08/12 : Ajout du chapitre 2
Bonjour/Bonsoir à tous et toutes et bienvenue sur cette histoire.
Peut-être que vous êtes ici parce que vous avez eu un contact, d’une façon ou d’une autre, avec mon style d’écriture et qu’il vous plaît ? Ou peut-être que vous cherchiez juste un endroit où passer le temps ? Qu’importe. Quelle que soit la raison, je vous remercie d’être venu en ces lieux pour laisser une chance à mes mots.
Cela fait cinq ans maintenant que cette histoire murît doucement dans mon cœur. Elle avait été publiée une première fois, dans une version maladroite, avant d’être emportée par les flammes de l’incendie. Depuis, elle a été reprise, remaniée et retravaillée pour aboutir à la version que j’ai le courage de vous présenter aujourd’hui. Et cela grâce à @Aespenn qui a su trouver les mots pour faire taire les sempiternels « Et si » qui tournaient dans mon esprit, m’empêchant de sauter le pas. Un grand merci à elle pour cela.
Quant à cette histoire, elle représente à elle seule la plus grande partie de la vie de ma gardienne, mais aussi ses pires démons. Alors ? Tenterez-vous l’aventure à ses côtés ?
A tous les enfants d'Eldarya
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--> Afin de ne pas reproduire les incohérences scénaristiques qui se sont retrouvées tout au long du jeu, la nourriture n’est pas rationnée dans l’Eldarya que je m’apprête à vous dépeindre.
--> Le métissage de Valkyon est inconnu.
--> Il n’est pas nécessaire d’être à jour dans les épisodes pour profiter de ce texte puisqu’il ne suit que très peu la trame de l’histoire originale.
--> Dans mon univers, il existe cinq gardes au sein d'Eel, la dernière étant la garde Écarlate.
--> Cette histoire est de la fantaisie noire. Par conséquent, il y aura quelques scènes de combats avec un peu de violence (bien édulcorée et rien de gratuit afin de rester dans les règles) et de la psychologie, sur fond d’amitié et de romance.
--> Les chapitres sortiront une semaine sur deux, les dimanches.
La jeune femme s’arrêta un instant devant l’entrée de la Cavité Bleue. Là où tout allait se jouer. Le seul compagnon qui lui était autorisé était son familier. Aucun guerrier n’allait l’accompagner. Elle devrait se débrouiller seule.
« Lulyah, ne fais pas de folie, ordonna son chef de garde. Tu ne sais pas ce qui peut t’attendre là-bas, alors réfléchi bien ! Si tu te rétractes, nous trouverons une autre solution. Ne te mets pas en danger !
La faelienne se retourna vers lui, serrant les poings pour empêcher ses mains de trembler. Elle avait peur, oui. Mais elle ne reculerait pas.
— Ma décision est prise Valkyon. Je rentrerais victorieuse ou je ne reviendrais pas. Mais je suis prête à tout. Pour lui, j’irai jusqu’au bout ! »
Une mission qui tourne au cauchemar est tout ce qu’il faut à Lulyah pour que sa vie bascule de la pire des manières. Se retrouvant confrontée aux remords, à la solitude et aux doutes, sa seule chance de se racheter est de se rendre sur les lieux où reposent les réponses aux questions de son existence. Cependant, là non plus, personne ne l’attend. Dans un monde qui ne veut pas d’elle, elle n’aura d’autre choix que de se forger une place pour exister avant que ses derniers espoirs ne se désagrègent.
Quand les rêves se brisent, il ne reste plus que le cauchemar que l’on nomme Réalité.
Je suis finalement revenue sur mon idée première et ai instauré une petite liste de prévenu.e.s. Si tu souhaites en faire partie, il suffit de me le demander en commentaire ou par MP afin de ne rater aucune sortie de chapitre
~ @Lillion
~ @Florianne
Merci à vous ♥
~ @Florianne
Merci à vous ♥
Chapitre I: Mission d'investigation
Le soleil n’était levé que depuis quelques heures, et pourtant, des bruits de pas se faisaient entendre dans la forêt qui s’étendaient sur les flancs des collines environnantes. Nevra ouvrait la marche, tranchant d’un coup de dague, lianes et plantes grimpantes venues obstruer le sentier de terre battue qu’il suivait depuis un moment. Malgré l'heure de marche qu’il avait déjà essuyée, il ne semblait ressentir nulle fatigue, se mouvant avec rapidité et aisance, comme s’il venait seulement de partir. Chassant une feuille rousse venue se perdre dans sa chevelure ébène, il se retourna avant de poser son unique pupille cendrée sur la personne qui le suivait, une bonne cinquantaine de mètres plus loin. Il ne put réprimer un fin sourire, découvrant ses canines pointues, en l’apercevant.
Lulyah suivait comme elle pouvait tout en pestant, ne cessant de trébucher sur des pierres ou des racines qui jonchaient le sol. Au moins, si sa peau, d’une atypique couleur verte, la faisait disparaître au milieu de la végétation, le vampire était sûr de ne pas la perdre tant elle était bruyante. La main sur la hanche, il suivit du regard la tache blanche que représentait la chevelure de sa comparse, attendant qu’elle le rejoigne. Il sourit un peu plus quand il croisa son regard hétérochrome, violet et azur, sans oublier la mine boudeuse qui l’accompagnait.
— Nev’, on peut faire une pause ? demanda-t-elle pour ce qui devait au moins être la troisième fois durant la dernière demi-heure. Ça fait un moment qu’on marche et je n’ai même pas pris de petit-déjeuner. Je commence à avoir faim…
— Un peu de nerf Lulu ! Nous sommes presque arrivés au village où nous devons nous rendre.
