Nous n’avons pas pu sauver ces vies. L’ennemi d’Eel a gagné cette bataille. Il nous a affaibli. Notre cœur est meurtri, blessé. Nos yeux ne tarissent pas de larmes et nos joues les accueillent. Le silence et le froid dévastent nos rues. Moi, Miiko, j’ai manqué à mon devoir principal: celui de vous protéger. Moi, Miiko, assume la responsabilité de ses pertes. Moi, Miiko, honorerai la pensée de nos morts : Lance, bras droit de l'Étincelante, Grino, soldat de l’Obsidienne, Yelord, soldat de l’Absynthe, Naru et Sasu, soldats de l’Ombre… »

La liste des défunts résonna dans la salle des portes et Miiko resta droite. A chaque nom, Moody percevait des gémissements et des cris de douleur. Elle accusait le coup, les yeux fermés, la tête baissée. On dénombrait une vingtaine de pertes dans la garde Obsidienne, trois dans l’Ombre, sept chez les Absynthe. Un dans l'Étincelante. Ashkore avait attaqué les membres de la cité entre deux vallées, à son avantage. Il avait tranché la tête de Lance sous les yeux de Miiko avant de la lancer à ses pieds et de disparaître avec le reste de son corps. Moody déglutit péniblement. Shiro était le genre de monstre qu’il était, à la hauteur de ses crimes.

« Pour nos morts. Pour nos terres. Nous nous vengerons et réduirons à sang Ashkore. Étincelant, Leiftan est élu comme bras droit de la cheffe de cité après notre vote unanime. » déclara Miiko d’une voix grave pour ponctuer la fin de son discours.

Miiko s’éclipsa sous les stupeurs et exclamations, évitant le contact avec son peuple pour s’enfermer dans la salle du cristal dont la porte était gardée par Jamon. Ezarel et Nevra suivirent la cheffe de cité sans broncher, Leiftan ferma la marche. L’ogre se plaça devant la salle et n’en bougea plus. Les citoyens se dispersèrent lentement. Certains optaient pour la cantine, d’autres pour s’enfermer dans leur chambre. Moody s’assit sur les marches où se tenait auparavant Miiko et ramena ses jambes contre sa poitrine. Son regard se fixa sur la porte de l’infirmerie. Elle y sentait l’odeur de Valkyon et se promit d’aller le voir dès qu'elle y serait autorisée. La lunienne serait là pour lui. Il ne pouvait décemment pas vivre ce deuil tout seul. Son regard se détourna de la porte qui s'ouvrit, elle n'avait pas la force d'affronter Eweleïn ou imposer sa présence dans ses locaux.

✧☽

La nuit tomba sur la cité et la lunienne n’avait pas bougé de sa place, les yeux rivés sur Jamon. Elle attendait que Nevra sorte de la salle. Moody ressentait le besoin et l’envie d’être près de lui, de se plonger et de s’étouffer dans son étreinte. Un soupir passa la barrière de ses lèvres lorsqu’elle déposa son menton sur ses genoux. Les gens autour d’elle commençait à se rendre dans leur quartier et elle comprit qu’elle avait oublié de manger en voyant Karuto quitter la cantine. Jamon fit un pas sur le côté et la lunienne releva la tête. Le vampire l’aperçut et d’un signe l’invita à le suivre. Elle se releva prestement, épousseta le bas de sa jupe et dévala les quelques marches. A bonne distance, elle accompagna son amant dans le dédale des corridors jusqu’à sa chambre. Il ouvrit la porte et la laissa entrer quand ils furent sûrs que personne ne rôdait dans les parages. Moody passa sous le bras de son amant et marqua un arrêt jusqu’à ce qu’il ferme la porte.
Son corps se tourna vers le sien quand elle entendit le loquet se verrouiller. Elle n’eut pas le temps d’inspirer que Nevra la cueillit précieusement entre ses bras. La lunienne s’accrocha à sa nuque et plongea son nez contre la peau froide de son cou. Le vampire froissa ses vêtements à force de les enserrer, sa joue se posa contre la sienne et il ferma les yeux pour la bercer. Un long silence les accablait. Aucun des deux ne voulait commenter ou s’exprimer sur cette situation. Ils voulaient juste se retrouver, profiter de cette accalmie, oublier tout ce qui se tenait derrière la porte. Moody eut un léger soupir en faisant frotter le bout de son nez contre la peau du vampire.

« Nevra…, murmura-t-elle.
Je ne veux pas parler des atrocités que j'ai vu. Je ne veux pas parler de tout ça. Je suis fatigué. Laisse-moi juste profiter de tes bras. »

La lunienne hocha faiblement la tête, acceptant son choix. De toutes manières, elle ne voulait pas non plus tergiverser. Elle voulait simplement profiter de son retour et oublier, le temps d'un instant, tous les problèmes extérieurs à leur bulle. Les reporter au lendemain.

« Je ne veux plus jamais être séparé de toi, dit-il à voix basse. Je veux te protéger coûte que coûte. En voyant Miiko, j'ai compris que je ne voulais pas te perdre, que ça me détruirait. J'ai réalisé combien tu m'étais précieuse et indispensable. »

La lunienne pinça ses lèvres et laissa ses mains s’agripper aux bras de son amant avant de se détacher légèrement de son étreinte. Son cœur s’affola quand elle croisa son œil gris. Elle laissa ses doigts caresser affectueusement la joue de l’homme. Elle se décida à ne plus réfléchir. Elle s'était promis de faire avancer les choses. Sa bouche s'entrouvrit légèrement et ce fut, cette fois-ci, au tour de Nevra de légèrement s'écarter d'elle pour la fixer. Moody pinça les lèvres et déglutit. Son corps était au bord du malaise tant il se mettait en alerte. Elle lui avait promis et il le lui rappela en appuyant légèrement son index contre l’emplacement de son cœur affolé. La lunienne hocha faiblement la tête et se donna du courage pour affronter son regard.

« Je suis là, souffla-t-elle. Je resterai près de toi. Ne me quitte plus. Ton absence m’a été insupportable. Je… J’ai cru défaillir. (Ses joues se mirent à s'empourprer et ses doigts se serrèrent autour des bras du vampire qui la tenait fermement.) Je suis désolée pour tout le mal que j’ai pu te faire. D’avoir joué avec toi en pensant que je pouvais tout contrôler comme je le voulais. J’ai dépassé les limites et je ne veux pas recommencer ce jeu sournois. Malsain. Je ne veux plus avoir mal et faire du mal pour évacuer ma colère. Tu sais que je ne rampe pas aussi facilement à tes pieds, mais ce soir je veux le faire. Et pour tous les autres jours à venir. Parce que je te l’ai promis, parce que j’ai ressenti à nouveau cette douleur de perdre quelqu’un. Que j'étais vide sans toi. Tu sais, je suis vaniteuse, artificieuse et dépravée. Je suis jalouse, possessive et lunatique. Et aujourd’hui, je suis prête à déclarer que je ne supporte pas l’idée de te partager, que les autres n’éveillent plus rien chez moi. Je ne sais pas ce que tu me fais mais continue, je t’en supplie. Guide-moi, apprends-moi… Sois mien comme je serai tienne. Rassure-moi, embrase-moi, embrasse-moi, contrôle-moi, aime-moi… »

Sa voix était empreinte de tendresse, ses joues étaient enflammées et son souffle court. Elle déglutit en prenant le kimono de son amant entre ses doigts, au niveau de son torse. Il remonta son index sous son menton pour lui faire lever le visage, elle reprit aussitôt :

« Je ne suis pas prête à te dire ces trois mots que tu attends, même si je les pense très forts. Ma manière à moi est différente. C’est compliqué de parler comme je le fais maintenant. Et je te jure que je serai capable de vomir tant je suis paniquée. Alors… Je vais le faire à ma manière. Je vais te l'exprimer autrement. Laisse-moi te dire trois autres mots: fais-moi l’amour. »

A cet instant, elle était devenue vulnérable et fragile. Nevra resta pantois devant sa déclaration mais se ressaisit rapidement pour prendre le visage de la lunienne en coupe. C’était celle qu’il aimait. Cette face-là d’elle. Et toutes les autres. Il resta muet et Moody enchaîna sans s’arrêter :

« J’ai besoin de toi, de ta présence, ton corps, tes bras. J’ai envie que tu me fasses passer par toutes les émotions. Qu’elles me soient inconnues ou non. Je veux que tu me possèdes et je veux te posséder. Et je t’en supplie, dis quelque chose, fais quelque chose, ne me laisse pas comme ça. Je suis à deux doigts de frôler l’arrêt cardiaque…
Je l’entends, oui… murmura le vampire, une pointe d’amusement dans le fond de sa voix. »

Elle leva les yeux au ciel et se déroba de son emprise. Comment pourrait-elle lui prouver la véracité de ses propos ? Nevra allait parler mais elle l’ignora en se penchant soudainement. Il arqua un sourcil et la regarda faire. Elle se débarrassa de ses chaussures à hauts talons. Sa petitesse était un gage d’honnêteté et elle releva sa tête pour l’affirmer devant le vampire. Elle lui arrivait à peine aux épaules mais elle s’en contre fichait. Moody se mettait à nue pour lui, affirmait ce qu'elle était du haut de son mètre cinquante-cinq. Elle assumait.

« Je t’en supplie. Punis-moi, prends-moi, jette-moi, fais ce que tu veux mais par pitié, je t’en conjure… Je ne vais pas y arriver toute seule et je me sens vraiment idiote. »

Il se pencha vers elle, à quelques centimètres de son visage, les mains croisées dans son dos. Nevra la scruta d'un œil attentif et ne put retenir son sourire enjôleur ourler le coin de sa lèvres. La lunienne suivit attentivement sa pommette se creuser dans sa joue et une bouffée de chaleur lui embrasa le visage. Elle allait vraiment s'évanouir à cause du flot d'émotions qui la traversait.

« Donc ce que tu essaies de me dire depuis tout à l’heure… C’est que tu as des sentiments pour moi, c’est ça ? Tu me fais une déclaration ?
Oui, déclara-t-elle en soutenant son regard.
Prouve-le. »

Le cœur de Moody s’emballa une nouvelle fois après avoir loupé un battement. Le vampire lui avait bien spécifié qu’il ne voulait pas que des mots. La seule chose qui les maintenait encore à distance était la stupide règle qu'avait imposé la lunienne : pas de baiser s’il n’y avait pas de sentiment. Mais aujourd'hui, c’était précieux et significatif. La sélénite prit le visage du vampire entre ses petites mains et, sans réfléchir, l'attira à elle pour déposer ses lèvres contre les siennes avec une ferveur soudaine. Elle grogna faiblement en le sentant sourire contre sa bouche tandis qu’il prenait en main ses hanches pour la rapprocher de lui. La lunienne se mit sur la pointe des pieds lorsqu’elle se sentit assez proche de son corps. Ses doigts glissèrent à l’arrière de la nuque de son amant, l’incitant à rester près d’elle. Sa bouche s’entrouvrit quand elle sentit sa langue quémander l'accès. Elle accueillit son baiser langoureux en fermant les paupières. Leurs langues entreprirent une valse lente et ardente. Moody s’embrasa aussitôt lorsqu’il l’obligea à reculer. Nevra rit faiblement contre sa bouche. Elle leva les yeux vers lui sans se détacher de ses lèvres, soufflant son prénom. Il attrapa en douceur sa mâchoire pour se séparer un court instant.

