Bonjour à vous, camarades de plume ~
Un nouveau topic d'écriture à découvrir ! Et qui nous laisse une grande liberté d'expression, qui plus est ! Même si cette liberté se retrouve dans beaucoup de topics, il est toujours agréable de la retrouver.
J'ai donc décidé de participer, à mon tour, à ce sujet en postant un petit texte sur le thème du reflet. Il s'agit d'un extrait de ma fiction L'Oubliée, que vous pourrez retrouver sur le forum en cliquant sur le lien dans ma signature -si l'envie vous prend de la lire, ceci dit.
Je tiens cependant à signaler que ce n'est pas le plus joyeux des textes. Il n'est pas ouvertement dépressif, graphique, ou quoi que ce soit, aussi n'est-il peut-être pas nécessaire de mettre ce TW, mais je préfère prévenir. On ne sait jamais.
Aria et le Reflet
Elle se regarda dans le miroir. Elle était fatiguée. Ses yeux étaient cernés de noir. Elle était pâle sous les restes de maquillage, et ses cheveux étaient en désordre. Mais ce soir, elle ne prit pas la peine de les démêler. A quoi bon lorsque le sommeil se chargerait de les remettre dans le même état pour le lendemain ? Elle passa simplement de la crème hydratante sur son visage mordu par le froid hivernal avant de se rincer les mains.
Elle baissa un instant le regard pour se frotter les yeux. Elle avait mal à la tête. Encore. C’était soudain. Violent. Douloureux. Les démons tambourinaient et sonnaient, frappaient et hurlaient. Ses tempes étaient comme martelées de coups et ses tympans assourdis par une sirène. Elle avait l’habitude de cette sensation qui la prenait quasiment tous les soirs depuis qu’elle avait commencé à passer ses soirées à travailler à la taverne, mais cela faisait toujours aussi mal. Lorsqu’elle releva les yeux, elle en croisa d’autres dans le miroir. Ce n’était plus son reflet. C’en était un autre, qui semblait plus petit, plus chétif. Plus vulnérable.
- Ça fait mal, constata le Reflet.
Cette voix n’était pas la sienne. Elle était plus claire, plus douce, plus silencieuse, bien loin de la sienne rendue légèrement rauque par les centaines de pipes qu’elle avait pu fumer. Elle ne put s’empêcher d’hocher la tête. Que faire, sinon acquiescer ? L’Autre avait raison.
- Ça fait mal, hein ? Mais tu l’ignores. Tu le mets de côté. Tu essaies de l’oublier. Mais quand ta tête se remplit de nouveau, ça revient. A chaque fois. Et tu gardes le silence.
- Nargor ne voit rien. Pourquoi l’alerter ?
- Oh, si, il voit bien que tu es mal. Mais qu’en a-t-il à faire ? Tant que tu lui rapporteras de l’argent, il ne verra que le masque.
- C’est vrai.
- Bien sûr que c’est vrai.
Aria rit doucement. La fatigue l’enveloppait de plus en plus chaque jour, et elle en était venue à parler à son propre reflet. Mais tout ce que l’Autre disait était vrai. C’était comme si sa conscience essayait de lui parler, de la faire se réveiller du cauchemar sans fin qu’était sa vie. Chacun avait ses règles pour jouer à son propre jeu et, parfois, les parties se rejoignaient, cohabitaient. C’était toujours ainsi, et cela lui convenait. Du moins, c’était ce qu’elle essayait de se faire croire.
- Tu as juste envie de te tirer de ce Refuge pourri, pas vrai ?
Le Reflet avait encore raison. Sa voix fluette résonnait entre les murs de son crâne, secouait la vérité.
- Je déteste ce rôle que je dois jouer pour leur plaire.
- Je sais.
- Lui aussi, le détestait. Il aimait lorsque j’étais moi-même.
- Mais il n’est plus là.
- Et ça me rend dingue.
- Oui. Je sais.
Le Reflet savait tout. Elle était toujours là, à la suivre. Personne ne la voyait, personne ne l’entendait. Mais Aria avait conscience de sa présence. Chaque miroir, chaque vitrine devant lesquels elle passait lui montraient Son image. L’Autre était petite, chétive. Tout semblait tellement grand autour d’Elle. Cela lui faisait peur. Elle le savait. Elle le voyait. C’était pour cela qu’Elle restait dans l’ombre.
- Il n’y avait que lui qui comprenait les règles de ton jeu. Qui les avait acceptées.
- Mais il n’est plus là.
- Il t’a abandonnée.