— Ça va bien faire une heure que tu me répètes ça. Depuis qu’on est parti en fait…
— Et tu verras que je finirais bien par avoir raison. Courage ! Et ne marche pas trop à la traîne ou je vais définitivement finir par te confondre avec une fougère. Tu as la même couleur !
Il s’amusa de la mine renfrognée de sa camarade, et rit encore plus quand elle fit mine de l’étrangler en agrippant le bout de sa longue écharpe noire.
— Ce n’est pas sympa de te moquer de moi comme ça, soupira Lulyah en s’efforçant de marcher à sa hauteur. Je n’y suis pour rien. Je n’ai jamais demandé à avoir une couleur de peau aussi affreuse en arrivant dans ce monde…
— Je sais, je te taquine, assura le vampire en lui ébouriffant les cheveux. Puis, si ça peut te rassurer, ce n’est pas si horrible. J’ai déjà vu bien pire.
— Sympa, merci.
La gardienne se tut pour économiser son souffle, en profitant pour faire un point sur leur mission. Ils se rendaient actuellement au village de Yomagris, expert dans le travail de la laine de Crylasm, pour enquêter sur des vols de bétails. Visiblement, cela faisait près d’une semaine que ces larcins étaient commis, sans que les villageois n’aient pu dresser un portrait du potentiel voleur. De plus, les rares personnes qui s’étaient trouvées dans les rues au moment des faits avaient également disparu, sans que personne n’en retrouve la moindre trace. Cet appel au secours était finalement parvenu au QG, et Miiko avait envoyé une première équipe pour enquêter. Ne sachant pas quel pouvaient être les ennemis, la kitsune avait pris la décision d’envoyer sur place un chef de garde, et son choix s’était naturellement dirigé vers l’expert en collecte d’informations et d’espionnage. Pour l’épauler, en revanche, elle avait dû choisir parmi les gardiens disponibles et capable de faire équipe avec le vampire. C’était finalement Valkyon, chef des Obsidiennes, qui lui avait conseillé de faire appel à Lulyah. D’ailleurs, la concernée s’en était retrouvée très surprise, bien que cela ne l’est pas dérangée pour autant. Son chef de garde, fort et fier, avait toujours eu le droit à toute son estime et son respect. C’était pour cela que la gardienne avait toujours voulu s’illustrer devant lui, mais sans jamais y parvenir. Valkyon n’aurait d’ailleurs probablement jamais su qu’elle existait si elle n’avait pas été dans sa garde ou la meilleure amie de Nevra. Alors, pour une fois qu’il se souvenait de son existence, Lulyah voulait lui prouver qu’il avait eu raison de lui confier cette mission. C’est forte de cette pensée qu’elle releva la tête, gonflée d’une détermination nouvelle.
— Je te sens curieusement motivée, d’un coup, constata Nevra en la regardant du coin de l’œil. Que vaut ce soudain regain d’énergie ?
— Pas grand-chose. Seulement, à mon arrivée, je n’ai fait que râler parce qu’on me donner pour seule et unique mission le toilettage de familier, et que je voulais en faire des plus importantes. Alors, maintenant que l’on me confie des responsabilités, je veux prouver que je sais m’en montrer digne.
— Enfin, ça fait déjà dix-huit mois que tu es arrivée parmi nous et un an que tu ne fais plus cette tâche ingrate. Même si certains esprits sont encore très méfiants de la faelienne que tu es, je suis sûr que beaucoup te considère déjà comme une des nôtres.
— Je ne sais pas… Les humains ne sont pas bien vus à Eldarya et, de ce que j’ai compris, les vouivres ne sont pas très populaires non plus. Alors vu que je suis un peu des deux…
Le vampire soupira. Il n’aimait pas amener ce sujet sur la table, car il savait que son amie en souffrait beaucoup. Effectivement son deuxième peuple, celui des vouivres serpentaires, avait été longtemps considéré comme des êtres portant malheur. Ils avaient été persécutés pour cette raison, et avaient failli voir l’extinction de leur espèce, comme ce fut le cas pour leurs cousines, les vouivres wygan. Depuis cette époque, ces créatures vivaient en groupe très soudé et refusaient tout contact avec l’extérieur, ce qui leur valait d’être très hostiles avec les autres faeries. Mais Lulyah n’y pouvait rien et il ne trouvait pas ça juste de la juger pour une histoire qu’elle connaissait à peine. Même s’il avait lui-même eu des idées préconçues à son encontre autrefois. Hélas, il semblait être une des rares personnes à avoir accepté de revoir son jugement. Il décida finalement de changer de sujet, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres.
— Et sinon, dis-moi qui comptes-tu essayer d’impressionner durant cette mission ? Serait-ce ce cher Valkyon ?
Malgré la couleur de sa peau, le rouge ressortait bien sur les joues vertes de Lulyah, alors qu’elle le regardait, scandalisée.
— Personne ! assura-t-elle en lui donnant un coup dans l’épaule. Arrête de dire un peu n’importe quoi, tu n’es vraiment pas drôle !
— Tu sais que ton comportement est le meilleur des aveux que tu pouvais me faire.
La gardienne pesta avant de détourner le regard. Son ami passait son temps à la faire tourner en bourrique et ça l’énervait. Mais son affection pour lui dépassait largement son agacement, raison pour laquelle elle était à ses côtés malgré tout. Elle sortit néanmoins de ses pensées en apercevant des chaumières se dessiner entre les troncs des arbres.
— On aperçoit enfin le village ! s’exclama-t-elle en pointant la direction du doigt.
Le jeune homme, disposant d’une moins bonne acuité visuelle, mit sa main en visière pour regarder ce qu’elle lui indiquait avant d’approuver d’un signe de tête.
