Par Akhala
Bienvenue à toi, cher lecteur, chère lectrice.
Amateur de dramatique ? Cette fiction te plaira sûrement !
Et oui, et oui, c'est encore moi...
Ma fanfiction existait bien avant New Area, et donc avant l’incident des serveurs Beemoov. A vrai dire, j’ai commencé à l’écrire quand Eldarya n’avait encore que quelques épisodes à peine. Cela fait donc quelques années maintenant. De ce fait, beaucoup de faits et de personnages ont été inventés par mes soins pour le besoin de l’histoire. Cependant, j’ai souhaité faire une grande réécriture de tous les chapitres déjà sortis, car certains passages, certaines parties de ma narration ne collaient plus à l’idée que je me fais de cette fiction aujourd’hui.
Je remercie de tout cœur mes ancien.ne.s lecteurs & lectrices, et les nouveaux, qui ont partagé et qui partagerons, je l’espère, l’aventure de ma chère héroïne jusqu’à la fin !
Attention, cependant...
Cette fiction est assez psychologique. Pour moi, l’Art c’est la liberté. Si l’écriture est un art, alors elle est libre de tout représenter. De ce fait, je ne me suis pas privée de décrire certains faits, propos, et scènes qui peuvent heurter potentiellement la sensibilité de certains lecteurs.
Bien évidemment, il n'est seulement question de drame ! Des scènes érotiques, voir explicites, seront également présentes...
Je préviendrais de la présence de passages explicites en début de chapitre.
Si vous êtes encore là, et que tout est bon pour vous, je vous souhaite une très agréable lecture ♥
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[ Sommaire & Prévenu.e.s]
Vous pouvez me demander d'être ajouté(e) aux prévenu(e)s en laissant un commentaire ou par message privé ! Les prévenu(e)s reçoivent un message à chaque sortie de chapitre (je peux adapter les alertes cependant en fonction de vos préférences si vous me le précisez).
Liste des prévenu.e.s
- Elysia
[ Page I ]
Prologue | Chapitre I | Chapitre II | Chapitre III | Chapitre IV
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[ Avant votre lecture ]
Le monde d'Eldarya tel que je le vois
Le monde d’Eldarya n’est pas vraiment celui que vous connaissez. En effet, lors d’un évènement tragique, appelé « Hobtloe » dans la langue d’Eel, les portails se sont tous ouverts mystérieusement. Les humains se sont alors empressés de « découvrir » le merveilleux univers qu’ils leur étaient alors inconnu. Alors après une grande guerre, les habitants d’Eel (affaiblit par la perte d’une grande partie du Cristal) et les Hommes se mirent d’accord pour cohabiter ensemble.
Bien que les années suivantes fussent des années de paix, les ressentiments ne s’effaçaient pas pour autant. La stigmatisation, la colère et la discrimination s’emparèrent d’Eldarya. Une pyramide sociale vit le jour. On était soit faery, soit humain, soit faelien ou autre créature humanoïde, dans cet ordre, du plus haut rang jusqu’au bas niveau de l’échelle sociale.
Les faerys ainsi que les plus riches humains résidaient dans ce que l’on appelait les « Haute-Terres ». Très peu de faeliens y vivaient, et aucunes créatures humanoïdes n’y habitaient.
Les « Basse-Terres » étaient réservées aux pauvres faeliens et aux créatures humanoïdes. Il était inconcevable d’y voir un humain ou un faery.
Enfin les banlieues, proche de la capitale, logeaient les classes moyennes. On y voyait de tout, mais tout de même peu de faery et quasiment pas de créatures.
Ayez toujours à l’esprit que les pensées de mes personnages ne sont pas la vérité absolue. Nous pensons, parlons et agissons différemment en fonction de nos émotions, du contexte situationnel, des personnes qu’il y autour de nous à un instant précis. Il en est de même pour mes personnages. Rien n’est tout blanc ou tout noir. C’est à vous de faire la part des choses, de prendre toujours du recul sur ce que vous lisez (cela vaut en réalité pour tout). La magie de l’Art réside aussi dans le fait qu’il y a autant d’interprétation que d’âme qui interprète…
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[ Prologue Corrigé ]
Lecture
« … Bip, bip, bip bip, bip, bip bip … »
« Je vous en prie, faites taire ce téléphone ! » supplia d’une petite voix la jeune femme, se recroquevillant sur elle-même et se servant de ses mains pour boucher ses oreilles.« Bip, bip, bip. »
« E-Enfin ! » murmura-t-elle, en sanglot.
Elle se rapprocha lentement de l’objet de ses peurs quand soudain le ciel orageux gronda. La jeune femme sursauta en poussant un petit cri strident. Il pleuvait des cordes dehors, et la seule lumière qui éclairait la ville était celle de la foudre. Le courant de son appartement avait été coupé, tout était si sombre…« Bip, bip, bip bip, bip… »
« N-Non… pitié… ». La jeune femme continua de regarder le téléphone vibrer. Les appels ne cessaient pas. Elle savait qu’il fallait décrocher.
Elle prit alors son courage à deux mains –et une grande inspiration- avant d’amener ce dernier à son oreille.
« A-Allo ?
- Ira… répondit une voix masculine bien trop familière.
- Q-Qu’est-ce que tu veux ? souffla-t-elle, la peur prenant possession de ses entrailles.
- Oh mais tu le sais bien... répondit-il, d’une voix suave.
- L-Laisse-moi tranquille !
- Nous savons tous les deux que c’est impossible.
- Tu es... malade ! Va te faire soigner !
- C’est toi qui me rends malade putain !
- Sors de ma vie tu entends ?! Efface mon numéro ! Efface-moi ! Laisse-moi !
- Si tu crois que je vais permettre ça…
- M-Mais laisse-moi merde ! cria-t-elle.
- J’ai fait bien trop de sacrifices pour ça. Tu m’appartiens, tu n’as pas le choix, lui dit-il, froidement.
- T-Tu…
- Au fait, la coupa-t-il, je suis en bas de chez toi. »
Il raccrocha. Le sang de la jeune femme se glaça. Il était là, juste en bas de chez elle, sous cette pluie torrentielle. Avec le peu de force que la peur ne lui avait pas arraché, elle s'avança jusqu'à la fenêtre, souleva discrètement le rideau et… l’aperçu.
Il la regardait avec son sourire si effrayant, cette lueur dans le regard qu’elle ne connaissait malheureusement que trop bien. Une lueur presque frénétique, qui le rendait imprévisible. Vêtu d’une simple chemise blanche et d’un pantalon noir, il ne semblait nullement affecté par les conditions météorologiques. Dans une de ses mains, le téléphone, et dans l’autre… un énorme couteau de cuisine. À la vue de ce dernier, elle écarquilla les yeux. Ses jambes devenues trop faibles pour supporter son poids l'abandonnèrent et la firent tomber brutalement contre le sol froid. Tétanisée, la jeune femme porta ses mains à sa bouche et se mit à trembler. Elle avait maintenant du mal à respirer et ne pouvait s’empêcher de pleurer.
Tout cela n’allait-il donc jamais se terminer ?
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[ Chapitre I ➜ « Cercle Vicieux » Corrigé ]
« Plus tu m’aimes, plus je te hais, et tu m’en aimes davantage »
lecture
Je me réveillai en sueur après un énième cauchemar, les doigts crispés et accrochés aux draps de mon lit. J’haletai fortement, tout en essayant de revenir lentement à la réalité. Les battements de mon cœur résonnaient au sein de ma poitrine. Ce bruit incessant qui me rappelait que j’étais encore bien vivante... je ne le supportais plus.
Après quelques minutes, plus calme, je me redressai. Ce rêve... toujours le même, ça ne s’arrêtait pas. Dormir n’était plus un plaisir, mais une véritable épreuve. Moi qui trouvais le monde si beau la nuit, j’en avais à présent peur. Assez paradoxale pour un membre de la garde de l’Ombre. Pourtant, ma place au sein de cette dernière était parfaite... j’avais fini par ne devenir plus qu’une ombre maintenant. Une ombre qui attendait longuement de disparaître, sans force, sans courage.
Mes yeux se relevèrent vers les différentes photos collées contre le mur de ma chambre. J’y revoyais mes amis, les moments marquants que j’avais décidé d’immortaliser depuis mon entrée dans la Garde d’Eel. Cela faisait maintenant trois ans que j’y étais. Pourtant, mon entrée n’avait pas été gagnée d’avance... Je descendais de l'amour d'un faery et d'une humaine. Cela faisait donc de moi une faelienne. Les faeliens étaient beaucoup sujets aux discriminations. Le fait que nous n’étions ni humain, ni faery, et donc métisses, gênait la société. Je n’avais jamais pensé réussir les concours d’entrée de la Garde à vrai dire. J’avais dû faire énormément d’effort pour cela. Surtout que je ne possédais pas de capacités magiques particulières.
Je regardais en direction de mon réveil posé sur la petite commode près de mon lit. « 04 h 52 » soupirai-je. Mon cœur battait encore si fort… « Calme-toi Iraïna… ce n’est pas comme si c’était la première fois... » me murmurai-je, en appuyant mes doigts contre ma poitrine. Mes mains étaient tremblantes. Comment pouvait-il avoir autant d’effet sur moi ? Cela faisait pourtant un moment que je n’avais pas entendu parler de lui. Depuis... la mort d’Aysha. « La mort … » soufflai-je. Aysha, ancienne cheffe de la garde Obsidienne, qui fut aussi précieuse amie, une sœur, très agile avec son corps, aurait malencontreusement rencontré la lame de sa propre épée lors d'un entrainement personnel. C’était ce qui avait été déclaré officiellement… mais la vérité, que seule moi semblais connaître, était tout autre. Ce n’était pas un accident. C’était intentionnel. Elle avait été tuée… et le pire de tout, c’était qu’elle l’avait été par ma faute.
Je remontai mes genoux contre ma poitrine et y plongeai mon visage. Je l’aimais tellement. Aysha m’avait presque tout appris de mon métier. Elle m’avait pris sous son aile durant les moments difficiles, riait avec moi dans l’euphorie, me protégeait. Elle connaissait tout de moi, trop, et c’était ce qui l’avait mené à sa perte. Des larmes se mirent à perler le long de mes joues. Une colère profonde et une culpabilité déchirante refirent surface comme tant de fois. « Tu es un monstre… Yuno ! » voulus-je hurler, sans y parvenir, la gorge nouée. Rien que le fait de prononcer ce nom me faisait sangloter davantage. Toute cette haine que je ressentais à son égard… je n’aurais jamais cru possible un sentiment d’une telle intensité chez moi. J’avais toujours aimé rire, bouger, passer du temps avec mes amis... vivre. Mais Yuno avait fait de moi une personne froide, distante, recherchant la solitude, se repliant sur elle-même dans sa chambre et qui n’avait tout simplement plus goût à rien. « Si seulement tout pouvait se terminer maintenant… » soufflai-je.⌛…⌚…⌛
« Toc, toc, toc ! »
Hm… qu’est-ce donc ?
« Iraïna ! Tu es là ? » me demanda une voix derrière la porte.
Je reconnus cette voix. C’était celle d’Ykhar ! Mais quelle heure était-il pour qu’elle vienne me réveiller ?
« 9 h 42 ?! » criai-je, après avoir levé les yeux vers mon réveil.
Je sortis de mon lit en vitesse, j’attrapai au vol un vieux jogging et l’enfilai précipitamment. Je me dirigeai ensuite vers la porte et l’ouvrit. Ykhar était là, l’air inquiet, me fixant de haut en bas.
« Iraïna ? Tout va bien ?
- Oui ! pourquoi donc ?
- Tu es sûr ? Tu n’es pas venue à la réunion de ce matin… »
La réunion ? La réunion. LA RÉUNION !
« Miiince ! Je suis vraiment désolée Ykhar j’ai complétement oublié… j’avais pourtant programmer le réveil, je ne comprends pas ! m’exclamai-je en plaquant ma main contre mon front.
- Je veux bien te croire, mais Miiko…
- Oui je sais, cette réunion était vraiment importante…
- Dis Iraïna, tu es sûr que tout se passe bien ? Tu es peut-être très fatiguée et je comprendrais tout à fait que tu n’aies pas eu envie de te lever tôt ! dit-elle, en me prenant les mains.
- Je… Tout va bien ne t’en fais pas Ykhar. J’ai eu une panne d’oreiller, ça arrive ! Je ferais en sorte que ça n’arrive plus, promis ! la rassurai-je, en essayant de sourire.
- Si tu le dis… bon, fini de te préparer et après on y va ! Miiko t’a envoyé patrouiller dans la capitale avec Matsui. Il t’attend à l’entrée du QG, donc dépêche ! » m’annonça la lapine avec un clin d’œil avant de s’en aller.