« Tout doux, ma belle. Tu pourrais avoir une crampe. »

Moody tourna son visage quand il chercha à reprendre le cours de leur activité. Il croqua sa pommette et elle couina. Nevra murmura à son oreille :

« Pour être sûr… On peut reprendre tout depuis le début ? En sachant, que la conclusion est que tu viens de rompre ta règle d’or: je n’embrasse jamais mon partenaire. Le baiser est sentimental. Le sexe ne l’est pas.
Je veux bien reprendre tout depuis le début si c’est toi qui m'embrasse à la fin, railla-t-elle à voix basse. J’ai transgressé à une autre règle : je ne couche jamais une seconde fois avec une même personne.
C’est vrai ça. Que de progrès… Et te voilà ce soir à me demander de passer la nuit ensemble.
Et toutes les autres, souligna la lunienne en posant son menton contre son torse, la tête levée vers lui.
Je crois que tu as aussi insinué que tu voulais que je sois tiens…, rétorqua-t-il en glissant ses doigts contre sa joue pâle
Tu es vraiment un tortionnaire quand tu t’y mets. (Elle fit une mine faussement boudeuse et marmonna:) Tu es à moi.
Tu es mienne. Mais as-tu des sentiments pour moi ?
Guide-moi, murmura-t-elle en enroulant ses bras autour de sa taille.
Que dis-tu ? demanda-t-il sur le même ton
Fais-moi l’amour. »


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OST - Alone with you

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Son regard éperdu soutint l'œil pétillant de joie du vampire. Elle cilla à peine quand il commença à la guider vers un mur de sa chambre où il l'accula. Sa main remonta le long de son flanc pour effleurer le galbe de sa poitrine encore cachée. Combien de fois avait-il pensé à elle quand ils étaient séparés ? Combien de fois l’avait-il fantasmé et désiré ? La lunienne entrouvrit légèrement ses lèvres quand il pencha son visage vers le sien pour les lui effleurer des siennes avant de murmurer :

« Je crois que tu ne te rends pas compte à quel point j’avais envie de ce moment et de l'effet que ça me fait. Tu m’as terriblement manqué et je vais te faire mienne, comme je l’entends. »

Son ton était une promesse. Une confession. Moody eut un faible gémissement quand il empoigna l’arrière de ses cuisses pour la soulever sans difficulté. Elle noua ses bras à l’arrière de sa nuque quand il fondit sur ses lèvres. Il l’embrassa avidement, voracement, langoureusement. Comme si c’était la première fois. Le vampire mordit la lèvre de la lunienne avant de s’en détacher. Elle crut être étourdie par ce flot passionnel. A l’aveugle, il se dirigea vers le lit qui n’attendait plus que leur union. Qui ne se doutait pas de ce qui l’attendait. Nevra déposa sa maîtresse au centre des draps avant de se redresser. Son œil observa la beauté lunaire baignée par la lumière de son astre favori. Il se pourlécha les lèvres en défaisant son kimono sous le regard avide de la lunienne à la jupe retroussée sur les cuisses. Lorsqu’il fut plus à l'aise, dans son justaucorps noir et son pantalon moulant, son corps serpenta au-dessus de celui de Moody pour l’obliger à s’allonger, une jambe entre les siennes.

Sa bouche captura ses lèvres tandis que ses mains obligeaient les bras de sa partenaire à se mettre au-dessus de sa tête. La lunienne soupira lascivement contre son visage, la bouche entrouverte quand le vampire lui bloqua les poignets.

« Consens-tu à ce que je te fasse l’amour ? demanda-t-il d'un ton solennel.
- Comme si c’était la première fois, répondit-elle en levant ses yeux vers lui. »

D’un geste doux, il effleura à peine sa joue sans la quitter des yeux. Il la contempla, splendide sous les rayons de l’astre nocturne. Le vampire remarqua quelques scintillement sur son épiderme, baissa le regard vers son épaule guérie et fondit dans son cou pour y grogner bassement. La main qui ne tenait pas celles de la lunienne glissa à sa cheville pour l’obliger à la replier contre sa hanche, faire glisser le tissu de sa jupe sur sa peau opaline et lui faire découvrir une nouvelle passion. Moody eut un nouveau soupir en penchant son visage en arrière sous les baisers enflammés de son amant qui descendait lentement, mais sûrement, vers son décolleté pigeonnant. Son souffle court et lourd traduisait son excitation certaine pour lui. Son corps dansait lascivement contre le sien, cherchant des frictions aussi intimes que torrides.

« M’autorises-tu à te déshabiller ? souffla le vampire contre la peau de sa poitrine.
Oui, soupira la lunienne en baissant le regard vers lui. »

Son corps se cambra lorsqu’il lâcha ses poignets pour venir s’atteler au délaçage de son corset. Elle glissa ses doigts dans les cheveux noirs de son amant, amena son visage vers le sien pour capturer ses lèvres à nouveau. Plus il l’a déshabillé, plus elle approfondissait son baiser. Moody coinça sa chair entre ses dents pour la mordre puis la tirer avec possessivité quand sa poitrine fut libérée de sa prison de tissu. Nevra dessina la forme de sa silhouette, posséda ses seins dans le creux de ses paumes en grognant faiblement. Il se détacha de ses lèvres pour souffler :

« Je vais d’abord te posséder, puis je te ferai l’amour, autant de fois que tu le souhaites. Jusqu’à ce que le jour se lève. »

Le vampire se redressa pour se débarrasser avec nonchalance de son justaucorps sous le regard éperdu de la jeune femme allongée. Il la laissa caresser son ventre quand il balança son haut au travers de la pièce. Elle gémit quand il replongea contre son corps brûlant de désir. Nevra chérit aussitôt sa poitrine en la prenant en coupe dans ses mains. Il se pencha sur elle pour laisser le bout de sa langue taquiner ses pointes dressées avant de s'attaquer à l'un de ses seins pour redessiner le galbe de ses lèvres. Il serpenta aux creux de ses rondeurs et d’une traînée de baisers, dévala sur son ventre jusqu’à l’élastique de sa longue jupe qu’il retira en l’espace d’une seconde. Moody se cambra à nouveau et glapit faiblement en le regardant se libérer de son propre bas pour se mettre à genoux, au sol, à ses pieds. Son visage entre ses jambes, Nevra embrassa avec tendresse et affection les marques qui striaient sa chair blanche.

« Ma déesse lunaire, murmura-t-il en cajolant de ses doigts les cicatrices à sa portée, ce que tu es belle. »

Moody sentit son cœur fondre dans sa poitrine et étouffa un faible sanglot dans le creux de sa paume. Son regard se baissa vers son amant et sa main glissa à l’arrière de son crâne pour lui retirer son cache-œil. Il lui adressa un sourire empli de gratitude et de confiance. Lorsqu’il se redressa, ses bras capturèrent le corps de la lunienne pour la soulever sans difficulté et se diriger vers la fenêtre pour y caler sa partenaire sur le rebord. Elle l’accueillit volontiers entre ses cuisses et accepta son baiser langoureux. Moody soupira avidement contre la bouche de son partenaire qui glissa ses mains autour des ses hanches nues pour se saisir de son dernier vêtement.

« Je vais te posséder. Te faire mienne avec l’accord de Mère Lune. Je veux t’entendre soupirer, gémir et crier mon prénom. Je te veux toi, toute entière. M’acceptes-tu ? Mère Lune me permet-elle de te voler ? »

La jeune prêtresse écarquilla les yeux, bouche bée. Son corps prit en température et elle osa jeter instinctivement un regard vers la lune voilée par quelques nuages. Elle crut voir l’astre lui sourire. Ses améthystes se reposèrent sur son amant borgne et ses doigts effleurèrent sa joue tandis qu’elle hochait la tête. Il menait la danse, le jeu et elle y consentait. Moody n’était plus maîtresse de cette partie. Il la guiderait et elle se laisserait aller.

« Oui. » souffla-t-elle en soutenant son regard.

Nevra lui adressa un sourire narquois et fondit sur ses lèvres pour un énième baiser passionné. Il remonta ses mains le long de ses cuisses pour se saisir de son dernier vêtement et le faire glisser jusqu’au sol. Le vampire saisit ses hanches, l’approcha du bord et elle sentit son désir gonflé entre ses jambes. Moody détacha sa bouche de la sienne pour soupirer avec envie. Elle redessina sa mâchoire du bout de ses lèvres, embrassa sa fossette avant de dévaler le long de son cou. Ses petites mains descendirent le long des flancs de Nevra pour atteindre son sous-vêtement qu'elle fit glisser sur ses cuisses avant de le laisser s'échapper de ses doigts pour qu'il tombe à ses chevilles. Il grogna de satisfaction en se libérant de sa prison de tissu et le dégagea d'un geste habile. Ses doigts attrapèrent la mâchoire de sa partenaire, se présentant près d’elle.

« Ne me quitte pas des yeux. Regarde-moi. Fais-moi confiance. Laisse-moi t’admirer pendant que je te possède, ma déesse. » murmura Nevra.

Elle sentit son cœur s’emballer, manquer de s’échapper de sa poitrine quand il la pénétra d’une lenteur déconcertante. Les traits de la lunienne s’étirèrent en une moue extatique au fur et à mesure qu’il la possédait de toute sa longueur. Centimètres par centimètres. Moody eut un soupir fébrile quand leur deux corps ne formaient plus qu’un. Ses lèvres se mirent à trembler alors que sa main s’immisça à l’arrière du crâne de son amant, serrant ses cheveux entre ses doigts. Nevra ne fit aucun mouvement. Il sentait son corps vibrer autour du sien. Elle leva un regard éperdu vers lui, soufflant son prénom du bout de ses lèvres. Ce rapprochement était grisant. Ce besoin était enivrant. Les doigts qui dévalèrent le long de sa chute de rein et qui effleurèrent sa marque l’électrisa de désir. Elle ne put retenir son coup de bassin. Le vampire grogna de contentement.

« Que la Mère Lune soit notre témoin. » dit-il en mouvant lentement ses hanches entre ses cuisses.