— En effet. Fini de rire, notre mission commence dès maintenant. J’espère que tu es prête Lulu ? Il va falloir ouvrir l’œil pour essayer de tirer toute cette histoire au clair.
— Oui, tu peux compter sur moi !
Il sourit à cette réponse avant qu’ils n’arrivent finalement à la lisière de la forêt. Et un peu plus loin, en contrebas, s’étendait le village de Yomagris. Installé dans un petit vallon, au milieu des collines, c’était un lieu verdoyant qui s’offrait à eux. Les maisons, simples, étaient toutes bâties à l’aide de rondins de bois tandis que les rues étaient constituées de pierres soigneusement imbriquées entre elles. Une petite chapelle s’élevait du fond du village, visiblement pour prier l’Oracle, et veillait sur un puits, qui semblait être la seule source d’eau environnante.
Cependant, les deux voyageurs n’eurent pas le loisir d’admirer plus longtemps le paysage, se faisant accueillir par des fourches sitôt l’arche de l’entrée passée.
— Halte-là ! ordonna le villageois le plus en avant, l’air se voulant menaçant. Peut-on savoir ce que des voyageurs comme vous viennent faire ici ?
— Nous sommes ici sur ordre de la garde d’Eel, à qui vous avez récemment fait appel, répondit Nevra, nullement impressionné par cette animosité. Cette lettre vous prouvera mes dires.
Il sortit un parchemin de sa poche et le donna à l’homme face à lui. Celui-ci s’empressa de lire son contenu avant d’ordonner à ses collègues de se retirer, d’un signe de tête.
— Veuillez nous excuser pour l’accueil glacial que nous avons eu à votre encontre, reprit-il en s’inclinant humblement. Nous ne pensions pas que la garde d’Eel serait si prompte à dépêcher une équipe. De plus, depuis que les vols ont commencé, nous sommes obligés de redoubler de vigilance face à tous ceux qui souhaitent fouler nos terres.
— Il n’y a pas de problème. Nous comprenons aisément la situation délicate dans laquelle vous vous trouvez.
— Merci beaucoup pour votre compréhension. Mais assez perdu de temps en bavardages ! Si vous voulez bien me suivre ? Il serait d’usage que vous rencontriez le maire pour qu’il puisse tout vous raconter en détail.
— Très bien.
Le villageois se mit en route et les deux gardiens lui emboîtèrent le pas sans attendre. En se retournant, Lulyah put voir les deux autres hommes reprendre immédiatement leur poste, bloquant de nouveau l’entrée du village. De même, des murmures se faisaient sur leur passage alors que les habitants s’écartaient légèrement.
— J’ai bien l’impression que nous ne sommes pas spécialement les bienvenus ici, constata-t-elle dans un murmure à l’attention de son collègue. Nous risquons d’avoir du mal à les approcher si nous avons besoin de les interroger.
— Ne t’en fais pas pour ça, j’ai la solution. Contente-toi de me faire confiance.
Le sourire qu’il lui adressa n’était pas spécialement réconfortant, mais la jeune femme acquiesça tout de même d’un signe de tête. Ils arrivèrent devant la maison du maire, avant que l’homme qui leur servait de guide ne s’arrête devant la porte.
— Attendez-moi ici, je vous prie. Je vais informer monsieur le maire de l’arrivée des gardiens d’Eel.
— Très bien.
Le villageois entra dans la maison, les laissant seuls devant la porte. Lulyah en profita pour regarder les enclos qui se trouvaient non loin d’elle. Les quelques Crylasms qui s’y trouvaient encore s’étaient tous rassemblés en troupeaux, semblant complètement apeurés. Visiblement, ces pauvres bêtes s’étaient fait traumatiser par l’enlèvement de leurs compagnons. Mais qui pouvait bien faire une chose pareille ? Et surtout, pourquoi ?
Elle quitta violemment ses pensées en entendant la porte devant laquelle elle se trouvait, s’ouvrir, la faisant sursauter. L’homme qui se présenta devant eux était de petite taille et ventripotent. Les rares cheveux qui restaient sur son crâne dégarni étaient poivre et sel, dénonçant un âge assez avancé. Il arborait également des moustaches grisonnantes, parfaitement taillées, accentuant la forme crochue de son nez. Sur celui-ci reposaient des petites lunettes rondes à montures dorées, cachant des yeux noisette. Son regard sembla toutefois s’illuminer quand il se posa sur les deux gardiens.
— Merci d’être venu si vite, valeureux guerriers d’Eel. Mais je vous en prie, entrez ! Nous serons mieux installés pour discuter.
D’un geste ample, il invita les deux jeunes gens à franchir la porte, avant de les guider jusqu’à son salon. Celui-ci était décoré simplement. Une bibliothèque habillait le mur du fond, à côté d’un petit bureau en bois polis. Un grand tapis de velours rouge, aux arabesques dorées, habillait le sol. Il était surmonté d’une table basse en verre fumé, elle-même encadrée de deux sofas et d’un canapé en cuir de couleur jais.
Sous le commandement de leur hôte, les voyageurs prirent place sur le canapé, l’homme s’asseyant en face d’eux.
— Comme je l’avais précisé dans la missive que j’ai envoyée à votre QG, cela fait une semaine que nous nous faisons dérober des Crylasms de nos troupeaux, en moyenne deux par nuits, commença le maire en remontant ses lunettes. Cependant, aucun dégât n’a été enregistré sur les clôtures des enclos.
— Et avez-vous constaté une présence étrangère qui se serait établie récemment dans les environs ? questionna Nevra. Celle-ci aurait pu se traduire par de la fumée d’un feu de camp qui s’élèverait la nuit, ou bien par des empreintes étranges aux abords du village.