La capitale ? Il ne manquait plus que ça. Je refermai la porte et allai m’assoir sur le lit. « Patrouiller, hein ? » pensai-je. Miiko saurait-elle aussi que j’allais mal… ?
Je me levai en direction de la salle de bain. Je pris une douche froide et rapide après quoi je finissais de me préparer. En toute sincérité, j’aurais préféré ne pas me réveiller. La dernière chose dont j’avais envie était de sortir de ma chambre. M’ordonner d’aller patrouiller en ville était presque cruel.
Devant la porte, je marquai un arrêt. Je n’avais pas envie de le faire. Pas envie de rejoindre la salle des portes, de croiser tous ces gardiens dans les corridors, de devoir feindre un sourire quand on me saluerait, de m’expliquer sur l’absence à la réunion de ce matin... tout cela me demandait trop d’énergie. Beaucoup trop.
« Mais de toute évidence, je n’ai pas vraiment le choix, » pensais-je à haute voix.
J’inspirai profondément, avant de saisir toutes les maigres forces qui m’abritaient encore et de sortir de ma chambre. Heureusement pour cette fois, je n’avais pas croisé grand monde sur mon chemin. J’avançai jusqu’à l’Allée des Arches afin de retrouver mon ami. Matsui était déjà là. Ses cheveux rouges flamboyaient avec la lumière du soleil et faisaient parfaitement ressortir ses yeux bleus qui me faisaient penser à l’océan… Matsui était vraiment beau. Légèrement plus grand que moi, il n’était âgé que de dix-huit ans. Son corps frêle le rendait très rapide mais il était aussi très maladroit. Il appartenait à la garde de l’Ombre, comme moi. Cela faisait peu de temps que Matsui était parmi nous, mais sa gentillesse et son humour avaient déjà fait l’unanimité auprès des gardiennes, ce qui réjouissait peu Nevra. Malgré ses défauts, il restait un très bon ami qui répondait toujours présent quand on en avait besoin.
« Hey ! Ça va ? Tu nous as fait faux bond ce matin, du coup tu vas devoir te coltiner ma charmante personne toute la journée ! me dit-il, en souriant.
- Ah ah, c’est une bonne ou une mauvaise chose du coup ?
- Je sais que tu sais que tu connais déjà la réponse !
- Ah les jeunes, de nos jours...
- On a que trois ans de différence je te rappel.
- Ouais, bah ça se voit, tiens... » souriai-je, moqueuse.
Matsui me tapa doucement l’épaule. Heureusement que j’avais été affiliée avec lui. Au moins, même si cette journée venait à être interminable, elle sera plus facile à supporter.⌛…⌚…⌛
Cela faisait maintenant trois bonnes heures que l'on patrouillait Matsui et moi. Ce quartier des affaires était vraiment immense. Il avait encore changé depuis la dernière fois. De nombreux commerces semblaient avoir ouvert. Depuis combien de temps n’avais-je pas mis les pieds ici ?
Je regardai autour de moi. Le seul coin de verdure était celui du petit parc aménagé sur la place centrale. Il y avait quelques arbres qui trainaient ici et là. Les magasins, les restaurants et les buildings régnaient en maître. Et ce monde… il y avait foule ! Cela arrivait dans tous les sens. Je n’aimais pas du tout cette sensation, celle d’être au milieu d’une masse aussi impersonnelle. Cette angoisse de ne pas savoir d’où le danger pouvait surgir à tout moment... Combien de temps cela faisait-il que je n’aimais plus être entourée de monde ? Depuis quand est-ce que j’avais peur à chaque fois que je sortais de ma chambre ? Pourquoi mon cœur battait si fort quand quelqu’un me bousculait sans le faire exprès ? Qu’étais-je devenue à la fin ?
Alors que je continuai à me perdre dans mes sombres pensées, je sentis une main agripper mon épaule. Mon cœur se mit à battre plus vite. En une fraction de seconde, je dégainai mon arme à feu et la plaçai en direction de mon interpellateur, le doigt sur la gâchette, prête à tirer.
« Eeeh Oh ! D-Du calme ! C’est moi Ira ! » paniqua mon coéquipier, les mains en l’air.
Ce n’était que Matsui… ce n’était que lui…
« Excuse-moi… tu m’as surprise… » lui dis-je, tout en rangeant l’arme qui avait attiré les regards interloqués des passants.
Mes mains tremblaient. Que venait-il de se passer ? À quoi je pensais ? J’aurais pu le tuer si je m’étais écoutée jusqu’au bout… suis-je devenue folle ?
« Iraïna, je pense qu’on te l’a déjà demandé plusieurs fois mais… est-ce que tout va bien ? me demanda le roux, inquiet.
- Je… » commençai-je, m’apprêtant à sortir les mêmes excuses pitoyables comme à chaque fois.
Allais-je mentir une fois de plus à mon ami ? Après cet incident, n’était-il pas temps de lui en parler ?
« Je t’avoue que ça ne va pas fort... depuis ce matin. J’ai très mal dormi hier soir et je me sens très fatiguée maintenant.
- Tu veux qu’on rentre ?
- …Non ça va aller, il ne nous reste qu’une heure, je me reposerais plus tard ! » lui répondis-je, feintant un sourire.
Honte. J’avais honte.
« Bon, on continu ? fis-je.
- Ok ! »⌛…⌚…⌛
Le reste de la journée s’était déroulé plus calmement. J’essayai de me concentrer sur ma mission plutôt que sur lui. Bien qu’il ait disparu de ma vie depuis plusieurs mois, il continuait de me hanter. Je craignais de le rencontrer à nouveau, de le voir apparaître au coin de la rue. Cet homme avait détruit ma vie, m’avait détruite moi. Mes relations avec les autres avaient radicalement changé et ma façon de voir les choses aussi. En fait, pour être honnête, je ne savais pas ce qui me retenait en ce bas monde. Ma famille ? Sans doute. Mes amis ? Peut-être. Mes responsabilités ? Sûrement. Plus rien n’avait de valeur, plus rien n’avait de sens. Je ne voyais plus le bout. Tout ce que je voyais, c’était un immense mur noir, indestructible, vers lequel je fonçai sans pouvoir m’arrêter. Mon heure allait bientôt sonner. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne me retrouve et finisse ce qu’il avait commencé. Malgré mon statut au sein de l’Ombre, j’avais l’amère sensation que je ne pourrais jamais lui échapper. Cette emprise contrôlait toute ma vie...
De retour au QG, je me séparai de Matsui avant que celui-ci ne m’invite à boire un café. Il fallait que je fasse le rapport de cette journée mais je n’en avais pas la force pour l’instant. J’espérais que le roux ne ferait pas part de mon incident. J’avais déjà assez de problème à régler, je ne voulais pas que l'on s’en mêle davantage. La mort d’Aysha m’avait donné une leçon : n’en parler à personne, jamais. En essayant de m’aider ils se mettraient en danger. Il n’y avait qu’un seul moyen d’arrêter toute cette folie. Je le savais. Je l’avais toujours su. Mais je n’en avais jamais eu le courage.
Je m’apprêtai à ouvrir la porte de ma chambre quand j’entendis une voix m’appeler derrière moi.
« Ah, c’est toi Nevra, dis-je, en reconnaissant mon chef de garde.
- Eh bien, tu as l’air enchanté de me voir… fit-il, en se rapprochant.
- Excuse-moi, j’ai eu une journée assez difficile, alors…
- C’est ce que tu dis tout le temps, me coupa le brun.
- A-Ah bon… » balbutiai-je
Nevra se rapprocha encore de moi, si bien que je me retrouvai collée contre la porte. Son visage se mit au niveau du mien et son regard argenté me fit face.
« N-Nevra, tu es trop prêt… lui dis-je, sentant mes joues se réchauffer.
- Moi je trouve au contraire que tu es trop loin, » me répondit-il, d’une voix suave.
Mon cœur se mit à battre chaudement. Ses lèvres, déjà si proches, s’avancèrent à moins d’un centimètre des miennes. Je pouvais même sentir son souffle. Mes iris vairons le regardèrent dans les yeux. Son expression trahissait nettement ses intentions. Et moi dans tout ça ? J’en avais aussi réellement envie. J’avais envie de ressentir ne serait-ce qu’un peu de cette chaleur qu’il voulait bien m’apporter. Alors que mes yeux se fermèrent, afin de pouvoir pleinement profiter, un souvenir de Yuno s’imposa soudainement à mon esprit, me ramenant brusquement à la réalité.
Je le revis m’attraper par la gorge. Plaquer sa bouche sauvagement contre la mienne.
Je détournai directement la tête, incapable d’aller plus loin. Gênée, j’ouvris précipitamment la porte et m’enfermai dans ma chambre. Je m’empêchai de respirer afin d’entendre Nevra s’en aller. Puis je me laissai glisser le long de la porte. Je pris une grande inspiration, suite à quoi les premières larmes commencèrent à me monter aux yeux.
« J’en... j’en peux plus... j’en peux plus... » me mis-je à sangloter.
Depuis quand étais-je si brisée ? Nevra ne m’avait jamais laissé indifférente, au contraire. Dès la première fois que j’avais posé mes yeux sur lui, il m’avait tout de suite plu physiquement. Énormément. Et pour ma plus grande joie, nous avions assez vite sympathisé. Cela faisait un moment que l’on se cherchait tous les deux à présent. Ce n’était pas de l’amour, non. J’en avais bien conscience. Nevra continuait de coqueter à droite et à gauche. C’était juste une façon de passer un peu de bon temps pour lui. J’aimais répondre à ses sous-entendus, feindre de ne pas comprendre ses dragues, résister à initiatives. J’avais prévu de le laisser gagner. J’avais. Mais depuis cet évènement tragique, quelque chose me bloquait, et continuait de me bloquer sans que je ne puisse rien y faire. Avoir une relation amoureuse m’était devenu simplement impossible. Et de toute façon, dans cet état, je ne pouvais correspondre à plus personne. Qui était le fautif de cette histoire ? Ce monstre ou moi ? Était-ce le prix à payer pour mes fautes ?
C’est simple Yuno. Ma vie se résume à un cercle vicieux. Plus tu m’aimes, plus je te hais, et tu m’en aimes davantage. Ton monde tourne autour de moi, et à cause de cela, tu es prêt à tout. Même si tu es loin, je sais que tu ne m’as pas oublié.
Je vis dans la crainte du jour où l’on se verra à nouveau.
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[ Chapitre II ➜ « Les cicatrices de la vie » Corrigé ]
/!\ Les passages en italique sont des flash-back /!\
« Ce jour-là, je compris que ma vie allait devenir un enfer »
« Ce jour-là, je compris que ma vie allait devenir un enfer »
lecture
« Je ne sais même pas pourquoi je te laisse encore m’approcher... lui dis-je, énervée.
- Tu… me manques, et je sais que c’est réciproque… me répondit-il, calmement.
- Je n’aurais pas dû te laisser rentrer, tu... tu devrais t’en aller. »
A ces mots, son expression changea doucement.
« M’en aller ? me dit-il, froidement. »
J’essayai de paraître le plus impassible possible, mais tout au fond de moi, je sentais que l’angoisse prenait du terrain.
« Oui, c’est ce que je viens de d...
- Et comment comptes-tu me faire partir ? » me coupa-t-il, d’un ton amusé cette fois.
Son regard s’assombrit. Ce sourire en coin qu’il avait affiché juste avant avait totalement disparu. Assis en face de moi, il se leva. Mon esprit se mit en alerte, mais mon corps refusa de bouger. Je ne le quittai pas des yeux, l’observant se rapprocher lentement. Voyant que je ne réagissais pas, il continua de s’avancer et se positionna derrière moi. J’arrêtai de respirer quand ses mains se posèrent sur mes épaules.
« Tu souhaites vraiment que je m’en aille... commença-t-il. »
Je sentis ses doigts descendre le long de mon décolleté. Ses lèvres pressées contre la peau de mon cou le baisèrent à plusieurs reprises. Après avoir effleuré ma poitrine, son bras droit vint entourer ma taille pour me coller à son corps, tandis que sa main gauche continua sa descente jusqu’à mon bas ventre. Un frisson me parcouru l’échine et je me cambrai légèrement quand ses doigts soulevèrent ma robe et passèrent sous le pan de mon sous-vêtement. Mon cœur, déjà sollicité, s’emballa d’autant plus.
« ... mais ton corps me cri pourtant de rester, me susurra-t-il en frottant deux de ses doigts humides contre son pouce. »
Je ne sus lui répondre. Je sentis ses lèvres s’étirer contre ma peau à cet instant. Je déglutis, le souffle tremblant d’excitation. Comment pouvais-je être dans cet état ? Je me faisais peur. J’étais pourtant bien en colère juste avant qu’il ne commence à me toucher. Maintenant je me combattais intérieurement pour ne pas me laisser aller à mes pulsions.