Spectatrice de leur acte d’amour et de désespoir passionné. Moody se laissa tomber dans les bras de Nevra en toute confiance, se laissa envahir par l’ocytocine, le désarroi et le bonheur de partager ce moment avec lui. Sienne. Il était lent et tendre dans ses mouvements, ce qui décontenança Moody qui était habituée à y aller plus vite et plus fort. Un soupir lascif lui échappa quand Nevra l’embrassa, la jeune femme sentit son cœur s’emballer, son corps se coller au torse frais du vampire. Leur baiser était langoureux, les yeux clos, la lunienne se laissait guider par son amant sans jamais reprendre le dessus. Quand il se détacha de ses lèvres, elle murmura son prénom suavement. Le vampire se retira pour s'enfoncer à nouveau de toute sa longueur afin de l’écouter gémir et la voir renverser la tête sous la lumière de son astre. Moody était voluptueuse, sensuelle et ne cessait de dégager son aura sexuel. L’une de ses mains glissa sur la nuque de son amant qui la contemplait pendant leur acte. Il n’y avait rien de plus excitant de se sentir possédée et aimée avec ce genre de geste. Ses souffles étaient chauds. Ses gémissements étaient dédiés au prénom de son vampire. Moody se laissa aller en arrière, arcant le creux de ses reins tandis que Nevra lui maintenait la taille. La lunienne se donnait à lui, à sa Mère Lune. L’acceptation, la dévotion, l’amour. Nevra l’admirait, l’écoutait. Ses crocs s’étaient allongés avec le désir qu’il éprouvait pour elle, il tenta de dompter sa nature en enfonçant ses doigts dans la chair blanche de la jeune femme. Moody se redressa légèrement en entendant son grognement bas et colla sa poitrine à son torse. Le vampire posa son front contre le sien alors qu’il se stoppait au fond d’elle.

Les amants de l’Ombre se fixèrent, haletants et euphoriques. La sélénite enlaça le cou de son amant alors qu’il enserrait son corps de ses bras. Le couple se fondit dans un cocon intime qui leur appartenait et où les soupirs et les murmures résonnaient. Nevra reprit une cadence soutenue tout en écoutant attentivement la lunienne prendre du plaisir. Lui-même se laissa aller avec ses propres complaintes. Ils s’appelaient désespérément et se liaient profondément.

« Ne t’arrête pas. » lui souffla la lunienne en se cramponnant à sa nuque.

Le vampire gronda doucement à son oreille, emprisonna ses lèvres des siennes pour savourer son plaisir contre sa langue. Il la sentit trembler imperceptiblement autour de ses hanches, au bord du précipice, de sa petite mort. Nevra ralentit sa cadence et elle s’électrisa de frustration. Ses améthystes soutinrent avec envie l’œil du borgne, la bouche entrouverte.

« Ne pars pas. Pas tout de suite. Laisse-moi me joindre à toi. » lui intima-t-il.

Elle embrassa du bout des lèvres ses canines étirées et qui accentuaient ses zozotements. Ses doigts enserrèrent la tignasse de son amant en soupirant :

« Viens avec moi. »

Son œil pétilla d’une lueur malicieuse et il reprit ses assauts. Les deux amants s’enlacèrent avec force alors que le plaisir brûlait au creux de leur rein et de leur bas ventre. Moody glapit en se resserrant autour de lui. Nevra gémit fébrilement à son oreille en se sentant partir. Ils s’accrochèrent à l’autre alors que leurs corps tremblaient l’un contre l’autre, foudroyés par un plaisir sournois. Le vampire manqua de perdre pied et se retint de justesse contre le rebord de la fenêtre. Moody sentit le poids de son amant s’écraser contre sa poitrine et jouit avec lui, les ongles enfoncés dans sa nuque, les yeux écarquillés. Il ne voulait pas quitter son corps. Il savourait les petites décharges d’ocytocine autour de lui, les bras tremblants de vulnérabilité. Elle grogna faiblement, groggy et prise de spasme extatique. Son visage rougi se glissa dans le creux du cou de son amant. Nevra eut un petit rire en blottissant sa joue contre son crâne, dégageant sa joue de ses longs cheveux afin de l’embrasser de petits baisers.

Son corps glissa lentement hors du sien sans se détacher d’elle. Moody eut un léger frisson et leva ses yeux vers lui. Il lui décocha un sourire en coin en la soulevant avec nonchalance pour la promener vers son grand lit afin de l’y allonger et se placer au-dessus d’elle, entre ses cuisses balafrées.

« Maintenant que Mère Lune a été témoin de notre premier orgasme, je vais te faire l’amour. » dit le vampire en plongeant son regard dans le sien.

Moody mordit sa lèvre en se cambrant doucement sous ses paroles. Elle hocha imperceptiblement la tête et leva son visage pour intercepter son baiser fiévreux. Les doigts de Nevra serpentèrent sur ses côtes, remontèrent à ses aisselles et l’obligèrent à lever les bras au-dessus de sa tête. Elle frémit et sentit la pointe de ses seins durcir contre son torse saillant. Ses cuisses s’écartèrent naturellement pour l’accueillir au plus profond de son être. Il emprisonna ses mains au-dessus de sa tête, glissa ses doigts entre les siens. Moody leva son regard éperdu et épris vers son visage, resserrant sa poigne autour de la sienne.

« Ma déesse.
- Mon vampire. »

Cette nuit-là, le couple consomma leur relation jusqu’à l’épuisement de leurs ondulations. Ils se découvrirent à nouveau, explorèrent de nouvelles sensations et se lièrent dans une promesse silencieuse jusqu’au première lueur du soleil hivernal où ils s'endormirent dans les bras l'un de l'autre, dans le cocon de leurs ébats.

Chapitre 25 - Fantôme du passé

Cinq jours s'étaient écoulés depuis qu'un cri enragé avait résonné dans l'infirmerie avant que Miiko ne soit attaquée par une force sauvage, primitive, vengeresse dans les escaliers. Celle d'un Valkyon désemparé et brutalisé par la perte de sa moitié. Quatre jours qu'il se terrait dans sa chambre sans en sortir. Trois jours que Moody toquait à sa porte, attendait et remplaçait le plateau de nourriture de la veille. La lunienne attarda son regard sur la porte en bois et y déposa doucement sa main.

« Je t’ai apporté ton repas et celui de Floppy. Il faut que tu prennes des forces avant l’enterrement. (Elle marque une pause en se pinçant les lèvres avant de reprendre d'une voix douce comme si elle apprivoisait un familier:) Je sais que c’est dur Valkyon, mais je sais aussi que tu es fort, que tu surmonteras cette épreuve. Ne fais rien de désespéré et n’hésite pas à me solliciter si tu en as besoin… » dit-elle au bois.

Moody soupira faiblement en resserrant le poing contre le bois qui la tenait séparée de l’homme. Elle se recula d’un pas et tourna la tête vers le vampire qui l’attendait patiemment, les bras croisés, une épaule contre le mur. Il s’approcha d’elle, déposa furtivement un baiser sur sa tempe et caressa sa joue avant de se détacher d’elle.

« On repassera le voir après notre entraînement. » dit le capitaine de l’Ombre.

Elle hocha la tête et lui emboîta le pas en silence, les mains croisées devant elle. Moody jeta un dernier regard vers la chambre du chef de l’Obsidienne avant de reposer son attention devant elle. Ses yeux se posèrent sur le dos du vampire qui marchait à bonne distance. Elle redressa le menton, arbora un air détaché et rejoignit son capitaine en quelques enjambées pour convenir du programme de la journée pour leurs soldats. Ils prirent soin de ne pas trop se frôler ou se sourire bêtement. Le couple avait convenu de ne pas trop en dévoiler sur leur relation naissante, ne voulant pas être au centre des ragots. Leur discrétion était leur force et leur permettait, parfois, de se voler un baiser au détour d’un couloir ou de se jeter un regard qui en disait long. Seules la nuit et Lune étaient témoins et gardiennes de leur secret. Chaque soir, à l’abri des regards, ils savouraient leur relation et s’octroyaient le droit de se laisser aller.

Les Ombres traversèrent la salle des portes et se dirigèrent vers la cave. Ils descendirent les marches et saluèrent les équipes déjà présentes. Moody attrapa ses longs cheveux d’une main habile pour les nouer en haute queue-de-cheval avant de se mettre à côté de Nevra, les bras croisés sous sa poitrine. Elle toisa les différents soldats avant de les jauger en silence, une expression figée sur son masque de fer. Même si la lunienne était, et restait, provocatrice et libertine, sa personnalité changeait radicalement. Depuis qu’elle avait cette nouvelle fonction au sein de la garde, elle devenait plus consciencieuse et directive.

« Echauffez-vous, ordonna-t-elle d’une voix froide. Aujourd’hui nous allons apprendre une danse des corps. Non lascive, précisa-t-elle, le coin de sa lèvre se retroussant avec malice. »

Et elle n’avait pas non plus perdu de sa répartie. Certains levèrent les yeux au ciel, d’autres sourirent avec amusement en s’activant aussitôt. Moody jeta un coup d’œil vers le capitaine de l’Ombre et lui offrit son petit air le plus satisfait et condescendant.

« J’imagine que tu mènes la danse, dit-elle. »

Nevra eut un rire silencieux en se détournant d’elle pour retirer son kimono, ses gants et sa ceinture. La lunienne apprécia un court instant la vue de son corps moulé dans son justaucorps et son pantalon d’entraînement. La finesse de ses muscles qui roulaient sous le tissu déconcentra la jeune femme. Elle se racla la gorge et rejoignit les rangs afin de prendre la tête de l’échauffement. Lorsque que les soldats de la garde de l’Ombre furent prêts, Nevra prit la parole :

« Ombres, j’aimerais que nous voyions aujourd’hui une nouvelle approche de combat, pour nous différencier des autres gardes. Si les Obsidiens sont connus pour leur rage de vaincre, les Absynthes pour leur sournoiseries, nous sommes celle qui affaiblit l’ennemi depuis l’intérieur. Il vous arrivera parfois d’être une autre personne lors de votre mission. Notre force est la discrétion et la récolte d'informations. Le combat rapproché l’est aussi, mais il se peut que vous n’ayez pas d’arme sur vous pour vous défendre. Je veux qu’aujourd’hui nous nous intéressions à l’art martial. Nos meilleures armes sont nos mains et nos pieds, en plus de notre cerveau, dit-il avec un sourire malicieux. Débarrassez-vous de vos chaussures. »

Les soldats s’exécutèrent sans rechigner en même temps que leur chef. Le vampire invita ses troupes à observer sa technique de combat avant d’appeler sa sœur à se joindre à lui. Karenn lui sourit avec malice en se plaçant à côté de lui. Elle ne cachait pas sa fierté d'assister le chef de l'Ombre à l'instar de son bras-droit qui les jaugea avec attention.