— Non, rien de tout ça. Après, nous ne nous sommes pas aventurés dans les collines. Les chemins pour y accéder sont très escarpés, sachant que des bêtes sauvages y résident. Nous ne sommes pas des combattants et ne saurions nous défendre si nous nous retrouvions face à ce genre de créatures.
— Je vois… Et concernant les personnes qui ont également disparu ?
Lulyah regarda un instant son ami. Elle était toujours surprise de voir son sérieux durant les missions, lui qui semblait tout faire avec frivolité. Elle reporta par la suite son attention sur le maire, face à eux, qui se gratter la tête d’un air embarrassé.
— Comme j’en avais fait mention dans la lettre, nous n’avons pas retrouvé la moindre trace d’eux. La seule piste que nous ayons eue, c’est le fragment de la lance de l’un des volontaires qui patrouillaient dans les rues, il y a trois nuits. J’ignore ce qui a pu lui arriver, mais je ne peux m’empêcher d’envisager le pire. Naturellement, j’ai fait taire cette découverte afin de ne pas provoquer de panique au sein du village.
— Je pense que, compte tenu du peu d’informations dont nous disposons, c’est le plus sage. Avez-vous instauré une sorte de couvre-feu ?
— Oui. À part les volontaires qui exécutent les rondes nocturnes, personne n’a le droit de se promener dans le village dès la nuit tombée.
— Avez-vous entendu quelque chose qui pourrait nous donner une quelconque piste sur l’identité du voleur ?
— Eh bien… une nuit, j’ai entendu ce qui ressemblait fort à un pas lourd et pataud, résonner dans les rues de la ville. Cela ressemblait à la démarche d’un Pachirondo. Je crois qu’ils aiment bien vivre dans des lieux de moyenne altitude, comme ce qu’offrent les collines environnantes.
— Je vois. Je vous remercie de votre coopération, assura Nevra. Ne vous souciez plus de rien, nous prenons les choses en main à compter de maintenant. On y va Lulyah !
— Hein ? D’accord.
Voyant le chef de garde s’incliner devant le maire, elle décida de faire pareil avant qu’ils ne quittent la demeure. Une fois dehors, elle se décida finalement à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
— Dis-moi Nev’, c’est quoi un Pachirondo ?
— C’est un familier quadrupède dont la taille dépasse allègrement les deux mètres. Son corps est de forme ronde, ses pattes ressemblent à des poteaux, recouverts de poils. Il a également une trompe en guise de nez et une queue en tire-bouchon.
— Ah je vois… C’est une sorte de croisement entre un mammouth et un cochon, en fait…
— Sinon, dis-moi, que penses-tu de la situation que nous a exposé le maire ?
— Quoi ? Tu veux mon avis ?
— Évidemment ! Je te rappelle que tu n’es pas ici pour faire pot de fleurs, tu es là pour m’aider ! Du coup, j’aimerais beaucoup entendre ton point de vue.
— Sauf que je ne suis pas sûre d’être d’une grande aide…
Mais le vampire avait raison. Après tout, si elle voulait prendre du galon, il lui fallait réussir des missions à responsabilités. Et pour cela, il fallait commencer par s’y investir !
— Eh bien, puisque le maire nous a assuré qu’il n’y avait aucun dommage sur les clôtures, on peut supposer que les voleurs les enjambent chaque nuit.
Voyant que son meilleur ami lui adressait un sourire encourageant, elle se décida à poursuivre.
— Du coup, j’en suis venu à la conclusion qu’ils doivent être de grandes tailles et dotés d’une force conséquente pour pouvoir parvenir à réaliser cette prouesse tout en portant un Crylasm.
— J’en suis venu aux mêmes conclusions.
— Avec les bruits de pas dont on nous a parlé, peut-être que ces voyous se déplacent à dos de Pachirondo ?
— Je ne pense pas, assura Nevra, catégorique, en rangeant son carnet de notes. Contrairement à ce que nous a dit le maire, je suis absolument certain qu’il n’y en a pas dans la région. D’ordinaire, ce familier vit en moyenne montagne. Les collines sont bien trop basses par rapport à son habitat naturel.
— Ah… Mais tu as une idée de ce que ça pourrait être alors ?
— Oui, mais inutile de t’en faire part pour le moment, je n’ai encore rien de concret. Nous allons donc interroger certaines villageoises pour essayer de savoir si elles ne peuvent pas nous en apprendre plus.
— Mais tu as vu comment les habitants réagissent à l’approche des étrangers ? s’étonna Lulyah. Jamais ils ne nous laisseront les approcher !
— C’est bien pour cela que j’ai parlé des demoiselles !
Nevra lui adressa un sourire confiant avant de marcher vers une femme, visiblement âgée d’une vingtaine d’années, qui passait le balai un peu plus loin. Elle eut d’ailleurs un mouvement de recul en le voyant s’approcher d’elle.
— N’ayez pas peur madame, je ne vous veux aucun mal, assura le jeune homme dans un sourire charmant. Je suis venu pour libérer votre village du fléau qui y sévit. Il serait dommage qu’une si jolie femme soit menacée par quelques voyous que ce soit.
Son interlocutrice ne sembla pas rester de marbre face à ses paroles, ses joues se teintant d’une vive couleur rosée. Lulyah, restée en retrait, ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel devant ce spectacle des plus navrants.
— Que… qu’attendez-vous de moi, monsieur ?
— J’aimerais seulement savoir si vous avez entendu ou vu quelque chose qui pourrait nous aiguiller sur l’identité des voleurs. Dites-moi tout ce que vous savez, même les détails qui vous paraissent les plus dérisoires.
D’un geste habitué, le vampire glissa une mèche ébène de la jeune femme derrière son oreille, gagnant un nouveau rougissant de l’ingénue.