J’attrapai sa main et la sortis de mon intimité. Je me retournai brusquement et lui fis face, aussi déterminé que possible à gérer la situation. Mais son expression me troubla. Il semblait sous l’emprise d’un désir incontrôlable. Ses yeux se posèrent sur ma bouche, et son souffle s’accéléra, tout comme mon pouls.
« Yuno... laissai-je échapper. »
Alors que je m’apprêtai à continuer, son visage s’approcha rapidement du mien et il plaqua ses lèvres contre les miennes. Ses bras encerclèrent tous les deux ma taille et il resserra son étreinte. Surprise, je ne répondis pas de suite à son baiser. Mais quand il l’intensifia, malgré ma raison qui me criait de le repousser, je me laissai aller à lui.
Et dire que j’étais censée lui en vouloir… j’avais profondément envie de lui. Les sentiments que j’éprouvais lorsqu’il me regardait ou qu’il me prenait dans ses bras étaient si forts… Quelque part au fond de moi, je m’en voulais. Je m’en voulais de ressentir toutes ces choses à son égard, je me haïssais pour ça. Après tout ce qu’il s’était passé, je m’étais mentis à moi-même en décidant de lui ouvrir la porte. Je savais qu’il n’allait pas s’excuser. Je savais qu’il comptait obtenir de moi ce qu’il voulait, comme il avait toujours réussi à le faire. Je savais comment cela pouvait se terminer. Mais je ne m’étais pas écoutée. Encore une fois, j’avais foncé tête baissée dans son jeu.
Nos lèvres se séparèrent et, faiblement, je posai ma main sur son torse, le poussant légèrement pour l’éloigner de moi. J’osai à peine le regarder, honteuse de l’état dans lequel il me mettait. Ça, il l’avait bien compris. Dans son sadisme, il m’attrapa doucement par le menton pour m’obliger à lever les yeux. Lui n’avait aucun mal à me fixer, au contraire, il s’attardait sur chaque détail de mon expression. Sans quitter mes iris, il enleva son tee-shirt noir, ébouriffant ses cheveux roses au passage. À la vue de son torse nu, je me mordis inconsciemment les lèvres. Constatant fièrement l’effet qu’il me procurait, Yuno esquissa un sourire en coin et commença à déboucler sa ceinture. Mon regard s’arrondit.
« Je… je ne crois pas… que ce soit une bonne idée… lui dis-je, tout en essayant de penser à autre chose qu’à ce qu’il pourrait arriver. »
Yuno ne répondit pas.
« T-Tu m’écoutes ? insistai-je. »
Ses bras passèrent soudainement sous mes fesses avant de me soulever. Il se rapprocha de la table de la cuisine et me fit m’assoir dessus. Son bassin s’inséra entre mes jambes et vint se coller à mon entre-jambe. Je sentis nettement son excitation. Mon cœur tambourinait contre ma poitrine. Son expression venait encore de changer. Ses yeux félins me fixaient intensément, comme s’il réfléchissait à ce qu’il allait me faire. Je le vis se lécher les lèvres, et sa tête plongea au creux de mon cou. Tout mon être frissonna à ce contact. Et sa fougue fit descendre son visage au creux de mes cuisses. Mon souffle devint difficile quand je sentis ses doigts écarter mon sous-vêtement et dévoiler mon intimité. J’arrêtai de respirer au contact de sa langue chaude.
« Aah... ah... non... gémis-je, tout en essayant de le repousser faiblement. »
Mes doigts passèrent dans ses cheveux et s’agrippèrent à eux. J’essayai de lui faire relever la tête, mais plus je m’efforçai, plus il insistait.
« Laisse-moi t’aimer, l’entendis-je souffler. »
Une chaleur irrésistible s’étendit de mon bas ventre au reste de mon corps. Ses succions et ses nombreux coups de langues eurent raison de moi une fois de plus. Je laissai tomber l’idée de l’arrêter et m’abandonnai entièrement à des sensations plus exquises les unes que les autres...
« Iraïna ! »
Ce n’était pas la voix de Yuno…
« Iraïna ! »
Mais enfin ? Que…
« Iraïna réveille-toi ! insista une voix en me secouant gentiment par les épaules. »
J’ouvris aussitôt les yeux, levant difficilement la tête vers mon interlocuteur et constatai qu’il s’agissait d'Akhala. Les deux perles blanches qui lui servaient d’yeux me fixaient. En regardant autour de moi, je constatai que je m’étais endormie en pleine cafétéria. Il n’y avait plus personne.
« Tu as l’air fiévreuse, tu es malade ? Et ça ne te ressemble pas de t’endormir comme ça, tu devrais aller à l’infirmerie ! me conseilla-t-elle, en s’asseyant en face de moi. »
Je me sentais chaude, effectivement mais… c’était à cause du rêve qui m’avait fait revivre un certain moment de ma vie… quand j’étais avec lui.
Akhala était devenue mon amie la plus proche depuis la mort d’Aysha. Elle faisait aussi partie de la garde de l’Ombre. Ses longs cheveux noirs devenaient blancs quand elle utilisait ses pouvoirs, tout comme ces iris blanches qui devenaient noires. Elle me fascinait. Grande et mince, Akhala était très agile et souple. En plus d’être forte, elle était très intelligente. Les gardiens aimaient généralement parler avec elle car elle était toujours à leur écoute. Elle donnait d’excellents conseils et soutenait les cœurs brisés. Sa sagesse résolvait les énigmes des plus complexes, et avec son instinct, ils avaient réussi à l’élever jusqu’au rang de bras droit de Nevra. D’ailleurs, je n’avais jamais compris comment le meurtre d’Aysha lui avait échappé. Si je m’attendais bien à ce que quelqu’un découvre la sombre vérité, c’était bien elle. Mais cela n’avait jamais été le cas jusqu’à présent.
« Iraïna ? Tu es la ? me demanda-t-elle en agitant sa main devant mes yeux.
- O-Oui excuse-moi, j’étais dans mes pensées…
- Hm… j’ai l’impression que tu couves quelque chose. Laisse-moi t’accompagner voir Eweleïn !
- Je… j’irais la voir tout à l’heure, je dois encore terminer d’écrire le rapport d’hier soir…
- Tu m’as dit exactement la même chose il y a deux jours. » répliqua Akhala en arquant un sourcil.
Ah oui, elle n’oubliait jamais rien.
« Ah… fis-je, en détournant le regard.
- Tu sais Ira, commença-t-elle en prenant mes mains, si tu as quelque chose de lourd à porter, n’hésite pas à m’en parler. Je ne serais peut-être pas d’une grande aide, mais parfois le simple fait de se confier à quelqu’un soulage déjà. »
Je la regardai fixement dans les yeux. Son sourire sincère, sa présence réconfortante… J’avais vraiment envie de cracher ce qui restait bloqué au fond de moi. Les mots étaient sur le bout de ma langue, il ne restait plus qu’à ouvrir la bouche. Mais la mort d’Aysha m’en empêchait constamment. Je me souvenais encore de chaque mot, chaque phrase que j’avais laissé échapper. Dans sa chambre, fermée à clef, tard le soir, Aysha avait accepté de recevoir mes larmes sur ses épaules. Mon cœur avait énormément souffert, déjà à l’époque. Je n’aurais jamais pensé qu’en lui avouant tout, je scellais son destin.
Je fermai les yeux, pris une grande inspiration, et la regardai à nouveau. Il était tout simplement hors de question que cela se reproduise.
« Merci Akhala. Je sais que je peux compter sur toi. Si j’ai un problème je t’en parlerais tout de suite, promis. Mais pour l’instant tout va bien, je dois peut-être couver quelque chose comme tu dis. »
Mentir. Mentir aussi mal à une amie. Quelle personne étais-je devenue ?
« Bon… si tu le dis, me répondit-elle, légèrement déçue. »
Si tu savais à quel point j’avais envie de tout te dire Akhala.
« Je vais te laisser alors, me dit-elle, en se levant.»
Je n’en peux plus Akhala. Je ne vis plus.
« On se voit tout à l’heure, okey ? »
J’ai juste envie d’en finir.
« Allez, repose-toi bien ! »
Aide-moi…
« Merci, à tout à l’heure… »⌛…⌚…⌛
Je sentis mon téléphone vibrer à l’intérieur de mon sac à main. Sûrement un autre message de Yuno. Je ne pris donc même pas la peine de vérifier.
« Ça doit en faire une dizaine depuis que ton cappuccino est arrivé… » me dit Aysha, sa voix devenant plus faible au fur et à mesure que sa bouche s’approchait de sa tasse de thé.
Elle avait raison. Je devrais peut-être le mettre sur silencieux.
« Qu’est-ce qu’il te veut à la fin ? me demanda-t-elle, légèrement énervée.
- Va savoir… soupirai-je en cherchant mon portable.
- Depuis combien de temps tu l’as quitté ?
- Presque trois semaines environ…
- Et il continue de forcer ? Tu sais Iraïna, comment ça s’appelle ça ?
- Ah, ah, je sais ce que tu vas dire, dis-je en éteignant mon téléphone avant de le poser sur la table.
- Du harcèlement ! Y’a des lois contre ça ! Je sais de quoi je parle, vu que l’on est la loi !
- C’est bon Aysha, il va bien finir par arrêter… espérai-je.
- Hm… je peux aller lui dire deux mots si tu veux. »
Ouh la, non. C’était une très mauvaise idée.
« C’est gentil, mais ça va aller !
- Je suis sûre que je peux le mettre k.o ! rigola-t-elle.
- Je n’en doutes pas ! » me ralliai-je.
Nous continuâmes de rire encore un moment. Aysha et moi avions les mêmes délires, on s’entendait très bien. En plus d’Ykhar, c’était l’une des premières personne à être venue me parler. On s’était très vite rapprochée et on ne s’était plus quittée. Dans la garde Obsidienne, elle m’avait fait faire la connaissance de Valkyon, le sous-chef, et de ses amis. Étant fille unique, Aysha était devenue une sœur pour moi. On dormait l’une chez l’autre quelque fois. Elle possédait une chevelure rouge écarlate et des yeux vert émeraude. C’était vraiment une très belle femme. Malheureusement pour les gardiens, Aysha n’était pas intéressée par une relation amoureuse pour le moment. Et en parlant de relation amoureuse, nos sujets de discussions principales tournaient autour de Yuno ces temps-ci.
La pause-café terminée, nous nous mîmes en route. Je rallumai mon portable et décidai d’aller consulter mes messages. Je savais que ce que j’allais lire n’allait pas me plaire. Mais à quoi bon lutter contre ma curiosité…
[De : Yuno, à : Moi]
[T’es là ?]
[Réponds moi]
[Tu peux pas m’ignorer comme ça]
[Je t’aime]
[Est-ce qu’on peut se voir ?]
Je soupirai et continuer à faire défiler les messages.
[Je sais que tu m’aimes toujours]
[J’ai besoin de toi, tu me manques]
[Je peux pas vivre sans toi merde]
[Reviens, je recommencerai pas]
[Je suis désolé]
[Je t’aime]
Que dire ?
« Tu ne m’écoutes pas depuis tout à l’heure en fait ? me dit Aysha, en prenant un faux air offusqué.
- Non, enfin si, je t’écoute t’inquiète, continue… lui répondis-je en verrouillant mon portable.
- Toi, fit-elle en se rapprochant de moi, tu sais pas mentir ! »
Sentant ce qui allait arriver, je me mis à courir à toute vitesse. Aysha me poursuivit et, étant plus rapide, finit par me rattraper. Elle se jeta sur moi, ce qui nous fit tomber. Elle m’arracha le téléphone des mains que j’essayai de cacher sous mon tee-shirt. Ce fut un échec total de mon côté.
« Aah ah ! Tu lisais les messages de Yuno ! m’accusa-t-elle, tout en y prenant connaissance.
- Par curiosité je t’assure ! tentai-je de m’expliquer.
- Ouais, ouais, je vais te croire. En tous cas, il a pas l’air de vouloir lâcher l’affaire…
- Il n’arrête pas, tous les jours. Hier il m’a appelé à 2 heures du mat’.
- T’as répondu ?
- Bien sûr que non.
- Eh ben… »
En effet, Yuno me harcelait littéralement par message. Aysha me conseilla de le bloquer. C’était une solution, c’est vrai. Enfin, le temps qu’il s’en rende compte du moins. Mais quelque part, tout au fond de moi, cette attention qu’il continuait de me porter me plaisait. J’aimais le voir s’accrocher, presque désespérément et souffrir de ses erreurs. Il le méritait.
« Encore ?! m’offusquai-je, en cognant la table de mon poing.