« Bien que cette technique soit un art martial, elle est aussi une manière d’entraîner votre esprit et d’atteindre votre maîtrise de soi par des mouvements de combat. Nous sommes futés mais pas des bêtes de combat. Notre endurance et notre souplesse augmenteront notre force physique. Qu’importe votre corpulence et votre taille, souligna-t-il avec malice à l’attention de sa subalterne. (La lunienne allait rétorquer mais il lui adressa un clin d'œil taquin avant de reprendre:) Notre corps est notre arme. Celle-ci se base sur des techniques d’attaque et se concentre sur les surfaces d’impact réduites, comme le bol du pied et la tête des phalanges. Nous visons les points faibles de notre adversaire et verrons, au préalable, des techniques de blocages de leurs attaques. Bien sûr, tout ne viendra pas en un jour. Karenn et moi connaissons cette technique depuis notre enfance car elle est un art dans notre tribu. Je ne doute pas que vous arriverez un jour à donner des coups de pieds retournés et sautés. Mais commençons d'abord par les bases… Soyez attentifs. »

La sœur du vampire prit la même position que son aîné : de côté, jambes fléchies, un bras contre sa taille, l’autre tendu devant elle, paume ouverte face aux soldats. Tous deux poussèrent un cri et se mirent en rythme pour effectuer différentes techniques de l’art martial qu’était le taekwondo. Leurs poings exécutèrent une chorégraphie précise puis leur pied, à différente hauteur et souplesse. Les vampires étaient capables de lever leur jambe, chacune leur tour à quatre-vingt-dix degrés sans aucun effort et frapper avec autant de force. Moody cilla et resta tout aussi pantoise que ses coéquipiers devant ce spectacle. Son regard suivait et observait la grâce féline de son amant. Bien qu’il montrait une technique de combat, elle semblait voir en lui un danseur qui sommeillait. Il ne manquait aucun rythme et donnait de la volupté à ses gestes, comme si des tambours remplaçaient ses poings et ses pieds, que ses sauts périlleux étaient une suite de notes provenant d’un instrument à vent. Le duo reprit leur position initiale puis s’inclinèrent pour saluer, acclamés par les Ombres. Nevra eut un sourire satisfait et déclara :

« Tous les coups sont permis, sauf à l'entraînement. Vous ne porterez que des coups au-dessus de la ceinture, pour le bien des hommes de l’assemblée. Messieurs, interdiction de toucher les poitrines de nos jolies ombrettes. Ne pensez pas non plus à vous défigurer pour le moment, réservez ces attaques à nos ennemis. Choisissez un partenaire et commençons l’entraînement. »

Tous se dispersèrent et Nevra obligea Karenn à se mettre avec Moody. Les deux jeunes femmes firent la moue en fixant leur chef.

« J’ai besoin que mon bras-droit soit aussi compétent que moi, ou ma sœur. » dit-il comme seul excuse avant de les laisser sur le carreaux.

Elles se toisèrent en silence, se jaugèrent avec méfiance. Karenn passa le bout de sa langue sur l'un de ses crocs et railla :

« Dommage que je ne puisse pas te refaire le portrait.
Dommage que je ne puisse pas t’enfoncer mon pied dans le cul, rétorqua aussitôt la lunienne avec un sourire carnassier. »

Karenn sentit sa lèvre s'ourler avec amusement avant de prendre la tête de leur entraînement. Elle devait se l’avouer, Moody n’était pas mauvaise à ce genre de technique de combat. Elle comprenait rapidement les positions à adopter malgré son manque de souplesse. La lunienne se laissa distraire quelques instants. Ces techniques, du moins les coups de pieds donnés en plusieurs angles, lui rappelaient ce que lui avait fait subir Lance à Balenvia. Elle reçut malencontreusement un coup contre sa côte puis son flanc et en eut le souffle coupé. Karenn fronça les sourcils.

« Reste concentrée et protège cette partie, idiote. Ne te laisse pas couper le souffle bêtement, tu ne pourras plus te défendre, la sermonna la vampire en fronçant les sourcils. »

Moody grogna faiblement en se tenant la côte. Sa partenaire ne lui laissa pas de répit et reprit avec elle les premières attaques apprises.

« Yop tchagui. » scanda la vampire.

La lunienne se plaça latéralement, leva sa jambe et frappa du tranchant de son pied l’épaule de Karenn qui eut un sourire satisfait.

« Dui tchagui. »

Moody se retourna et tapa de son talon, jambe en arrière. Puis plissa les yeux en entendant le dernier ordre de la sœur de Nevra.

« Neryo tchagui. »

La plus petite des deux manqua de glisser en reprenant une position de face pour marteler, comme un marteau, du plat de son pied, le bras de la vampire.

« Mom dollyo tchagui. »

Moody tomba lourdement sur les fesses en voulant entreprendre le saut afin d’attaquer de son autre jambe. Karenn explosa de rire en se tenant le ventre. La lunienne grogna en posant son bras sur son front, vaincue. Elle persévéra jusqu'à ce qu'elle arrive à faire ce foutu mouvement.

✧☽

Moody se mit à geindre en marchant vers le canapé où était installé le vampire, en pleine lecture d’un rapport. Il releva son œil et sourit avec malice en la suivant du regard. Elle avait voulu esquiver les étirements et le regrettait amèrement. Son corps s’avachit aux côtés de son amant et s’allongea sur ses jambes croisées. Nevra déposa une main sur la hanche de la lunienne en ricanant faiblement.

« J’appelle ça de la maltraitance, déclara la lunienne. J’ai des bleus partout et ta sœur s’est déchaînée sur moi.
- Je pense que tu dramatises un peu, rétorqua le vampire en caressant d’un air distrait la rondeur de sa courbe, l’œil replongé dans sa lecture. Tu la remercieras plus tard.
- Et moi, je pense que tu devrais prendre soin de moi en étalant de l’arnica sur chacune de mes blessures, marmonna-t-elle.
-Les endroits de tes blessures ne sont pas intéressants à toucher. »

Lorsque Moody ouvrit la bouche, avec un air faussement choqué, Nevra rit de bon cœur en se penchant vers elle pour embrasser sa joue. Elle évita soigneusement son baiser en se tournant à plat ventre. Il remonta sa main le long de son dos pour le caresser du bout de ses doigts avant de se loger à l’arrière de sa nuque pour la masser. Moody ferma les yeux en se détendant.

« Tu n’as pas choisi le taekwondo par hasard, fit-elle.
- C’est vrai. C’est dans l’optique de pouvoir vous défendre face à Ashkore. Qui n’est autre que Shiro, l’un des meilleurs ninjas dragons. »

La lunienne sembla se figer un instant au nom de leur ennemi et osa un regard vers le vampire, toujours plongé dans sa lecture.

« Lance, nous a tout expliqué avant notre départ à Balenvia, expliqua-t-il. Et j’ai vu Shiro se battre contre moi. Je n’étais pas à la hauteur mais ma technique m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui. Je ne veux pas risquer de te perdre si un jour tu viens à l’affronter lui ou ses semblables. Je ne veux pas le voir t’arracher la vie, ou le sentir t'éloigner de moi à jamais. Je ne le supporterai pas. Je ne sais pas comment Valkyon peut supporter cette perte, ainsi que Miiko. J’en serai incapable. » déclara le vampire.

Moody se redressa péniblement pour venir se blottir contre son amant, le visage contre son épaule. Nevra détourna son attention pour la regarder dans les yeux.

« Shiro est puissant, très puissant. Je ne suis pas sûr qu’on sorte vainqueur de cette prochaine guerre. Le Sacrifice Bleu n’a pas su les arrêter.
- Il doit bien y avoir une solution pour un traité de paix.
- Tu en es l’objet et je ne le laisserai pas me séparer de toi. Les vampires et les dragons ne sont pas très amis, et ce depuis la nuit des temps. Je ne comprends pas pourquoi tu es sa convoitise. Ça ne me plaît pas.
- Mais je peux peut-être négocier ? Faire un pacte ? proposa la lunienne. Si je suis le centre d’intérêt de cet abruti de lézard à ailes de chauve-souris, je peux trouver un compromis.
- Arriverais-tu seulement à négocier avec l’homme qui a détruit ta ville de naissance ? »

La lunienne pinça les lèvres et le vampire enlaça sa taille pour la serrer un instant contre lui, pour toute excuse.

« Je saurai être juste pour qu’il ne fasse pas plus de mal autour de lui, déclara Moody en baissant le regard vers le rapport pour le lire en diagonal. Quelle réponse cherches-tu dans ce texte ?
- Comment on a pu en arriver là.
- Ne te blâme pas pour ça… La guerre est faite d’injustice. Tu n’es pas un mauvais soldat. »

Nevra déposa un baiser contre la chevelure métallisée de sa partenaire avant de soupirer en délaissant le parchemin.

« As-tu pu voir Valkyon aujourd’hui ? questionna-t-il.
Non, mais il a au moins mangé un peu de ce que j’ai apporté ce matin. Et c’est une bonne chose. »

La lunienne leva les yeux vers son amant et entreprit de passer à califourchon sur ses cuisses en faisant une petite moue. Elle se pencha en avant pour lui voler un baiser et il eut un léger sourire.

« Tu veux te détendre un peu, avec moi ? proposa-t-elle, le visage penché sur le côté.
- Tu es insatiable, s’amusa Nevra.
- Fallait pas être aussi bon mon mignon, sourit la lunienne en nouant ses bras à l’arrière de sa nuque. »

✧☽

L’enterrement de Lance approchait et Valkyon n’était toujours pas sorti de sa grotte depuis les sept derniers jours. La neige tombait à gros flocons à l’extérieur et les festivités de l'hiver étaient réduites au silence, par respect pour les défunts. Les mains sur les hanches, Moody fixait la porte qui la séparait du chef de l’Obsidienne. Discrètement, elle huma l’air pour y déceler son odeur particulière avant de grimacer.

« Tu sens le bois mort, Valkyon. Sors de là. » railla-t-elle assez fort pour qu’il puisse l’entendre.

Un grognement lui répondit et un sourire ourla le coin de sa bouche.

« Si tu ne m’ouvres pas, je trouverai un moyen d’entrer par effraction. Ne sous-estime pas mes capacités à crocheter une serrure ou à escalader un pan de la tour du Q.G, fit-elle remarquer. Tout le monde s’inquiète pour toi et ce serait honteux de te faire sortir par une femme qui mesure à peine un mètre cinquante-cinq. »

Moody s’était rendue compte la veille qu’en persécutant et en provoquant le guerrier, Valkyon réagissait. Elle croisa les bras en entendant le cliquetis de la porte et releva ses yeux vers ceux enflammés de l’Obsidien qui s’isolait depuis une semaine. Il avait les traits tirés et son aura sombre ne fit aucunement reculer la lunienne.

« Habille-toi. Il ne fait pas chaud dehors, ordonna-t-elle d’une voix douce. »

L’hiver s’était bien installé sur les contrées eldaryennes et Moody avait opté pour un long manteau noir et fourré au-dessus de sa longue robe argentée. Ses jambes étaient emmitouflées dans des bas de coton et ses épaules sous d’épaisses fourrures violettes. Ses mains étaient délicatement recouvertes de gants chauds et à ses pieds, une paire de bottes faisaient l’affaire pour qu’elle n’ait pas froid aux orteils. La porte se referma et elle enfonça ses oreilles dans l’écharpe qui protégeait sa gorge. Ses longs cheveux avaient été tressés et enroulés autour de son crâne avec soin par le vampire. Quelques minutes plus tard, Valkyon sortit enfin hors de sa chambre en grognant. Moody lui adressa un faible sourire en prenant sa main entre ses petites paumes. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa barbe négligée et piquante. Son regard croisa le sien.