— Eh bien, la nuit dernière, il m’a semblé entendre le rugissement d’un Moogliz, dans le village, mais je ne suis sûre de rien.
— Un Moogliz, hein ?
Sceptique, le chef de garde nota ce renseignement dans son carnet, les sourcils se fronçant à intervalles réguliers.
— Je suis navrée de ne pas vous être d’une grande aide.
— Au contraire, votre aide a été à la hauteur de votre beauté : parfaite !
— Me-merci !
— Pourquoi ne pas garder vos remerciements pour un autre soir, autour d’un verre, une fois les malfrats neutralisés ?
Dans un dernier sourire brillant, le vampire fit un signe de tête à sa collègue afin qu’elle le suive. Lulyah soupira, mais s’exécuta sans protester. Elle vit ainsi la même scène se rejouer encore et encore. Les femmes semblaient réticentes à toutes approches, jusqu’à ce que Nevra commence à leur sourire en glissant quelques compliments dans la conversation. Aux yeux de Lulyah, il était juste très lourd, mais ce n’était visiblement pas l’opinion unanime.
— Désolé de te dire ça comme ça Nev’, mais tu es quand même super embarrassant comme gars ! lâcha-t-elle finalement alors qu’ils s’étaient mis à l’écart, la récolte d’informations étant terminée.
— Ben quoi ?
— Ne fais pas comme si tu ne voyais pas ce que je veux dire. Je parle du comportement que tu as eu avec toutes ces dames ! Il y en avait des mariées dans le lot, je te ferais dire !
— N’en fais donc pas tout un plat. Tu apprendras avec l’expérience que tous les moyens sont bons pour récupérer des informations. Il faut savoir tirer parti des faiblesses de la personne face à soi.
— Ben voyons… Parce que tu vas me dire que leur proposer d’aller boire un verre avec toi une fois le voleur arrêté, c’était également pour l’obtention de renseignement ?
— Il faut savoir mêler l’utile à l’agréable !
— Si tu le dis.
L’Obsidienne n’avait pas envie d’épiloguer plus longtemps sur ce sujet avec son ami, sachant que c’était un combat perdu d’avance. Le jeune homme avait toujours réponse à tout. Elle reporta donc son attention sur ce qu’il faisait, pour constater qu’il venait de terminer la rédaction d’un parchemin. Il le roula soigneusement avant de l’attacher autour du cou de son familier, un Black Gallytrot.
— Pourquoi ces notes ? Tu sais finalement à quoi nous avons affaire ?
— Oui. Grâce aux témoignages de ces dames, j’ai pu avoir la certitude que mes premières suppositions étaient exactes. Du coup, il va falloir retourner voir le maire, afin qu’il donne l’ordre aux habitants de s’enfermer chez eux.
— Pourquoi ? Je ne te suis pas… La seule chose que ces femmes se sont accordées à dire, c’est qu’elles avaient entendu des rugissements de Mooglizs pendant plusieurs nuits.
— Justement, c’est ce qui a fini de me conforter sur l’identité de ces voleurs. Il n’y a pas de Moogliz dans cette région-ci d’Eldarya.
— Du coup, qu’est-ce que ce serait d’après toi ?
— Des trolls des montagnes. C’est pour cela qu’il faut que le QG envoie des renforts le plus vite possible.
Lulyah regarda un instant Sheïtan, le familier de son ami, partir à toute allure avec le message qu’il portait. Elle pouvait sentir son estomac se nouer. Pour une raison inexplicable, elle avait un très mauvais pressentiment.
Chapitre II : Erreur tactique
Conformément aux ordres du chef de garde, ils étaient tous deux retournés dans la demeure du maire, afin de lui faire part de leur sinistre découverte. D’ailleurs, le vieil homme avait paru complètement chamboulé par la nouvelle, et ne s’était pas fait prier pour donner l’ordre aux habitants de s’enfermer chez eux. Le petit duo était, par la suite, retourné dans les rues désertes, avant de s’y arrêter pour déjeuner.
— Du coup, quelle est la suite des opérations ? questionna Lulyah, rompant finalement le silence instauré entre eux.
— Nous allons aller faire une petite démarche d’investigation dans les collines avoisinantes.
— On n’attend pas les renforts pour cela ?
— Non. Je pense qu’au plus tôt, au regard du temps de trajet qui sépare le QG d’ici, ils n’arriveront pas avant trois heures. De plus, si nous cherchons la tanière des trolls en étant trop nombreux, nous nous ferions facilement repérer, expliqua Nevra. Ces créatures sont loin d’être des enfants de chœur. Mieux vaut ne pas s’attaquer à eux de front. Du coup, c’est à nous que revient la charge de débusquer leur campement.
— Mais, si jamais nous tombons face à face avec eux ? demanda la jeune femme, sentant la peur l’étreindre un peu plus à chaque minute qui passait.
— Ne t’en fais pas, les trolls des montagnes sont essentiellement actifs la nuit. Dans le pire des cas, nous aurions seulement affaire à leur sentinelle. Dans ce cas, nous n’aurons qu’à la supprimer, avant que les autres ne rappliquent. À deux contre un, c’est largement faisable.
— Tu es sûr ?
— Évidemment. Comme je viens de te le dire, ils sont dangereux. Cependant, il ne faut pas oublier qu’ils sont également lourdauds, gauches et incroyablement stupides. De la rapidité, de l’agilité et de la tactique nous permettront de nous sortir de ce mauvais pas, à n’en pas douter.
Lulyah hocha vaguement la tête, trouvant qu’il s’avançait peut-être un peu vite sur cette affirmation. Si le vampire avait toute confiance en ses talents de combattant, ce n’était pas du tout le cas de la gardienne, qui hésitait encore beaucoup. Cependant, elle s’abstint de faire tout commentaire, terminant son repas. Après tout, s’ils avaient de la chance et si les informations de son collègue étaient justes, ils ne verraient peut-être personne.