- Calme-toi ! m’ordonna Miiko, en fronçant les sourcils, c’est ce que je te demande de faire pour l’instant, continua la kitsune.
- Mais enfin Miiko, c’est le genre de mission qu’on donne à faire aux débutants !
- Aux débutants dis-tu ? Elle ferma les yeux et soupira avant de reprendre, ces documents sont d’une importance capitale, je ne peux pas les donner à livrer à n’importe qui !
- Oui mais tout le monde…
-Stop ! C’est ta mission, point, » me dit Miiko, en haussant le ton.
Je soupirai.
« Bien… finissais-je par accepter.»
Je me dirigeai donc vers la porte quand la chef de la garde Étincelante m’interpella à nouveau.
« Que se passe-t-il ? lui demandai-je.
- Tu n’as toujours pas rendu ton rapport de la mission d’avant-hier. » me répondit-elle, sur un ton qui se voulait sérieux.
C’était donc ça que j’avais oublié de faire…
« Je… oui c’est vrai, je l’ai terminé mais j’ai dû oublier de l’apporter à Ykhar. Mille excuses !
- Ça ne t’arrivait jamais avant, me répondit la femme renard.»
Oui, ça aussi, c’était vrai…
« Écoute Iraïna, je ne te donne pas ce genre de mission pour t’embêter.
- Je ne vois pas où…
- Si tu le sais, me coupa-t-elle.»
Oui je le savais, je pensai juste que ça ne se voyait pas autant…
« Tu as beau dire que tout va bien, je sais qu’il y a un problème, Iraïna, dit-elle en me regardant droit dans les yeux, et je peux tout à fait comprendre que tu ais du mal à faire le deu…
- Non Miiko, la coupai-je brusquement, je t’assure, je suis juste un peu fatiguée. Ça va passer, répliquai-je. »
La kitsune plissa les yeux, comme pour essayer de me cerner un peu plus. Après un court silence, elle soupira bruyamment et se retourna vers le grand Cristal.
« Si tu le dis. Tu n’auras qu’à te reposer après avoir achevé ta mission. »
Ce sur quoi elle me fit signe de m’en aller. Je m’exécutai, les documents en main et me dirigeai vers la sortie du QG. Miiko n’avait clairement plus confiance en moi. Elle savait que j’allais mal et que je ne réussirai à rien faire. Et elle n’avait pas tort, après tout. Aysha fut une bonne amie et conseillère de la kitsune. Sa mort l’avait terriblement affecté. Comme tout le QG. Cependant, les mois passèrent, et tout sembla redevenir à la normale. J’étais très certainement la seule à être encore dans un état aussi pitoyable. J’avais l’impression d’être jugée, infantilisée en permanence. Au début, je ne cachai pas ma peine. Mais je ne supportai plus ces regards… alors je me suis mise à mentir, feindre, jouer un rôle qui ne me ressemblait pas. Bien que je peinais à le faire, cela me permettait d’endurer l’insupportable.
Miiko m’avait demandé de me faire accompagner par une jeune recrue. J’avais pensé à Chrome mais ce dernier était déjà en mission avec quelqu’un d’autre et c’était le jour de repos de Matsui. Je ne m’entendais pas spécialement bien avec les autres recrues alors pour l’instant j’étais seule.
Je continuai d’avancer jusqu’au grand portail. Le ciel gris me rendait morose. Le vent froid et humide transperçait ma peau. Je sentais qu’il n’allait pas tarder à pleuvoir.
« Iraïnaaa ♥ ! m’appela une voix féminine. »
J’eus à peine le temps de me retourner qu’on me sauta au cou. J’en fis tomber mes documents. Une grosse poitrine compressa la mienne, et ce parfum… ça ne pouvait être qu’elle.
« Iraïna ! Ça fait si longtemps qu’on ne s’est pas parlée toi et moi ! me dit Alajéa, d’une voix mielleuse.
- En effet… murmurai-je, en ramassant les documents.
- Comment tu vas ? Tu as l’air un peu pâle, non ? Tu as besoin de quelque chose ? me demanda la sirène avec son air joyeux.»
Ma peau est naturellement très pâle Alajéa...
« Ça va, merci de t’inquiéter. Je dois livrer des documents important, tu peux venir avec-moi si tu veux.
- Oh mais avec plaisir ! s’exclama Alajéa, agrandissant son sourire.»
Alajéa était l’une des rares personnes qui arrivait à me faire sourire sincèrement. Elle était très gentille et chaleureuse, limite collante, mais tout le monde à des défauts, et personnellement ça ne me gênait pas. Bien que la plupart des gardiens ne l’appréciaient pas trop, sa compagnie ne m’était pas désagréable. Son côté innocent et un peu bébête me faisait rire. Alajéa arrivait parfois à me transmettre sa joie de vivre, même les jours où ça n’allait pas pour elle.
Nous nous mîmes donc en route. La personne à qui je devais remettre les fameux documents était un des principaux actionnaires externes de la garde d’Eel. C’était « un humain, bourré de fric, qui vit dans les Haute-Terres et qui a le don de faire des blagues lourdes et pas drôles » d’après Eweleïn. Oui… ça promettait.⌛…⌚…⌛
J’entendis quelqu’un frapper à la porte. Quelle heure était-il ?
« 3 h 51 ? » pensai-je, ayant réussi à discerner ce qu’affichait le réveil.
Alors que les coups s’intensifiaient, je sortis du lit et marchai en direction de l’entrée. Je me mis contre la porte et regardai dans le judas, méfiante. Il faisait très sombre dans les couloirs, et la nuit n’arrangeait rien. Je distinguai néanmoins la silhouette d’un homme. À partir de ce moment, le doute n’était plus permis.
« Je sais que t’es là, ouvre-moi, m’ordonna-t-il, froidement. »
Comment avait-il su que j’étais là ? Je n’avais allumé aucune lumière et n’avais fait aucun bruit. Mon cœur battait à cent à l’heure. Yuno n’était pas dans son état normal. Il me faisait peur.
Soudain, il me cria de lui ouvrir. Surprise, j’avais lâché un petit cri. Ma respiration s’était accélérée et tout mon être commença à trembler. Les coups contre la porte ne cessaient pas.
« J’vais t’tuer. Je te jure que je vais te tuer… proféra-t-il. »
À ces mots, mon cœur rata un battement. Les voisins n’entendaient donc rien ? J’eus tellement peur que mon ventre me fît souffrir. Je n’arrivai plus à respirer de façon régulière. Je ne savais pas de quoi Yuno était capable.
« L-Laisse-moi tranquille… s’il te plait… lui suppliai-je, collée à la porte.»
Mais il ne s’en alla pas. Yuno cognait si fort que j’avais l’impression que la porte allait céder. Je lui criai une dernière fois de me laisser tranquille et le menaçai de faire appel à la Garde avant de retourner m’enfermer dans la chambre. Pour ne plus entendre sa voix et le bruit de ses coups, je m’enroulai dans la couverture et me servis d’un coussin pour me boucher les oreilles. Les seuls sons que j’entendais à présent étaient ceux de mes sanglots.
Nous arrivâmes devant le portail de la résidence –bien trop grande pour un seul homme- de ce cher actionnaire. Durant le trajet, j’avais subi les regards admiratifs des humains et ceux méprisants des faeries. Les personnes des Haute-Terres se pensaient tellement supérieure… Malgré ma peau très pâle, qui tournait autour du bleu et de l’argent, mes cheveux pourpres et mes yeux vairons bleus et verts, je ne pouvais pas tromper les faeries, qui ressentaient mon aura faelienne.
« Bon, on sonne ? me demanda la sirène.
- Oui, vas-y ! »
Alajéa s’exécuta et nous attendîmes. Quelques secondes plus tard, un domestique vint nous ouvrir. Il nous salua et nous conduit à l’intérieur. Tout était tellement grand. Une grande baie vitrée illuminait la pièce et donnait vue sur la mer un peu plus loin. Ayant été averti de notre présence, l’actionnaire descendit les marches d’un grand escalier en marbre. Je n’arrivais pas à me souvenir de son nom… Miiko me l’avait pourtant fait noter.
« Que me vaut l’honneur de cette visite, chères demoiselles ? nous demanda-t-il, sur un ton qui se voulait séducteur.
- Bonjour ! Nous venons vous remettre les documents dont vous avez besoin ! lui répondit Alajéa, joyeusement.
- Nous sommes de la Garde d’Eel, rajoutai-je.
- Oh, voilà des gardiennes que j’aurais bien… gardé ! nous dit-il, en commençant à rire.»
En effet, son humour laissait à désirer.
« Oh oh, trêve de plaisanterie ! Merci d’être venu jusqu’ici...
- Iraïna et Alajéa, enchaînai-je.
- Iréna et Aléja ! répéta-t-il, maladroitement.»
Je n’essayai même pas de le corriger.
Une fois les documents en sa possession, nous prîmes le chemin du retour, malgré sa longue insistance pour boire quelque chose. Ce fut court. Cela faisait un moment qu’on ne m’avait pas attribué de « vrai » mission. Peut-être que je devrais faire plus d’effort… Après tout, j’avais eu beaucoup de chance d’entrer dans la Garde d’Eel. On m’avait très vite fait confiance. Je ne pouvais pas continuer de les décevoir, malgré mon mal être. Il fallait que je surpasse mes émotions, que je les oublie, que je les range dans un coin de mon esprit. J’étais détruite à l’intérieur, mais l’extérieur devait rester intact.⌛…⌚…⌛
On sonna à la porte.
« Tiens qui ça peut bien être ? s’interrogea Aysha.
- Aucune idée ! dis-je en me dirigeant vers la porte d’entrée.
- Si ça se trouve c’est ton ‘‘amoureux’’… » me sourit-elle, malicieusement.
Niels ? Non, je ne l’attendais pas avant ce soir.
J’enfonçai mon trousseau de clef dans la serrure et ouvris. Personne. Juste à mes pieds, devant moi, une boite en carton. Je ne me souvins pas d’avoir commandé quelque chose. Je m’accroupis près de cette mystérieuse boite et l’ouvris.
À la vue du contenu, mon estomac se retourna, me faisant vomir le reste du repas de ce midi. M’ayant entendue, Aysha se précipita vers moi.
« M-Mon Dieu… c’est pas possible... balbutia-t-elle. »
Son premier réflexe avait été de refermer le carton. De mon côté, je sentais encore l’odeur nauséabonde qui émanait de cette boite. Me voyant dans cet état, Aysha me prit par les épaules et me ramena à l’intérieur de l’appartement.
Ce que je venais de voir dans ce carton n’avait rien d’un cadeau. Il s’agissait d’un animal que je connaissais bien, le chat de Niels... mort. Sa chair avait commencé à se décomposer, mais son collier et son pelage ne trompait pas. J’en avais vu des horreurs dans ma vie, mais ce genre, sur un être aussi innocent... c’était tout simplement répugnant.
« C’est vraiment dégueulasse. Quel malade est capable de faire ça à une pauvre bête, et le montrer aux gens de cette manière ?! » grogna Aysha.
Quel malade ? Eh bien, je n’en connaissais qu’un, de malade. Je savais de quoi il était capable. Mais, était-il réellement malade au point de tuer ? Ça je n’en savais rien.
« Heu… Iraïna ? m’appela Aysha, inquiète.»
Je me retournai vers elle. De dos à moi, elle était repartie dans le couloir près de cette horrible boite.
« Oui ? »
Aysha se retourna et mes yeux s’écarquillèrent. Pour la première fois, il me semblait avoir aperçu un brin de frayeur dans ses yeux.
« Il y a un petit papier dans le carton sur le chat… »
Une… petit papier ?
« … c’est un cœur... rose. »
Mon sang se glaça, j’arrêtai de respirer.
J’avais la réponse à présent. Ce jour-là, je compris que ma vie allait devenir un véritable enfer.
>>
[ Chapitre III ➜ « Besoin d'aide » Corrigé ]
« Si seulement tu étais là »
lecture
« Viens vite, on t’a gardé une place ! » réussis-je à lire sur les lèvres de Matsui, assis de l’autre côté de la cantine, me faisant signe de venir.
Heureusement qu’ils étaient là… lui et Akhala. J’étais encore en retard pour la réunion. Non, cette fois-ci ce n’était pas une panne d'oreiller, mais à cause de mon familier. Il s’était amusé à cacher les vêtements que j’avais préparé la veille. Saleté de bestiole…
Je me faufilai discrètement entre les tables afin de ne pas être vue par Miiko et m’assis près d’eux. Matsui m’avait gardé une place à côté de mon amie. Nous étions au fond de la salle, ce qui ne me déplut pas du tout.
« Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? m’interrogea la brune, en chuchotant.
- Rien, rien ! C’est Daku-Souru… lui répondis-je sur le même ton.