- Il m’a oubliée. Il est devenu une étoile montante au sein de la Garde d’Eel. Le chef de la Garde de l’Ombre.
- Et toi ?
- Et moi, je suis restée au fond du trou.
- Tu es coincée.
- Forcée à jouer à leur jeu.
Aria baissa les yeux. Le Reflet l’observait. Elle le sentait.
- Pourquoi faire des efforts quand personne ne les voit ? C’est inutile.
- J'essaie de leur sourire tout le temps. De parler. Mais je n'ai plus de sujet de conversation. J'essaie d'écouter. Mais ce qu'ils disent ne m'intéresse pas. Je ne sais plus quoi faire. Alors quand je peux, j'exagère. Je ris un peu trop. Je suis excitée sans raison. Et ça leur va. Quand je n'y arrive plus, je leur dis que j'ai mal dormi. Ça leur va. Et je me force à continuer.
- Mais ?
- Mais j'ai mal aux joues, à force de sourire.
- Ça fait mal.
Elle acquiesça. L'Autre acquiesça avec elle. Elle eut comme la sensation de vouloir pleurer. Mais rien ne vint.
- Tout ce que tu fais sonnes faux. Mais tu dois continuer. Alors tu te caches, et portes un masque qui n’est pas le tien.
- Ça leur va.
- Bien sûr que ça leur va. Tant que tu souris et que tu leur donnes ce qu’ils veulent, ils seront contents. Tu n’es qu’une pauvre prostituée, après tout. Rien d’autre. N’est-ce-pas ?
N’est-ce-pas ? L’espace d’un instant, leurs voix se mélangèrent. Elle ne sut plus laquelle était la sienne. Laquelle était la Sienne. Le Reflet avait raison. Comme toujours. Aria ne savait pas pourquoi, mais Sa voix était toujours là, dans un coin de sa tête. Son apparence était à moitié la sienne. Avait-elle inventé ce Reflet, ou était-elle simplement le Reflet ?
Aria s’éloigna du miroir et s’en détourna, laissant sa serviette tomber sur le bois froid. Elle se dirigea vers sa chambre et enfila un simple peignoir satiné, cadeau d’un de ses trop nombreux clients. Elle s’assit sur son lit, le regard plongé dans le vide. Le ciel commençait à se peindre de couleurs orangées. Le jour se levait déjà. La nuit avait encore été longue, et la jeune femme n’en pouvait plus. Elle ne souhaitait qu’une chose : s’endormir et fuir le plus loin possible de la réalité.
- Alors vas-y, lui chuchota la voix du Reflet. Mais tu sais que tu le reverras.
Elle hocha la tête. Elle s’allongea en silence, et décida de ne pas activer son cristal de réveil. Elle savait de toute façon qu’elle se réveillerait bien avant que la nuit ne tombe à nouveau sur la cité d’Eel. Alors que ses yeux se fermaient, elle soupira, et se blottit dans ses couvertures froides. Encore une fois, elle s’apprêta à revivre un énième souvenir, comme c’était le cas à chaque fois qu’elle s’endormait. L’espace d’un instant, elle pourrait de nouveau voir ce visage qu’elle aimait tant. Il était la seule source de lumière dans ce merdier sans fond qu’était sa vie. Sa seule torche allumée dans un sombre couloir. Alors elle s’en saisit, et sombra lentement dans les bras de ses rêves.
Dans quelques heures, elle aurait de nouveau plein de règles à suivre.
Mots : ~ 1 500
Je n'ai malheureusement pas le temps de laisser un commentaire détaillé, hélas. Mais je tiens quand même à dire que j'ai lu vos textes ; et je les ai tous trouvé aussi magnifiques les uns que les autres. Tant de différences, tant de talents ! C'était un plaisir de lire chacun.e d'entre vous, peu importe le thème choisi. Bravo à tous.tes ! Je ne peux que vous encourager à persévérer sur cette merveilleuse voie qu'est celle de l'écriture, et, si l'envie vous prend, à poster sur ce forum afin de permettre à d'autres de se délecter de l'encre de vos plumes.
EDIT : Je reviens pour proposer un thème que j'aime assez : la Folie.
Je sais que j'aime beaucoup écrire des personnages qui perdent peu à peu la tête. J'espère que ce "prompt" vous inspirera autant qu'il peut le faire pour moi !
Sur ce, je dois m'éclipser. Je vous souhaite une excellente continuation, et espère pouvoir vous dire à bientôt sur ce forum.
Yüshimori
Dernière modification par Yüshimori (Le 13-11-2021 à 19h43)
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