« Jusqu'où es-tu prêt à sortir ? demanda-t-elle.
-        Cerisier. »

Elle hocha la tête, se contentant de cette courte réponse. Sa main ne lâcha pas la sienne et elle marcha au travers du corridor des gardes pour se diriger vers la place du marché. Les murmures et les regards n’étaient pas des plus discrets, mais Valkyon ne sembla pas les relever. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Et encore plus taciturne qu’à l’accoutumée. Moody pressa en douceur sa main lorsqu’ils déambulèrent vers le cerisier centenaire. La neige avait cessé mais menacé toujours de tomber. Elle vit du coin de l’œil l’Obsidien expirer une large bouffée d’air avant de s’asseoir lourdement sur le banc enneigé. La lunienne prit place à ses côtés et leva ses yeux vers les branches de l’arbre alourdies par les effets de l’hiver. Aucun n’osa briser le silence entre eux. Moody croisa ses mains sur ses longs jupons et décida de le faire.

« Est-ce que ça te fait du bien de prendre l’air ? questionna-t-elle. »

Valkyon haussa les épaules d’un air détaché.

« Est-ce que tu veux boire un chocolat chaud ou alors un vin chaud ? proposa la lunienne en penchant son visage sur le côté. »

Elle eut la même réponse mais ne se découragea pas pour autant. Sa main se posa sur l’épaule du guerrier.

« Ne bouge pas, je reviens. »

Il s’exécuta lorsqu’elle s’éclipsa vers un stand qui déambulait non loin d’eux. Elle revint avec deux verres dont la fumée dansait dans l’air. Elle se rassit à ses côtés et lui confia le chocolat chaud à la cannelle entre ses mains calleuses. Valkyon jaugea la boisson en silence et Moody le fixa.

« Je ne vais pas y aller par quatre chemins, parce que tu sais que le tact n’est pas mon point fort. Et encore moins la diplomatie. Ça fait sept jours et on approche du moment fatidique. Tu te laisses pourrir dans ta chambre, tu sombres doucement, tu fais peut-être des choses insignifiantes aux yeux des autres mais pas pour les miens. Tu te tues à petit feu, tu marques ta peau de nouvelles cicatrices et tu attends que la Mort vienne aussi t’envelopper dans son manteau. Tu agis avec la crainte et l’espoir de ne pas avoir de lendemain. (Elle inspira doucement et prit une voix sur le ton de la confidence:) Je ne serais pas une bonne amie, ni une bonne guerrière si je ne te tendais pas la main, Valkyon. Je ne peux pas, et ne veux pas, te voir partir pour ensuite te sentir comme une âme perdue. J’ai besoin de toi. Ezarel, Nevra, Miiko, la Garde, la cité… Tout le monde. N’agis pas stupidement sans avoir exprimé ce qui se cache au fond de toi. »

L’Obsidien leva les yeux vers elle, les doigts resserrés autour de son godet. La lunienne soutint son regard et croisa même les jambes pour marquer son indifférence face à sa colère et ses airs menaçants. Elle arqua un sourcil et hocha la tête pour l’inviter à continuer dans sa lancée. L’odeur de Valkyon envahit ses narines et ses yeux ambrés captivèrent toute son attention. Elle vit dans le fond de son regard des flammes danser avec vengeance. Son parfum s’intensifia et son dos se mit droit pour imposer sa présence. Une posture dominatrice qui ne fit même pas ciller la petite femme. C’était un combat intérieur entre les deux soldats d’Eel. Un combat de mâle contre femelle pour Valkyon. Son dragon soupira, vaincu, et courba l’échine devant la prestance de la future reine de Drachenversteck. L’homme gronda faiblement et rompit leur contact visuel. Moody sentit la pression quitter ses épaules et se réinstalla confortablement sur le banc sans comprendre ce qu’il s’était passé.

« Je me sens vide, seul et sans repère. J’ai perdu ma moitié. Ma seule famille. J’angoisse d’être dans deux jours, de voir le cercueil de mon frère, de le voir à l’intérieur. La tête pitoyablement recousue sur un corps qui n’est même pas le sien. Je crains de ne pas être digne pour ses funérailles, de faillir à tout ce qu’il m’a inculqué. De ne plus être à la hauteur. Ne plus le sentir à mes côtés me rend fou. Ne plus flairer son odeur si rafraîchissante, libératrice. J’ai l’impression d’étouffer sans son parfum d’eucalyptus... » dit Valkyon d’une voix rendue rauque par l’émotion.

Une confession risquée. Une perche tendue maladroitement. Le guerrier évita le regard interrogateur de la lunienne qui pencha son visage sur le côté, les sourcils froncés. Comment était-ce possible qu’il distinguait l’odeur de Lance autant qu’elle ? Valkyon pouvait-il aussi déceler d’autres fragrances, comme celle de Shiro ? Elle entrouvrit les lèvres pour rebondir dessus mais se ravisa quand il la fixa à nouveau, le regard voilé par la tristesse et la honte.

« Il était comme un baume à l’eucalyptus qui te dégage les bronches, qui t’apaise, te permet de respirer à nouveau… - - C’est l’impression que j’ai depuis qu’il est parti. Parce que j’étouffe, j’angoisse, je deviens fou. J’ai l’impression de le voir partout comme s’il me hantait, dit-il avec un trémolo dans la gorge, baissant le regard vers le sol.
- C’est normal Valkyon… C’est comme ça que le deuil s’insinue en toi. Tu n’es pas fou, tenta de rassurer la lunienne en posant une main sur la sienne. C’est une première étape dans ce long chemin. »

Elle manquait cruellement d’empathie et s’excusa en pinçant les lèvres. Moody n’avait jamais été très compatissante mais s’efforçait de l’être pour l’Obsidien à ses côtés. Et cette histoire d’eucalyptus la travaillait plus que de raison. Sa tête dodelina pour évacuer cette pensée. Ce n’était pas le moment. Elle serra sa main dans sa petite paume, sa voix se fit plus douce, ses yeux posés sur son visage :

« Tu n’es pas seul Valkyon. Je sais ce que c’est d’être sans sa famille, la solitude et la tristesse. De vouloir disparaître à petit feu. Je comprends ta peine et ta souffrance. Je suis là, les autres sont là et on te soutiendra coûte que coûte. Ne te laisse pas avoir par les pensées sournoises de la Mort. »

Elle marqua une pause quand il plongea son regard dans le sien. Elle lui adressa un faible sourire.

« Je ne sais pas ce que tu voudrais entendre et je suis sûrement la plus nulle des personnes pour conseiller. Mais une chose est sûre: Lance aurait voulu ne pas te voir baisser les bras devant cette tragédie. Tu n’es peut-être pas le jumeau le plus extraverti mais tu es une force de la nature, je n’en doute pas. Tu n’as pas besoin d’être avec lui pour être qui tu es. Tu arriveras à affronter tes peurs, à te construire sans lui. Ça ne veut pas dire que tu l’oublieras, il sera toujours près de toi. Tu arriveras à vivre sans lui, même si ce sera dur au début. Tu as perdu ton repère, le seul remède à tes blessures mais je t’assure qu’on s’en sort toujours. »

Valkyon serra les doigts fins de son amie dans sa paume, un sanglot menaçant de s’échapper de sa gorge serrée. Moody déposa son gobelet de chocolat chaud à ses côtés pour se tourner entièrement vers lui, posant sa main gantée contre sa pommette. Ce qu’il aurait aimé sentir sa caresse chaude contre sa peau rendue froide par le souffle de l'hiver. Il ferma les yeux le temps d’un instant, frottant imperceptiblement sa joue contre la paume de sa future reine. Celle qui ne pourra jamais épouser.

« Lance sera toujours près de toi. Dans ton cœur, dans tes pensées, tes souvenirs, dans ta manière de diriger ta garde, ta façon de tenir une épée, des mots que tu choisiras lors des réunions… N’oublie pas que tu m’as déjà dit que vous étiez deux en un. Ne lui en veut pas d’être parti, n’en veut pas à Miiko ou Nevra qui ont tenté de le sauver. Ni à Ezarel et Eweleïn qui doivent embaumer son corps pour le rite mortuaire. C’était un lieutenant… Atypique. Il était apprécié et aimé par la plupart des gens ici. Tu es sa force et sa mémoire. Nous avons besoin de toi. Et tu auras le droit à ta vengeance en tuant Ashkore de tes propres mains. Je t’en fais la promesse. Je t’aiderai à atteindre cet objectif. C’est un long combat que tu mèneras, mais on sera tous là pour toi. Tout ira bien, guerrier de l’Obsidienne. »

Valkyon leva la main de Moody pour la porter à ses lèvres. Il retira son gant avec douceur et déposa un baiser chaud sur le dos de sa paume comme il remercierait une reine pour sa compassion et son indulgence. Ses iris ambrés croisèrent les améthystes de la lunienne pour souffler :

« Tu n’es pas seule. Et nous avons besoin de toi. »

Moody fronça les sourcils et l’interrogea du regard. Il haussa les épaules et leva ses yeux vers le ciel gris et prêt à libérer de nouveau les flocons de neige qui menaçaient les plaines eeliennes. L’Obsidien se referma comme une coquille et la lunienne se contenta de tenir sa main avant de prendre une gorgée de sa boisson chaude. Quand elle reposa son attention sur lui, des larmes ruisselèrent lentement le long de ses joues. Des flocons, d’abord timides et légers, tombèrent du ciel dans une valse lente pour effleurer les deux amis avant de s’écraser plus lourdement sur le visage levé de l’Obsidien. La lunienne prit en coupe le visage de Valkyon pour venir sécher ses larmes de ses pouces et l’attirer à lui pour les serrer dans ses bras.

« Tu n’es pas seul Valkyon. » souffla-t-elle à voix basse en le berçant contre sa poitrine.

Les sanglots du guerrier brisèrent le silence. Elle écouta sans juger l’homme qui pleurait sur son épaule. Des larmes faisaient briller ses joues basanées et elle prit le temps de les caresser de ses pouces sans cesser son geste de balancement. De sa main libre, et encore gantée, elle frotta maladroitement son dos. Elle déposa son menton sur son épaule qui tressautait et ferma les yeux.

« Sauve-nous. Retourne chez nous. » sanglota l’Obsidien.

Moody ne comprenait pas où il voulait en venir. Lui parlait-elle ou dédiait-il une pensée à son défunt frère ? Il releva le visage vers elle et leurs lèvres se frôlèrent. La lunienne resta interdite quand elle le sentit fondre sur sa bouche avec un baiser empli de désespoir. Elle ne répondit pas à ce dernier et cilla sans oser le repousser. Seule sa main nue se posa sur sa joue détrempée.

« Je t’en supplie. Je t’en supplie, pleurait-il contre sa bouche entrouverte, les mains fermement ancrées autour des hanches de la lunienne.
Valkyon…, murmura-t-elle. »

Il ne s’écarta pas de ses lèvres, les plaquant avec plus d’ardeur. Elle couina faiblement en posant ses mains sur ses poignets pour tenter de le dissuader d’aller plus loin. Valkyon était si désespéré, en manque de tendresse et d’amour, de réconfort et de bras. Moody lui pardonna son geste, mais ça n’aurait pas dû finir comme ça. Comme un sentiment de non-réciprocité, de gêne et de malaise. Elle ne voulait pas de ça entre eux.