- Ton lamulin ? Ah ah, il est marrant, » dit Matsui en riant doucement.
Alors qu'Akhala et le rouquin se mirent à discuter, mon regard se mit à parcourir la salle. Tous les gardiens gradés et de sections spéciales étaient présents. Je ne vis aucune nouvelle recrue. La mission que comptait nous confier Miiko semblait donc à première impression d’une importance capitale. Continuant de balayer les lieux, mes iris restèrent soudainement fixer sur une silhouette familière. Il s’agissait de Nevra.
Le brun était assis tout devant, aux côtés de Valkyon et d’Ezarel. Malheureusement, il était de dos à moi. J’eus un léger pincement au cœur en repensant à la dernière fois que nous nous étions vus. Elle remontait à mon retour de mission dans la capitale avec Matsui. Cela faisait quoi ? Presque deux semaines ? Nos discussions me manquaient. Sa présence chaleureuse aussi. Mais, qu’en était-il de son côté ?
« Tout le monde a bien compris ? demanda la cheffe de la Garde Étincelante à l’assistance.»
Désolé Miiko, mais je n’avais rien entendu.
« Vos binômes seront affichés cette après-midi. Que tout le monde sache avec qui il part avant ce soir. Vous pouvez disposer ! termina la kitsune.»
Les gardiens se levèrent tous, provocant au passage un brouhaha en raclant le sol avec leurs chaises. Les chefs de gardes s’étaient aussitôt éclipsés avec Miiko et Leiftan.
Je me retournai vers mes deux amis qui n’avaient pas bougé. Matsui était sur son téléphone et Akhala le regardait jouer. En les voyant aussi proche tous les deux, une pensée amusante me traversa l’esprit un instant.
« On vous a déjà dit que vous étiez mignon ensemble ? »
Ils se regardèrent tous les deux avant de se retourner vers moi.
« Lol ! fit l’un
- Pas moyen, » fit l’autre.
Ah…
« Bon eh bien… on y va ? » fis-je, pour combler le vide.
Les deux éclatèrent de rire avant de se lever. Matsui m’ébouriffa les cheveux au passage, tandis qu'Akhala me tapa gentiment sur l’épaule. N’empêche, même s’il n’y avait aucune ambiguïté entre eux, ils formaient une sacrée paire.
Nous partîmes en direction de la grande bibliothèque, lieu dans lequel on avait l’habitude de se retrouver après chaque réunion. Bien que je ne me fusse pas concentrée lors des instructions de Miiko, il me semblait avoir entendu parler de « disparitions mystérieuses ». Une fois arrivés, nous nous posâmes dans un coin tranquille. Je demandai alors à Akhala et Matsui de m’expliquer de quoi il était question.
« Eh bien, il y a quelques jours, la Garde d’Eel a reçu plusieurs appels à l’aide. Deux personnes n’auraient plus donné de signe de vie depuis jeudi dernier, m’expliqua la brune.
- Mais, pourquoi ne nous en parler que maintenant ? lui demandai-je.
- Les appels provenaient... des Basse-Terres… » me répondit Matsui.
Ah… c’était plus clair.
« Quand même, un appel à l’aide reste un appel à l’aide. Je ne vois pas en quoi le fait qu’il vienne des Basse-Terres change quoi que ce soit.
- Tu sais ce qu’il s’y passe pourtant Iraïna, répliqua Akhala.
- Oui mais… se sont des êtres vivants, comme nous, non ?
- Je suis d’accord avec toi, mais bon, qu’est-ce qu’on peut y faire ? On obéit, c’est tout… » se rallia Matsui.
On soupira tous les trois. Il était vrai que les Basse-Terres étaient infréquentables, ou du moins, c’est ce que la société nous poussait à croire. Mais de là à se méfier de la véracité d’un appel à l’aide… non, décidément je n’étais pas d’accord avec la Garde sur ce point.
Deux personnes auraient alors disparu… et ce depuis jeudi dernier. Les circonstances de la disparition restaient assez floues. En fait, nos deux victimes avaient assez mauvaises réputations dans leur quartier d’origine. Elles se seraient associées à plusieurs trafics illégaux, feraient peut-être même partie de certains gangs. Mais, ces informations ne constituaient pas des preuves en elles-mêmes. Leurs familles respectives avaient tiré la sonnette d’alarme en nous expliquant qu’elles n’avaient donné aucun signe de vie depuis plusieurs jours et que ce n’était pas du tout dans leurs habitudes.
Akhala se mit à raconter l’un de ses récents patrouillages dans les Basses-Terres. Le tableau qu’elle décrivit était terriblement affligeant. Ces personnes vivaient constamment dans un climat de violence. Des familles, des enfants, laissés là, à l’abandon des regards. Durant son monologue, de vieux souvenir me vinrent en mémoire à l’entente de certains mots. Des souvenirs douloureux, que j’aurais préféré oublier. Je passai l’une de mes mains sur mon ventre qui commença à me faire mal, comme à chaque fois que je pensais à lui. C’était ainsi que se traduisait le dégout, la peur ou le stress chez moi. En pensant à ce monstre, je ressentais tous ces sentiments à la fois. J’en devenais réellement malade.
Soudainement, j’aperçus du coin de l’œil la silhouette d’une personne aux cheveux roses. Mon cœur accéléra en un instant. Je tournai furtivement ma tête en direction de cette dernière. « Rien… » pensai-je. Une hallucination ? « Ce gars m’a rendu complètement folle ». Je sentis une force inquiétante compresser ma cage thoracique. Je ne savais pas pourquoi, mais à cet instant j’avais l’impression d’être observée. Je ne me sentais plus du tout à l’aise ici. Il fallait que je m’en aille.
« Excusez-moi, je ne me sens pas très bien, je vais prendre l’air, dis-je en partant sans attendre leurs réactions. »
J’entendis Akhala et Matsui m’appeler, mais je ne me retournai pas. Je dévalai les escaliers aussi vite que possible et me dirigeai vers les jardins du QG. Le ciel était encore gris ce jour-là, une fine pluie en tombait, mais peu importe, j’avais besoin d’air et surtout… il fallait que j’aille la voir.⌛…⌚…⌛
Les deux amis de la jeune femme se regardèrent, inquiets. Cette dernière venait de s’enfuir, sans aucune raison apparente. Elle n’avait pas daigné se retourner et leur expliquer quoi que ce soit.
« Qu’est-ce qu’il lui prend à la fin ? s’interrogea Matsui.
- Je t’avoue que je suis un peu perdue. Elle est différente depuis la mort d’Aysha.
- Ah... cette femme. C’était qui pour elle ? Comment elle est morte déjà ?
- C’est vrai que tu as rejoint la garde il y a moins de deux mois. Aysha était l’ancienne cheffe de la garde Obsidienne. C’était une très bonne personne. Iraïna et elle étaient amies toutes les deux, c’était un peu comme une grande sœur pour elle, Akhala s’arrêta un moment, souffla, puis repris, il y a presque six mois maintenant, Aysha s’est blessée pendant son entrainement personnel.
- Blessée ? C-C'est-à-dire ? demanda le jeune homme.
- Elle… commença la brune, en se remémorant les images de ce jour-là, elle a été retrouvée avec la lame de son épée traversant son abdomen... »
Matsui porta la main à sa bouche. Il voyait que son amie, qui savait parfaitement maîtriser ses émotions, avait du mal à aligner ses mots.
« Comment une telle chose a pu arriver ?
- On… on ne sait pas Matsui. C’est arrivé c’est tout. C’est un souvenir très douloureux pour la Garde. Surtout qu’elle allait fêter ses 26 ans bientôt… » Akhala baissa la tête.
Matsui se leva pour s’asseoir près de son amie attristée. Il passa ses bras autour d’elle et elle posa sa tête contre son torse. Le roux sentit la jeune femme agripper son tee-shirt noir.
Il se demanda comment est-ce que la lame avait pu lui trancher le ventre par accident. Aysha était forte d’après ce qu’il avait entendu, et très agile. Ce n’était pas logique. Quelque chose clochait. Une enquête avait-elle était ouverte ? Que s’était-il passé exactement ce jour-là ? Pourquoi tout le monde semblait accepter cela comme un accident ?
Matsui fronça légèrement les sourcils. Il était peut-être jeune et peu expérimenté, mais il détestait voir ses proches souffrir. Quelque chose d’anormal s’était produit, et il fera tout pour éclairer ces mystérieuses zones d’ombre.
⌛…⌚…⌛
Je marchai en direction du cerisier centenaire. Cet arbre imposant avait un côté magique. Il était toujours fleuri, même en hiver. Les pétales tombants rendaient ce lieu magnifique. En dessous de ce cerisier, quelque chose de spéciale y résidait.
« Aysha… » soufflai-je, en m’approchant de la tombe de ma chère amie.
Aysha avait toujours adoré cet endroit. Elle venait s’entrainer ici, manger ici quand le temps le permettait, se ressourcer ici, méditer ici. Ce lieu était particulier pour elle. Alors, il était normal qu’Aysha y reposait maintenant éternellement.
Il m’arrivait donc souvent de venir la voir. Quand j’avais besoin d’un peu de force, je lui demandais de me prêter la sienne. Je m’assis en face de la pierre tombale et touchai de la pulpe des doigts les somptueuses fleurs qui l’ornaient. Des roses à la couleur du feu comme elle les aimait. Mes lèvres se mirent à trembler.
« S’il te plait… Aysha… mon amie… m-ma sœur… parlai-je avec difficulté, sentant les larmes me monter, j’ai besoin d’aide… je ne peux plus vivre comme ça Aysha, j’ai besoin que tu m’aides… sanglotais-je, si seulement tu étais là, avec moi. Je n’en peux plus… je n’en peux plus… » firent mes derniers mots avant de m’abandonner aux pleurs.
Lors d’un instant, je crus entendre sa voix. Mes yeux s’arrondir, j’arrêtai de pleurer. Ma respiration se coupa, pour essayer de ne rater aucun de ses sons. Ne l’entendant plus, je me mis à l’appeler, cherchant à la retrouver. Mais mon élan fut soudainement coupé par le visage du ciel qui commençait sérieusement à s’assombrir. En quelques minutes, et ce comme si on partageait ma peine, il se mit à pleuvoir des cordes. Je me retrouvai rapidement entièrement trempée. Je relevai alors les yeux vers les nuages noirs avant de les fermer. L’eau froide fouettait, déferlait sur mon visage, et cela me faisait du bien. Je me laissai aller aux sensations que je ressentais à cet instant. J’avais l’impression d’être connectée à la nature, aux éléments. Mon cœur s’apaisa petit à petit, alors que je sentais mon esprit me quitter. Tout me semblait si loin… Yuno, la Garde, Nevra, les missions, les rapports… les problèmes.
Vint un moment où je n’entendis plus le son de la pluie. Alors qu’il faisait froid, j’avais très chaud, trop chaud. Ma tête commença à tourner, et j’avais l’impression de ne plus réussir respirer. D’un coup, je me retrouvai le visage contre le sol boueux. Je n’arrivai plus à contrôler mes membres. Mes paupières devinrent de plus en plus lourdes. Je me sentis partir, mais je ne luttai pas. Non bien au contraire. J’accueillis cet état léthargique sereinement...
Était-ce la fin ?⌛…⌚…⌛
Qu’était-elle en train de faire ? Je l’avais appelé au moins une dizaine de fois sans réponse de sa part. Aysha m’avait pourtant demandé de la joindre dès que je rentrerai de mission. Et puis elle me répondait toujours. « J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de grave » pensai-je.
Je continuai de marcher jusqu’au grand portail de la Garde. Étrangement celui-ci était fermé. « Il est huit heures du matin pourtant… ». À cette heure-là les portes devaient déjà être ouvertes. Je m’avançai donc et essayai d’en pousser une. Les portes n’étaient pas verrouillées en fait. Que se passait-il ?
Les jardins étaient déserts. Inquiète, je pressais le pas. Arrivée dans la salle des portes, je me dirigeai automatiquement vers la salle de Cristal. Personne, pas même Miiko. En sortant de celle-ci, je vis des jeunes gardiennes se précipiter quelque part. Intriguée je me mis à les suivre. Elles se dirigeaient vers les salles d’entrainement de la Garde. Au fur et à mesure que l’on s’approchait de ces dernières, j’entendis du bruit. Il semblait y avoir beaucoup de monde rassemblé.
Mes yeux s’écarquillèrent à la vue du nombre de gardiens réunis devant la salle d’entraînement de la Garde Obsidienne. Il s’était bien passé quelque chose de grave. Mon premier réflexe avait été d’appeler Aysha à nouveau. Pas de réponses. Je fouillai la foule des yeux à la recherche de mon amie, mais rien. Mon cœur se mit à battre plus fort. Il fallait que j’entre dans cette salle.