Ils finirent leur repas rapidement avant de se mettre en route, empruntant l’un des nombreux sentiers escarpés qui serpentaient entre les collines. L’ascension commença dans le calme, économisant leur force. Le vampire regardait dans chaque recoin, à la recherche d’un potentiel indice de passage, et Lulyah se mit à faire la même chose. Cependant, la terre était sèche, témoin de nombreux jours sans averse, empêchant toute empreinte de s’y imprimer.
— Si seulement il avait plu récemment, soupira-t-elle finalement. On aurait pu facilement remonter la piste jusqu’à leur campement.
— C’est vrai. Cependant, nous pouvons très bien faire sans. S’ils volent toutes les nuits, on peut penser qu’ils empruntent toujours le même chemin. Et ce faisant, c’est obligé qu’ils finissent par laisser une preuve de leur passage. Ce sera moins évident à voir, mais pas impossible. Il faut juste chercher un peu.
— Oui. Tout ceci ne serait pas arrivé si je maîtrisais mes compétences de vouivre. Avec le don de rétro cognition, je n’aurais eu aucun mal à savoir ce qui se passe ici, toutes les nuits.
— Te prends pas la tête, Lulu ! Tu n’es qu’à moitié de ce peuple, c’est normal que tu ne saches pas utiliser toutes ses compétences. On saura très bien faire sans, t’en fais pas.
La gardienne approuva d’un signe de tête, tentant de ne pas paraître trop défaitiste, avant de reprendre son observation. Par endroit, l’herbe était légèrement aplatie, mais il était parfaitement impossible de savoir si c’était bien l’œuvre des voleurs ou celle d’un familier quelconque.
Ne trouvant rien sur le sol, Lulyah décida de contempler un peu les arbres qui les entouraient. Les collines, si verdoyantes, se révélaient recouvertes d’une véritable forêt. Si on omettait le fait que des trolls y avaient élu domicile, c’était un endroit très agréable. Son regard se figea néanmoins sur les branches des arbres qui abritaient le sentier. La plupart avaient été cassées en de nombreux endroits. Elle tapota l’épaule de son compagnon pour gagner son attention.
— Nev’, je viens de trouver ça, annonça-t-elle en indiquant sa découverte d’un signe de tête. Tu penses que ça peut être l’œuvre des trolls ?
Le vampire leva la tête pour constater les dégâts qui s’étendaient au-dessus d’eux.
— Nous ne pouvons en avoir la certitude absolue, mais vu la hauteur, ce n’est pas impossible du tout. Ce qui veut dire que nous sommes sûrement sur la bonne voie. De plus, j’entends un curieux grondement qui provient d’un peu plus loin. À partir de maintenant, il va falloir redoubler de vigilance. Et, par mesure de sécurité, nous allons quitter le chemin. L’ascension sera certainement plus pénible, mais cela réduira nos chances de nous faire repérer.
— D’accord…
La jeune faelienne pouvait sentir son estomac se nouer davantage alors qu’elle suivait son compagnon, avançant péniblement entre les arbres et les ronces. La végétation devenait de plus en plus dense, masquant une partie des rayons du soleil. Cela ne faisait qu’alourdir un peu plus l’atmosphère. Trébuchant sur les rochers et les racines présents sur son passage, l’Obsidienne avait perdu du terrain sur son compagnon qui avançait sans aucun problème et dans un silence des plus troublants. Il n’était pas étonnant de le voir chef de garde de l’Ombre au regard de sa discrétion sans égale.
Nevra arriva bien vite sur un promontoire rocheux avant de finalement s’y allonger, regardant légèrement en contrebas. Il se tourna vers sa camarade, qui arrivait péniblement, et lui intima le silence avant de lui faire signe de venir vers lui. Lulyah ne se fit pas prier et prit place à ses côtés, s’allongeant également pour être moins visible.
Un peu plus en bas se trouvait un campement. Au centre de celui-ci se trouvait des branchages, disposaient en croix et fortement brunis, laissant supposer qu’un feu y était allumé régulièrement. Les cahutes qui l’entouraient avaient été fabriquées grossièrement avec du bois, de la roche, et ce qui ressemblait fortement à des os. Mais la gardienne préférait ne pas y penser. D’importants ronflements en sortaient, ne faisant qu’apeurer les pauvres Crylasms, parqués dans un enclos ridiculement petit.
— C’était donc bien ça, le bruit insupportable que j’entendais depuis tout à l’heure, constata Nevra à voix basse. Et pas étonnant que les villageois ne se soient pas rendu compte d’une présence vivante dans les parages. Ils se sont servis du relief du paysage pour masquer éventuellement la fumée de leur feu de camp. Je dois avouer qu’un tel raisonnement, venant de créatures aussi bêtes, me forcerait presque le respect.
— Du coup, notre démarche d’investigation est un succès ? demanda Lulyah d’une toute petite voix. On va pouvoir rentrer au village ?
— Ouais. Et nous saurons exactement où et quand frapper, une fois les renforts arrivés. Je t’avais bien dit qu’il n’y avait pas à s’en faire.
L’Obsidienne approuva d’un signe de tête, un sourire soulagé illuminant son visage. Elle ne pouvait nier être rassurée que tout se soit passé sans le moindre accro. Elle regarda son ami se relevait doucement avant de faire de même, commençant à rebrousser chemin.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas vraiment dans cette histoire, confia finalement la jeune fille, une fois être sûre que les trolls du campement ne pouvaient pas les entendre. Je pensais qu’ils volaient les Crylasms pour s’en nourrir. Mais ce n’est visiblement pas le cas puisque ces pauvres familiers sont toujours en vie. Alors, pourquoi les volent-ils ?