« Valkyon, lâcha-la, gronda une voix grave. »

La sélénite sursauta et le guerrier la lâcha aussitôt. Elle tourna les yeux vers la personne qui venait de la sauver de cette situation embarrassante et fut surprise de croiser le regard du vampire. Il ne semblait pas en colère mais s’approcha aussitôt de la lunienne pour la sonder avant de jauger son ami.

« Je mets ça sur la raison du désespoir et du deuil mais ne t’avise plus de faire ce genre de geste, décréta Nevra d’une voix froide. Surtout quand ce n’est pas consenti. Je suis ton ami et je ne tolérerai pas que tu manques de respect à quelqu’un de ma garde, qui plus est quand c’est mon bras droit. »

La lunienne écarquilla les yeux et regarda le vampire puis l’Obsidien avant de rougir. Elle se racla la gorge en posant une main sur l’avant-bras de son capitaine avant de serrer une dernière fois la main de Valkyon.

« Désolé, souffla le guerrier.
- Ce n’est pas grave, le rassura-t-elle d’une voix calme. »

Valkyon baissa le regard et se recula légèrement avant de se lever précipitamment. Moody lui retint le poignet en l’imitant. Il la fixa.

« Je te raccompagne, décréta-t-elle.
- Ne t’en fais pas pour moi, je connais le chemin, décréta l’homme.
- J’insiste, rétorqua-t-elle sans lui laisser le dernier mot.
- Tu ne pourras pas lui faire changer d’avis, intervint le vampire. »

Valkyon grommela légèrement et s’avoua vaincu. Moody lui sourit et remit son gant. Elle passa son bras sous le sien pour marcher en direction du quartier général, Nevra derrière eux. Lorsqu’ils furent à la porte de la chambre de Valkyon, la lunienne se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue.

« Mange avec nous ce soir, l’invita-t-elle.
- Je verrai, marmonna l’Obsidien en posant la main sur la poignée de la porte.
- Je passe te chercher vers les dix-neuf coups de l’horloge. »

Elle lui adressa un clin d’œil avant de lui adresser un signe de la main, se tournant vers Nevra pour le suivre dans son sillage. Valkyon les regarda quitter le corridor et lorsqu’il fut sûr qu’ils étaient assez éloignés, il actionna la poignée pour pénétrer dans sa chambre. Une bourrasque d’air frais lui balaya le visage et un grognement lui échappa quand une odeur mentholée et cendrée lui parvint au nez. Il ferma aussitôt la porte et releva son regard ambré vers les deux hommes à sa fenêtre. Shiro se tenait accroupi sur le bord avec un sourire malicieux, les coudes posés sur ses cuisses. Quant à Lance, il prenait appui contre l’encadrement en croisant ses bras sur son torse. Tous deux étaient vêtus de noir et de rouge. L’armure des troupes de Drachenversteck. Valkyon fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? questionna-t-il.
- On voulait admirer tes prouesses de dramaturge, rétorqua son jumeau. Et tes piètres actions pour la mettre sur notre piste. Tu penses sincèrement réussir à la ramener comme ça à Drachenversteck ?
- Moi, ce que j’ai remarqué c’est que vous vous mettez un peu trop dans la course pour ramener la femme qui m’est destinée et tenter de la séduire, railla l’autre homme avec un sourire carnassier.
- Au moins, contrairement à vous deux, je l’ai baisée et embrassée, lâcha Valkyon sans détour. »

Lance se mit à gronder férocement contre lui, prêt à lui sauter à la gorge alors que Shiro éclata de rire en posant une main ferme contre son épaule. Son rire mourut entre ses lèvres et son regard fixa Valkyon en déclarant d’une voix menaçante :

« Ne m’oblige pas à te faire passer pour mort, toi aussi, Dymfeuer. Reste dans tes rangs comme Reeis. Et n’approche plus ma tendre sœurette, ou je te jure, sur la tombe d’Ashkore que je ferai pourrir ton corps dans un lac gelé après avoir brisé ton âme. N’ose plus te croire dans la capacité de l’engrosser. Je suis celui qui le fera pour la prospérité de notre race et de notre royaume. Quant au baiser… Tu n’as pas de quoi te vanter. Je pense qu’elle en a été répugnée. Dois-je te rappeler qu’elle fricote avec ce cher vampire ? »

Lance contracta les mâchoires lorsque son cadet le toisa avec mépris. Shiro frappa dans ses mains en reprenant un visage malicieux. Un sourire diabolique étira le coin de ses lèvres.

« J’ai si hâte de tes funérailles, Reeis, ça va être explosif, s’exclama-t-il.
- J’attends un enterrement digne de ce nom, persifla Lance sans lâcher son frère du regard.
- Je n’oublierai pas de pleurer contre sa poitrine, provoqua ce dernier. »

Shiro leva les yeux au ciel et d’un simple geste balaya le dragon importun. Valkyon percuta sa commode avec fracas et se releva en grondant.

« Calme tout de suite ton dragon, Dymfeuer, ordonna Lance.
- Ne m’appelle pas comme ça ! cracha Valkyon.
- Je me passerai bien de votre guerre fraternelle, soupira Shiro en contemplant son gant avec une moue ennuyée. Reeis, nous devrions y aller. Nous avons un bateau à préparer, une équipe à former et une nouvelle attaque à lancer après ton enterrement. »

Le fils de Selam se redressa sur ses deux jambes et se laissa tomber en arrière. L’instant d’après un bruissement d’ailes se fit entendre et s’éloigna. Lance toisa son frère.

« Ne mets pas en péril notre statut et notre mission avec tes stupides badinages.
- Dit-il alors qu’il ne sait plus se contrôler devant la princesse et qu’il est obligé de se vider dans une kitsune pour tenter d’être parfait, rétorqua l’Obsidien sans ciller ni baisser le regard.
- Tu me paieras tes provocations sur le champ de bataille, petit frère. »

C’était une menace et une promesse. Le ton froid de son aîné le laissa de marbre. Valkyon le regarda monter souplement contre son rebord de fenêtre et contempla les membranes de ses ailes se déployer avec vigueur à l’arrière de son dos, sans effort, sans douleur. Pas comme lui. Lance jeta un regard par-dessus son épaule.

« Tu as toujours voulu ce que je désirais : Miiko, ma place de chef de l’Obsidienne, Moody. Et je ne te laisserai pas saisir ta chance pour cette dernière, j’ai déjà laissé trop de terrain à l’autre sangsue. Je ne ferai pas une telle erreur avec toi ou notre lieutenant. »

Et il prit son envol sans laisser le temps à son cadet de rétorquer.




Valkyon n’avait pas décoléré de sa dernière rencontre et se sentait encore honteux par ses dernières actions lorsque des coups tapèrent à sa porte. Quand il ouvrit, ses yeux tombèrent automatiquement sur la beauté lunaire qui peinait à lui arriver aux épaules, et ce malgré ses hauts talons. Elle resta un moment interdite et vit ses narines se dilater doucement, à la recherche du parfum des deux autres dragons qui avait été présents avec lui, dans sa chambre. Moody fronça les sourcils et fit un pas en arrière. Elle devait certainement halluciner. La lunienne déglutit doucement et reprit contenance. Elle mit ça sur le dos la fatigue cumulée entre les entraînements intensifs donnés par les vampires et les petits monstres qui voulaient habiller des tas de sapins pour la fête de l'Hiver. Après tout, l’odeur de pin n’avait pas réussi à quitter ses narines depuis son bain. Un sourire étira ses lèvres et elle l’offrit au guerrier qui quittait la pièce pour la suivre docilement vers la cantine.

✧☽

La sélénite était encore songeuse à la tombée de la nuit. Nevra n'étant pas encore rentré, elle en profita pour s'éclipser vers les sous-sols de la cité. Quelque chose l'agitait et elle voulait être sûre que ce n'était que le fruit de son imagination. Elle tritura ses ongles devant la porte de la salle mortuaire cachée encore plus en dessous de la cave. Voulait-elle vraiment faire ça ? Moody inspira pleinement et osa pénétrer dans la salle. Un frisson d’appréhension longea son échine et elle resta à distance des cercueils fermés. Ses yeux vacillèrent mais aucune âme ne chercha à entrer en contact avec elle. Un soupir rassuré s’échappa de ses narines alors qu’elle fit un pas. Le son se répercuta contre les parois caverneuses et elle sursauta en portant ses mains à sa poitrine. C’est mal de déranger les morts, se dit-elle. Qu’on me pardonne mais j’ai besoin d’être sûre. La lunienne huma doucement l’air. Aucune odeur mentholée ou d’eucalyptus, juste ceux des onguents pour éviter la puanteur des cadavres et des fluides permettant la thanatopraxie. Ses épaules relâchèrent leur tension et elle fit un pas silencieux en arrière, s’inclinant vers les cercueils. C'était simplement la fatigue.

« Désolée pour le dérangement, je ne voulais pas vous importuner, murmura-t-elle. »

Moody se convainquit des paroles qu’elle avait dites à Valkyon. Avoir l’impression de sentir et ressentir une personne morte était tout à fait normal dans un processus de deuil. Elle n’avait pas à s’en faire. Ça lui passerait sûrement. Ses jambes rebroussèrent chemin vers la surface et elle se dirigea à pas rapide vers sa chambre. La nuit était déjà bien tombée sur la cité et seuls les gardes affiliés à la protection nocturne effectuaient leur travail en silence.

« Tu as la tête de quelqu’un qui vient de commettre un acte criminel, souffla une voix suave à son oreille, comme coupable d’avoir fait une impudence.
- Ça aurait pu prendre une tournure plus sexuelle, mais je peux tout t’expliquer, murmura-t-elle. »

Elle n’avait pas sursauté à la suite de l’apparition soudaine du vampire dans son dos. Dans son état alerte, Moody avait su déceler le bruissement de ses pas légers. Elle ouvrit sa porte de chambre et s’engouffra avec lui avant de se tourner vers lui en pinçant les lèvres. Nevra ferma la porte dans son dos et l’interrogea du regard. La lunienne se laissa tomber en soupirant sur la chaise de son bureau. Munin vint directement à elle pour quémander des caresses.

« Confesse-toi, je t’écoute, dit-il en se posant contre le bois du meuble, les bras croisés.
- Je crois que je suis un peu à cran en ce moment. Entre les fêtes de fin d’année, les préparations, la tragédie, la fatigue, l’approche de la Nouvelle Lune, les entraînements, les réunions interminables sur Ashkore… - - - J’ai l’impression d’être submergée par des intuitions stupides. Je suis complètement déréglée. Ailleurs. C'est infernal.
- Qu’est-ce qui te tracasse autant ma douce ? demanda Nevra en passant une main sur sa joue blanche. »

Moody blottit son visage dans sa paume et leva un regard suppliant vers lui. Il lui sourit avec tendresse pour l’encourager à se confier.

« Depuis la mort de Lance et que j’en suis plus ou moins affectée, j’ai cette sensation étrange de le sentir. Son odeur… Aussi distincte que celle d’Ashkore ou Valkyon. Comme s’il rôdait toujours dans les lieux. J’ai voulu me rassurer, me convaincre que je déraillais et que je pourrais mettre ça sur le dos de mes émotions décuplées. »

Munin croassa sous les caresses de sa maîtresse et piqua de son bec sa poitrine. La lunienne soupira en fermant les yeux.