Je me précipitai dans la foule, bousculant des personnes au passage sans faire attention. Jamon bloquait l’accès à la salle en se tenant devant la porte. Quand il croisa mon regard, le sien s’assombrit. Ne comprenant pas pourquoi, je continuai de le regarder.
« Jamon désolé pour Iraïna, me dit-il tristement. »
Mes sourcils se froncèrent. Je sentis les larmes me monter aux yeux. Pour quoi s’excusait-il ? Je m’approchai de lui et le suppliai de me laisser passer. Étonnamment, je n’eus pas besoin d’insister, Jamon me laissa entrer. Instinctivement je couru vers l’entrée de la salle, comme si j’avais peur de ne plus pouvoir le faire, et quand j’ouvris la porte… mon être se brisa.
« A-Aysha ? sanglotai-je. »
Non, ce n’est pas toi.
« Ayshaa… »
Ce n’est pas possible, ce n’est pas toi…
« Ayshaaaaa ! m’effondrai-je sur son corps en criant »
J’entendis Miiko donner l’ordre à Valkyon de me sortir d’ici. Je me vis m’agripper à elle, à son corps sans vie. Je m’entendis hurler de douleur en prenant sa tête dans mes bras. Je sentis son sang tâcher ma peau et mes vêtements. Partout, il y en avait partout. Jamais je n’avais autant hurlé, son nom résonnait si fort dans la salle. Jamais je n’avais connu une telle douleur.
« Aysha ! » hurlai-je, comme si la douleur était réelle.
Que se passait-il ? Où étais-je ? Où était Aysha ?
« Iraïna ? Tu es réveillée ? entendis-je près de moi.
- Ah Seigneur merci…
- Comment va-t-elle ?
- Tu te souviens de ton nom rassure-moi ?!
- La belle au bois dormant se décide enfin à sortir de son sommeil…
- Ezarel !
- Iraïna, tu m’entends ?
- Ne nous fais plus jamais une chose pareille ! »
Bien que j’entendisse parfaitement ces voix, je ne sus pas les distinguer.
« Bon, s’il vous plait, sortez tout le monde, elle a besoin de repos, et surtout, de calme.
- D’accord Eweleïn, mais tu me préviens dès que tu as du nouveau !
- Bien entendu Miiko.
- Allez, tout le monde DEHORS ! »
Mais enfin que…
« E-Eweleïn ? prononçai-je faiblement
- Iraïna ! Comment te sens-tu ? me demanda-t-elle, calmement, en posant sa main sur mon front.
- Je… n’en sais rien.
- Hm, je vois. Tu es en mesure de m’expliquer ce qu’il s’est passé ?
- Pas vraiment…
- D’accord ne t’en fais pas. Le plus important est que tu récupère bien.
- Eweleïn ?
- Oui ?
- Depuis combien de temps je…
- Dix-neuf longues heures, » me coupa-t-elle, comme si elle venait de lire dans mes pensées.
Dix-neuf heures ?! Comment était-ce possible ?
« Comment… commençai-je.
- Je te dirais tout ça en détail quand tu iras mieux. »
Quand j’irais mieux ? Ces mots résonnèrent amèrement dans mon esprit.
« Je ne peux pas aller mieux, soufflai-je. »
L’elfe fronça un de ses sourcils.
« Que dis-tu ? »
Mes yeux se fermèrent un instant. Je me sentais terriblement faible et fatiguée. Bien que je ne me souvinsse pas très bien de ce qu’il s’était passé, je me rappelai de cette étrange sensation que j’avais ressentie. Cette impression de partir, très loin. De ne plus rien contrôler. De ne plus s’entendre penser. C’était effrayant. Il est vrai. Mais je ne m’étais jamais sentie aussi libre.
« Pourquoi est-ce que je me suis réveillée ? murmurai-je.
- Iraïna qu’es-tu en train de…
- J’aurais préféré mourir, lâchai-je, doucement. »
A ces mots, j’entendis le souffle d’Eweleïn se couper. J’ouvris alors les yeux et les tournai vers elle. Ses yeux arrondis me firent bien prendre conscience de ce que je venais d’avouer. Mais je ne ressentis aucun remord. Aucune peine. J’étais vide. Absolument vide. La seule chose à laquelle je n’arrêtai pas de penser, c’était l’issue tant attendue dont on m’avait injustement privé. Au nom de quoi ?
« Je… commença l’elfe, troublée, tu dois être dans un état post-trauma…
- Non Eweleïn ! J’en peux plus ! Je ne vis plus depuis des mois ! Je pense à la mort en me levant le matin et le soir avant de me coucher ! Je n’arrive plus à dormir, à manger, à penser normalement ! Je voulais que ça se termine mais je suis encore là ! Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi !? »
Je ne contrôlai plus mes mots. J’explosai en sanglot sans pouvoir m’arrêter. Tout sortit, sans que je le veuille. Par tous les dieux, non, je ne voulais pas en dire plus ! Mais je ne pouvais plus rien faire. J’avais trop gardé, trop retenue, trop refoulé, et il avait fallu que ça tombe sur toi Eweleïn, ma chère amie. Pardonne-moi pour le fardeau que je mets à cet instant sur tes épaules.
« Iraïna… souffla-t-elle, totalement désemparée.
- Eweleïn, sa tension artérielle augmente, il faut absolument la calmer ! entendis-je de la part d’une infirmière.
- O-Oui je… donnez-lui un flacon de verveine bleue ! Entier ! »
Mes yeux en larmes virent quelques soignants s’agiter autour de moi sans réellement y prêter attention. Je savais que je continuai de dire des choses, mais je n’en saisissais plus le sens. Je sentis soudainement un liquide froid traverser la peau de mon bras droit. Puis, petit à petit, une sensation d’apaisement se diffusa au niveau de ma poitrine, avant d’atteindre le reste de mon corps. Je cessai de gémir, et refermai les yeux à nouveau.⌛…⌚…⌛
Eweleïn était en train de ranger quelques feuilles dans un dossier quand la porte de l’infirmerie s’ouvrit, laissant apparaître le chef de la Garde de l’Ombre. Elle regarda en direction du lit d’Iraïna. Cette dernière était toujours en train de dormir. Le médecin se leva avant de se diriger vers Nevra, qui fronçait très légèrement les sourcils.
« Je peux t’aider, Nevra ?
- Comment va-t-elle ? lui demanda-t-il.
- Tu veux parler d’Iraïna ? »
Nevra arqua un sourcil. L’expression d’Eweleïn était étrange. Elle semblait bouleversée.
« Il y a eu des complications ? l’interrogea le brun, inquiet.
- N-Non, enfin, elle est très faible, elle… elle a vraiment besoin de se reposer. Elle…
- D’accord, je vois, la coupa le brun, voyant que la blonde avait du mal à trouver ses mots, est-ce que je peux aller près d’elle ? »
L’elfe acquiesça. Elle semblait réellement préoccupée. Cela inquiéta le vampire mais il décida de ne pas creuser plus. Après tout, Eweleïn ne pouvait pas tout lui dire non plus.
Nevra se retourna et se dirigea vers Iraïna. Arrivé à son chevet, il la regarda, silencieusement. Sa main vint doucement caresser la joue de la jeune femme. Il se souvient du moment où Karenn l’avait appelé paniquée, de la vision du corps d’Iraïna qui semblait sans vie sur le sol, de l’instant où Eweleïn l’avait prise en charge quand son cœur avait cessé de battre. La Garde d’Eel était dans tous ses états. Depuis la mort d’Aysha, quelque chose avait changé au sein de cette dernière. Tout le monde craignait que ça ne se reproduise à nouveau. Personne ne voulait revivre cette tragédie. Qui avait besoin de ça ?
Nevra soupira lentement. Il approcha son visage de celui de la gardienne endormie. Le vampire lui baisa le front et marmonna quelques mots inaudibles avant de s’en aller.⌛…⌚…⌛
Mes paupières se levèrent doucement. Les différents sons de l’infirmerie vinrent titiller mes oreilles, me sortant plus rapidement des bras de Morphée. Ma tête était lourde. J’essayai de me relever mais mon dos était douloureux. J’étais courbaturée de partout. Je remarquai les intraveineuses présentent sur mes bras. Quelle heure était-il ?
« Docteure, elle est réveillée ! » entendis-je.
Mes lèvres étaient sèches et, bien que soigneusement couverte, j’avais froid. Je jetai un coup d’œil à l’extérieur par la fenêtre. Il pleuvait vraiment beaucoup.
« Ira’, comment te sens… enfin, je… chercha ses mots Eweleïn,
- Ce n’est pas la grande forme… mais je sens que je me suis reposée. »
L’elfe m’adressa un sourire légèrement anxieux. Je ne me souvenais pas de tout ce que je lui avais dis, mais j’en connaissais le poids. C’était peut-être bien la première fois que je la voyais me regarder ainsi. Comme un petit être fragile, qui pouvait se briser en mille morceaux à tout moment. Pourtant, Eweleïn connaissait à peu près mes problèmes. Elle n’en connaissait pas l’origine véritable, bien entendu, mais je venais souvent à l’infirmerie depuis la mort d’Aysha pour lui demander des médicaments. Des fois il m’arrivait même de passer la nuit sur un de ses lits quand une crise d’angoisse éclatait. Mais elle ne m’avait jamais regardé comme ça. Elle ne se l’était jamais permis. Parce qu’elle ne voulait pas que j’ai cette impression qui s’imposait maintenant à moi : j’étais au bord du gouffre. Je devais l’admettre. Je n’avais pas le choix. Je devais me faire aider, au moins au niveau de ma santé mentale. Je ne pouvais plus faire comme ci de rien était après mes révélations. Et de toute façon, l’elfe m’empêchera de l’esquiver comme tant de fois.
« Tes constances sont stables, ta tension est redevenue normale. Mais je ne pense pas que tu sois prête à quitter l’infirmerie pour l’instant… m’informa-t-elle, sans quitter des yeux mon dossier médical. »
Non, il est clair que je ne pouvais rien faire dans cet état pour l’instant.
« J’ai pensé… commença-t-elle, hésitante, enfin c’est à toi que reviendra la décision finale mais… que dirais-tu de discuter avec l’un des psychologues de la Garde ? »
Ses yeux me regardèrent, fixement, ses sourcils s’arquèrent tristement. Non décidément je ne l’avais jamais vu comme ça.
« Si tu penses que ça pourrait m’aider à aller mieux… alors pourquoi pas, dis-je doucement.
- D’accord très bien ! J’en parlerai. Repose-toi bien, un infirmier viendra t’apporter ton repas dans une heure ! »
Sur quoi elle s’en alla. Je m’affalai plus profondément dans mes draps. Mes yeux se fermèrent. Je respirai lentement.
Tant de temps s’était écoulé depuis ma rencontre avec Yuno. Tant de souffrance, tant de colère, tant de peur, tant de sang… J’avais l’impression, il y a encore quelques jours, que je n’allais jamais en voir le bout. J’étais, il y a encore quelques heures, personnellement convaincue qu’il n’y avait que la mort qui pouvait mettre un terme à toute cette folie. Il avait fallu que je la frôle au plus près, que je me retrouve perfusée au sein de l’infirmerie pour comprendre – enfin, commencer – qu’il pouvait peut-être y avoir une autre issue à cette histoire.
Je portai ma main au visage. Mes lèvres commencèrent à trembler, et silencieusement, je me mis à pleurer à chaudes larmes.
« Tu vas t’en sortir… Ira… tu vas t’en sortir… me murmurai-je, difficilement. »⌛…⌚…⌛
Quelques jours s’écoulèrent. Je repris des forces, aussi bien mentalement à l’aide du psychologue qui passait me voir tous les jours, que physiquement. Eweleïn fut aux petits soins avec moi. Elle veilla à ce que je me rétablisse aussi vite que ma nature de faelienne me le permettait. Je n’étais pratiquement jamais seule. Et heureusement. Quelques fois quand l’envie m'en prenait, et quand il m’était possible de le faire, j’allais voir les autres patients de l’infirmerie pour passer un moment avec eux. Cela me fit le plus grand bien.
« Tout à l’air bon ! fit Eweleïn tout sourire, je pense que tu es complètement rétablie… du moins physiquement. À toi de me dire si tu te sens assez stable psychologiquement. Tu peux rester autant de temps qu’il le faut. »
Elle posa une main chaleureuse sur mon épaule.
« Honnêtement, je ne sais pas si je suis prête à sortir d’ici mais… je souhaite le faire. Mon familier me manque, et de toute façon, l’infirmerie n’est pas très loin. Je te remercie pour tout. » lui répondis-je, les yeux fixant l’extérieur par la fenêtre.