— Probablement pour leur laine. Tu sais, n’étant pas très habile de leurs mains, ce genre de créatures vit de brigandages et de braconnages. Et ils ne sont pas non plus suffisamment dégourdis pour réussir à domestiquer des familiers, ce qui les pousse à en voler. Raison pour laquelle j’ai rapidement pensé à eux comme coupable. Quant au fait de dévorer les Crylasms, sache que peu de peuples mangent les familiers. Les trolls préfèrent de loin la chair de faeries.
La faelienne se figea à ces mots, forçant son ami à s’arrêter également.
— Mais alors… les sentinelles du village qui ont disparu…
— C’est effectivement la fin la plus envisageable pour ces pauvres personnes. C’est bien pour ça que j’ai demandé au maire de faire en sorte que plus personne ne se trouve dans la rue, surtout dès la nuit tombée. Inutile qu’il y ait davantage de victimes.
— C’est horrible, marmonna Lulyah, reprenant sa marche.
Et dire qu’à son arrivée sur Eldarya, dix-huit mois plus tôt, elle avait eu l’air de vivre dans un monde merveilleux, digne d’un conte de fées. Force était de constater que, plus le temps passait, plus elle découvrait les dessous cauchemardesques de la vie ici. Et elle n’était pas sûre du tout de s’y faire un jour.
Elle sortit toutefois de ses pensées en se heurtant violemment au dos de son ami, s’étant immobilisé sans avertissement.
— Qu’est-ce qui te prends Nev’ ? questionna-t-elle en se massant le bout du nez. Pourquoi tu t’arrêtes ?
— J’entends une respiration… On n’est pas tous seuls…
Lulyah ne put empêcher un frisson de la parcourir alors qu’elle regardait tout autour d’elle. Elle ne voyait rien du tout, et n’entendait pas non plus ce dont parlait son ami. Pourtant, à la mine grave que son visage arborait désormais, elle savait qu’elle pouvait commencer à s’inquiéter. Toutefois, elle n’eut pas le loisir de méditer davantage sur la question, se faisant empoigner fermement par le bras alors que son camarade recommençait à avancer à grandes enjambées. La jeune femme n’avait qu’à essayer de tenir le rythme du mieux qu’elle pouvait, essayant de ne pas trébucher sur le sol escarpé.
— Ralenti Nevra ! J’ai du mal à te suivre !
— On n’a pas le temps ! Faut qu’on dégage d’ici au plus vite !
Cependant, il s’immobilisa de nouveau, manquant de se faire heurter une nouvelle fois par sa camarade. Celle-ci allait l’interroger avant d’esquisser une grimace de dégoût, se bouchant le nez.
— Qu’est-ce que c’est que cette odeur putride, d’un coup ? C’est infect !
— C’est mauvais…
Suivant le regard de son ami, elle leva la tête avant de sentir son sang se glacer dans ses veines. Un peu plus loin, dissimulé parmi les arbres, se trouvait une créature les dominant, sa taille avoisinant sans mal les trois mètres. Un gourdin était négligemment posé sur son épaule, alors que ses petits yeux, d’aspects porcins, fixaient sans le moindre doute le duo. La créature esquissa finalement un sourire, découvrant sa dentition jaunie.
— Chouette, de la viande fraîche, assura-t-elle en riant bêtement.
Lulyah déglutit difficilement tandis que le troll les approchait d’un pas lourd. Devant elle, Nevra avait déjà dégainé ses dagues.
— Ce que je craignais est arrivé, nous sommes tombés sur la sentinelle. Tiens-toi prête Lulu ! Nous n’avons pas d’autres alternatives que de la supprimer avant que la situation ne se complique.
— Je veux bien, mais tu as vu ce mastodonte. Je ne suis pas capable d’affronter un tel monstre, marmonna la concernée, la voix tremblante. C’est d’ailleurs la première fois que j’en vois un.
Et autant dire que c’était une rencontre dont elle aurait aisément pu se passer.
— Je sais. Sachant que le moindre coup reçu peut être fatal. Il n’y a donc pas de place à la maladresse ou au doute.
Le vampire jeta un coup d’œil à sa partenaire avant de reporter son attention sur le troll qui avançait toujours de sa démarche lourde.
— Je vais faire diversion ! Attends une ouverture, et frappe un grand coup !
La jeune femme approuva d’un signe de tête en regardant son meilleur ami partir à l’assaut. Elle s’écarta rapidement du lieu de l’affrontement afin de guetter une opportunité. Elle en profita également pour essayer de réguler son rythme cardiaque, son cœur martelant douloureusement sa cage thoracique. Même ses mains tremblaient sur le manche de son marteau.
— Allez, Lulyah, ce n’est vraiment pas le moment ! Nev’ compte sur toi ! Ne laisse pas la poule mouillée qui t’habite refaire surface…
Elle était de la garde Obsidienne, bon sang ! Elle ne pouvait pas trembler comme une feuille devant le premier ennemi qui passait ! Que diraient ses compagnons d’armes ? Et, pire encore, que dirait Valkyon s’il la voyait ?
Elle reporta son attention sur le combat qui se déroulait sous ses yeux. Nevra se mouvait avec une rapidité et une agilité déconcertante. Aucun de ses gestes n’était superflu, chacune de ses attaques frappant avec une précision chirurgicale. Le troll semblait d’ailleurs dépassé par les événements. Il agitait son gourdin dans des coups meurtriers, mais complètement désordonnés, aucun n’atteignit sa cible. Comme quoi, la vitesse était clairement quelque chose qui semblait faire défaut à ce peuple. Il avait récolté de nombreuses entailles sur les bras et l’abdomen, pas assez profondes pour le mettre en péril, mais suffisamment pour le mettre en difficulté.