« Je suis donc allée dans la salle où reposent les cercueils avant la cérémonie pour voir si l’odeur était tangible ou non. »

Nevra stoppa sa caresse et la jaugea. Elle rouvrit les paupières lorsqu’il caressa ses cernes violettes.

« Je te rassure, je n’ai pas profané nos morts. J’ai juste reniflé l’air et je suis partie. Il n’y avait pas son odeur.
- Tu dois sûrement être fatiguée et sensible, comme tu l’as dit. L’enterrement approche et je sens aussi cette palpabilité. Tu n’es pas seule dans cette position. Je dors de moins en moins bien. Je cauchemarde sur ce qu’il s’est passé sur le champ de bataille. Je crains d’affronter le regard de Valkyon, confessa le vampire à voix basse.
- Tout ira bien même si j’ai l’impression de devenir folle. On doit simplement faire cette cérémonie et avancer… »

Le vampire lui prit doucement la main et la leva pour l’attirer contre son torse, ignorant les coups de becs de son familier. Moody soupira avec aise en enlaçant sa taille et ferma les yeux.

« Tu n’es pas folle. Nous sommes terriblement épuisés et quand tout ça sera passé, tout reprendra son cours normal, lui murmura le vampire comme une promesse. »

✧☽

Moody s’emmitoufla un peu plus dans son manteau d’hiver lorsque le froid balaya ses joues. Elle patientait à l’entrée de la porte du Q.G, suivant d’un œil distrait la foule qui s'avançait lentement hors de la cité pour l’enterrement des défunts. Son regard dévia du mouvement lorsqu’un embrun boisé lui parvint aux narines, elle se tourna vers Valkyon qui avait troqué sa tenue habituelle pour quelque chose de sombre et sobre. Une armure cérémoniale dont la cuirasse tintait à chacun de ses pas. Moody lui tendit la main et il s’en saisit sans rien ajouter. Elle contempla son visage grave et ses yeux peints de blancs et de bleus à la mémoire de son défunt frère. Ses cheveux tombaient sur ses épaules et quelques mèches mutines lui caressaient les joues. Il n’avait pas eu la foi de les attacher. La lunienne passa sa main libre sur sa joue rendue rugueuse par sa barbe avant de lui sourire avec compassion. Valkyon la remercia de ses yeux ambrés et suivit les habitants d’Eel.
La marche funèbre était rythmée par des chants lointains et des sons de cornes guerrières. Tête baissée, Moody piétina aux côtés du Chef de l’Obsidienne, suivi de près par les autres chefs de garde. Elle regardait ses pieds s’enfoncer dans la neige et ne releva que le visage quand ils passèrent les portes de la cité. Au loin, près de la falaise, dix cercueils étaient alignés dont un plus en avant que les autres. Celui de Lance. Valkyon se raidit dans sa démarche et Moody serra sa main en tournant le visage vers lui. Miiko se tenait debout près de son trône, derrière les cercueils, une aura bleue autour d’elle, la tête baissée. L’Obsidien stoppa nette sa marche et la lunienne l’imita, se laissant dépasser par les autres. Sa main ne lâcha pas celle de l’homme à ses côtés.

« Je suis là, lui dit-elle à voix basse.
Lui ne l’est plus.
Il est temps de lui dire au revoir… »

Elle pinça les lèvres en sentant sa paume être écrasée par un Valkyon contrarié. Sans être animé par quoi que ce soit, il entraîna la lunienne dans son sillage vers le cercueil de l’ancien lieutenant. Celui-ci n’était pas ouvert comme les autres. D’après Eweleïn, sa dépouille n’était plus présentable. Moody déglutit faiblement en fixant le cercueil. Une bise se leva et elle eut l’impression qu’un parfum d’eucalyptus nargua son nez. Elle frémit et Valkyon tomba à genoux à ses côtés. Elle déposa une main réconfortante sur son épaule, comme pour le rassurer, lui signaler qu’elle l’avait aussi senti. Il sanglotait à ses pieds, une main posée sur le bois du cercueil. Elle releva le menton en pinçant les lèvres, son souffle fut plus lourd et elle se pencha près de l’homme pour murmurer, sa main autour de sa pierre de lune. La sélénite ferma les yeux :

« Lune, entends mon imploration et transmets-la au défunt concerné. Accompagne-le sur les terres astrales. Fais qu'il entende ma prière: les souvenirs ne se déferont pas. Lance, vous ne serez jamais seul. Valkyon ne sera jamais seul. Les cicatrices ne saignent jamais. Les cœurs ont battu. La vie était glaciale, la mort est chaleureuse. Si vous pouvez m’entendre, je vous en supplie, manifestez un signe qui nous fera comprendre que tout va bien, que vous êtes là. Il n’y a plus de combat mais nous nous battrons toujours pour vous. Notre monde s’est effondré et vous vivez maintenant dans le noir. Suivez les étoiles. Laissez-vous guider pour que l’on se retrouve un jour. »

Une larme roula le long de sa joue et elle baissa la tête devant le cercueil. Ses mains s’illuminèrent d’un halo blanc. Des petites étoiles crépitèrent au centre de la sphère qu’elle envoya vers le ciel. Une brise glaciale balaya les cheveux violines de la lunienne et une odeur mentholée lui parvint au nez. Elle ouvrit aussitôt les yeux et les écarquilla. Sa prière avait-elle fonctionné ? Moody jeta un coup d’œil à Valkyon qui la regarda avec autant de stupeur. Elle lui adressa un sourire timide et se releva pour s’incliner respectueusement devant le cercueil.

« Merci pour ce signe et d’avoir honoré ma prière. Puisse-t-elle vous guider, murmura-t-elle. Veille sur lui, Lune. »

L’Obsidien se releva péniblement aux côtés de la lunienne et se tourna vers elle en posant un genou à terre, tête baissée.

« Merci, dit-il sur le ton de l’allégeance.
- C’est le moins que je puisse faire… Relève-toi, lui intimida-t-elle. »

Moody tenta de ne pas laisser transparaître sa gêne quand il lui baisa la main à travers son gant. Valkyon se releva et se dirigea sans un mot vers le banc, près de la cheffe de garde. La lunienne recula d’un pas pour rejoindre les citoyens d’Eel après avoir adressé une prière silencieuse à chaque cercueil. Elle espérait que les cœurs et les larmes s’apaiseraient pour les personnes qui avaient perdu l’un des leurs. Sans jamais relever la tête, et par respect pour les morts, Moody écouta d’une oreille attentive le discours de la kitsune à la voix serrée. Empathique et sensible à cet instant, elle laissa ses larmes rouler le long de ses joues. Miiko a perdu le seul homme qui détenait son cœur et elle errait comme une âme en peine, sans son âme-sœur. La lunienne eut de la peine et sentit sa poitrine se serrer. Si cela était arrivé à Nevra, comment aurait-elle réagi ? Elle releva son regard humide, à la recherche du vampire qui vint aussitôt à elle. Il se saisit discrètement de sa main et la cajola tout en laissant sa sœur venir contre lui, de l’autre côté. Valkyon prit Miiko dans ses bras quand elle fut incapable de dire plus de choses. Chaque famille de défunts passa ce rituel difficile. Et les larmes de la cité ne se tarissaient pas. Quand la cérémonie toucha à sa fin, chaque foyer en deuil s'assit face aux cercueils pour recevoir les condoléances de chaque citoyen. Lorsque Moody fut devant Valkyon et Miiko, elle les prit un à un dans ses bras avant de leur offrir une étoile à chacun.

« Pour guider son âme, expliqua-t-elle avant de se reculer. »

La kitsune la fixa avec stupeur tandis que le chef de l’Obsidienne abaissa la tête en remerciement silencieux. La lunienne leur adressa un sourire timide avant de continuer sa marche vers une autre famille. La falaise se vida peu à peu des habitants, et seules les familles et amis restèrent sur place. C’étaient à eux de faire le dernier geste. Valkyon posa une main sur le cercueil de son frère et l’embrasa en une seule impulsion de paume. Moody resta stoïque aux côtés de Nevra, les mains devant elle. Un silence morbide s’installa autour d’eux. Les cloches de la ville sonnèrent le départ des morts, un son par défunt. Chaque son de glas fit résonner la cage thoracique de la lunienne. Le vent se leva et une odeur de cendre parvint aux narines de la lunienne, puis une plus mentholée, plus tangible. Valkyon ne sembla pas réagir. Elle détourna son regard du crématorium pour scruter les alentours, la nuit était déjà tombée et seules des torches illuminaient l’endroit. Elle ne distinguait rien, ne perçut aucun bruit excepté celui des crépitements de flammes. Mais elle sentait tangiblement l’odeur de cendre, et ce n’était pas celle des cercueils. Celle d’eucalyptus se fit intense. Moody sentit son cœur s’emballer. Nevra osa un regard vers elle.

A ce même instant, elle vit le mouvement de deux ombres à l’orée de la forêt. Et enfin, elle les perçut dans le rougeoiement de leurs armures: deux silhouettes masquées par la gueule d’un dragon, habillées de la même manière, l’une légèrement plus grande que l’autre. Deux Ashkore pour le prix d’un et qui cachaient leur troupe dans la noirceur de la forêt. La plus grande silhouette croisa les bras d’un air nonchalant tandis que l’autre applaudissait lentement le spectacle devant elle. Deux Ashkore narguaient la cité endeuillée et profanaient volontairement les âmes des morts. Si elle ne devinait pas le sourire narquois derrière le masque de Shiro, les ailes qui se déployèrent majestueusement dans son dos lui firent comprendre qu’il allait continuer ce qu’il avait commencé.

Et qu’elle deviendrait folle à lier.

Dernière modification par Moody (Le 04-04-2024 à 08h05)

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"Si aimer deux hommes est un crime alors je plaide coupable avec plaisir."

@max.phylis

LA FACE CACHEE DE LA LUNE - MOODY
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Dernière modification par Moody (Le 02-12-2023 à 05h05)

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LES TENUES DE LA FACE CACHEE DE LA LUNE



TOME 1 - SEQUELLES LUNAIRES

Prologue - Mnémosyne

Chapitre 1 - Nouvelle vie à Eel

Chapitre  3 - Le conseil

Premier achat à Eel


Inspiration pour tenue de travail

Chapitre 4 - Nom d'un crylasm

Tenue de rituel


Lors de l'entraînement avec Valkyon


Tenue dans la taverne

Chapitre 5 - L'Astral

Lors de l'entraînement avec Nevra


Sur la plaine

Chapitre 6 - Invasion

Sur la plaine


Lors du Conseil


Le fameux piercing


Entraînement aux Olympiades

Chapitre 7 - Ashkore

Epreuve Ombre et Absynthe


Epreuve Obsidienne

Chapitre 9 - Fille de la Lune

Chapitre 11 - Alliances et secrets

Départ de mission


Dans les couloirs de l'auberge

Chapitre 12 - L'Ombre

Chapitre 13 - Fenghuangs, Fô et Dragons

Chapitre 14 - Lune de Sang

Robe de mariée


Lune de miel

Chapitre 15 - Cousins Phoenix

Tenue offerte par Lance

Chapitre 17 - Illusion

Chapitre 22 - S'appartenir

TOME 2 - ...