- Je comprends, et oui n’hésites surtout pas à revenir me voir ! De plus, tes rendez-vous avec le psychologue seront toujours à la même heure, au même endroit, sauf si besoin. »
J’acquiesçai en souriant.
« D’ailleurs ! l’interpellai-je avant qu’elle ne disparaisse,
- Oui, tu as besoin de quelque chose ?
- Je voulais savoir… si tu avais des nouvelles d’Akhala, Matsui… Nevra ? »
Effectivement y penser maintenant était assez déconcertant, mais je n’avais reçu aucune visite de la part de mes amis.
« Ah ! Eh bien, il me semble qu’ils sont en missions aux Basse-Terres en ce moment… »
En mission ? Mais bien sûr ! Cela m’avait totalement échappé, mais la dernière fois que je leur avais parlé, nous étions dans la bibliothèque en train de discuter de cette fameuse mission.
« J’informerai Miiko de ton rétablissement, mais je doute qu’elle t’envoie là-bas. Si c’est ce que tu voulais savoir, me dit-elle.
- Oui je comprends… »
Je m’y attendais à vrai dire, sans grand mal. J’étais physiquement rétablie mais très loin de l’être moralement. De plus la mission se situait dans un contexte particulièrement dangereux. Les Basse-Terres, et il fallait tout de même l’avouer, étaient des lieux où régnait la misère. Ceux qui y vivaient méprisaient la société qui les avait rejetés. Même la Garde d’Eel n’osait pas s’aventurer dans certains quartiers, personne ne savait exactement ce qu’il s’y passait. Les médias véhiculaient une image si négative de ces êtres… c’était vraiment malheureux.
Je quittai finalement l’infirmerie une heure plus tard. Après avoir remercié encore une fois Eweleïn, je me dirigeai vers ma chambre. Elle ne m’avait pas manqué. Beaucoup de mauvais souvenir me revinrent en entrant dans celle-ci. Ces moments où j'avais passé mes nuits à pleurer, à penser, à trembler. Ces moments où j'avais cogné contre les murs quand la rage m’emportait, où j’avais hurlé dans l’oreiller ma haine, où je m'étais caché sous les draps à cause de la peur. Le psychologue m’avait donné quelques exercices à faire quand je sentais la panique monter en moi. Ce n’était pas le cas, étrangement. Malgré tout ce reflux de sentiments négatifs, je me sentais apaisée comme je ne l’avais plus été depuis un moment.
Soudain, je sentis quelque chose se coller à mes jambes. Je baissai les yeux, et aussitôt mon cœur se réchauffa. C’était mon familier. Je l’avais complètement oublié. Il avait dû se faire énormément de souci de ne plus me voir. C’était encore une jeune bête. Je m’accroupis et le pris dans mes bras avant de le mitrailler de bisous.
« J’espère qu’ils se sont bien occupés de toi ! Maman est revenu, en bien meilleure forme qu’avant. Tout va changer tu vas voir. »
Je m’allongeai sur le lit et mon lamulin se coucha à côté de moi. Une main sur lui, je le caressai lentement tout en regardant par la fenêtre. Le ciel commençait à se dégager petit à petit. En cet instant, pour la première fois depuis un temps qui me semblait une éternité, je réalisai à quel point j’avais la chance d’être encore là. J’étais passée par des moments très difficiles, insupportables. Je ne savais pas comment, mais j’avais tenu le coup. La personne que j’étais avant me manquait. En regardant mon familier endormi je m’en voulais de ne pas lui avoir donné l’attention qu’il méritait. Aysha n’était plus là, il fallait que je me fasse une raison. Elle aurait voulu que je reste forte, que je ne succombe pas à ma peine.
« Je deviendrai aussi forte que toi… » me promettai-je.
Mais je savais que je ne pourrais pas affronter ça seule. J’avais besoin d’aide et j’étais enfin prête à l’accepter.
« Quoi qu’il arrive, je serais avec toi, Iraïna ! »
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[ Chapitre IV ➜ « Réapprendre à vivre » Corrigé ]
« Je dois repartir de zéro »
lecture
« Ira’, rapproche-toi ! » me murmura Akhala.
Un silencieux fermement tenu entre les mains, je m’avançai le plus discrètement possible vers mon amie cachée dans les buissons. Nous y étions presque, la tension était à son paroxysme. Les assassins des victimes disparues, malheureusement retrouvées mortes, étaient quelque part dissimulés dans ces bois. Mis au courant de notre enquête à leur encontre, ils avaient décidé de porter chacun un gilet chargé d’explosifs pouvant être déclenchés à tout moment. Leur nombre était inconnu. Nous devions faire preuve d’une extrême prudence et d’une discrétion sans pareille. Une grande partie des gardiens de l’Ombre étaient sur le terrain. Nous étions, Akhala et moi, dans l’escouade principale, celle de Nevra. Elle était composée des sept meilleurs gardiens de l’Ombre. Je n’en faisais pas partie réellement, car mon talent était loin de les égaler, mais Akhala avait insisté pour que je sois près d’elle lors de cette mission qui pouvait être la dernière, notamment à cause des récents évènements qui m’étaient arrivés.
Alors que je pensais être exemptée de cette mission, Miiko m’avait appelé presque une semaine après ma sortie de l’infirmerie. Les choses s’étaient aggravées, m’avait-elle dit, et il fallait absolument que « tous les gardiens les plus compétents soient de la partie ». Pendant cette semaine de repos, je n’avais pas raté un seul jour d’entrainement. Je voulais revenir, aussi forte qu’il m’était possible de le faire, malgré toute ma fragilité encore présente. Presque désemparée, sans avoir réellement le choix, Miiko m’avait envoyé rejoindre l’escouade de Nevra, où je devais rester auprès d’Akhala.
« Tu entends ? Ils sont tout près… me dit-elle, sa voix étant presque inaudible. »
Akhala sortit ses jumelles. Ses cheveux furent maintenant blancs comme neige et ses yeux aussi noirs que l’ébène. Elle récita une incantation et je sentie un voile recouvrir nos deux corps. Notre présence était désormais indétectable. De mon côté, je me concentrai pour affiner mon excellente vision. Grâce à elle, je pouvais viser, tirer, et atteindre ma cible d’à peu près n’importe où, n’importe quand.
« Prépare-toi Ira’, ils approchent. À 3 heures, m’indiqua-t-elle, en abaissant lentement ses jumelles. »
Je me mis en position et pris une grande inspiration. Bien qu’il fît nuit et que nous nous trouvâmes presque dans le noir complet, je pouvais voir parfaitement. Ma respiration se bloqua. Mon cœur ralentit. Il ne devait y avoir aucun bruit. Les assassins étaient des faerys, mais nous ne savions pas de quelle race. Il fallait penser à tout, ne commettre aucune erreur. Nous n’avions peut-être qu’une seule chance.
Soudain, nous entendîmes le son des feuilles sèches piétinées. Ils étaient là. Akhala me fit signe d’attendre. Il fallait être sûr qu’il s’agissait des bonnes personnes à abattre. Nous les laissâmes s’approcher encore un peu. De ma position, j’aperçus qu’ils étaient trois. Ils portaient des masques qui ressemblaient à des muselières. Des masques noirs avec un sourire denté brodé dessus. Aucun doute, c’était eux.
Akhala fit un décompte avec ses doigts. Ma respiration s’affaiblit lentement, pour disparaître à nouveau, ma vision fut plus claire que jamais. Je n’entendis plus rien. Du coin de l’œil, je vis mon amie redescendre son dernier doigt. En une fraction de seconde, trois balles se déposèrent dans la poitrine de chacun des ennemis. Ils tombèrent lentement à terre, comme s’ils comprenaient ce qu’il leur arrivait, sans pouvoir rien y faire. Avant de rendre l’âme, les yeux de l’un d’entre eux se tournèrent vers nous. Ma poitrine se resserra et Akhala soupira. Je détestai tuer.
Nous restâmes un moment encore dans nos positions, silencieuses, s’assurant que d’autres n’arrivaient pas derrière. Ce ne fut pas le cas.
« Bien joué Ira. Ils n’ont eu aucune chance, me félicita la brune.
- Sans toi je n’aurais pas pu, on forme une bonne équipe, lui dis-je, en me relevant.
- Je préviens Nevra. Occupe-toi des corps. »
Ah oui, les corps. Je me dirigeai vers ces derniers et m’accroupis. Leurs peaux étaient déjà devenues plus pâles. Le maana qui était présent dans leur corps les avait rapidement quittés. Leurs yeux étaient restés ouverts, l’un d’entre eux nous fixant avec effroi. J’avançai mes deux doigts vers son visage et les fermai. Je commençai ensuite à les dépouiller de leurs armes et de tout autre objets et indices qui semblaient utiles.
« Heure de l’abattement : 02 h 34, dis-je à haute voix pendant que j’écrivais dans un petit carnet. »
Akhala arriva derrière moi. Elle se pencha pour regarder ce que j’étais en train de noter.
« Tu devrais plutôt écrire ‘‘Heure de décès de la cible’’.
- … Merci.
- De rien, » fit-elle.
Elle m’informa que Nevra avait été averti de la réussite de la mission de notre côté. Pendant que je terminai la rédaction de notre futur rapport, Akhala utilisa ses pouvoirs pour faire disparaitre les corps. Elle posa sa main droite sur le torse d’un des hommes, souffla quelques mots, et ce dernier se désintégra petit à petit, finissant en tas de poussière. Elle recommença pour les deux autres. À chaque fois qu’elle faisait ça, j’avais l’impression de voir une autre personne en face de moi. Son regard froid me rappelait étrangement celui de Yuno. S’en était troublant.
« Bon, on y va, me dit-elle. »
Le vent froid soufflait sur les feuilles des arbres, les tas de poussières s’éparpillèrent. Je levai mes yeux vairons vers la lune. Elle était pleine et si blanche. Si loin de tout ce monde qu’elle éclairait. De cette réalité morbide dans laquelle on s’efforçait de survivre au jour le jour. Je venais d’arracher trois âmes cette nuit. Je ne pensais jamais devoir le faire à nouveau. Le dernier corps sans vie que j’avais vu avait été celui d’Aysha. Jamais je n’aurais cru pouvoir être capable d’ôter la vie après cela. La mort me terrorisait. Elle me terrorisait toujours d’ailleurs. Mais cette nuit, j’avais agi sans réfléchir. J’avais exécuté des gestes, appris maintes et maintes fois, sans angoisse, sans peur, sans hésitations. Je n’avais plus été moi-même lors d’un cours instant. J’avais retrouvé, ne serait-ce que quelques secondes, le niveau que j’avais laissé avant le drame. Tout le travail que j’avais fais pendant des semaines avait payé. Il avait payé.
« Iraïna ? » me sortit la brune de mes pensées.
Nous nous regardâmes un instant.
« Qu’est-ce qu’il y a ? me demanda-t-elle, intriguée.
- Rien… j’étais en train de penser à la mission, lui répondis-je avant de porter le sac sur mon dos.
- Ah, je savais que c’était beaucoup pour toi. Tu te sentais prête de retourner sur le terrain ? s’inquiéta-elle.
- Je ne sais pas Akhala, mais il fallait que j’y retourne de toute façon. Miiko ne semblait pas très enchantée à l’idée de me laisser vous rejoindre mais je pense que ça s’imposait à elle, comme ça s’imposait à moi… je ne pouvais pas continuer de patrouiller au centre-ville… pas avec mes compétences.
- C’est certain, mais je continue de penser que c’est un risque qu’elle a pris. Tu aurais très bien pu réagir autrement, ou pire, ne pas réagir du tout au moment de tirer. »
Tes mots étaient durs. Mais vrais.
Akhala avait raison. Mais le fait est que j’y étais parvenue. J’en étais très surprise, honnêtement. Mais quel soulagement de savoir que j’avançais, que mes efforts payaient !
« Enfin, on en rediscutera plus tard ! Il faut rejoindre les autres.
- Oui, je te suis. »⌛…⌚…⌛
Nous arrivâmes aux frontières de la forêt, là où nous attendait Nevra et le reste du groupe.
Nevra. La dernière fois que nous avions eu une vraie discussion remontait à bien longtemps. Je ne saurais dire. Le soir où j’avais rejoint l’escouade, il était venu me voir en simple chef de Garde, s’assurant que j’allais bien, que j’étais prête et que j’avais toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement de la mission. Il ne m’avait pas posé plus de questions sur ma santé, ni sur mon séjour à l’infirmerie, ni sur les causes de l’accident… rien. Je ne m’attendais pas spécialement à quelque chose de précis de sa part, mais je ne pensais pas que notre relation en était à ce stade. Depuis que je l’avais esquivé il y a quelques semaines, lui claquant la porte au nez, nous ne nous étions pas reparlés. Tout se limitait au travail.