Concentré dans son duel avec le vampire, le mastodonte semblait avoir complètement oublié Lulyah. C’était probablement là, la chance qu’elle espérait. Saisissant cette opportunité, elle entreprit d’escalader l’arbre qui se trouvait non loin d’elle. S’accroupissant sur une branche, suffisamment épaisse pour supporter son poids, elle attendit que les mouvements de sa cible la rapprochent d’elle. Quand le troll passa finalement à sa portée, elle bondit de son perchoir, armant son marteau. De toutes ses forces, elle abattit le bout de sa masse sur le crâne de son adversaire. Le troll chancela un moment, laissant juste le temps à la jeune femme de tomber souplement sur le sol, avant de s’effondrer dans un bruit sourd. L’Obsidienne ne put s’empêcher de ressentir une certaine fierté à son action. Elle avait réussi cette mission ! Peut-être que Nevra irait même en parler à Valkyon, et celui-ci viendrait la féliciter ? Mais il ne fallait pas qu’elle se laisse distraire.
— Vas-y Lulyah, c’est le moment ! s’écria Nevra, ayant repris ses distances pour éviter de se faire aplatir par la chute du monstre. Finis-en !
La concernée approuva d’un signe de tête et leva une nouvelle fois son marteau, regardant le troll, toujours déboussolé, à ses pieds. Il lui suffisait d’abattre encore son arme sur son crâne, et tout serait fini. Cependant, elle suspendit son action, alors que de nombreux doutes venaient l’étreindre. Si elle terminait son geste, elle allait le tuer. Et bien que cette créature soit dangereuse, c’était avant tout un être vivant. Était-elle vraiment obligée de le tuer ? N’y avait-il pas une autre solution ?
Elle se mordit la lèvre pour empêcher son corps de trembler, alors qu’elle sentait ses mains devenir moites sur le manche de sa masse. Nevra avait été très clair, il n’y avait pas de place pour le doute ! Si elle ne faisait rien, il risquait d’y avoir encore des victimes dans le village de Yomagris. Et elle ne pouvait pas laisser une telle chose se produire !
Alors qu’elle avait finalement trouvé le courage de mener son action à son terme, le troll poussa un rugissement effroyable, forçant la gardienne à se boucher les oreilles.
— Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?
— Lulyah, attention !
Elle n’eut pas le temps de réagir qu’elle se fit pousser par le vampire, évitant de peu la main de la créature qui avait tenté de la saisir. La jeune femme se releva maladroitement, contemplant avec horreur le troll se remettre sur pieds.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Il vient d’appeler des renforts ! Faut qu’on dégage d’ici ! Cours !
Le vampire ne lui laissa pas le temps de protester, la saisissant par le bras avant de l’entraîner à sa suite. Essayant de suivre du mieux qu’elle pouvait, Lulyah se risqua un coup d’œil par-dessus son épaule. Elle pouvait voir le monstre les prendre en chasse, les bruits sourds de ses pas correspondant avec les battements erratiques de son cœur.
— J-je suis désolée… C’est de ma faute si nous sommes dans cette situation…
— Peu importe, ce n’est pas le moment de savoir qui est en tort, nous en aurons tout le loisir une fois tiré d’affaire. Pour le moment, concentre-toi seulement sur notre fuite !
La faelienne approuva d’un signe de tête, faisant de son mieux pour suivre le rythme imposé par son compagnon tout en chassant toute pensée parasite de son esprit. Cependant, Nevra bifurqua brusquement, leur faisant éviter de peu un coup de gourdin qui les aurait facilement réduits en bouillie. Alors qu’ils reprenaient leurs distances, ils virent trois trolls se dresser face à eux, leur barrant la route.
— Visiblement, celui que nous avons affronté n’était pas la seule sentinelle dans les environs. J’ai été trop négligent.
Lulyah ne répondit rien, son regard passant avec horreur d’un mastodonte à un autre.
— On ne peut rien faire contre tous ces monstres, marmonna-t-elle, tétanisée. On va se faire massacrer…
— Écoute-moi très attentivement ! Je vais faire diversion. Pendant ce temps-là, essaie de t’enfuir vers le village. Cours droit devant toi sans te retourner. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Que-quoi ? Mais… et toi ? Je ne peux pas t’abandonner ! Tu ne vas rien pouvoir faire, seul, face à ces trois colosses !
— Je ne peux pas me battre convenablement si je dois en plus protéger quelqu’un ! Alors, ne discute pas et obéis !
Surprise par ce brusque haussement de ton, la jeune fille se contenta d’approuver d’un signe de tête. Malgré tout, elle ne parvenait pas à chasser la pensée que, si elle le laissait seul, elle ne le reverrait plus jamais. Secouant de nouveau la tête, elle commença à courir, les jambes tremblantes, avant de s’arrêter, nez à nez avec la sentinelle qu’ils avaient déjà affrontée. Désormais, ils étaient complètement encerclés. D’ailleurs, elle put entendre son compagnon jurer dans son dos.
— Nous n’avons pas le choix que de nous battre. Évite au maximum les attaques ennemies. Je vais essayer de te faire une ouverture pour te permettre de t’enfuir.
— D-d’accord…
La jeune femme raffermit sa prise sur son arme alors qu’une seule prière traversait son esprit.
— S’il te plait, Oracle. Aide-nous…
Tous les éléments visuels (header, marteau des séparateurs et couvertures de chapitres) ont été réalisés par @Celsiuss ♥
Dernière modification par Lulyah (Le 18-12-2024 à 13h25)