Dernière modification par Moody (Le 09-01-2024 à 07h11)

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"Si aimer deux hommes est un crime alors je plaide coupable avec plaisir."

Hello Hello Moo,
C'est encore mwa !

Chapitre 3 :

Com's

La première partie du chapitre était intéressante dans le sens où tu as joué, à la fois sur sa sensibilité, ses doutes, sa peur aussi, et à la fois sur sa combativité, son côté tête de cochon je fonce dans le tas et tant pis pour ceux qui se trouvent sur sa route.
Après j’aime bien ce moment d’observation parce que ça nous permet d’en apprendre plus sur tout le monde y compris la dame. On voit ce qu’elle pense des gens à travers ses réflexions et j’ai vraiment hâte de voir comment sa relation avec Lance va évoluer dans la suite de l’histoire.

Le moment avec Purreru et les familiers était beaucoup trop mignon !
J’imagine bien Moody s’inquiéter pour ces petites boules de poils.

De même avec Merry et mini Moody mdr !
J’imagine que Lance va finir par lui tomber dessus et j’aimerais pas être à sa place même si ça en valait la peine. On laisse pas un bébé familier sans défense non mais oh Mr le monchon mal léché !

Chapitre 4 :

Com's

J’espère que tu nous ramèneras sur l’Astral prochainement Moo, j’ai hâte d’en apprendre plus sur Lune, les Zodiaques, leurs liens entre eux et avec Moody. Est-ce qu’un des enfants se trouve au QG ? Voilà je veux plus d’info !
J’aurais adoré une interaction avec justement un autre des enfants de Lune pour comprendre un peu mieux Moo et ce lien avec l’astre. Et aussi cette odeur de cendre et de sang hum je me demande si on reverra son propriétaire.

Intéressant cette découverte de complot draconique. Pour une fois que Valkyon semble être autre chose qu’un gars sympa sous tout rapport, c’est rafraîchissant j’ai envie de dire. Et cette compétition fraternelle et musclée…. :nekkashy:

La scène de la taverne était très plaisante à lire, du je t’invite en tout bien tout honneur pour finir à mais de quel honneur est-ce qu’on parle mdr !
Et le pauvre Nevra qui n’a pas fini de se faire torturer pour sa belle ahah !

Hop ! Fière de moi pour cette rapidité bwahaha !

Des bisous sur ta frimousse :love:


She’s proof
that you can walk through hell
and still be an angel.
R.H. Sin

Dernière modification par Lerina (Le 16-01-2023 à 18h18)

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Bonjour!
Je viens refaire un petit coucou parce que j’ai terminé tous tes chapitres publiés après un élan insoupçonné de motivation n_n

J’ai donc repris ma lecture au chapitre 5. Cependant, comme je n’écris pas ce commentaire immédiatement après ma lecture, mes souvenirs et mes ressentis ne seront peut-être pas en ordre chronologique (mais je vais faire des gros efforts pour ne pas dire de bêtises et m’assurer que ma mémoire ne me joue pas trop de tours!)


Le petit jeu entre Moody et Nevra est très agréable à suivre! J’avoue, je n’étais pas fan de lui au début de ton histoire, mais tu as su me faire apprécier cette version du personnage au fil de tes chapitres. J’ai été étonnée, mais aussi très heureuse, lorsque Moody a surpris la conversation entre la gardienne et Nevra qui nous faisait découvrir le moment Nevra/Ezarel. Je sais que ce ne sera pas viable dans ton histoire (rip parce que c’est un des meilleurs ships avec les persos du jeu, à mon avis, et que bien trop peu de fictions ont abordées le sujet T-T J’ai 3 fictions qui me reviennent en tête, dont une seule à été terminée, mais c’était avant l’incendie et je m’égard…) De toute façon, tu as apaisé mon âme avec le petit moment que tu nous as offert quelques chapitres plus tard~
D’ailleurs, tu as un chapitre de plus de publié sur Wattpad que sur le forum. Je ne sais pas si c’était intentionnel ou non.

J’ai bien aimé les Olympiades, j’ai trouvé les épreuves divertissantes (même si j’ai trouvé qu’annoncé les enjeux de l’épreuve Absynthe avait rendu les choses un peu trop faciles, mais bon x)). Même si j’ai bien aimé ma lecture, je me suis quand même questionné sur la viabilité du processus. Entendons-nous, c’est quand même plus réaliste qu’un questionnaire sur un bout de parchemin, mais si pour devenir Obsidien, il faut d’abord passer les épreuves d’Absynthe et de l’Ombre, n’y a-t-il pas très peu de soldats? Et pourquoi un Obsidien devrait avoir des capacités d’espion pour bien remplir son rôle? Bref, la hiérarchie des gardes m’a un peu laissé septique quant à la répartition des gardiens. Je comprends l’utilité de la chose, cela permettait de mettre Moody en scène dans 3 contextes différents et de choisir sa garde (et faire un pied de nez à Miiko par le fait même) ainsi qu’éviter qu’elle ait à affronter 40 supposés collège pour l’épreuve obsidienne, mais il y a quand même une petite logistique qui m’a chiffonnée.

Les informations que tu donnes sur l’Astral, le peuple des Dragons et même sur Eldarya en générale sont bien dosées. Il y a beaucoup de choses à traiter, mais tu les réparties bien pour qu’on ne se sente pas submerger. En plus, tu les distribues de différentes façons ce qui permet de garder une certaine fraicheur sur le processus : tantôt un souvenir, ensuite une discussion, puis les pensées de Moody et parfois un livre. C’est une variété appréciable.
D’ailleurs, j’ai l’impression qu’il y a une drôle de dynamique qui va s’installer entre Lance, Valkyon et Moody. Ce n’est qu’une supposition, mais je m’attends à voir de plus en plus de tension entre les deux frères!

Et puis, il a toute cette prophétie qui entoure Moody. Elle a presque toute les cartes en main pour comprendre la vérité, mais il lui manque encore quelques informations et peut-être un peu de recul, mais je sens que le moment se rapproche et ça va apporter son lot de bouleversements avec! Comme si Moody n’avait pas déjà assez souffert comme ça :’)


Lors de mon dernier passage, j’avais mentionné la longueur des chapitres et je veux me rectifier sur ce point. Ce n’est pas la longueur des chapitres, mais son l’ampleur de son contenu. Il se passe énormément de choses dans ton chapitre, c’est ce qui me donne cette impression de longueur. J’ai pris le chapitre 11 en exemple parce que je crois qu’il faisait partie des chapitres les plus chargés :

1- La réunion en salle du cristal pour la nouvelle mission.
2- Les rencontres avant le départ avec Ezarel et Valkyon.
3- Départ d’Eel et début du voyage.
4- L’arrivée à Balenvia et le séjour à l’auberge (qui peut se rediviser entre la scène pour le repas, la partie de jambes en l’air et l’altercation avec Lance).
5- Départ de Balenvia.
6- Campement dans les montages (trajet + tente)

Pour un seul chapitre, c’est beaucoup. Il s’agit de plusieurs actions différentes. Attention, je ne dis pas qu’un chapitre devrait avoir un seul sujet (ce n’est pas une phrase!), mais de dispersé les enjeux dans les chapitres permettraient de mieux les aérés. Je sais que tu as mentionné que certains trouvaient que la longueur aidait à se plonger dans l’action. Si on parle vraiment de longueur de textes, je pense que justement en élaguant les sujets traités, cela te permettrait d’approfondir ceux qui sont présents. L’exemple qui me vient à brûle pour point est celui du décor de l’arrivée au temple. L’endroit est bien décrit, mais il y a quelques fois où la description est résumé à « style asiatique ». Je ne comprends pas encore totalement le monde divin de ton histoire, mais ça semble être une référence terrienne que Moody ne devrait pas posséder. Je sais que tu as un narrateur omniscient, mais comme il se place souvent au-dessus de l’épaule de Moody, ça aurait pu être une occasion d’approfondir ta description, allongé ton texte et encore plus plongé les lecteurs dans l’ambiance. Qu’est-ce que le style asiatique? Décris-le. C’est pour un détail, mais c’est dans l’idée de « montrer plutôt que dire ». Donner l’occasion aux lecteurs d’interpréter les choses grâces à la description de la scène, du moment, des personnages, etc. Avec la description, le lecteur devrait pouvoir comprendre l’influence asiatique du décor. Et s’il ne le comprend pas, ce n’est pas plus grave, il a quand même pu se faire une représentation mentale de ton histoire.

Je me rends compte après coup que j’ai écrit beaucoup plus sur le sujet que je l’avais d’abord prévu ^^’
Je veux seulement être claire dans ce que je dis et bien expliquer le point que je tente de soulever. Cependant, il n’implique que moi. C’est mon ressenti et non une vérité.  C’est un conseil que je crois utile, mais je n’ai pas la science infuse. Ultimement, j’ai réussi à apprécier tes chapitres quand même. Seulement, j’ai mis du temps à prendre mon rythme de lecture et aussi à identifier ce qui me chicotait et je pense qu’il est pertinent de le souligner. Je ne veux pas que mon commentaire ou mes intentions soient mal interprété, j’espère sincèrement réussir à m’exprimer correctement avec ce paragraphe ^^’


Au niveau de la rédaction, j’ai vu très peu de fautes dans mes lectures. Tes phrases sont bien structurées et rythmées et ton orthographe semble juste. La plupart de tes accords sont corrects, mais j’ai remarqué une tendance à mélanger les « ait/aient » et les « é(e)(s) ». J’ai relevé des exemples dans ton dernier chapitre publié ici (12). Ce n’est pas constant, mais c’est assez fréquent pour que je l’aille remarquer dans plus d’un chapitre. Je te conseillerais donc de porter une attention particulière à ces terminaisons lors de ta relecture.

Spoiler (Cliquez pour afficher)

Les lèvres pinçaient, elle suivit à nouveau la marche dirigée par Lance et Nevra. -> Les lèvres pincées, elle suivit à nouveau la marche dirigée par Lance et Nevra.
Son regard violet arboré des reflets sombres. -> Son regard violet arborait des reflets sombres.
Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle suscitait l’intérêt des dragons, elle n’avait jamais entendu les paroles murmuraient dans l’oreille de sa mère par Selam. –> Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle suscitait l’intérêt des dragons, elle n’avait jamais entendu les paroles murmurées dans l’oreille de sa mère par Selam.

Voilà, je crois que j’ai un peu fait le tour de ce que je voulais dire. En bout de ligne, je me suis laissée happée par l’histoire de Moody x)
Je ne demanderai pas à faire partie des prévenues parce que je sais que je ne pourrais pas être régulière n’y réagir aux nouveaux chapitres rapidement, mais je continuerai de suivre ta fiction de loin et je reviendrai faire coucou de temps à autre n_n

Que l’inspiration soit avec toi o/



@  A  s  ï  o  l

Dernière modification par Florianne (Le 22-04-2023 à 22h30)

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