L’avais-je blessé ? Ou avait-il mal interprété mon geste ? S’était-il lassé de nos discussions qui tournaient en rond, auxquelles je ne donnais jamais suite ? Était-ce moi qui me posais trop de question ? Ou s’était-il passé quelque chose pendant mon absence ?
« Bon travail, » nous félicita Nevra.
Nos regards se croisèrent un instant. Intimidée par ses perles grises, je souris légèrement. Mais il n’en fit pas de même. Son expression resta fermée, et il se retourna en direction du groupe.
Mes sourcils se froncèrent légèrement. Blessée par son attitude, plus que je ne souhaitai l’admettre, je baissai la tête et me mordis les lèvres. Je rejoignis ensuite le groupe pour les dernières indications. Malheureusement, mon esprit était ailleurs.
« La troisième escouade a fini par retrouver le dernier assassin. Ils l’ont capturé et on va pouvoir l’interroger. Vous avez fait du bon boulot et rendu honneur à la Garde l’Ombre. Merci pour votre investissement ! » nous informa et salua Nevra, avant de partir rejoindre la troisième escouade.
Cette longue mission touchait à sa fin. Je regardai s’en aller notre chef. Il était accompagné des membres de son groupe. Deux autres gardiens, surement les plus compétents de l’Ombre. Onëya, l’une des deux, semblait être proche de Nevra. Je la vis mettre sa main sur son épaule avant de la presser tout en riant doucement. J’eus un léger pincement au cœur. Cette vision me déplaisait. Encore une fois, plus que je ne voulais l’admettre. Étais-ce de la jalousie ? Ce n’était pas dans mon habitude de l’être. Surtout après ce que j’avais vécu. La jalousie était un sentiment qui me rappelait bien trop ce monstre. Yuno était jaloux, non plus que ça, c’était maladif. Il voulait contrôler absolument toute ma vie. Dans son idéal, je ne devais poser les yeux que sur lui, ne parler qu’à lui, ne toucher que lui, n’aimer que lui. Sa jalousie m’avait détruite et enfermée. Il était hors de question de ressentir une telle chose.
Je ne serais pas comme lui.
« Hey, Iraïna, t’es là ? me sortit de mes pensées une jeune voix.
- Ah, c’est toi Chrome…
- T’as l’air contente de me voir sain et sauf... me dit-il, sarcastique.
- Je savais que rien ne pouvait t’arriver voyons ! lui souris-je.
- Ouais ouais ! » me tira-t-il la langue.
Je ris doucement à sa grimace. Chrome et moi nous entendions plutôt bien. À ce jour, c’était le plus jeune recru de la Garde d’Eel. D’ailleurs je me demandais bien comment il avait réussi à y entrer. Les épreuves étaient vraiment très difficiles ! Et son jeune âge paraissait être plus un frein qu’autre chose…
« Hey Ira’ ! Comment tu vas ? » nous rejoignit Karenn.
Jamais l’un sans l’autre, visiblement.
« A-Ah c’est toi Karenn ! » lui répondit Chrome, joyeusement.
Pourquoi est-ce que Chrome bégayait à chaque fois qu’elle était près de lui ?
« Dis Ira, Chrome t’a raconté ce qu’il s’est passé pendant la mission ? me demanda-t-elle, en se retenant de rire.
- Q-Quoi ? Tu vas pas lui dire ça quand même ?!
- Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
- J-J’ai rien fais ! rougis Chrome, en essayant d’empêcher Karenn de raconter.
- Ah ah ah ! On était caché dans les buissons en attendant que l’un des assassins arrive, quand un lepidoneae s’est posé sur son épaule, elle se mit à rire plus fort avant de reprendre, Chrome a eu tellement peur, qu’il a couru en criant. Quand il a vu de loin que l’assassin s’approchait, il n’a pas eu d’autre choix que de faire le mort ! Il fallait voir la tête du mec en le voyant ! Ah ah ah ! »
« Ah ah, très drôle » répondit Chrome, boudeur. Karenn riait aux larmes pendant que Chrome rallait. Celui-là alors, il se mettait toujours dans des situations délicates. Quand je disais que son jeune âge était plus un frein qu’autre chose…
Nous continuâmes un moment de discuter, quand ce fut le temps de rentrer au QG.⌛…⌚…⌛
Sur le chemin, maintenant proche de la capitale, chevauchant son rawist, Akhala pensa à la mission qui avait semblé durer des mois. Il y avait d’autres gardiens autour d’elle, qui marchaient au pas, mais elle préférait rester seule. Iraïna était loin derrière, sans doute avec Chrome… et Karenn.
La jeune femme leva les yeux vers le vaste ciel étoilé. La lune était reine dans ce bleu nuit sans nuage. Un vent frais soufflait légèrement. Cela n’allait pas durer, car Akhala venait à présent d’entrer dans la capitale. Même à cette heure-ci, elle grouillait de monde. Il fallait passer par les quartiers chauds pour rejoindre la Garde d’Eel plus rapidement. Les rues laissaient donc apparaitre de jeunes femmes très peu vêtues, des jeunes gens trop alcoolisés pour rester debout, des gangs certainement armés, ou encore des sans-abris vendant quelques babioles pour survivre. Il y avait des bars et des boîtes de nuit spécialement réservés à une race en particulier. Les quelques lampadaires qu’il y avait éclairaient peu cette partie de la ville, souhaitant peut-être cacher la misère apparente qui y régnait.
Alors qu’elle était en pleine observation de son entourage, Akhala arrêta son regard sur un petit groupe d’individu situé devant elle à sa droite. L’un d’eux était vêtu d’un kimono blanc porcelaine, ce qui contrastait drastiquement avec le noir des alentours. L’homme s’adressait au groupe qui semblait l’écouter religieusement. Les yeux de la brune avaient du mal à distinguer les différents visages dissimulés sous leurs capuches. Tandis que son rawist continuait d’avancer, elle eut simplement le temps d’apercevoir un des visages qui s’était tourné dans sa direction. Deux pupilles roses et des mèches de cheveux de la même couleur. Deux pupilles roses qui ne la quittèrent pas des yeux jusqu’à ce qu’elle ne fût plus dans leur champ de vision.
« Eh bien… » souffla-t-elle, intrigué.
La brune retourna à l’observation de cette ville et des gens de la nuit.⌛…⌚…⌛
Nous étions enfin de retour au QG. Il était très tard le soir, tout le monde était épuisé. Cette mission nous avait demandé tellement d’efforts physiques et de concentration… cela faisait un moment qu’on n’en avait pas eu d’aussi importante.
Je cherchai Akhala du regard dans cette foule de gardiens. Aucune trace d’elle. Mon amie ne m’avait pas attendue, et elle était sûrement déjà dans sa chambre. Pas de trace de Matsui non plus. En parlant de lui, cela faisait un moment que nous ne le voyions plus. En fait, depuis quelques temps, Akhala, lui et moi ne restions plus trop ensemble. Même pendant les courts temps de repos durant la mission, nous nous parlions à peine. Peut-être était-ce à cause des enjeux de la mission et du stress qu’ils provoquaient… ou peut-être autre chose… Moi qui souhaitais justement me confier à quelqu’un, j’allais devoir patienter.
Après de brèves salutations et quelques « bonne-nuit », je me rendis à ma chambre. Mon familier était déjà en train de dormir, lui qui avait pour habitude de veiller mon retour. Je pris une douche rapide, me changeai et me couchai dans mon lit.
Mais malgré mon épuisement moral et charnel, je ne réussis pas à trouver le sommeil. Pour ne rien arranger, mon familier ronflait… Son nez était encombré et je n’avais pas pu le dégager avant.
Alors comme je le faisais souvent, je me mis à penser. Mes souvenirs, douloureux et joyeux, déferlèrent dans mon esprit. Je revoyais la période de ma vie chez mes parents, au lycée, mes débuts dans la Garde d’Eel, Aysha, Akhala et Matsui, Nevra et puis… Yuno.
« Il faut toujours que je finisse par repenser à toi… soufflai-je, les yeux rivés au plafond. »
Ce pouvoir que tu avais sur moi... arriverais-je un jour à m'en défaire totalement ? Les thérapies avec le psychologue m’avaient aidé à ne plus me focaliser sur mes sentiments négatifs. Mais il y avait eu une coupure avec la mission. Beaucoup d’angoisse, d’adrénaline et d’inquiétude n’avaient cessé de cohabiter en moi ces dernières semaines. Le travail était loin d’être terminé. Ton pouvoir encore trop grand.
« Il faut que je me change les idées, me murmurai-je. »
Je me levai doucement, enfilai un peignoir et une paire de chausson avant de sortir de ma chambre. Les couloirs étaient déserts. Tout le monde se reposait de cette mission éreintante. Je me dirigeai vers la cafétéria, un lieu qui résonnait positivement dans mon esprit.
Mais alors que je m’apprêtai à y entrer, j’entendis des sanglots. Je m’arrêtai un instant pour être sûre.
« Quelqu’un est en train de pleurer… ? pensai-je à haute voix. »
Qui cela pouvait-il bien être ? À cette heure-ci ?
J’hésitai un instant à m’avancer davantage. Si je ne connaissais pas cette personne, je ne pourrais pas vraiment l’aider. Et puis peut-être qu’elle était venue ici pour être seule. Mais je ne pouvais pas simplement l’ignorer, il était peut-être arrivé quelque chose de grave. Alors, je m’approchai à pas de loup vers cette silhouette de dos à moi. Plus je m’avançai, plus la lumière de la lune m’éclairait sur son identité. Je vis de longs cheveux noirs. Une chevelure que personne d’autre ne pouvait avoir.
« A-Akhala ? l’appelai-je, inquiète. »
Mes sourcils se froncèrent à la vue des yeux rougis, alors qu'habituellement blancs, de ma meilleure amie remplis de larmes. Je ne l’avais jamais vu dans un tel état. Elle qui savait parfaitement gérer ses émotions, qui se laissait très peu aller... Mon premier réflexe avait été de la prendre dans mes bras, mais elle m’arrêta. Je ne compris pas son geste.
« Akhala, mais qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi est-ce tu pleures ? »
La brune plaça ses mains sur son visage.
« Sérieusement, je m’inquiète … je pensais être la seule à ne pas pouvoir dormir… »
À ces mots, Akhala se retourna lentement vers moi. Elle renifla et s’essuya les yeux du bout de ses doigts.
« Akha’ ?
- Excuse-moi Ira’, je ne suis pas en forme aujourd’hui.
- S’il te plait, dis-moi ce qu’il se passe !
- Ce n’est rien, je t’assure. C’est surement le stress et la pression qui retombent et tout ça… »
Non Akhala, ça ne pouvait pas être ça, tu es l’une des meilleures gardiennes de la Garde, le stress et la pression tu connais. Tu avais d’ailleurs connu bien pire, et jamais je ne t’avais vu ainsi. Cachais-tu bien ton jeu depuis tout ce temps ? Ou s’était-il passé quelque chose ? Étais-tu en train de craquer ?
Les mots restèrent au fond de ma gorge.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ?
- … je soupirais, je pense trop, je n’arrive pas à m’endormir.
- Toi aussi… »
Je me retournai vers elle. Akhala regarda par la fenêtre. Elle sembla ailleurs, pensive, inquiète.
« … Il s’est passé quelque chose entre toi et Matsui ? »
Son regard se posa sur moi. Elle me regarda longuement, puis, comme-ci de rien n'était, elle éclata de rire.
« Ah ah, pourquoi lui directement ? Tu nous vois en couple ou quoi ? Ah ah ! »
Ne voulant pas rester silencieuse, j’avais sorti la première idée qui m'était venue à l'esprit...
« Non Ira, ce n’est pas à cause de lui. Mais ne t’inquiète pas, je te dirais tout en temps voulu. »
« Moi aussi, j’ai beaucoup de chose à te dire » pensai-je. Nos regards se dirigèrent en même temps vers l’extérieur. Le silence régnait mais aucune de nous deux ne voulut l’interrompre cette fois-ci. Nous restâmes quelques temps encore avant de retourner dans nos chambres.
Je me recouchai dans mon lit et me remis à penser. Akhala n’allait pas bien, et je parlais en connaissance de cause. J’allais devoir attendre gentiment qu’elle m’en parle. De mon côté, il fallait que je réapprenne à vivre normalement. « Je dois repartir de zéro ». Que je réapprenne à vivre sans le fantôme de Yuno, sans l’ombre de mon passé derrière moi. Il fallait que je réapprenne à penser à moi, à prendre soin de moi. Que je réapprenne à aimer la vie.
Lentement, je sentis mes paupières s’alourdir. J’allais enfin pouvoir me reposer.
[ Progression des écrits ]
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Dernière modification par Iraïna (Le 26-10-2021 à 23h42)